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03 mai 2020, 13:44
Limbes en Filaments  Privé 
14 janvier 2044,
Près du Stade de Quidditch, Poudlard,
Juste après le match Serdaigle-Poufsouffle.


Ton pas est lourd, bruyant. Il a perdu cette grâce, ne dégage plus cette impression de légèreté féline, qui le caractérisait autrefois. Il fut beau, mais désormais il évoque davantage une démarche désespérée. C’est un pâle reflet, à mille lieues de ce qu’il fut auparavant.

Tes bottes frappent le sol dur et froid, gelé par la colère de Janvier. Elles ne s’enfoncent pas, bien au contraire, et la violence avec laquelle tu poses tes talons sur la terre diffuse une onde de douleur dans tes jambes à chaque pas. Pas le moindre brin d’herbe, seulement une étendue marronnâtre, dépourvue de vie, parfois ponctuée de tâches de neiges qui brisent la monotonie du paysage, qui s'étale devant tes yeux.

Tu as froid. Comme si la neige, percevant ta colère, s’immisçait sous tes vêtements, prenait possession de ta peau et la transformait en blocs de glace. Comme si, amusée de te sentir si faible, elle profitait de sa supériorité. Comme si elle voyait avec plaisir ta haine surgir peu à peu et prendre toute la place.
Tu entendrais presque son rire retentir, pour te déchirer les tympans.

Tes articulations sont tétanisées. Bloquées. Tu ne peux plus déplier les doigts, les étirer et observer tes phalanges si inutiles. Tu ne peux pas desserrer les poings, pour calmer un tant soit peu ta colère. Tu n’y songes même pas vraiment.
Ta main, comme l’intégralité de ton corps, est pâle et frêle, et paraît presque malade. Tes doigts longs, fins, aux ongles coupés courts, sont chétifs et semblent prêts à casser.
Pas assez puissante, pitoyable, voilà ces adjectifs qui te définissent. Négligeable, inefficace, cassée. Voilà ce que tu es, finalement. Tu ne sers à rien, tu te brises en morceaux au moindre coup, et tu t’en veux pendant une éternité après. Tu ne sais te reconstruire entièrement lorsque les Autres te font du mal, mais c’est de ta faute ; tu ne peux pas leur faire face.

Ils sont bien trop fort pour le petit être à l’âme recroquevillée qui tente tant bien que mal d’avancer, la démarche chancelante, sur le chemin de sa vie. Ils l’abîment si vite. Ils s’amusent de ses failles, se rient de ses maigres protestations.
L’Être fait pitié. L’Être n’est pas à leur hauteur. L’Être doit mourir, il ne sait pas tenir debout. Et sa colère est aussi drôle à contempler que son désespoir. Sa haine grandissante est adorable. Le voir se débattre face à ses propres peurs est si attendrissant. On l’observe comme une bête de foire, on la fixe et on rit.
L’Être ne mérite aucune aide, il doit seulement se laisser railler puis aller mourir dans son coin.

Tu es perdue. Complètement, irrémédiablement, larguée. A la croisée des chemins, au centre du carrefour que forme l’inextricable écheveau des destins possibles, tu te tiens et tu t’es arrêtée. Tu hésites sur la marche à suivre.
Devant toi se déroule un sentier sombre, dont l’extrémité n’est pas discernable, trop lointaine, trop envahie de ténèbres. C’est la Haine.
Derrière toi, le Passé. Ses embûches encore semées sur la terre fraichement foulée.
A gauche, l’Optimisme, auquel tu ne parviens même pas à accorder un regard. Il est trop lumineux, trop éblouissant. Tu ne peux pas te résoudre à l’emprunter, il est trop large, trop parcouru.
A droite, un immense précipice. Un infini brumeux, limbes de présent et d’avenir entremêlés, qui t’appelle en même temps qu’il te répulse. Un univers à découvrir, dans lequel ne se jettent que les plus désespérés, qui engloutit celui qui ose se présenter devant lui. Quelque chose qui ferait de toi un esprit oublié, un souvenir vague presque évaporé, une conscience dissoute. Un possible que tu ne peux envisager, qui te donne presque envie de pleurer.

Tu ne sais pas où tu es, tu ne sais pas où tu vas. Tu es peut-être immobilisée, au milieu de parc, vêtue de ta robe presque propre tant elle n’a pas servi, ou bien tu continue de frapper tes talons par terre, avec le maigre espoir que cette violence évacuera ton désir de tuer le moindre Autre qui se dresse devant toi.
Tu as quitté le Stade, il y a une éternité, ou seulement il y a quelques secondes, et tu as commencé à marcher, sans direction particulière.
Hésitant sur ta destinée, sur l’issue que tu prendras, devisant sur ton avenir compromis par l’humiliation que tu viens de subir.
Les poings toujours serrés, seul indicateur de ta colère grandissante, de ton envie de hurler.

Avec une certitude tournoyante, qui, indécise, se demande si elle peut s’imposer brusquement à toi.
Toute cette humiliation, tous ces espoirs brisés, toutes ces actions que tu avais travaillées mais que tu n’as pas pu effectuer, c’est de Sa faute. Ce sont Ses yeux qui t’ont empêchée de voler comme tu l’as appris. C’est Son visage qui t’a déroutée.
Tout est de Sa faute, c’est bien plus simple de penser cela. C’est à cause d’Elle que tu n’as rien pu faire. C’est à cause d’Elle que tu t’es ridiculisée. C’est à cause d’Elle si tu as passé ton premier match assise sur les bancs des remplaçants.

*Tout est d’Sa faute.*

Tes pensées ne se dirigent plus que contre un seul visage. Elles se montent contre lui, n’espèrent plus qu’une chose ; le voir brisé. Elles le haïssent soudainement, alors qu’elles l’admiraient autrefois. Elles veulent que sa moue légèrement hautaine disparaisse. Que ton poing envoie valser ses certitudes, pour qu’elle comprenne. Pour qu’elle admette enfin qu’elle est déjà Morte, pour qu’elle avoue que si elle ne t’a jamais répondu c’est parce qu’elle avait peur.
Elle. L’Autre qui a tenu ton violon. Celle qui l’a serré contre elle, qui a caressé son bois sombre.

*Tout est d’Sa faute !*

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ent‘r‘êvée

04 mai 2020, 18:22
Limbes en Filaments  Privé 
14 janvier 2045
Parc — Poudlard
4ème année



Le froid me fait trembler. Mais l’agacement me réchauffe. Dans mon esprit, j’imagine de mille façons de faire payer à Mcwood son affront. Toutes les boules de neige qu’elle m’a envoyé sont comme des insultes. Chacune d’elles s’est inscrite dans mon coeur et un jour je les lui renverrais au centuple. Ce que je peux détester cette fille.

« Tu nous accompagnes dans la Grande Salle, Ely ? »

Je me tourne vaguement vers Aodren qui marche près de moi, main dans la main avec Quétrilla. Étrangement, cette vision ne me dérange plus autant qu’avant. Ces deux mains enlacées. Peut-être me suis-je habituée. Le regard de mon frère est insistant. Il aimerait que je vienne, je crois, que je les accompagne dans la Grande Salle pour… Pour quoi ? Je jette un regard désabusé vers Jace qui me matte avec son grand sourire.

« Pourquoi faire ? demandé-je du bout des lèvres.
Bah traîner. »

Après le regard désabusé, c’est une grimace accablée que j’offre au Gryffondor souriant. Traîner, ça veut dire quoi ? Traîner comme tous ces idiots qui n’ont rien de mieux à faire que jouer aux échecs, discuter vainement et… Et… Que font-ils d’autres ? Aucune idée.

« Non, réponds-je simplement en détournant les yeux pour ne pas voir la déception d’Aodren. Je dois étudier.
Tu fais que ça, étudier, souffla Quétrilla en se penchant pour me voir. Tu ne veux pas faire une pause ? »

Un soupir me soulève les épaules. Merde, d’habitude Quétrilla me fiche la paix, elle n’insiste pas. C’est même elle qui engueule Jace et Ao quand ils me les brisent pour que je les accompagne quelque part. Elle n’est plus de mon côté et cela m’agace étrangement. Puisqu’elle ne me comprend plus, je la considérerais comme les autres : avec mépris.

« Pas besoin d’insister, intervient Aodren avant que je ne puisse dire quoi que ce soit. C’est déjà super que tu sois venue au match. » Il m’offre un petit sourire comme je les déteste : celui qui cache des choses, souvent une grimace de tristesse juste derrière. « On écrit une lettre aux parents, plus tard ? »

J’ai appris qu’écrire une simple lettre en sa compagnie pouvait être agréable. Comme quoi, certaines choses qui n’ont aucune utilité peuvent être intéressantes, parfois. Je laisse un léger sourire m’étirer les lèvres.

« Demain ?
Demain, » acquiesce Aodren.

Refuser leur proposition de les accompagner au château n’est pas difficile. Un simple geste de la tête et les voilà qui détalent sans demander leur reste. Et moi, je reste seule et cela ne me fait même pas mal. Je soupire doucement en reprenant ma marche, laissant la distance se creuser entre le trio et moi-même. Quelques grappes d’élèves marchent près de moi pour remonter au château, mais bientôt je les laisse derrière moi. Je décide d’emprunter un chemin plus long pour rentrer, mais plus tranquille. J’abandonne le sentier, les élèves, le bruit pour rejoindre le parc et ses petites collines frappées par le vent d’hiver. Rapidement, le silence se fait autour de moi ; il m’apaise.

Où vais-je ?
La pensée me trotte dans la tête. Je n’ai pas envie d’aller en Salle Commune et de tomber sur tous les abrutis de Poufsouffle. Les voir au match était déjà trop. Et si je croise Mcwood, je lui explose la tronche contre un mur. Mieux vaut éviter. La bibliothèque ? Mon coeur sursaute. Thalia doit y être. Peut-être avec Zikomo. J’ai bien envie de voir Thalia. *Et si elle fait la tronche ?* ; mon coeur se serre. J’ai peur de Thalia, ces derniers temps. Peur de son comportement. Elle ne me voit plus. Elle ne m’écoute plus. Elle… Je ne sais pas où elle est, mais pas avec moi. *N’y pense pas*. Non, arrête d’y songer. Si tu n’y songes pas, tout redeviendra comme avant, c’est certain.

Une petite silhouette se profile devant moi. Au premier coup d’oeil, je comprends que c’est une joueuse de l’équipe des Bleus. Vaguement, je songe aux choix que j’ai : garder cette vitesse et rester derrière elle (mais devoir me coltiner sa vision) ou accélérer, la dépasser et ainsi avoir l’impression que je suis réellement tranquille. Nul besoin de perdre son temps en conjectures. La décision est simple à prendre. Les Autres sont des poids, des encombrements. Pour ne pas être déranger, il suffit de les faire disparaître. J’accélère donc, mes pensées tournées vers Thalia et mon regard accroché aux façades du château que j’aperçois au loin.

Je m’approche rapidement d’elle. Une fille. C’est à peine si je lui accorde un regard en la dépassant. Je me fiche d’elle, de ce qu’elle, ce qu’elle représente. Si elle m’adresse la parole, je lui ferais comprendre qu’elle ferait mieux de fermer sa gueule. *Voilà*. Elle est derrière moi. Je me sens bien mieux, tout à coup. Emmitouflée dans ma cape et entortillée dans une écharpe aux éclats violets, je continue à avancer. Je me surprends à prier Merlin ; *s’te-plait, fais que Thalia soit normal*. Cela ne sert à rien, mais ça m’apaise.

06 mai 2020, 11:50
Limbes en Filaments  Privé 
La Colère.
Rien d’autre. Elle est désormais la seule habitante de ton esprit.
La Colère.
Elle le peuple d’étranges monstres et de terrifiantes ombres, à mille lieues de celles que tu as pu entrapercevoir avec Petite Ombre.
La Colère.
Elle s’empare de la moindre de tes émotions et la retourne contre toi-même.
La Colère.
Par sa faute tu te hais. Tu Les hais. Et surtout, tu La hais.
La Colère.
Elle t’étreint de mille tournoiements improbables, te retourne le cœur et le fait tomber à la renverse.
La Colère.
Elle écoute attentivement l’Autre qui s’approche d’un pas que tu ne saurais qualifier. Elle lui jette son regard le plus noir, s’en détourne.
La Colère.
Lancinante, elle se répète en boucle. Une seule mélodie, une seule humeur et une seule conviction. Elle dit sans cesse la même chose, mais tu ne t’en lasses pas ; elle est bien trop envoûtante.
La Colère.
Elle est la terre que tes pieds fouleront lorsque tu t’engageras irrémédiablement sur le Chemin de la Haine, tout droit devant toi, envahi d’embrumes et de ténèbres mouvantes.
La Colère.
Elle ce qui fait trembler tout ton corps, elle est ce qui embrase la terre lorsque l’homme se met à détester. Elle est ce qui prend possession de la raison pour la transformer en folie.
La Colère.
De sa voix doucereuse, sirupeuse, qui dégouline sur ton échine, qui te fait frissonner, elle te murmure à l’oreille de frapper l’Autre, lorsque tu la verras.

La Colère.
Elle t’assure que ce sera beau, l’avenir sans émotions. Qu’il ne sera plus tumultueux comme avant. Qu’il n’y aura plus ces vagues destructrices qui anéantiront tout sur leur passage. Qu’il n’y aura plus ces déserts de ténèbres à traverser avant d’espérer un rayon de Lune.
Elle est persuadée que l’étendue blanchâtre sans consistance sera préférable. Que tu t’y sentiras bien plus à l’aise. Elle te promet que ton destin est bien plus agréable à contempler lorsqu’il est uniforme, libéré des montagnes que tu devais auparavant traverser pour avancer.

La Colère, sœur de la Haine, pose une main aussi légère qu’intimidante sur ton épaule.
Tu ne sais pas vraiment si tu peux lui accorder ta confiance. Si tu peux la lui offrir alors qu’elle a été brisée tant de fois. Alors que tu sais que si l’Émotion te trahit tu ne te relèveras pas.
Tu places en elle l’espoir vain d’avoir un guide. Une lumière pour te mener à une Libération, à une Fin, pour te faire traverser les ténèbres de tes pensées.
Tu lui laisses entrevoir tes failles et sans vraiment t’en rendre compte, lui permets de s’y engouffrer. Tu l’autorises à faire des fissures des gouffres et à envenimer des plaies encore sanguinolentes ou à peine guéries. Elle passe le fil d’un couteau sur les cicatrices de ton âme pour les rouvrir.
Mais tu ne le vois pas. Trop concentrée sur le bonheur que procure cette sensation de ne plus être seule.

Toujours envoûtée par Colère, tu avances. Tu as vaguement entrevu l’Autre te dépasser. Tu l’as ignorée, gardant les yeux baissés, fixés sur tes bottes. Tu n’as pas fait attention à ses cheveux clairs. Tu n’as même pas regardé son visage.
Tu n’as pas reconnu ces mains qui ont tenu un objet plus précieux que ta propre vie. Tu n’as pas accordé un regard à ses doigts qui ont enserré ton instrument. Même pas contemplé sa démarche que Colère ne savait pas définir.
Et pourtant, ton pas s’est accéléré. Il a brusquement changé de vitesse, devenant presque trébuchant.
Il a frôlé l’Autre en la dépassant, sans même que tes yeux hagards ne l’effleurent, t’a fait effectuer un demi-tour sur toi-même.

Et, sans même t’en rendre compte, tu t’es retrouvée face à la Fille. A Celle qui a touché ton violon, à celle qui a parcouru du doigt ses courbes et son bois lisse.
La tête toujours baissée, tu as fixé le sol pour y puiser de la force.
La tête toujours baissée, tu as fermé les poings, enfonçant tes ongles dans tes paumes.
La tête toujours baissée, tu as pris une inspiration hachée.
La tête toujours baissée, tu as serré les dents.
Et tu as perforé de ton regard celui de l’Autre, détruisant de ton hiver ses ténèbres insondables.


« C’est… c’est d’ta faute. »


La Gamine franchit d’un pas décidé le seuil, la limite invisible, séparant le Monde des Vivants de celui des Ombres. Elle avance, un pas puis l’autre, au départ intimidée puis intriguée et enfin à nouveau bouillonnante de vie.
Elle foule de ses pieds bottés la terre fraîche, le terreau de ses sentiments.

La Gamine s’est engagée sur le chemin de la Haine.
Choix. Irrémédiable.
Erreur. Évidente.
Première d’une liste qui ne tardera pas à devenir interminable.
Mais elle ne le sait pas.
Elle se contente d'Exister ; pour une fois.

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ent‘r‘êvée

08 mai 2020, 13:38
Limbes en Filaments  Privé 
Le retour à l’école n’est pas du tout comme je me l’imaginais. A vrai dire, je regrette même un peu d’être partie de la Maison sans ressentir la tristesse habituelle qui m’accompagne quand je dois rentrer au château. Je ne faisais que penser à Thalia et à nos retrouvailles. J’ai gardé son livre dans l’une de mes poches pour lui en reparler ou peut-être pour le lire bien que le sujet ne m’enchante guère. J’étais au bas mot surexcitée. Lorsque j’y repense, je suis un peu honteuse. Et qu’ai-je trouvé en retrouvant Thalia ? Rien du tout. Il m’a fallu plusieurs jours pour comprendre que quelque chose clochait. Plusieurs jours pour saisir que ce qui n’allait pas, c’était son regard. Fuyant, son regard ; inconsistante, sa présence ; inexistante, son écoute. J’étais là, en face d’elle, et pourtant j’avais l’impression qu’elle ne me voyait pas. Cette impression ne m’a toujours pas quitté, même deux semaines après. Lorsque je suis près de Thalia, j’ai l’impression de ne pas être à ma place ; comme si tout ce qu’elle faisait était un moyen de me dire : va-t-en. Mais je me fais des idées, n’est-ce pas ? Thalia ne peut pas me dire ça, pas à moi.

Une ombre passe près de moi. Je lève la tête, surprise, arrachée à mes pensées. L’Autre Bleue me dépasse. C’est tellement rapide que je ne réagis pas. Seule une pensée s’inscrit dans mon esprit : *elle veut faire la course ?*. Mais non, elle ne veut pas faire la course. Elle se retourne et… Mon coeur s’envole avant de s’écraser lamentablement et douloureusement dans mon corps. J’avale une gorgée d’air et dresse les sourcils sur mon front. *Lewis !* hurle ma tête. Je devrais ressentir tout un tas de choses, je devrais être perdue dans ma tête, être perdue dans mon coeur, avoir mal, être en colère. Que sais-je ! Ressentir quelque chose, nom de Merlin !
Mais non.
Rien.
Je la regarde et j’ai l’impression qu’elle n’est même pas là. Contrecoup de la surprise. J’ouvre la bouche et rien n’en sort.

« C’est… c’est d’ta faute. »

Mes yeux se baladent sur son visage, sur ses lèvres, ses yeux, sa peau. Et enfin je reviens à moi.
Lewis se tient devant moi. Lewis qui s’est révélée être pire qu’une Autre. Lewis et ses putains de mots, Lewis et ses putains de croyance. Comment puis-je être surprise de sa présence alors que j’ai tant pensé à elle ces derniers temps ? Non, c’est un mensonge. Je n’ai pas pensé à elle. J’ai pensé à ne pas penser à elle ; j’ai renvoyé son souvenir de mon esprit un bon millier de fois grâce à la technique de la boule de neige. A chaque fois qu’elle apparaissait, je la renvoyais. Aujourd’hui cependant, je ne peux rien faire pour l'éloigner de moi. Rien du tout, puisqu’elle se tient juste face à moi.

Elle arrive sans prévenir. La colère. Elle me déforme le visage, mais je la retiens à temps. Une inspiration et elle se calme, elle s’apaise avant de s’inscrire sur mon visage. Dans ma tête, je fais une boule de tout ce que je ressens. Colère, tristesse, mépris. *’S’fout d’ma gueule avec ses paroles, hein ?*. Violence, déception ; ô déception ! La plus douloureuse. Je lui fous un coup de pied pour ne plus ressentir. *Dégage, dégage*. Je dépose mon regard dans le sien. Oh, regard de glace. *M’avait manqué*. Mensonge. Et je transforme tout ce que je ressens pour n’exprimer qu’une seule chose, la seule chose qu’il est essentiel de ressentir : le mépris, le dégoût qui me soulève l’estomac. Je le laisse s’exprimer sur mon visage ; une moue me tord la bouche et mes sourcils se froncent légèrement.

Tu me fais pitié, Lewis. Je ne sais pas ce que tu veux, je ne sais pas ce que tu me veux, mais moi je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. Je t’ai laissé deux chances de me montrer que tu me comprenais et m’acceptais comme je suis. Deux chances que tu as piétiné sans intelligence. Tu ne m’intéresse plus. Et je me rends compte que c’est particulièrement vrai. J’ai mal et de la voir me donne envie de lui envoyer mon poing dans la tronche, mais… Elle n’a plus aucun intérêt pour moi. Elle n’est plus rien. Une Autre. Une intruse. Une Inconnue. Rien du tout. Et je n’ai pas de temps à perdre pour un Rien.

J’abandonne son regard. D’un geste fluide, je la contourne sans la toucher, comme si elle n’existait pas, et je continue mon chemin sans un regard en arrière. *Te retourne pas* m’ordonne mon esprit *te retourne pas*. Je plonge mes mains dans mes poches pour les empêcher de trembler. Cette fille n’est plus rien, alors avance sans te retourner, barre-toi. Laisse-la se dépatouiller avec ses sentiments minables.

09 mai 2020, 12:20
Limbes en Filaments  Privé 
Tu te dresses face à elle. Tu te déploies de toute la puissance de ta haine, de toute l’étendue de ta colère ; tu la domines par ta volonté. Ta douleur est indiscernable au milieu de la myriade de sentiments qui se font la guerre dans ton esprit, se fond dans la masse – pour une fois.
Ta raison s’embrase et se transforme, et le feu qui la saisit détruit toutes les pensées logiques qui voudraient se frayer un chemin dans la ruine qu’est désormais ta conscience.
Comme un souffle de vie, elle les anéantit, les réduit à l’état de poussières, les écrase et les enterre.
Comme une explosion, elle flambe haut et fort dans un vacarme infernal, dans une tourmente chaque instant plus terrible.
Les flammes sont hautes et claires, illuminant d’une lueur rougeâtre ton avenir, révélant sous tes pas la terre noire, les ombres endormies qui émergent lorsque tes bottes les écrasent, qui ouvrent leurs yeux de noirceur pour les poser sur ta petite silhouette.
Leur lumière est rassurante, après ces éternités de ténèbres qui te rendaient folle, qui t’empêchaient de choisir le bon chemin. Elle révèle aux Autres ton visage sur lequel doivent encore subsister quelques traces de larmes, elle expose tes failles au Monde.

C’est étrange, comme sensation, d'être ainsi dévoilée aux Ombres. Ça attrape le cœur, ça le serre et ça le retourne. Ça le détruit puis le reconstruit, exhale un parfum d’inconnu étrange. Ce n’est ni agréable ni pénible – simplement perturbant et nouveau.
Tu n’as pas l’habitude des choses nouvelles. Tu ne sais pas comment t’y prendre avec elles. Tu ne sais pas arrêter le tremblement qu’elles provoquent en toi, tu ne sais pas comment faire cesser la progression de leurs innovations dans ta tête. Elles sont trop rapides, trop différentes, pour que tu te risques à les affronter ; elles finissent toujours par s’établir quelque part, et prennent possession de tes idées. Et même si leurs couleurs sont jolies, claires, tu sais qu’elles finiront un jour par se ternir. Alors le bonheur de leur venue est atténué, réduit en cendre par la certitude que tout est éphémère – qu’il ne faut pas que tu t’attaches à quoi que ce soit si tu souhaites préserver ton cœur.
Les choses nouvelles émettent toujours un bruit étonnant au moment de franchir le seuil de ta conscience, comme un son d’orgue ; et étrangement, c’est exactement le même son qui avait résonné dans ta tête pendant des semaines après l’annonce de la mort de Maman.

Ce sentiment que ton âme, que tes songes les plus profonds, sont révélés, te fait un peu peur. Tu te sens mise à nu, dévoilée aux Autres alors que tu ne le souhaites pas. Tu te sens démunie, sans Muraille, sans protection pour te cacher, sans plus rien pour te protéger lorsque viennent les Démons qui peuplent de monstres tes rêves doux.
En fait, tu te sens faible. Terriblement faible, alors que Haine prend peu à peu possession de ton corps et de ton esprit. Alors qu’elle avance irrémédiablement vers le centre de ton cœur, vers la cage où tu as caché tes émotions les plus puissantes pour qu’elles cessent de te malmener. Elle sait parfaitement comme briser le verrou, comment les libérer en un torrent de sentiments entremêlés, comment faire de tes pensées une tourmente d’une violence inouïe. Elle sait très bien comment te submerger sous tes doutes et hésitations, sous tes terreurs et tes frustrations, sous tes insomnies et tes larmes. Haine a trouvé comment te briser à l’instant où tu lui as laissé entrevoir tes failles, elle s’y est glissée avec l’aisance d’une ombre.
Et elle avance. Elle avance. Pas à pas, elle gagne du terrain, te transforme en un vide absolu.

Mais étonnamment, tu ne te bas pas vraiment pour l’empêcher d’avancer. Tu ne te rebelles pas contre sa volonté que tu sais trop puissante. Tu l’acceptes et la fais tienne, tu l’aides à accéder à ton cœur et au Caveau-des-sentiments.
Tu veux que la Tempête soit libérée. Qu’elle se déchaîne contre cette Autre dont tu as bloqué le passage, qui te regarde avec sa pitié débile. Tu veux qu’elle l’enfouisse sous mille regards glaçants, sous mille coups violents. Tu veux voir son visage déformé par la douleur.

Echo de tes espoirs, tes poings se serrent tandis qu’elle te contourne. Elle ne t’a pas entendue. Elle n’en n’a rien à foutre, de toi et de ta Haine. Elle n’a pas peur, bien au contraire ; elle se sent supérieure. Elle se croit puissante, de haut de son univers de ténèbres, du haut des ombres qu’elle a apprivoisées et glissées dans ses yeux.


« Pourquoi t’étais là ? Pourquoi tu m’as fait mal ? »


Ta voix n’est pas très forte. Elle est plus rauque que jamais, basse. Elle reflète si bien ta haine.

« T’es un Monstre, hein ? Un putain d’Monstre qui veut juste me faire mal. »

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ent‘r‘êvée

10 mai 2020, 20:14
Limbes en Filaments  Privé 
J’ai beau avoir rassemblé mes doigts en deux gros poings, cela ne les empêche pas de trembler. Tout comme rien ne peut forcer mon coeur à s’arrêter de sursauter. Je peux contrôler ce qu’il se passe dans ma tête, c’est d’ailleurs ce que je fais en repoussant mes pensées. Je peux oublier mes souvenirs et mes espoirs, ceux qui me sont revenus en croisant le regard de glace de Lewis. C’est facile d’oublier qu’à un moment je lui ai fait confiance, que j’ai cru qu’elle pouvait être Quelqu’un, quelqu’un pour moi. Je suis habituée désormais à repousser toutes ces choses loin de moi et si je me concentre assez, si je travaille avec ardeur, que je me plonge dans mes lectures et mes études, j’arrive à complètement l’oublier. Mais mon corps, je n’arrive pas à le contrôler. Voilà pourquoi la colère s’écoule dans mes veines, voilà pourquoi mes poings tremblent et pourquoi ma respiration est courte.

J’accélère. Je dois partir le plus rapidement possible. J’ai compris depuis longtemps que la meilleure façon de se souvenir des cadavres que j’ai dans la tête, c’est bien de leur faire face. D’ailleurs, cette Lewis a voulu m’obliger à regarder l’un de mes cadavres. C’est pour cela que je lui en veux. Désormais, c’est Elle le cadavre. C’est elle que je dois absolument éviter, car si je reste plus longtemps près d’elle ma colère finira par exploser, tout me reviendra en tête et alors la douleur s’installera dans mon coeur ; celle qui a accompagné ma déception il y a dix jours, le jour où j’ai tenu son violon entre mes mains. Je ne dois pas permettre que cela arrive de nouveau. J’ai d’autres choses à penser. Notamment Thalia ; Thalia hante chacune de mes pensées. J’ai droit de penser à elle, j’ai droit de m’inquiéter. Il faut que je me concentre sur elle pour ignorer la fille que je laisse dans mon dos.

« Pourquoi t’étais là ? Pourquoi tu m’as fait mal ? »

Non ! Pourquoi est-ce que je m’arrête ? A ma plus grande horreur, je me rends compte que les paroles de la fille m’ont figé. Me voilà désormais tétanisée au milieu du chemin. Ses paroles résonnent dans ma tête, mon coeur bat trop vite. Le regard baissé, j’essaie de convaincre mes jambes de se remettre en marche, mais quelque chose les en empêche. Quelque chose caché dans un recoin de mon coeur. Je n’ai pas envie de savoir ce que c’est. De toute façon, ses paroles ne veulent rien dire, je n’ai aucun intérêt à l’écouter. Je ne sais pas de quoi elle parle. Ces dernières heures, j’étais au match avec mon frère. Jamais je n’ai approché Lewis, jamais je n’aurais eu l’envie de l’approcher. A chaque fois que je la voyais ces derniers temps, au détour d’un couloir ou dans la Grande Salle, je faisais demi-tour, je me cachais, me tournais vers Thalia pour l’ignorer. Alors je ne sais pas de quoi elle parle, mais je ne suis responsable de rien.

« T’es un monstre, hein ? » L’insulte me fige. J’étais déjà immobile, mais cette fois-ci j’arrête même de respirer. « Un putain d’monstre qui veut juste me faire mal. »

J’arrête de battre des paupières, de promener mon regard de droite à gauche et même de trembler. Je me fige totalement, mon coeur battant à tout rompre dans son carcan. *Elle m’a insulté*. Pourquoi a-t-elle fait cela ? Un monstre, c’est terrible. Un monstre, c’est horrible. Elle n’aurait pu me faire davantage de mal. L’insulte a filé droit en direction de mon coeur et l’a percuté de toutes ses forces. *Pourquoi ça m’fait aussi mal ?* ne puis-je que balbutier. Pourquoi, alors qu’elle n’est plus rien pour moi ? Comment une personne pour laquelle je n’éprouve que du mépris, que du dégoût arrive à me faire aussi mal ?

Je n’ai pas la réponse.
Je ne veux pas connaître la réponse.
Aisément, je repousse la douleur. Je repousse même la colère froide qui commence à faire son nid dans mon coeur. Face à mes cadavres, je n’ai pas le droit de ressentir quoi que ce soit. C’est trop dangereux. Je dois être aussi sèche que la terre, aussi dure que la glace. Cette fille m’a déjà fait *mal* une fois. Sans raison. En me décevant. Je ne la laisserais pas faire une seconde fois. J’ai brusquement conscience de ma force : je suis une sorcière de quatrième année. Elle n’est rien face à moi. Que ce soit au niveau magique ou au niveau physique. Je la dépasse d’une tête, je suis plus grande, plus forte. Il suffit d’un mot de trop dans sa bouche pour que je fonde vers elle et ne l’écrase de mon poing. Elle ne peut rien me faire.

Forte de cette idée, je me retourne enfin vers Kyana Lewis. Heureusement, celle-ci ne s’est pas approché. Elle est à quelques mètres de moi ; petite chose bouillonnante d’une colère que je ne comprends pas. Mes yeux se fixent un instant sur sa bouche, celle-là même qui vient de me jeter des horreurs au visage. Celle-là même qui, il y dix jours tout juste, a voulu déterrer des souvenirs qui n’avaient pas à l’être.

Je n’ai que rarement éprouvé un tel mépris pour une autre personne. Les Autres ne sont pas assez important pour moi, même si certain d’entre eux me font réellement pitié. En général, ils restent en dehors de moi, trop loin pour que je ressente quoi que ce soit pour eux. Deux, trois personnes m’ont dégoûté à un tel point que je m’en souviens encore aujourd’hui. Nébor, par exemple. Ou ce gosse de Gryffondor qui connaît Thalia. Lewis n’est pas grand chose pour moi, pourtant en la regardant je ressens une vague si grande de mépris que j’en suis déstabilisée. Elle ne m’inspire que cela : du dégoût, de la colère et du mépris. Je me demande si cela me passera. Peu importe. Je dépose mes yeux dans les siens et dresse le menton, fière.

« T’as perdu le droit de m’adresser la parole. »

Ma voix file dans les airs. Je suis heureuse de ne pas bafouiller, je suis heureuse de me sentir forte. Alors, après un dernier regard plein de mépris, je me détourne et reprends ma marche pour m'éloigner d'elle. Quelque part au fond de moi me vient l’idée que Merlin est tout de même un fin joueur : sur toutes les personnes que j’aurais pu croiser en sortant du stade, il a fallu que je tombe sur elle. Je ne savais même pas qu’elle jouait au Quidditch.

Je ne peux m’empêcher de penser que Merlin n’a peut-être pas fait les choses au hasard. Et si cette rencontre signifiait quelque chose ?

12 mai 2020, 19:08
Limbes en Filaments  Privé 
La nuit est épaisse. Elle s’opacifie, t’empêchant bien vite de discerner quoi que ce soit dans la tourmente de ta colère qui tournoie autour de toi.
Tu te rappelles seulement que tu as franchi ce seuil terrible, cette limite invisible qui t’attirait tant. Et que les ténèbres t’ont saisie, refoulant ta peur de l’inconnu loin, le plus loin possible. Que tu as avancé, un pas après l’autre, gravissant une pente infinie dont tu ne discernais ni la base, ni l’extrémité. Que tu as trébuché, tant de fois, seulement poussée par cette haine incommensurable qui prenait peu à peu place dans ton cœur.

La montagne est immense. Interminable. Mais malgré tes échecs, malgré tes yeux devenus parfaitement inutiles dans cette noirceur, malgré ta terreur grandissante, tes jambes, automates, se meuvent seules. Malgré ton esprit qui hurle et se débat contre ces assaillants qui s’emparent de lui, tu continues d’avancer sur ce Chemin de Haine, te dirigeant vers un avenir dont tu ne sais discerner les contours, qui te paraît terriblement sombre, mais si attirant. Malgré ton cœur que tu entends palpiter jusque dans tes oreilles, malgré les tremblements qui saisissent tes mains, malgré l’Autre, dans la Dimension-Monde, que tu entends vaguement se dresser face à toi, tu t’engages, toujours plus loin, sur ce sentier aux couleurs de mort et aux odeurs de rancœur.

Ta gorge est nouée, bloquée par d’âcres fumées qui te donnent envie de tousser. Mais tu continues d’avancer.
Tu as un peu froid, ton esprit perdu dans ce dédale infini ne parvient pas à revenir sur ses pas. Mais tu continues à avancer.
Tu es incapable de retrouver ton chemin, égarée entre un passé tumultueux et un avenir qui s’annonce plat, morne. Mais tu continues à avancer.
Ton estomac serré illustre la peur que tu ne parviens plus à enfouir. Mais tu continues à avancer.
Tu ne veux plus de Haine. Tu sens son poison qui noircit tes veines. Tu voudrais te retourner, et te battre pour qu’elle te rende ta liberté. Mais tu continues à avancer.
Bien trop tard, tu te rends compte que cette décision d’emprunter le Chemin était la pire. Un choix stupide, qui ne conduirait qu’à un enchaînement de tragédies plus terribles les unes que les autres. Mais tu continues à avancer.

Tu ne sais plus t’arrêter. Tu le voudrais, tout ton être s’insurge contre cette force qui te pousse inexorablement à l’échec, à la faute, à la violence. Qui t’entraîne vers une destinée qui était si belle avant que tu te décides à la choisir, qui parait ta vie à venir de couleur bien plus lumineuses, mais qui, à présent que tu la parcours de ton pas léger, se révèle incroyablement sombre.
Tu ne veux pas atteindre ce sommet, cette apothéose, où toute la violence contenue dans ton corps se déchaînera contre les Autres, quels qu’ils soient. Elle les écrasera. Elle les submergera, comme Haine t’a submergée. Elle les tuera, peut-être. Détruira leurs espoirs et leur bonheur, comme ont été anéantis ceux qui habitaient auparavant ton cœur. Elle leur arrachera des larmes, aussi douloureuses que celles qui ont dévalé tes joues. Elle prouvera aux Etoiles que tu ne les mérites plus.
Cette violence sera un écho de celle qui n’a jamais été évacuée. De celle qui reste enfouie toute une vie pour ressurgir aux moments les plus importuns, de celle qui habite les espaces les plus reculés, les plus inexplorés, et qui décide de s’annoncer lorsqu’elle est la moins bienvenue. De celle qui a failli t’emporter quand Maman est morte, de celle qui t’empêcher de respirer quand Maë a commencé à te haïr.

Ton souffle est rapide. A la mesure de la vitesse à laquelle bat ton cœur, il accélère doucement, s’emballe, se perd. Il hésite, s’arrête pour reprendre de plus belle, enflant peu à peu. Il grandit mais n’explose pas, se contente de cette indécision qui le prend si soudainement. Souffle est en colère lui aussi, il hait également le Monde. Il veut détruire, Souffle.
Mais d’un coup, il se meurt.
D’un coup, il n’est plus.
D’un coup, seul le bruit du vent siffle dans tes oreilles.
D’un coup, l’Autre prend toute la place.

Tu relèves la tête vers elle avec le sentiment que tout sombre.

*Plus… l’droit ?*
Tu sens les larmes qui remuent dans ton cœur. Elles s’agitent, mais Haine les repousse. Pas très violemment, seulement pour les dissuader de se manifester.
Tes sourcils se froncent, tes yeux s’emplissent d’horreur, mais Elle s’est déjà détournée. Elle est déjà partie, t’abandonnant au départ avec ta Haine, te laissant désormais seule avec une solitude effroyable.

*Mais… c’est d’sa faute…*
La certitude perd de sa puissance. Elle se vide un peu de son sens, se laisse envahir par l’incompréhension.
*C’était d’sa faute ?*
Tu ne sais pas. Plus. Tu voudrais la frapper et t’assurer que ça résolve tes problèmes. Tu es certaine que voir sur son visage la douleur te ferait du bien. Mais brandir ton poing t’est impossible. Tu ne peux pas.
*Ça l’est plus ?*
Les mots se dérobent.

« Ce… Mais… »


Tu contemples sa silhouette qui s’éloigne encore, pour murmurer :

« T’as chassé les Ombres. Mais… Tu m’fais mal, aussi. »


Ton cœur se retourne. Et ta voix devient plus rauque.

« Pourquoi tu m’fais mal, bordel ? »

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

13 mai 2020, 11:07
Limbes en Filaments  Privé 
Un, deux, trois.
Les battements de mon coeur sont longs et réguliers. C’est moi qui donne le rythme. En calmant ma respiration, en apaisant la colère qui cherche à me faire flamber. Je dois absolument me calmer.
Un, deux, trois.
J’y arrive peu à peu. C’est beaucoup plus facile lorsque Lewis n’est pas sous mon nez. J’arrive à m’éloigner un peu de tout cela, de faire comme si. Comme si elle n’était pas là, comme si elle ne m’avait pas insulté, comme si je comprenais ce qu’elle me voulait.
Un, deux, trois.
C’est comme si je me lançais un Protego. Le sortilège se forme autour de moi, à l’intérieur de moi et me protège de toutes les choses qui essaient de me détruire. De mon coeur, tout d’abord, qui veut me faire ressentir des choses qui me font peur — la colère, la tristesse, la haine ; et de la présence que je sens dans mon dos qui me donne envie de m’arrêter pour… Pourquoi ? Je n’en ai aucune idée.

Un, deux, tr—

« Pourquoi tu m’fais mal, bordel ? »

Ma Protection éclate. Un sourire ironique grimpe sur mon visage ; je m’arrête, tourne la tête vers Lewis. Oh, elle semble tellement en colère. Elle a l’air tellement sincère sous son petit masque de haine. Elle gueule, elle hurle, elle reproche des choses qui n’ont aucun sens. Et quoi qu’il arrive, elle brûle de colère, elle aussi. Et je n’ai aucune explication à tout cela. Alors ouais, j’ai envie de rire. Et ouais, mon sourire se transforme en un ricanement qui me secoue les épaules. Pourquoi est-ce que je lui fais mal ? Pourquoi ? Tout à coup, la scène me parait irréelle. Lewis, rouge de colère, et le parc qui se profile autour de nous. La lointaine rumeur des rires, le stade de Quidditch que l’on aperçoit au loin, les montagnes qui se découpent dans l’horizon, le miroir du lac dans lequel elles se reflètent. Et Lewis qui est plus folle que tout le reste. C’est la seule explication, elle est complètement malade.

La colère remplace le rire. Mon sourire dégringole le long de mon visage et une moue haineuse la remplace. Merde ! Mes poings tremblent et mon coeur a abandonné son fichu rythme (un, deux, trois) pour battre comme un tambour. *Respire*, essayé-je de me dire. Respire, calme-toi, elle n’en vaut pas la peine. Rappelle-toi : elle ne vaut plus rien désormais, elle a perdu le droit de me parler, alors j’ai également perdu l’envie de le faire. Tu n’as plus rien à faire avec elle. Envoie-lui un Immobulus dans la tête et barre-toi. C’est aussi simple que cela, tu sais qu’elle ne résistera pas. Ma tête m’impose tant d’actions que je ne sais plus quoi faire. Il n'y a une seule chose qui reste claire autour de moi : ce petit corps d’enfant enveloppé dans sa tenue de sport qui me toise avec colère, avec haine, avec ce petit quelque chose qui me donne envie de lui sauter dessus.

Un combat de titan se déroule dans mon corps. Il y a mes muscles tremblants, ma haine déstabilisante, mes yeux de colère qui s’apprêtent à imploser. Et il y a ma tête, mes souvenirs, mon coeur qui refusent de se laisser aller à tous ces sentiments. Je sais très bien où cela me mènera. Je sais très bien que si je flanche, je n’arriverais pas à me contrôler. La colère est un sentiment que j’aime, mais je sais, je ne sais que trop bien qu’il me fait perdre le contrôle. Je déteste perdre le contrôle. Et en même temps… En même temps cela ferait tant de bien. Peut-être qu’ainsi, j’arrêterais de vouloir pleurer dès que je tombe sur Thalia, peut-être qu’ainsi, je cesserais de l’insulter dès qu’elle a le dos tourné ; peut-être arrêterais-je de voir combien elle s’éloigne de moi, combien elle n’en a plus rien à faire de moi. Peut-être que… Peut-être.

Mon corps se met en mouvement tout seul. Je transpire de rage. Je veux la faire taire. Cette fille est pire que Rosenberg ; lui, il parle pour ne rien dire, mais elle elle l’ouvre seulement pour me faire mal. Je comprends tout à un coup une chose : elle me déteste. Voilà pourquoi elle fait cela. Elle me déteste, elle veut me faire du mal, alors elle vient m’asticoter. Très bien, songé-je froidement, je vais lui couper l’envie de m’emmerder.

J’arrive près d’elle en quelques pas. Mes poings se serrent si fort que mes ongles m’abîment les paumes. D’un geste, parce que je n’ai pas envie qu’elle s’enfuit, j’attrape Lewis par le col et la ramène contre moi. Elle est toute petite et pas bien lourde ; je me penche pour avaler les derniers centimètres qui nous séparent. Elle a l’air si frêle contre moi, si petite. Mais ses yeux sont terriblement glacés. Je la secoue violemment, resserrant ma prise sur son uniforme. J’ai conscience que ce que je fais peut me mettre dans la merde, mais je suis incapable de m’arrêter. Pas alors que la haine coule comme de la lave dans mes veines.

« T’es malade, grondé-je, la voix déformée par la colère. Tu dis n'imp-porte quoi ! T-t-tu veux que j’te… Que je te fasse mal ? Hein, c’est ça que tu veux ? »

Oh, Merlin.
Je pourrais détacher l’une de mes mains pour lui envoyer mon poing dans le visage. Sentir mes phalanges rencontrer ses os. La faire taire une bonne fois pour toute. Je tremble si fort que ma poigne s’affaiblit.

« Pa-parce que je peux le faire. Alors ferme ta gueule. » Le sang bat dans mes tempes. « Ferme ta pu-tain de GUEULE ! »

13 mai 2020, 15:55
Limbes en Filaments  Privé 
Son rire te fait fermer la bouche brutalement. Elle rit. Elle ne reste ici que pour te voir sombrer. Tu n’es qu’un simple amusement de plus. Tu n’es qu’une manière pour elle de songer à autre chose. Elle rit. Ironie. Moquerie. Elle se fout de toi, tout simplement. Elle a pitié. *Elle rit.*
Et c’est terrible. Te voir ainsi raillée est terrible. Te voir ainsi rabaissée est terrible. Te voir ainsi faible est terrible. Tu la hais, tout simplement. Parce que c’est bien plus simple. Tellement plus évident que de se laisser envahir de regrets, de peurs. Tellement plus normal que de laisser la tristesse prendre une nouvelle fois possession de tes sens.
« Tellement plus simple de hurler sur une Autre plutôt que de faire face à tes propres démons », te souffle Haine, en une insidieuse pensée qui brûle ta conscience.

Il y a Esprit, qui, perché sur un fil, en équilibre précaire, hésite à sombrer dans les ténèbres ou à combattre plus violemment que jamais ce poison qui l’envahit.
Il y a Cœur qui s’est arrêté. Qui ne sait plus ce qu’il est, fut et sera, qui n’entend plus raison.
Il y a Mains qui sont serrées, leurs doigts repliés sur le tissu des manches un peu trop longues, et leurs ongles qui impriment sur la peau de petites marques en demi-lune.
Il y a Espoir qui s’est noyé, mais qui voit en cette Autre bien trop violente une aide.
Il y a Douleur qui tape, tape, tape et ne s’arrête jamais. Lancinante, elle chante ses litanies éternelles sans songer un seul instant à se taire.
Il y a Dents, aussi. Dents s’entrechoquent les unes contre les autres, comme engagées dans un étrange combat contre le froid qui s’empare de tout l’être auquel elles appartiennent.
Et surtout il y a Haine qui parle. Haine qui murmure et qui promet ; Haine qui ment. Haine qui donne envie de mourir autant qu’elle éveille le désir de vivre coûte que coûte. Haine qui veut frapper, tuer, ensorceler et envoûter. Haine qui t’entraîne à sa suite.

L’Autre est grande, terriblement grande. Elle te fait presque peur, avec sa colère qui étend ses ombres partout autour d’elle. Elle vient d’un univers lointain. Elle est trop effrayante, trop violente, trop intimidante pour être issue du même monde que toi. Elle est trop…
*elle* pour venir d’ici.
Peut-être a-t-elle, dans son pays, une famille. Peut-être aime-t-elle quelqu’un. Ou peut-être est-elle seule, destinée à haïr.
Haine te prie d’arrêter de songer. Elle dégage les pensées, les enterre loin pour ne plus qu’elles viennent te torturer et tu lui en es reconnaissante. A la place, son dégoût devient omniprésent, inondant ton corps d’une sensation de répulsion affreuse. Elle se prépare à devoir soutenir une nouvelle fois le regard empli de ténèbres, à devoir faire face à la colère immense.

Et lorsque que la Terrible franchit en quelques enjambées les mètres qui te protégeaient de sa violence, Haine sait. Haine va se battre. Haine ne se laissera pas faire. Haine n’abandonnera pas, ne sera pas lâche comme Esprit.
Si elle a peur lorsque Ses mains empoignent ton col, elle ne le montre pas. Tu la sens serrer les dents, et tu aperçois dans ses yeux entièrement noirs une lueur assassine. Haine n’a pas pris toute la place mais elle domine par sa colère. Elle impose ses lois et si tes émotions tentent de se rebeller, elle les annihile. Les détruit.
Un sifflement te perce les tympans lorsque retentit dans ton esprit le son de son rire. Elle est presque amusée par la situation. Elle se sent puissante, elle sait que ce combat sera simple à gagner. Elle sait comment se comporter quand viennent les coups. Elle sait riposter.

La secousse te sort de l’état étrange dans lequel t’avait plongé Haine. Elle te laisse voir le Parc autour de toi. Elle te laisse voir la frustration qui habitait ton cœur avant. Elle te laisse voir la peur qui terrasse tout ton être. Elle te laisse même voir la couleur de la couverture qui a été déposée sur le reste pour le dissimuler aux Autres. Haine est toujours comme ça ; il ne faut pas qu’Ils voient. Surtout pas, ils ne doivent rien savoir. Seule la colère est légitime, il n’y a qu’elle qui peut s’échapper.
Ce début de réalité qui s’invite devant ton regard t’ébranle une nouvelle fois. Tu voyais tout sombre. Tout était morne. L’univers entier, recouvert d’un gris de cendres, était bien trop moche. Là, les couleurs sont de retour. L’immaculé de la neige. Le ciel dont tu parviens à voir quelques éclats bleus. La robe de l’Autre qui se dresse devant toi. Tout est agressif, tout est lumineux. Tout te fait mal.
Et ses mots.
Ses mots.
Ils sont là. Ils sont violents. Ils sont méchants. Ils tournoient et s’opposent à Haine. Ils portent le désespoir et amènent la douleur. Ils sont crachés avec colère. Et tu voudrais te cacher, partir loin pour ne plus les subir.
Un souffle s’échappe de ta bouche.


« Non. Non, j’veux pas. Non, ils m’font mal tes mots. Arrête. »


Tes yeux se figent dans les siens une nouvelle fois, supplique muette qu’aveuglée par sa colère elle ne verra sans doute pas.

« Lâche moi. Lâche moi, s’il te plaît. »

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ent‘r‘êvée

15 mai 2020, 12:33
Limbes en Filaments  Privé 
Pendant un instant, l’impression d’avoir un pouvoir absolu sur toute chose me fait frissonner. Lewis entre mes mains, elle ne peut plus rien contre moi. Seulement me jeter son regard à la figure, seulement balbutier sa peur. Mais elle ne peut rien d’autre. Je la tiens d’une poigne de fer, je peux lui faire tout ce que je veux, elle est réduit à l’état de victime. Je me sens capable de tout. Jusqu’à ce qu’elle ouvre sa gueule, encore.

« Non. Non, j’veux pas. Non, ils m’font mal tes mots. Arrête. »

*Qu'est-ce que...*.
Ma frustration est si forte qu’elle amène des larmes dans mes yeux. Je les retiens tant bien que mal de couler. Merde, je déteste lorsque cela m’arrive ! Comme après le bal, incapable de parler et incapable de me retenir de chialer. Mais cette fois-ci, en une inspiration je ravale ces traîtresse ; ma gorge, elle, reste nouée. Pourquoi Lewis doit-elle toujours s’exprimer ainsi ? Putain, je ne comprends rien à ce qu’elle me veut, je ne comprends pas ! Mes mots lui font mal ? Mais ce ne sont pas mes mots qui la malmènent, mais moi avec mes mains, moi avec ma force, moi avec ma grandeur ! Mais mots, eux, essaient de la remettre sur le droit chemin : je lui dis ce qu’elle doit faire pour justement éviter que je lui envoie mon poing dans la figure. Alors je ne comprends pas, je ne comprends pas et c’est tellement frustrant que je pourrais effectivement lui bousiller le visage du bout de mes phalanges.

Ses yeux me pénètrent l’âme. Deux bouillants de glace qui se fixent dans mes rétines. Elle va encore parler, je le sais. Je le sais. J’affirme ma prise sur son col, même si j’ai mal aux bras et aux mains de la tenir ainsi. Je resserre mes doigts autour de son uniforme comme pour la prévenir qu’elle n’a pas intérêt à l’ouvrir. Mais c’est inutile. Elle parle quand même, sans se douter qu’à chaque mot qu’elle m’offre, mon coeur bas un peu plus vite.

« Lâche moi. Lâche moi, s’il te plaît. »

Non, ceux-là n’accélèrent pas les battements de mon coeur. Au contraire, ils le font chuter tout en bas de ma gorge, tout au fond de mon corps. Elle supplie. C’est ce qu’elle fait. Elle me supplie de la lâcher. Pendant un instant, je me demande ce que je dois faire. La lâcher, puisqu’elle le demande ? Après tout, vu son ton misérable et la lueur dans son regard, je crois que je l'ai suffisamment effrayée pour la laisser s’en aller. Mais ses mots précédents me hantent.
Ils me font mal.
Tu me fais mal.

Ces mots me donnent réellement envie de fracasser la fille qui gît entre mes mains. J’ai envie de lui gueuler que c’est elle qui m’a fait mal, que c’est elle qui m’a déçu, qui m’a fait croire qu’elle pouvait me comprendre avant de se foutre de ma gueule. J’aimerais lui gueuler tellement de choses. Tout ce que j’ai ressenti ces derniers jours, mes questions à propos d’elle : pourquoi vouloir m’obliger à parler ? pourquoi m’avoir fait ça alors que je venais de t’aider à balancer tes pensées au loin ? pourquoi m’avoir déçu ? J’aimerais lui gueuler qu’elle m’a volé mon sommeil, qu’elle a hanté mes pensées et m’a rendu plus faible encore que je ne l’étais à cause de Thalia.

Je voudrais lui dire tout cela, mais je n’en ferais rien. Cela ne sert à rien. Cela ne sert plus à rien. C’est finit, de toute façon. Elle restera une Autre à vie. Je l’ai accepté — ou du moins, je finirais par le faire. Mon dégoût se rappelle si brusquement à moi que je ne peux empêcher la moue de me déformer le visage. Cette fille ne m'inspire que de la pitié. *J’fais quoi, putain ?* songé-je en l'observant derrière mes paupières rétrécies par la colère. Pourquoi est-ce que je me fatigue avec elle alors qu’elle ne vaut plus rien du tout ?

Soudainement, je desserre mon étreinte et lâche Lewis. Je recule si brusquement que je manque de m’affaler de tout mon long dans l’herbe humide. D’un geste de l’épaule, je remets ma cape en place. Je fais jouer mes doigts pour les décrisper. C’est douloureux d’attaquer quelqu’un. Je voudrais m’éloigner de Lewis, mais je ne le fais pourtant pas. Je la surplombe de toute ma hauteur en la détaillant froidement.

« Je ne comprends rien à ce que tu baragouines, » articulé-je lentement pour ne pas bégayer. Mon coeur frappe douloureusement contre ma cage thoracique. « Parle normalement : qu’est-ce que tu veux, Lewis ? »

Pendant quelques secondes je la regarde, avant de me détourner, soudainement honteuse de ce que mes mains ont fait. La violence ne me dérange pas. Et d’ailleurs, je trouve que c’est une réponse convenable dans certaines situations. C’est un moyen de défense comme un autre, une attaque comme une autre. J’ai cependant conscience que peu partagent mon avis ; notamment les professeurs. Un regard aux alentours me rassure néanmoins : personne ne m’a vu l’agresser. Cela ne m’empêche pas de cacher mes mains tremblantes dans poches, soudainement désireuse de ne plus voir les armes de mon crime.
*’spère qu’elle a pas mal*.
Quelle pensée idiote ! Je me fiche de sa douleur, j’espère d’ailleurs qu’elle souffre et qu’elle tremble de peur !