Deux mois. Cela fait déjà deux mois que j'arpente le château.
Découvrant. Encore et encore. Ses cours. Ses repas.
Même ses élèves, bien que mon entourage réside quasiment nul.
Comme à son habitude, Aucun signe de vie.
Mon cœur demeure désert, Evidemment.
Heureusement, ses secrets, parfois, viennent à moi.
Mais je ne suis pas encore venue de mon plein gré au plus essentiel d'entre eux.
La course de Balais. Ils appellent cela Quidditch.
Etymologie introuvable m'ont dit les nombreux bouquins que j'ai parcouru.
A la recherche d'un quelconque sens à ce mot. A tout cela, par la même occasion.
Je ne parviens toujours pas à comprendre la raison de mon séjour ici.
Pourtant consciente qu'il n'y a rien à comprendre.
Et que je ne me suis jamais sentie plus à ma place qu'ici.

Paradoxale m'a-t-elle dit, je suis particulièrement seule.
Et c'est beaucoup dire, lorsqu'il s'agit de moi.
Mais de cela, je me fous éperdument.
Ca trotte simplement dans ma tête.
A l'instar des foutues mélodies de Celestina Moldubec.
Lorsque c'est jour de fête, chez grand-mère Capu.
Oh ça oui, son saleté de bec ne peut être que celui d'un Moldu.

Je souris légèrement à l'évocation de ce souvenir.
Enfin. Ce n'est pas une réelle évocation.
Je ne parle pas. Je suis seule.
C'est sûrement pour ça que j'arrive si vite à destination, d'ailleurs.
Devant moi, trois anneaux. Moyen, Petit, Grand.
Celui-là sera pour moi, un jour.
Pas tout de suite, naturellement.
La première année est si nulle, décidément.
En tous les cas, tant que je serai présente, il ne sera à personne d'autre.
Non, cela ne l'empêche pas.

Ainsi, je m'assieds dans l'une des tribunes.
Enfin dans l'une, pas n'importe laquelle.
Dans la tribune des Serpentards.
Aujourd'hui a lieu l'entraînement des Poufsouffles.
Je le sais, car je l'ai entendu dans les couloirs.
Une rouquine à peine plus grande que moi et sa blondasse d'amie.
Amie. Que cela peut-il bien signifier ?
Si ce n'est obligation, dépendance.
Eclair Rouge vif, peu discret.
Tremble & Snallygaster ne supportent pas mes réflexions.
Cela leur donne envie de se rebeller.
Heureusement que je suis seule, que la tribune est absolument vide.
Il faut dire que Serpentard prête autant d'attention à Poufsouffle qu'à un Gnôme de jardin.
J'ai cru comprendre qu'ils n'étaient pas des adversaires de taille.
Pas les plus braves, pas les plus intrépides, encore moins les plus malins.
Il n'ont aucune chance.
Cela m'aide à relativiser quant à mon prochain acte.
Rictusempra.
A moins que je n'ai jamais culpabilisé.

Une tache orange se tortille à une dixaine de mètres du sol.
Il me semble qu'il s'agit de la blondasse.
Celle des couloirs.
A mon tour de tenter d'étouffer un rire.
S'être levée de si bonne heure en vaut bien la peine.
Je donnerais les plus rares de mes Chocogrenouille rien que pour ça.
Enfin, c'est déjà beaucoup.
Il ne s'agit pas que de rires incontrôlable.
Il s'agit d'une hauteur vertigineuse.
De coéquipiers en totale incompréhension.
D'une fille morte de honte.
Et de ..

Un raclement de gorge m'interrompt.

Le givre emprisonnant les petits brins d’herbe d’une coquille glacée, figeant leur position dans des courbures improbables et tordues crissait au rythme des pas, sous les semelles de Leo. Autre témoignage de sa progression: les petits nuages de buée blanche, translucides à l'aspect semblable  à celui des fantômes qui peuplaient les châteaux; nuages flottant quelques instants, puis s’atténuant jusqu’à disparaître pour laisser place à un autre, la prochaine expiration. Le froid commençait à s’installer sur l’île de  Grande-Bretagne. Novembre, déjà, troisième mois de la nouvelle année scolaire. Merlin, que le temps passait vite.

Vêtue d’un pull en laine aux couleurs de sa maison tricoté par sa Gran’Ma, en laine de mouton écossaise: c’était ce qu’il y a de mieux pour combattre un hiver en approche. Leo marchait en direction du terrain d’entraînement de Quidditch. Pourtant, le rouge et or de son vêtement ne correspondait pas aux robes des joueurs qui y évoluaient. Poufsouffle. Fichus blaireaux. La saison précédente, le match opposant les deux maisons s’était achevé sur un égalité. Pas de gagnant, ce qu’il y avait de pire. Conclusion: faire mieux cette année. Pour commencer, la gamine avait décidé d’assister à certains de leurs entraînements. Y passer du temps ne lui  posait aucun problème. En effet, tout ce qui touchait au scolaire n’était vraiment pas sa tasse de thé. De toute manière ses devoirs moisissaient quelque part, oubliés et vierges. Et puis, Leo s’ennuyait, d’un ennui affreux  dont les heures de pratique semblaient s’étirer à la manière d’un chewing-gum. Par conséquent, priorité numéro une: s’amuser. Moyen employé: Quidditch ou dérivé.

Compte tenu de l’heure matinale, Leo fut étonnée de ne pas trouver les tribunes vides. D’autant plus que le banc occupé se trouvait indéniablement dans le coin de Serpentard. Une erreur semblait improbable, on ne se trompait pas dans ce genre de choses, du moins d’après Leo. Un certain intérêt se dessina tout de même sur le visage de la rouquine. Elle s’approcha de la fillette assise.

Leo était presque arrivée à hauteur de la fille. Elle ne semblait pas l’avoir remarquée. Après tout, le bois des tribunes absorbait le bruit de ses pas  déjà naturellement souples et silencieux. Soudain, Miss Serpentard sortit sa baguette, la pointa sur une joueuse et prononça une formule que Leo put entendre. Une joueuse tomba du ciel, oiseau abattu, se tortillant à présent à de rire, au sol. Ébahie, Leo s’arrêta. Wouah, bien visé. 
Maintenant, c’était décidé. L’anglaise se planta devant sa camarade. Son visage était neutre, mais les deux fossettes qui se creusaient dans ses joues trahissaient l’ombre du sourire qui ornait sa face.
 « Alors la Serpentard, comme ça on s’entraîne aux tricheries pour le prochain match? » 

Je pourrais me vexer, lui lancer une pic cinglante question d'habitude.
C'est d'ailleurs ce que je m'apprête à faire jusqu'à ce que je lance un regard de côté.
Un garçon, un rouquin encore une fois, un peu plus grand que moi.
Il sourit légèrement, j'aime bien son sourire, il me donne le sentiment qu'il est fiable.
Non, Elle. Une fille sans aucun doute, au vu de sa voix et des traits de son visage aussi.
Je m'en veux de m'être laissée abusée par mes stéréotypes. Foutue éducation.
Téah m'avait pourtant dit qu'en sortant du manoir, en m'ouvrant sur le monde,
Les gens ne seraient pas comme on nous l'a appris dans notre zone restreinte.
Les filles n'ont pas toutes des cheveux longs et coupés droits.
Ce qui est sûr, c'est qu'elle a plus de cran que moi. Tout me l'indique.
Je me fais presque la promesse de me raser la tête en rentrant aux cachots.

L'inconnue m'a lancé une remarque, c'est sûr.
Mais mise à part un Poufsouffle, qui ne le ferait pas face au spectacle que j'offre ?
Même si je lui expliquais que je n'essaie pas à trafiquer les matchs à venir,
Ce serait dur à croire. Car qui s'amuse d'une telle façon à part moi ?
Cela me fait réfléchir sur son geste, je pourrais avoir de sérieux ennuis.
Mon comportement pourrait même compter des points à ma maison.
Oh, il est sûr que c'est aussi le cas pour la plupart de mes comportements.
Mais là, on parle de tricherie au vue de la Coupe des Maison.
On pourrait nous en retirer au moins une cinquantaine.
Pas que je doive quoi que ce soit aux Serpentards,
Mais quelque chose me dit que mes camarades pourraient me le faire amèrement regretter.
Je ne tiens pas à porter le bonnet d'âne pour les mois à venir.
De plus, que dirais-je à Grand-Mère Capu si on ne l'a pas gagnée fin d'année ?
Par surcroît si c'et à cause de moi.
Je ne me retourne pas pour lui répondre :

- Une occasion inespérée pour une Gryffondor de faire perdre des points à ses concurrents les plus directs, n'est-ce pas ?

J'ai tenté de dire ça d'un air détaché. Amusé même. Et quelque part, je le suis.
La tournure que prend la situation m'amuse.
De plus, l'inconnue ne me paraît pas hostile. Plutôt sur la même longueur d'onde.
Et puis, ce n'est pas une Poufsouffle.
Sa chevelure est presque aussi rouge que son insigne à la robe.
Avec un peu de chance, elle est plus du genre à se mêler de ses affaires qu'à rafler des points.
Mais ce serait mentir que de dire qu'elle ne m'angoisse pas un peu.
Je lui lance un regard du coin de l'oeil, masqué par quelques mèches qui ressortent de ma queue basse pour l'interroger sur ses intentions.

La fossette droite disparaissait lentement, tandis que la gauche se creusait d’avantage. L’ombre du sourire s’était lentement défini puis étiré, jusqu’à ce qu’un demi-sourire, rictus railleur accompagné d’un petit air suffisant mais sans aucun soupçon de méchanceté, se nicha au creux de la commissure de ses lèvres. Alors comme ça, j’ai une tête de cafteuse?

Leo planta une main sur sa hanche, tandis qu’elle secoua la tête. Les boucles volèrent d’un côté à l’autre, des mèches tombèrent devant ses yeux, l’empêchant ainsi de voir durant les quelques instants de se signal négatif. Puis, sa vision se stabilisa à nouveau. D’un geste rapide, la rousse balaya les dernières boucles qui striaient toujours sa vue. Tandis qu’elle penchait la tête de côté, ses prunelles scrutèrent la Serpentard à laquelle elle faisait face. Cette concurrente directe, comme l’autre l’appelait. Progressivement, les deux saphirs glissèrent en direction du terrain. La joueuse semblait s’en remettre. Pff, qu’elle idée! Bien rapidement, ce fut à nouveau la brune qui put bénéficier de l’entière attention de la Gryffondor. Bien que le sort était tout sauf innocent, la lanceuse était et restait celle qui titillait la curiosité de la rouge et or.

« Te dénoncer. Hmmm, je pourrais. »

Effectivement, Leo aurait pu partir à la recherche d’un Professeur pour lui rapporter ce qu’elle avait observé. Mais le temps qu’elle gagne le château, la Serpentard aurait sûrement déjà disparu. D’ailleurs, elle n’aurait même pas pu citer son nom, faute de le connaître. Et de toute manière, jusqu’à ce que la fille évoque l’idée, celle-ci n’avait nullement ne serait ce qu’effleuré l’esprit de Leo. Aucune raison de le faire, donc.

« Tu sais, rapporter c’est un truc de Serpentard. Pas b’soin de faire ça pour gagner des points à Gryffondor  »

Leo avait un peu embelli l’image. Sûrement que de nombreux élèves de sa maison pourraient être désignés par cette affirmation. Elle-même en revanche faisait certainement pas parti de ceux qui ayant une montagne de rubis sur le compte. Mais la Serpentard ne le savait sûrement pas, et ce n’était pas ça qui lui importait à l’instant. Le regard hâlé de curiosité, Leo enchaîna rapidement:

« Tu la connais? Et pourquoi lui avoir lancé le sort?  »

Son ton alliait étonnement à amusement. Sûrement aussi une certaine forme d’insolence. Après tout, dénoncer était peut-être ce qu’elle aurait du faire. Et au lien de ça, elle ne pouvait s’empêcher d’admirer l’audace et le Rictusempra bien lancé de la Serpentard. Elle n’avait même pas l’air particulièrement désolée. Mais au fond, pourquoi l’aurait-elle été. Si c’était pour à avoir mauvaise conscience par la suite, elle n’aurait sûrement pas fait usage de sa magie pour toucher une fille d’un sortilège. Aussi insolent que l’action était insolite.

Elle reconnaît qu'elle pourrait me dénoncer, mais tout dans son non-verbal m'indique qu'elle n'a pas vraiment le cœur à le faire. Puis elle enchaîne avec une nouvelle vanne sur Serpentard. Y'a que les vipères qui rapportent pour rafler la Coupe. Ah ça, je lui fais pas dire. Dans ma maison, même ceux qui ont la capacité de gagner des points grâce à leur capacités arrivent encore à la jouer mauvaise. Joueurs de Quidditch, intellos, courageux. Ils y passent tous. Ils crèvent la dalle, on dirait bien. J'me demande si ça fait des siècles que c'est comme ça ou si c'est juste la nouvelle génération.

J'me questionne aussi à propos de c'que Salazar en penserait. Même si toute ma famille le vénère lui et ses valeurs, y paraît qu'c'est juste un vieil extrémiste colérique. Qu'il était pas aussi beau que ce qu'on raconte. Qu'il vivait dans des marrais boueux et humides. Pas la grande classe. Bah c'est vrai qu'en y réfléchissant, partir de l'école en coup de vent parce qu'on était pas d'accord avec lui et créer une chambre forte où réside un monstre pour se venger sur les élèves de l'établissement, c'est peut-être le seul échantillon fiable de son parcours qu'on a pu recueillir ces cinquante dernières années et il nous montre clairement qu'il manquait un peu de self-contrôle, le gamin.

Enfin bref, faut croire que j'ai été envoyé chez lui. Alors, mieux vaut garder mes idées pour moi .. surtout si c'est pour rabaisser ma maison au profit d'une autre.

- Ouais, un truc de Serpentard .. en attendant c'est nous qui avons gagné la coupe l'année passée, je charrie l'inconnue alors que je ne pense intimement pas que notre ambition justifie nos moyens.

J'ai toujours eu l'habitude de faire l'avocat du diable. Même si le diable, c'était moi. Surtout s'il faisait partie des miens. Je défends souvent des causes en lesquelles je ne crois pas vraiment. Question d'habitude. Auto-préservation, sûrement. Une des raisons pour lesquelles j'ai été envoyé chez les Serpents pour mon plus grand malheur, j'imagine. De toutes façons, excepté les défendre verbalement, je ne fais jamais rien pour leur compte. J'ai gagné si peu de points ces derniers-mois que c'en est presque affligeant. Et la meilleure, c'est que je n'en ai rien à faire. Je ne ressens pas de sentiment d'appartenance envers eux.
La rouquine continue sur un ton plus léger, bien que teinté de curiosité. D'amusement ? Elle me questionne. Sauf que je ne peux pas vraiment lui répondre. Non, je ne la connais pas. Je ne sais pas pourquoi je lui ai lancé ce Maléfice, mais ça m'a bien fait rigolé. Mieux vaut ne pas être prise pour une névrosée dès notre premier échange. Surtout dans la posture où je suis.

- Oh oui, je la connais vaguement. Une de ces pestes de Poufsouffle, je réponds évasivement, Victoire Miller. Je ne l'aime pas trop, et elle me le rend bien.

Je dévisage discrètement mon interlocutrice et finis par lui sourire.

- Tu vas finir penser que j'ai vraiment une dent contre les autres maisons, il ne reste plus que Serdaigle, je blague.