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07 juil. 2020, 21:40
Quatre mains sur un piano
15 avril 2045, vacances de Pâques


Le château s'est couvert d'un voile de tristesse malgré le beau temps qui s'est invité. Enfin... Le soleil n'a peut-être pas eu le choix que de rester. Comme nous, il est prisonnier de Poudlard. On lui a fermé les portes. Personne n'a eu l'autorisation de rentrer pour les vacances.
Moi, je ne sais pas si je suis triste ou soulagée de rester.
D'un côté, j'aurais aimé quitter ces murs de pierres. Ne plus les voir m'observer, me broyer, me juger.
Respirer. Ne plus être une ombre. Mais d'un autre côté, je n'aurais pas pu retourner à Rosscarbery. Je voulais tellement retrouver maman, tante Lizzie, Papy et Mamy. Retrouver les blés et la mer. Retrouver l'air iodé qui s'infiltre par tous mes pores. Retrouver celle que j'étais.
Un an et demi. J'ai l'impression que c'était une autre vie. Un an et demi que je vis au rythme des vacances Londoniennes. Enfermée dans un carcan, étouffée par le papier peint vert sombre du salon. Asphyxiée par le sourire crispé de Grand-mère Margaret, dédaignée par le regard fermé de Grand-père William.
Alors, finalement, Poudlard n'est peut-être pas une si mauvaise chose...

Le soleil, qui nous accompagne dans notre captivité, brille cet après midi, faisant scintiller le lac. Et le vent faisant danser l'eau, formant des ondes à la surface. J'aurais voulu en profiter, mais le parc est plein. Plein d'élèves. Ils jouent, ils rient, ils pleurent, ils s'embrassent. Moi, je n'avais pas envie de déambuler comme une ombre parmi eux. Alors, je me dirige vers la salle de musique. Ce n'est pas le parc, mais c'est lumineux, calme. La-bas, je peux crier, je peux respirer, je peux être vivante.
Je m'arrête un instant devant la porte. Il n'y a pas un bruit. Pas âme qui vive. J'aime cette sensation, celle de pénétrer dans un lieu interdit, secret. Sans faire de bruit, comme pour cacher ma présence aux murs, j'avance. Je passe devant les chaises, devant les canapés, les instruments. Tous témoignant de la vie qui règne ici. Par moment. Pa sen ce moment.
Mes doigts caressent la surface brillante du piano. C'est presque un miroir. Je peux y voir mon reflet, une silhouette noire. Une ombre elle aussi. Je détourne les yeux.

Je contourne ce colosse si puissant, sans que jamais mes doigts ne quittent sa surface douce.
Je m'installe sur le tabouret de velours gris. Je remonte les manches de mon chemisier blanc et je pose les mains sur mes cuisses. Le tissu de mon jean est rugueux sous la pulpe de mes doigts.
Je reste là un instant. Un instant court, un instant long. Je ne sais pas. Le silence m'a envahit. Comme le silence qui prend possession de la nuit. Quand les ombres disparaissent.
J'observe ce piano. Il sera mon compagnon, il fera jaillir la lumière.
Puis, brusquement, je pose mes doigts sur les touches de nacre. Je fais vibrer ses cordes, comme si c'était mes cordes vocales. Mes doigts crient sur le piano. Ils hurlent tout ce qu'il y a à l'intérieur de moi. Mon cœur bat. Je suis vivante. Je ne suis plus une ombre.


@Savannah White

☆ 3ème année RP ☆
Ma Fiche
L'Ombre s'attache à un être, avant que les ténèbres ne la fassent disparaître...