[PV : Orphéa Cooper et Herschel Sherringford]

Adaptation (Première année)

Tu restais là, assise dans l'ombre. Devant ce bel instrument silencieux, tu pensais. À quoi ? À rien. Enfin si. À ce foutu château de pierres, à tous ces élèves que tu rencontrais, à ton chez-toi, à Maman et puis à William. À ces belles touches noires et blanches que tu contemplais, à partir, vite. À ta vie, ta fichue vie. Et tu ne te rendais pas encore compte que tu avais de la chance Harriet, tu avais de la chance.
Alors tu étais montée ici pour t'échapper un instant. Faire une pause dans le temps. Et une fois arrivée, assise sur ce tabouret, tu étais restée silencieuse. Absente.
Aujourd'hui, tu ne voulais pas penser à Papa, ni au bateau. Ce connard, tu ne voulais pas le voir pleurer, ni danser, aujourd'hui. Tu ne voulais pas penser à lui, jamais. Alors que jouer ? Quelles notes faire résonner ? Puisque tout te ramenait à cette personne, cette personne qui t'avait abandonnée.

Tes doigts effleurèrent une note du piano. Une note, une blanche, qui résonna dans toute la pièce. Puis tu en laissas filer une deuxième, qui sortit de ta mémoire. Deux notes. Belles, signifiantes. Vint le tour de la troisième, toujours aussi belle.
Et peu à peu, tes mains filèrent, dansèrent sur le clavier.


Dans ta petite chambre, le soir, tu écoutais. Ta main tournait la manivelle, presque machinalement. Cet objet si précieux, caché dans ta table de nuit. Le seul objet se rapportant à la musique que tu avais réussi à conserver chez toi, dans le secret bien sûr. Et c'était devenu une habitude. Le soir avant de t'endormir, tu tournais. Une fois, puis deux, puis trois. Et infiniment jusqu'à ce que tes yeux se ferment pour rejoindre le pays des rêves.
Ce petit objet que tu avais trouvé dans une brocante puis acheté avec l'argent de Grand-Mère. Personne ne devait être au courant, normalement. Enfin, Will avait sûrement découvert ton secret, l'épaisseur du mur séparant vos chambres étant plus fine qu'une feuille de soie. Mais jamais il n'aurait parlé, ce gentil garçon.


Tes doigts reconstituaient donc cette mélodie que tu avais tant entendue, cette mélodie simple mais tellement signifiante. Les souvenirs filaient à une vitesse folle : le jour où ta mère avait failli entrer pendant que tu tournais, celui où tu avais presque oublié la boîte à musique dans la poche de ton manteau... Ils tournaient si vite que tu en avais presque le vertige. Mais aujourd'hui, pas de larmes.
Tu pensais seulement à ta paisible vie, celle à York, petite ville anglaise, avec Maman et Will. Celle où tu étais libre ! À tes escapades nocturnes, et puis à cette boîte à musique aux couleurs de la nuit qui demeurait sagement sous ton baldaquin, quelques marches au dessous.

Tu étais tellement bien, retournée dans ta petite enfance, que tu n'entendis même pas la porte qui s'ouvrait doucement.

L’ambiance était calme, l’air frais, et aucun bruit ne résonnait dans les couloirs. Aucun bruit si ce n’est une douce mélodie de piano, qui se faisait de plus en plus forte au fur et à mesure qu’Orphéa se rapprochait de la salle de répétition. 
Après avoir découvert que Herschel chantait, elle lui avait proposé de l’accompagner au piano. Elle n’osait pas vraiment en jouer devant les autres, et elle n’en avait parlé à personne. Elle avait bien trop peur que l’on se moque d’elle. Mais avec le Serdaigle, elle savait que c’était différent. Elle ne le connaissait pas beaucoup mais elle savait qu’il n’était pas du genre à juger les gens. Il acceptait chaque personne comme elle était, sans en demander davantage.

La petite brune se demandait donc si Herschel avait lui aussi un talent pour le piano, et que, arrivé avant elle, il en avait profité pour jouer quelques notes. Elle poussa la porte de la salle de répétition, mais au lieu de trouver le jeune garçon, elle découvrit une fille assise au piano. Elle avait les cheveux roux, coupé assez court. Orphéa ne voyait pas son visage car elle ne s’était pas retourné, n’ayant probablement pas entendu la porte s’ouvrir.

Elle s’approcha silencieusement pour ne pas déranger sa camarade. Quand elle eut fini de jouer, Orphéa se manifesta par un petit raclement de gorge. 

« Hmmmm... salut, dit-elle poliment avec un petit signe de main. C’était très joli. Je joue, moi aussi, je peux te montrer ? »

Elle s’assit alors à côté de la rousse sur ce grand tabouret qui offrait suffisamment de place pour s’y assoir à deux. Elle hésita quelques instants, ne sachant pas si elle avait vraiment envie de se livrer ainsi devant une inconnue. Mais elle finit par se lancer. Orphéa posa ses  doigts fins sur le piano et se mit à jouer. Une mélodie simple s’éleva dans la pièce. Elle ne voulait pas en faire trop. C’était la première fois qu’elle jouait réellement en public.