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17 juin 2020, 23:42
Limbes en Filaments  Privé 
Le Doute frappe à intervalles réguliers dans ton esprit. Il crache sur ton envie de tout expliquer à l’Autre. De tout lui révéler, pour qu’elle comprenne enfin ce nous. Il détruit tes pensées avant même qu’elles n’aient atteint ta raison, les assassine à coup d’idées bien trop violentes.
Haine ne te consume plus. Haine ne bouillonne plus au plus profond de ton cœur, et tu te prends à regretter son absence. Tout était si simple. Tout était si facile. Avec elle, les chemins sont toujours éclairés. Avec elle, l’avenir est presque beau. Avec elle, tu n’hésites plus – tu ne t’interroges plus.
Haine t’aurait sans doute conseillé de crier, de te briser la voix sur des notes que l’Autre ne comprendrait pas. Elle aurait souhaité que tu entailles tes cordes vocales pour lui révéler ta colère et l’espoir fou caché derrière. Elle aurait voulu que tu te dresses face à elle, que tu lui assènes tes mots emplis de venin.
Mais Haine a disparu – et désormais Doute fait sa loi. Il te fait bégayer, il te fait te remettre en question ; il te perd dans les méandres de ses suggestions fourbes.

S’il existait, quelque part, un univers où tu pourrais être l’Enfant qui se dissimule en toi, tu voudrais t’y trouver, en cet instant. Un lieu où ta force serait ta faiblesse et où ta faiblesse serait un atout, où tu te sentirais pleinement humaine. Un lieu où le silence serait une norme, où les cicatrices ouvertes sur l’âme seraient pansées.
Rien ne serait obligé, là-bas. Rien ne serait sanctionné. Ton cœur réduit en bouillie par ta sœur serait accueilli avec bienveillance. Tes mots pleins de douleur seraient évaporés. Ta constante envie de fuir aurait disparu.
Ta peau deviendrait constellations, tes pensées seraient faites Nuit et ton esprit Lune. Tu te perdrais dans la contemplation de l’immensité des cieux pour l’éternité – sans jamais craindre pour ton cœur.
Tu y resterais jusqu’à la fin des temps – jusqu’à ce que tu sois entièrement reconstruite.
Tu maîtriserais le feu, tu contiendrais l’eau, tu envoûterais la terre et deviendrais l’air, pour ne plus être qu’une particule parmi les autres, pour ne plus avoir à songer à ton hypothétique avenir. Tu tomberais sans bruit, sans produire un seul son, seulement attirée par le Néant et ses promesses de Ténèbres.
Tu n’aurais plus à t’égarer dans ce regard de noirceur qui n’augure que de la douleur, plus à tenter vainement de reconstruire ces remparts mentaux qui s’effondrent à chaque mot qu’elle prononce.
Tu n’aurais plus à combattre des pensées faites de poussières, plus à frapper dans le vide – plus à t’acharner pour quelqu’un qui ne s’en rend même pas compte.

Ses yeux quittent les tiens, mais tu t’en fous. Comme satisfaite d’avoir remporté une bataille, une moue ironique vient s’afficher sur tes lèvres, et tu regardes l’aube de sa déception pointer aux confins de son regard sans esquisser un seul geste. Elle l’éclaire d’une lueur profonde et vieille comme le monde, le rend brillant et tellement expressif.
Tu la fixes longtemps, alors qu’elle garde la tête levée vers le ciel, sans même tenter de deviner ce qu’elle ressent. Jamais tes deux blocs de glace ne se détournent de son visage, et pourtant tu ne penses pas. Tu ne sens rien. Seulement un incommensurable vide, et le Doute qui essaie encore d’éveiller les battements de ton cœur.


« Va te faire foutre, Lewis. »


Va te faire foutre, Lewis, parce que toi aussi tu me fais mal.
Va te faire foutre, Lewis, parce que t’es capable de me briser comme je t’ai brisée.
Va te faire foutre, Lewis, parce que tu m’fais peur.

Doute scintille dans tes yeux un court instant. Mais tu ne te détournes pas du spectacle qu’offrent ses larmes offertes au froid de janvier. Au lieu de cela, tes jambes se mettent en mouvement sans réellement que tu l’aies souhaité. Tu te relèves lentement, chancelante, observant toujours ce visage, cette Autre que tu as respecté – dans une autre vie. Ce Autre qui paraissait prête à t’offrir tant.
Tes mains tremblent encore, tes bras sont agités de tressautements, chacun des muscles de ton dos se contracte puis se détend en une danse au rythme endiablé.
Etrangement, alors qu’auparavant tu frémissais à la seule idée qu’elle soit en colère contre toi, tu ne crains plus rien. Alors même que le Doute est plus présent que jamais, tu tentes de te rappeler la volonté de Haine – ce qu’elle aurait souhaité que tu fasses. Perdues dans les flammes de ta propre déception, tu n’as plus peur de ses mots pleins de dégoût, de ses expressions de visage emplies de colère.

Ta main part brutalement. Entraînée par un souhait qui n’est pas réellement le tien, elle fuse vers Sa joue, tes doigts repliés pour former un poing dont le seul désir est de lui infliger tout le mal qu’elle mérite. Elle s’écrase sur son visage, sur ce Visage qui a habité tes pensées, qui t’a aidée à avancer autant qu’il a contribué à ta destruction. La douleur qui se diffuse jusqu’au milieu de ton bras n’est rien face à cette infinie colère qui bouillonne en toi, réminiscence de Haine que tu tentes de rappeler.
Car c’est ce qu’elle aurait voulu, n’est-ce pas ? Elle aurait souhaité qu’Aelle Bristyle ait mal. Elle le désirait depuis le début, en fait. Et à présent qu’elle est partie, c’est ta seule volonté.

Presque dégoûtée par ton acte, sans même contempler le résultat de la savante alchimie entre ta colère et le Doute, tu tournes les talons.
Pour te diriger vers le Château, pour oublier ce que tu as fait, pour oublier cette Autre-qui-comprenait-sans-comprendre. Pour ne plus jamais avoir à songer à elle et à ce qu’elle t’a fait subir.


_____

Je… Je… Je ne sais pas ce qui lui a pris. Je ne sais pas pourquoi elle a fait ça, pourquoi elle ne s’est pas expliquée. Pourquoi, au lieu de faire du mal à ta Protégée, elle n’a pas essayé de parler.
Frapper est tellement plus simple que révéler, il faut croire.
J’aimerais te dire que j’en suis désolée, mais je crois que ça ne changerait rien.
Tu connais déjà mon ressenti grâce à nos échanges, mais j’aimerais te répéter ici à quel point j’aime écrire avec toi. Si tu l’acceptes, je suis prête à lancer Kyana dans une nouvelle Danse, bientôt. A jeter mes mots sur ma page vierge pour découvrir leur Avenir.
Encore merci. Pour tout.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

18 juin 2020, 11:39
Limbes en Filaments  Privé 
Il y a une chose que Kyana Lewis n’a pas comprise. Une chose que personne ne comprend jamais, sauf Thalia et Zikomo. Pourtant, c’est une chose toute simple. Simple comme le monde, simple comme la vie, simple comme la mort : les mots sont bien plus révélateurs que le silence. Et moi qui sais parfaitement cela, je n’arrive pas à comprendre comment, comment par le Puissant Merlin, cette fille peut ne pas comprendre qu’en lui parlant, j’essaie justement de lui dire que… Tout simplement, mes mots veulent lui faire comprendre que j’ai… Quelque chose, bordel, quelque chose coincé dans le coeur et que je n’arrive pas à le libérer !
Elle ne peut pas le comprendre, ça, elle ne peut pas. Elle fait partie de ce genre de personne qui ne le pourra jamais, d’ailleurs. *Intègre-le une bonne fois pour toute, Idiote !* ; dans la vie, il y a deux types de personnes. Celles qui me méritent et celles qui ne me méritent pas. Et en général, celles qui ne me comprennent pas ne sont pas dans la première catégorie. Kyana *foutue* Lewis a les deux pieds, le corps entier et sa sale tronche en plein dans la seconde catégorie.

C’est douloureux.
C’est vrai que ça fait mal. Mais c’est de ma faute, je le comprends, je le sais et cela ne m’empêchera absolument pas de déverser toute ma colère sur Lewis. C’est moi qui l’ai suivit depuis le hall la dernière fois, c’est moi qui ai persisté à lui apprendre à balancer cette putain de boule de neige et c’est moi qui me suis enfoncée dans le vain espoir que l’on s’entende moi et elle, que l’on s’apprécie, que l’on s’aime. C’est de ma faute ! Je suis tellement idiote. Pitoyable, hein ?

Jolies pensées, tendres pensées, vraies pensées. Je vais toutes vous annihiler.
Je rassemble tous mes doutes, mes faux espoirs et mon dégoût, je rassemble mes souvenirs de Lewis, ma culpabilité dérangée et tout le reste. J’en fais une magnifique boule de présence dans ma tête et d’une impulsion mentale, je repousse tout cela loin de moi.
*C’est pas ta faute*, me répété-je. *Pas ta faute*.
A vrai dire, pourquoi serait-ce de ma faute si quelqu'un est incapable de me comprendre ? Si j’ai l’impression de crever actuellement, si mon coeur me fait si mal, si j’ai envie de chialer comme une gamine et si je me sens si pitoyable que je voudrais m’enfoncer dans le Grand Noir sans jamais me retourner, c’est parce que Lewis. Est. Une. Incapable. Voilà tout. Je la déteste pour tout ça. Je me jure, entend-moi Ô Merlin, je me jure que je la détesterais pour la vie à cause de ça.

Je devrais partir. Je sais que je devrais bouger, dégager de là. Quand on lance une attaque comme la mienne, on ne reste pas les bras ballants. Non, on gueule un « va te faire foutre » tonitruant et on se barre bien loin. Mais non, moi je reste là. Je ne sais pas pourquoi. Je reste là, les bras ballants, un regard en coin déposé sur Lewis. Comme si j’attendais. Comme si je patientais. Comme si j’espérais un regain d’énergie provenant de la fille, une soudaine prise de conscience qui la ferait se lever et s’exclamer soudainement : « Surprise, je t’ai bien eu, hein ? Et la dernière fois aussi, c’était une blague. Tout va bien ! ». Comme si je lui laissais une troisième chance. Mais ce n’est pas possible, n’est-ce pas ? Pourquoi ferais-je une chose pareille, moi, Aelle Bristyle ? Déjà qu’une deuxième chance c’est incroyable pour moi, mais une troisième c’est du vrai foutage de gue…

Elle se lève !
Mon coeur s’arrache si fort, le fou, que je ne serais même pas étonnée de le voir rouler devant moi. Il s’agite furieusement dans ma cage thoracique tandis que mes yeux suivent le cheminement de la fille. Lewis s'avance soudainement et je me sens presque victorieuse. Je sens le sentiment qui grimpe tout au fond de mon coeur. Voilà, dit ce dernier, elle va se barrer et j’aurais au moins gagné ça : la dégager grâce une bonne violence bien placée. Désolée, Papa, mais pour une fois j’avais raison : la violence peut régler la pire des situations.

Mais il y a un problème. Je le comprends en tombant dans le regard de Lewis. Brille une lueur dans ce regard-là, une lueur sombre, plus dense qu’une ombre, plus grande qu’un mont, plus grave qu’un son. Et Lewis ne s’éloigne pas. Non, Lewis s’approche. Je sais ce qu’il va se passer avant même que ça n’arrive, mais je ne peux rien faire pour l’éviter. Comme dans un rêve, je vois son poing se lever, les traits de son visage se fixent sur mes rétines, je sens ma propre surprise exploser dans le monde et mon propre coeur se détacher et s’échouer dans l'océan de ma peur. Et… Le coup me percute. C’est comme si le tonnerre s’alliait à un tremblement de terre. Je ressens le choc jusque dans mes vertèbres, ma tête part sur le côté et une douleur qui n’est pas sans me rappeler celle de l’Après-bal s’éveille dans mon crâne. Le coup n’est peut-être pas le plus puissant au monde, le poing n’est peut-être pas le mieux envoyé, mais pourtant, cette petite fille ridicule m’envoie au sol. Mes jambes se transforment en coton, mes pensées disparaissent, mon coeur sombre dans l’oubli et je tombe lamentablement sur le sol, plus sonnée que jamais.

C’était quoi, ça ?
*Un coup d’poing*.
Je ne comprends pas.
*Elle m’a envoyé un coup d’poing*.
Qui ça ? Lewis ? Ah ! mais elle n’est même pas capable d’éloigner ses cadavres, comment pourrait-elle m’envoyer un coup ?
*Elle l’a fait, pourtant. Ça… Ça fait mal*.
Pourquoi aurait-elle fait ça ? Lewis, elle n’en a rien à faire de moi. Elle me ment, elle me manipule et en plus elle se sert de moi ; il n’y a aucune raison pour qu’elle me frappe.
*Peut-être qu’elle ne m’a pas menti en parlant de ce nous?*.
Je ne veux pas entendre ça. Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas !
*Peut-être parce que je lui ai dit d’aller s’faire foutre ?*.
L’explication me plait beaucoup plus. Elle ne me contente pas réellement, mais elle est cohérente. Je ne pensais pas que cette gamine était aussi sanguine. Mais cela expliquerait pourquoi elle m’a frappé. Parce que je lui ai dit d’aller se faire foutre. D’accord. Très bien.

Je papillonne des yeux. Le ciel blanc, la neige blanche, le stade de Quidditch dans le fond et une nuée de points noirs qui clignotent. Je pose ma main contre ma joue. Elle est toute chaude. Elle est douloureuse. J’ai mal dans l’os de la joue ; a-t-on réellement un os dans la joue ? *Pas l’moment !*. La pensée est comme un électrochoc. On m’a frappé ! Je ne dois pas rester là à ne rien faire ! Plongeant la main dans la neige glaciale, je me redresse péniblement, le coeur au bord des lèvres et la tête lourde comme une pierre. C’est possible qu’un tel coup réveille mon vieux traumatisme crânien ? *Non* hurle ma tête, car croire le contraire est trop effrayant. Je fais quelques pas timides, tourne sur moi-même, plisse les yeux, renifle comme une enfant.

J’essaie de me préparer. Ma main palpe ma poche jusqu’à trouver ma baguette, mon autre main se referme en un poing destiné à la vengeance. Je fais taire mes pensées, je fais taire mon coeur souffrant, mon estomac retourné et mon ventre douloureux. Je n’écoute que l’urgence, la colère qui s’éveille dans mon coeur et la rage qui me fait trembler de la tête aux pieds. Elle m’a frappé ! Elle m’a frappé et je ne comprends pas pourquoi j’ai plus mal au coeur qu’à la joue. Ce n’est pas logique, hein ?

Un tour sur moi-même et encore un, et encore un. Bordel ! Mais où est-elle ? Elle s’est cachée ! crie ma tête, elle a couru et s’est enfuit ! Non, elle s’est lancé un sortilège d’invisibilité. Des milliards de possibilités passent dans ma tête, j’en viens même à me demander si le Paon ne l’a pas attrapé entre ses serres. Mais au bout de dix secondes ou peut-être d’une éternité, je me rends compte qu’elle a tout simplement disparu. Elle est parti. Elle m’a frappé et s’est barré ; moi j’ai été incapable de le faire tout à l’heure, et elle y arrive aussi simplement.

C’est une putain de blague ? Je vais retourner le château pour la retrouver ! Foncer jusqu’à la salle des Serdaigles et exiger de la voir, et alors je prendrais sa petite tête entre mes mains et l’exploserais contre un mur, je lui planterais ma baguette dans la gorge et la ferais fondre et… Et… Et… Je ne vais rien faire du tout. Je ne sens même plus la colère en moi. C’est à ne rien y comprendre. Je fais quelques pas dans la neige avant de répondre à l’ordre de mes jambes tremblantes : je me laisse tomber sur le sol.

Tu n’es qu’une débile, voilà ce que signifie ce coup.
Tu ne vaux rien.
Tu n’es rien.
Et en plus d’être une salope manipulatrice Indiscrète et irrespectueuse, je suis capable de te foutre à terre avec mon tout petit poing de gamine d’un mètre trente.

J’aurais dû le comprendre avec le bal. Mais je suis même trop bête pour cela. Et Thalia, Thalia elle aussi a compris avant moi. C’est pour cela qu’elle ne me regarde plus, qu’elle ne me parle pas, qu’elle fait la gueule quand elle est avec moi. Elle a vu que je n’étais qu’une débile, une incapable, une moins que rien et elle ne veut plus s'encombrer de ma présence.

Ma vision se brouille.
Non ! Je dois être en colère et rugir ! Au lieu de cela, je chiale comme une enfant. Le premier sanglot est douloureux, Merlin. Il me défracte les poumons. Je cache ma tête dans mes genoux, honteuse. Le second douloureux fait juste couler mes larmes plus fort. Et ceux qui suivent... Ceux qui suivent ne font qu’enfoncer plus profondément mes pensées à l’intérieur de mon crâne douloureux : *Inutile, débile, incapable, gamine*. Et tout ça, c’est parce que j’ai cru que Lewis pouvait m’aimer. Mais elle est bien comme tous les Autres. Ou bien c’est moi qui suis comme eux, mal-aimée. Je le mérite peut-être, ce coup de poing ?

Mes pleurs finissent par avaler toutes mes pensées. Je reste là des heures ou des secondes, perdue sur ma petite pente enneigée, le cul mouillé, tremblante dans le froid, à pleurer silencieusement. Victime de tous les sentiments qui s’agitent en moi, des sentiments contradictoires, incompréhensifs, incohérents pour certains, mais qui me paraissent si gros, si réels, si puissants que je suis persuadée que jamais je ne m’en débarrasserais.

- Fin -


C'est frustrant, hein ? Oui, c'est frustrant. Enfin, ce n'est pas grave, tout cela apprendra peut-être à Aelle à écouter les gens. Parce que si elle avait pris ne serait-ce qu'une seconde pour l'écouter, elle aurait compris que Kyana était tout ce qu'elle voulait qu'elle soit. Enfin bon. Ta Protégée fait désormais partie du club bien fermé (pas tellement) des personnes qui ont balancé leur poing/main/pied sur Aelle — qui le méritait, c'est ça le pire.
Une nouvelle Danse s'imposera de toute manière bientôt, je n'en doute pas et j'en suis très heureuse. Écrire avec toi est toujours tellement... C'est une bonne claque d'émotions brutes dans la tête ; tu sais que j'adore ça. A bientôt, alors.