[Fin Avril - Weekend en fin de journée]
Herschel a passé les qualifications pour être remplaçant dans l'équipe de Quidditch

  Il avait vu par hasard, le jour où il y avait collé une de ses affiches pour la S-DREAM, la demande de Panthéa concernant une potion qui pourrait l'aider à voler. Au début, c'était méchant, mais il n'y avait pas fait attention parce qu'il ne la connaissait pas et pensait que c'était sûrement une blague, mais après avoir apprit à connaître Panthéa et avoir passé petit à petit un peu de son temps chaque semaine, comme par exemple une petite séance où ils s'échangeaient les livres qu'ils s'étaient prêtés et en parlaient, il savait qu'elle n'était pas du genre à faire une blague pour rien, elle était assez discrète et peut-être un peu trop timide. Ça contrastait totalement avec lui, qui était extraverti au possible, mais quand il était avec elle, il avait l'impression qu'elle s'ouvrait un peu plus et qu'il était le seul à pouvoir arriver à un résultat comme ça. Ce n'était sûrement pas vrai, elle devait avoir une foule d'autres amis, mais il espérait quand même qu'avec lui c'était pas pareil. C'était quelque chose qu'il voulait garder pour lui, il n'en avait même pas encore parlé à Blaze et Eliott. Leurs moments où ils parlaient de livre, ou de toute autre chose, c'étaient leurs moments à eux et Herschel voulait que ça le reste le plus longtemps possible, quitte à ce qu'il ne passe plus autant de temps qu'avant à la bibliothèque. 

  Alors il lui avait fait passer un mot en défense, chose qu'il ne s'était jamais autorisé à faire parce qu'il avait peur qu'il ne devienne pas ce biais un mauvais élève et qu'il ne se fasse coller,  et quelques minutes plus tard, il avait reçu une réponse. C'était peut-être stupide pour ceux qui avaient l'habitude de parler en cours ou ces choses là, mais lui, il avait trouvé ça étrange. Il n'avait jamais eu le besoin de ne pas écouter pour faire quelque chose d'autres, et il venait d’apprendre qu'il était bien capable de parler à quelqu'un, Panthéa pour le moment, tout en écoutant la leçon. Ce n'était pas quelque chose qu'il ferait souvent parce que ce n'était pas son genre, mais au moins il savait que ça ne le transformerait pas en cancre et que si c'était fait correctement, ils n'étaient pas vus et donc collés. 

  Il s'était donc posé, un peu en avance, dans le terrain d'entraînement après avoir récupéré deux balais, même s'il n'était pas sûr qu'il volerait, puisqu'il était là pour aider son amie. Il n'était pas un professionnel, loin de là, il n'était même pas sûr qu'il pourrait aider Panthéa mais il avait envie d'essayer, parce que voler c'était faire confiance et qu'il espérait que Panthéa lui ferait assez confiance pour penser qu'elle était capable de voler et pour y arriver. Il n'était pas prof, il n'était pas joueur de Quidditch professionnel, mais il était son ami et c'était ça qui comptait. Il la vit arriver assez vite après qu'il se soit installé et il lui fit un grand sourire accompagné d'un geste de la main.

  -Re-bonjour, dit-il, puisqu'il l'avait déjà vu au mâtin, Panthéa !

Elle avait épinglé le petit mot, quelques mois auparavant, dans la salle commune de Serdaigle sans vraiment y croire. D'ailleurs, pour minimiser ses chances, elle s'était arrangée pour le placer dans un petit coin du tableau en liège. En vérité, elle était désespérée : les cours de vol s'étaient tous soldés par de cuisants échecs, et si tous ses camarades parvenaient désormais à voler correctement, elle était bien la seule à en être encore aux balbutiements du décollage - au grand désarroi de son professeur, c'était évident.
La jeune fille souffrait de vertiges, mais elle n'avait jamais osé le révéler à son professeur, de peur qu'il ne lui interdise définitivement de grimper sur un balai. Il n'était pas dans le caractère de Panthéa d'abandonner, encore moins quand l'ordre lui en était donné, et elle était bien déterminée à faire face à ses peurs mais ça, le vol, c'était autre chose. Et c'était hors de sa portée.

Jusqu'à ce qu'elle rencontre Herschel, un beau jour, près du Lac. Depuis un malheureux accident impliquant des affiches et un petit vivet, les deux Serdaigles avaient passé quelques temps ensemble, d'abord timidement, puis plus régulièrement. Ils s'étaient arrangés, sans vraiment rien plannifier, pour se retrouver au moins une fois par semaine autour d'un goûter ou au détour d'un couloir, parfois dans le parc, pour échanger sur leurs sujets préférés et refaire le monde du haut de leurs onze ans. Panthéa chérissait ses moments de tout son coeur, si bien qu'elle n'en avait parlé à personne, pas même à sa mère à qui pourtant elle disait tout. Ces partages rendaient toutes ses semaines plus intéressantes et agréables, à tel point qu'elle ne pouvait envisager désormais qu'il en soit autrement.
Et c'était à l'occasion d'un cours, un peu plus tard, qu'il lui avait parlé de son petit mot dans la salle commune, et qu'il lui avait proposé de l'aider.
Panthéa avait oublié son petit mot mais elle fut parfaitement ravie de la proposition ! Quand il était à côté d'elle, elle se sentait libre, elle se sentait forte, alors, quoi de mieux pour apprendre à voler que de le faire en sa compagnie ?

Plus facile à dire qu'à faire, cependant. Ce matin-là, elle se leva avec l'estomac plus noué qu'à l'accoutumée et une nausée dont elle n'arrivait pas à se défaire. Mais elle avait pris son courage à deux mains et, après les cours, avait très vite rejoint le jeune garçon au point de rendez-vous : sur le terrain d'entraînement.

Elle l'aperçut de loin. Il lui faisait de grands gestes et arborait un sourire lumineux. Elle lui répondit avec le même sourire, oubliant, sur l'instant, toutes ses craintes.

"Re-bonjour !", lui répondit-elle d'une petite voix. "Euuhm ... Je préfère te prévenir : je n'arrive même pas à décoller." ajouta-t-elle tristement en constatant qu'il avait apporté deux balais. Puis elle déglutit, l'appréhension reprenait le dessus.

  Que Panthéa ait une petite voix, c'était pas vraiment quelque chose de rare, elle était assez timide, même si on pouvait penser qu'elle était imbue, elle ne l'était pas. En revanche, le fait qu'elle ait une petite voix avec lui alors qu'elle lui souriait avant, c'était plus rare et certainement pas normal. Après tous les petits rendez-vous qu'ils s'étaient donnés où ils parlaient de rêves, de ce qu'ils pourraient faire plus tard et même parfois du fait qu'ils iraient naviguer loin d'ici pendant des années pour découvrir toutes les choses que l'Homme ne connaissait pas encore, Panthéa était devenue plus à l'aise avec lui, et il était devenu très rare qu'un des deux dise ou fasse quelque chose que l'autre n’appréciait pas. Ils apprenaient à se connaître, en parlant ou parfois même en restant à côté l'un de l'autre, en lisant. Parfois, ils s'asseyaient dans le parc et lisaient chacun leur livre, sans se parler, mais juste en étant là et c'était très bien comme ça. Et parfois, ils lisaient le même livre en même temps. Ils s’allongeaient quelque part, posaient le livre devant eux et passaient les pages dans un rythme parfait, force de l'habitude. Il lisait plus vite qu'elle, alors quand elle finissait la double page, elle tournait la page qu'elle avait dans la main, sachant que Herschel aurait de toute façon fini de lire. Ces petits moments là étaient parfaits à leur façon. C'est pour ça qu'il savait que quelque chose n'allait pas, dès qu'il la vit. 

  -Ce n'est pas grave, promis, il faut juste apprendre, dit-il en se levant et en déposant une bise contre la joue de son amie. Faut pas stresser, si tu n'y arrive pas, c'est vraiment pas grave, promis. D'accord ? 

  Il plaça le balais à côté de Panthéa, regardant au passage s'il n'y avait pas de craquelures et qu'il y avait aussi assez de brindilles pour qu'elle puisse voler sans danger, si elle en avait la force et l'envie. Il n'allait pas la forcer parce que ce ne serait pas bon pour elle, et puis elle semblait déjà mal à l'idée de décoller, la forcer n'aurait fait que la dégoûter un peu plus du vol, en plus de la faire flipper un peu plus. Et puis, il n'aimait pas quand elle paraissait triste comme ça, il ne l'avait pas souvent vu triste et il espérait bien pouvoir réussir à l'aider du mieux qu'il pourrait.

  -Tu sais comment faire pour récupérer ton balais ? demanda-t-il, sachant que la réponse avait de grandes chances d'être oui, vu qu'elle n'était pas stupide et qu'elle écoutait quand même en cours. 

Entre voler et risquer de se tordre le cou, ou rester allongée par terre à côté de lui, le nez vers le ciel, en imaginant quel plat correspondait le mieux à quel nuage, il n'y avait pas photo, et il s'en aurait fallu de peu pour que la jeune fille décide de faire demi-tour sans plus attendre.
Mais ce n'était pas n'importe qui, c'était Herschel, et ça changeait tout.
Nombreux étaient les moments où les deux enfants étaient ensemble sans s'adresser la parole pendant de très longues minutes. Les mois passaient et ils avaient fini par s'entendre sans même avoir besoin de se parler. Un geste, un regard ... parfois rien. L'un suivait l'autre en silence, et ils finissaient toujours par s'installer quelque part. Panthéa n'arrivait pas à le considérer comme un ami, c'était Herschel, il avait un statut si spécial qu'il n'y avait pas de qualification possible. Ou bien si, peut-être étaient-ils amis, mais le terme lui semblait trop réducteur. La question l'avait plongée dans de profondes reflexions, mais elle ne lui en avait jamais parlé. Ca ne se faisait pas.

Alors, quand il lui déposa une bise sur la joue pour la saluer de nouveau et la rassurer en même temps, elle rosit doucement et retrouva le sourire.

"Je sais comment faire, oui, c'est juste que parfois ça ne marche pas tout de suite ...", dit-elle en se dirigeant à côté du balai qui semblait lui être destiné. Une fois à sa hauteur, elle ôta le manteau qui lui recouvrait les épaules, tendit la main au-dessus du manche en bois, ferma les yeux et se concentra très fort.

"Debout !"

Mais sa voix n'était pas ferme, encore étranglée par l'appréhension qui lui nouait les intestins. Le balai fit mine de se lever mais retomba aussi sec sur le sol.
Elle ne voulait pas montrer à Herschel que tout cela la terrifiait. Et si elle n'arrivait jamais à voler ? Est-ce que certains sorciers ne voyageaient qu'en cheminée ? Est-ce qu'elle pourrait prendre le train comme les Moldus ? Est-ce qu'elle serait retenue dans les livres d'histoire comme la seule sorcière incapable d'appeler son balai ?
Les larmes montaient déjà mais elle les retenait avec beaucoup de volonté. Il n'était pas question qu'elle lâche, surtout pas devant lui.

"Debout !", répéta-t-elle avec un ton qu'elle avait imaginé plus ferme, mais seule une voix cassée passa ses lèvres, et le balai ne donna même pas le plus petit signe de vie.
Elle renifla. Il ne fallait pas pleurer !

  Panthéa semblait sur le point d'exploser, comme un volcan, mais ses yeux remplis de larmes lui fendaient le cœur de la pire des manières. Elle semblait vraiment triste de ne pas réussir à prendre son balais, triste ou au bord de la crise de nerfs, en tout cas, aucune des deux solutions ne lui plaisait. Il s'approcha d'elle lentement, comme un animal blessé. Il ne voulait absolument pas lui faire plus de mal qu'il ne lui en avait déjà fait. Il n'aurait jamais dû lui proposer de l'aider, il avait déjà vu ses prestations en cours et la façon dont elle semblait tellement plus triste à chaque fois qu'elle quittait les cours de vol, et lui il lui avait proposé de continuer le massacre de ses sentiments comme une personne aussi méchante que mesquine. Il n'avait pas pensé au fait que ça pourrait la blesser, il n'avait pas pensé à elle, il n'avait été qu'un gros égoïste et n'avait pensé qu'à lui. Si elle n'avait pas confiance en elle, elle ne pourrait pas voler. Si elle n'avait pas confiance en son balais et en ses capacités, elle n'arriverait jamais à voler et faire de cette façon ne l'aiderait pas, il était juste en train de la dégoûter un peu plus du vol sur balais. Pourtant, il savait qu'elle pourrait voler, il en avait la certitude. Elle y arriverait, qu'importe le temps que cela prendrait. Et si elle se révélait douée, tant mieux. Si elle n'aimait pas voler après avoir essayé, cela n'aurait pas été grave non plus. Il y avait tellement de moyens de transports, il ne fallait pas qu'elle s'arrête au vol.

  -Ça va Panthéa ? J'suis désolé, je voulais pas. Regarde moi, il posa ses mains sur ses épaules, faut pas que tu te mettes la pression, y'a pleins de choses qu'on ne sait pas faire et d'autres où on est les meilleurs. Et si jamais on s’entraîne et qu'on y arrive pas, ça veut juste dire qu'on sera meilleur autre part. 

  Il se déplaça à ses côtés et arrangea sa position. Il lui remit les épaules, lui releva la tête et tendit bien son bras devant elle, au dessus du balais. Il mit sa main au dessus de la sienne et dit distinctement :

  -Debout ! 

  Le balais vola dans la main de la fillette et il se remit devant elle. Rougissant comme une tomate, il la prit dans ses bras et plaça sa tête contre son épaule.

  -Je voulais pas te faire te sentir mal, et j'ai pas envie de te faire pleurer non plus. Si tu veux, on arrête. Moi je suis pas fort pour jeter des sorts d'attaque, même si j'essaie. Toi tu es forte dans pleins d'autres choses, j'en suis sûr. 

Ses lèvres tremblaient et sa gorge était si serrée qu'elle n'arrivait plus à articuler quoi que ce soit, dépitée de n'être même pas capable d'appeler son balai.
Pauvre Herschel, il avait pris le temps de tout préparer, les deux balais, le terrain d'entraînement ... il avait pris la peine de tout organiser pour elle, pour l'aider, pour qu'enfin elle puisse voler, et elle ne parvenait même pas à réussir la première étape. Elle était nulle, elle se sentait nulle. Elle allait le décevoir, c'était certain, et qui voudrait être ami avec une fille qui ne savait même pas s'adresser à son balai ?

Elle sentit sa main sur son épaule, bienveillante mais ferme, pleine de confiance. Il lui attrapa le bras, redressa son menton en la faisant regarder loin devant elle, tendit sa main avec elle et prononça à sa place :

"Debout !"

Sa voix à lui était pleine de certitude. Herschel n'avait pas eu l'ombre d'une hésitation quand il avait ordonné au balai de se lever, et vlan ! Avant qu'elle n'ait eu le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle avait le manche dans la main. C'était magique, littéralement. Le moment provoqua un séisme de satisfaction et de joie dans l'esprit de la jeune fille !
Elle s'apprêtait à se confondre en excuses et à le remercier quand il s'était placé face à elle et l'avait entouré de ses bras. Les cheveux du garçon, qui avait appuyé sa tête contre son épaule, lui caressaient doucement le visage, et elle n'osa pas bouger - de peur de faire tomber le balai qu'ils avaient mis tant de temps à placer là, et aussi, de peur qu'Herschel ne prenne son geste comme un éloigement, ce qui aurait été parfaitement atroce.

"Je voulais pas te faire te sentir mal, et j'ai pas envie de te faire pleurer non plus. Si tu veux, on arrête. Moi je suis pas fort pour jeter des sorts d'attaque, même si j'essaie. Toi tu es forte dans pleins d'autres choses, j'en suis sûr."
A ces mots, elle ferma les yeux et appuya doucement son visage contre ses cheveux en rougissant, elle ausi, très fortement. Ca sentait l'herbe, ou la rosée. C'était bon. Elle aurait aimé qu'il reste là encore quelques minutes. L'étreinte était particulièrement rassurante.

Panthéa resserra les doigts autour du balai. Les bras de son ami et ses paroles lui conférèrent un regain de confiance. Elle répondit doucement, avec une voix qui n'était plus du tout triste :

"Je ne veux pas arrêter. Je m'excuse, je ne suis pas triste, promis. C'est juste que ... c'est juste que j'ai peur que tu t'ennuies si je n'arrive pas à voler, et ...". Elle pesa de nouveau ses mots, il semblait très ému lui aussi, et Panthéa sentait que c'était de sa faute à elle. Il s'agissait de ne pas le perdre. "Et même si j'aime pas trop les sorts d'attaque, je suis bonne en sortilèges, alors, si tu veux, je t'apprendrai ça ... si tu veux ?"

Elle parlait sans grande conviction. Lancer un sort, elle savait très bien le faire, mais apprendre à quelqu'un comment le lancer ? Il lui faudrait sans doute beaucoup de travail, mais pour Herschel, elle était prête à tout.

"Tu veux bien rester et m'apprendre ? Au moins pour décoller ?", demanda-t-elle timidement.

  Elle n'avait plus cette fissure dans la voix, et il en fut grandement heureux. Il se détacha d'elle quelques secondes après, restant à quelques pas devant elle. Si elle pouvait lui faire confiance, alors peut-être qu'il pourrait réussir à lui faire prendre confiance en elle et réussir à avoir confiance en ses capacités. Il était content qu'elle lui fasse confiance et qu'elle accepte de rester avec lui et de continuer à essayer. A partir du moment où on avait la motivation de faire quelque chose, on pouvait y arriver parce que quand on voulait, on avait déjà fait la moitié du chemin et il savait que Panthéa réussirait à faire l'autre moitié parce qu'elle était motivée et qu'elle avait vraiment envie de bien faire. Peut-être que justement, elle avait trop envie de réussir et que c'était ça qui la bloquait, ça qui faisait qu'elle avait peur d'échouer et de ne jamais réussir. Elle se mettait trop la pression alors qu'elle n'avait pas à le faire, elle était motivée et il était certain qu'elle allait y arriver, ce qui bloquait, c'était qu'elle avait peur d'échouer. 

  -Je ne m'ennuierais jamais avec toi, jamais jamais, promis. Tu me fais confiance ? Moi je te fais confiance et je sais que tu peux y arriver. Faut pas que tu te mettes la pression. Il pointa l'endroit où se trouvait son cœur. Là, je sais que tu as assez de force pour réussir, faut juste que ça, ça arrive à faire croire à ça, il posa un doigt sur son front, que tu peux y arriver parce que je sais que tu vas réussir. D'accord ? Tu dois avoir confiance en toi, parce que t'as les capacités de réussir. 

  Il n'était pas un pro, vraiment pas, même pour aider les autres ou pour les faire reprendre confiance en eux. C'était pas son métier ni même la chose pour laquelle il était le plus fort. Mais il essayait. Il fallait toujours essayer parce qu'on ne pouvait jamais savoir si quelque chose nous serait impossible si on essayait pas toutes les façons possibles d'y arriver. On lui avait toujours apprit à avoir confiance en ses capacité sans pour autant les montrer à tout le monde pour ne pas être imbu de soi. Il savait que ce n'était pas une mauvaise chose d'avoir conscience qu'on pouvait faire des choses de bien, ça devenait une mauvaise chose à partir du moment où on s'en ventait trop et que ça finissait pas faire du mal aux gens qui se sentaient inférieur. 

  -Je suis sûr qu'avec toi, je réussirais à lancer des sorts que j'arrive pas à lancer. Tu te mets en position pour décoller ? Il lui fit un grand sourire qu'il espérait encourageant. 

La pression de son doigt contre son front lui arracha un rire léger. Herschel avait le dont pour toujours trouver une belle tournure de phrase, ou pour rendre simple toutes les choses que Panthéa trouvait compliquées.
Elle l'écoutait religieusement. Il ne s'agissait peut-être pas d'un cours à proprement parlé mais il se tenait droit devant elle, comme l'aurait fait un professeur, tout en lui parlant sur un ton très habituel et familier. Panthéa était très impressionnée. Elle opina lorsqu'il lui demanda de se mettre en position de décollage - il lui était très difficile de ne pas être une élève modèle en toute circonstance.

Jambe droite par dessus le manche ... Check. Les deux mains sur le balai : check. Quoi d'autre ? Ah oui, pas trop en avant, pas trop penchée ... pas trop crispée...
Son coeur battait de plus en plus fort. Elle pouvait le sentir, comme s'il voulait s'échapper de sa poitrine et retourner le plus vite possible au fond de son lit - ou des toilettes, la nausée commençait à la gagner aussi.
Elle déglutit et repassa à toute vitesse dans sa tête les étapes que son professeur n'avait cessé de lui répéter : vérifier sa position, vérifier que le terrain soit bien dégagé en face et au-dessus d'elle. Panthéa avait une bonne mémoire et retenait parfaitement la théorie, mais la mise en pratique, c'était autre chose. La perspective de devoir ensuite frapper le sol du pied pour pouvoir s'envoler provoquait déjà en elle une sensation de vertige et elle fut prise de tremblements incontrôlés.

"Euuhm ... je ... je frappe tout doucement, c'est ça ?", demanda-t-elle à Herschel en tournant vers lui un visage marqué par l'inquiétude. "Pour ne pas décoller trop vite ou trop haut, c'est ça ? Mais je ne sais pas si je suis bien assise, j'ai tendance à être trop en avant je crois."

Elle devançait toutes ses potentielles remarques. Non pas pour gagner du temps, mais plutôt parce qu'elle était convaincue que la moindre erreur l'enverrait tout droit dans le ciel, si haut qu'elle finirait par tomber et mourir dans la chute - son imagination était débordante, et elle avait déjà envisagé mille manières différentes de mourir sur un balai.
Elle repensa à son père et à toutes ses mises en garde. Edwin lui-même n'était qu'un piètre voltigeur sur un balai. Il retenait même des souvenirs douloureux de tous ses entraînements à Poudlard. Ces histoires étaient sans doute pour quelque chose dans la peur panique que ressentait Panthéa à ce moment-là.

  Panthéa ria mais sembla par la suite tout autant stressée et mal qu'avant. Il ne savait pas si son petit discours improvisé l'avait aidé ou si ça n'avait absolument rien changé, puisqu'elle ne semblait pas montrer de signes d'aller mieux. Pourtant, elle se mit en position et regarda autour d'elle, elle savait donc la théorie sur le bout des doigts, donc ce n'était pas ça qui clochait, mais bien autre chose, puisque sinon elle arriverait déjà à voler comme une cheffe depuis bine longtemps. Il avait du mal à comprendre ce qui pouvait clocher dans sa façon de voler, en extérieur, pourtant, tout semblait parfait. C'était bien qu'il devait y avoir une grosse tempête autant dans sa tête que dans son cœur pour qu'elle ait si peur de voler, ou de ne pas réussir à le faire. Pourtant personne ne lui mettait la pression, à part peut-être elle. Elle semblait être la seule à pouvoir sortir de ce cercle vicieux pour avoir confiance puisque tout ce qui n'allait pas se passait dans sa tête. 

  S'ils avaient eu le droit, peut-être qu'elle aurait été plus à l'aise sur un tapis volant ? Malheureusement on ne pouvait pas faire ça ici. Et peut-être tout simplement qu'elle avait le vertige, il ne lui avait pas demandé mais la raison était peut-être simplement celle-ci, et c'était pourquoi elle ne voulait pas voler, parce qu'elle avait peut-être la peur du vide, la peur de tomber et de se briser le cou par terre. Il savait que Anna avait la peur du vide, tellement grande que quand elle montait sur une chaise, elle avait peur. La famille essayait de l'aider du mieux qu'elle pouvait mais les peurs sont les peurs et on ne peut pas les éradiquer complètement. Au bout du compte, maintenant, elle arrivait à monter sur la table sans avoir peur quand quelqu'un de la famille était à côté d'elle, mais quand elle était toute seule elle en était presque à hyper-ventiler. 

  -Panthéa, dit-il en posa sa main sur la sienne, est-ce que tu as le vertige ou la peur du vide ? Ta position est bonne, en fait, et tu connais toute la théorie. C'est la confiance qui bloque. On ne te laissera pas tomber, et si jamais, je te rattraperais d'accord ? Mais tu n'as rien à craindre, ton balais et ta posture vont bien, si tu te déstresse, tout ira bien, je te le promet. Mais si tu as peur, tu le dis d'accord ? Il ne faut pas te forcer d'accord ? Et puis, ce serait nul que tu te blesse, alors je suis là d'accord ? Si tu as peur, je te force pas, on arrête et on ira lire, d'accord ? 

Toujours aussi perspicace. Herschel avait mis le doigt dans la plaie béante. C'était toujours comme ça entre eux : pas besoin de parler, ils devinaient. Les pensées, les rêves, les chagrins ... les blessures. Il avait deviné juste en la regardant.
Elle se sentit très vulnérable. Son père avait insisté sur ce point : vaincre son vertige, ne pas montrer aux autres que l'on a peur, ravaler sa fierté et grimper sur le balai sans y penser, attendre que le cours passe, redescendre et ne plus en parler. S'il avait été capable de le faire, alors elle aussi, vertige ou non ! C'était ça, le courage : vaincre ses peurs et aller de l'avant.

Panthéa n'était pas courageuse, elle en était persuadée.

Mais le jeune garçon n'était pas son père, ni son professeur. Et il n'avait pas dit ça avec méchanceté. Toutes ses paroles étaient rassurantes, bienveillantes, prononcées avec une voix très douce et apaisante. Alors ... Alors pourquoi elle avait encore envie de pleurer ?

Elle déglutit douloureusement et ravala ses larmes, baissant la tête pour qu'il ne s'en aperçoive pas.

"Oui.", parvint-elle à dire sans s'étrangler ni pleurer. "J'ai ... j'ai le vertige."

Et c'était tout. Elle restait là, le balai entre ses jambes flageolantes. Elle n'osait pas le regarder de peur que la moindre émotion qu'elle pourrait lire sur le visage d'Herschel la ferait éclater en sanglots.

"J'ai peur." C'était la première fois qu'elle avouait cela à qui que ce soit. La première fois qu'elle s'ouvrait complètement et montrait l'une de ses plus grandes faiblesses. Mais le dire à voix haute la fit se sentir étrangement mieux, comme si le poids d'un très très lourd secret s'était envolé de ses épaules. Comme si ...

Comme si elle aussi, elle pouvait voler.

"Mais je n'ai pas peur si tu es là.", lui dit-elle alors. Elle n'avait aucune envie d'arrêter. Ils s'arrêteraient après, quand elle aurait appris à décoller sans avoir peur. La force de son aveu et la présence du jeune garçon près d'elle firent voler la perspective de mourir en éclats. Elle parvint même à lui adresser un petit sourire après s'être essuyé grossièrement le nez.

"Comment je dois frapper, alors ?"

C'était lui le professeur. Grâce à lui, elle en était certaine, elle pourrait voler !