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10 juin 2019, 00:48
Silence dans la brume  Privé   Solo 
Avant l'aube, le 16 mai 2044



Il déposa le carton plein de tracts au seuil de la porte de Fleury et Bott en poussant un soupire de soulagement.
Edwin Johnson n'était pas un homme courageux. Il détestait le Quidditch pour sa violence, souffrait d'un atroce vertige lorsqu'il grimpait sur un balai, avait une peur bleue des araignées ... La liste de ses craintes semblait interminable, et pourtant, Edwin était un homme de conviction.

Il lui semblait ne pas avoir dormi depuis une éternité. La fatigue rendait chacun de ses mouvements douloureux et chacune de ses pensées laborieuse. Lui, le journaliste d'opinion, le philosophe amateur, "le penseur", comme s'amusait à l'appeler sa femme, ne parvenait plus à faire le tri dans son esprit, et tout lui venait comme un flot. La moindre réflexion passagère se transformait en raz-de-marée.
Malgré sa capacité de concentration réduite à néant, il était résigné à mener sa mission à bien, quoi qu'il lui en coûtât.

Quelques jours auparavant, Edwin avait expliqué à son épouse, Jane, que le monde des sorciers avait subi un désastreux bouleversement, et que la vague de répercussion qu'il entraînerait dans son sillage risquait de mettre en péril le monde non-magique : celui des Moldus, duquel Jane était originaire. Douce et attentionnée, elle avait tenté de raisonner son mari, de le rassurer au sujet de ce qui semblait, à ses yeux, trop lointain et irréaliste pour être si important. Mais rien n'y fit : perdu, au désespoir, son mari s'était enfermé dans ses écrits, persuadé qu'il était de son devoir d'avertir la population sur les dangers que représentait un tel changement de gouvernement. Le putsch, car il fallait bien l'appeler ainsi, renvoyait, dans la formation du nouveau Conseil comme dans les convictions que ses instigateurs mettaient en avant, aux heures les plus sombres du monde magique. Toute sa vie, le journaliste avait défendu une position radicale : les Sorciers avaient besoin des Moldus, comme ces derniers avaient besoin des Sorciers. A ses yeux, la division n'avait pas de sens parce qu'elle s'appuyait sur des concepts archaïques basés sur le sang et le sol. En outre -mais il ne l'avouait qu'à moitié, et seulement lorsqu'il avait bu- Edwin était un utopiste, convaincu que l'humanité tirait sa richesse de son union, et qu'il n'y aurait pas de monde plus beau que celui dans lequel les Moldus seraient traités à rang égal avec les Sorciers.
Porté par sa foi dans des lendemains plus heureux, Edwin avait épousé Jane, une jolie jeune femme qui s'était adressée à lui à travers le courrier des lecteurs du journal local, à Aberdeen. Les années avaient consolidé leur relation, et c'est sans inquiétude qu'il s'était adressé à elle, quelques jours auparavant :


"Je ne peux pas les laisser faire, Jane. Je ne peux pas abandonner mes convictions pour une fausse paix. Je ne peux pas tolérer qu'ils foulent au pied tout ce pour quoi je me suis toujours battu."
Jane avait hurlé à son mari de ne rien tenter d'idiot, de penser à leurs enfants, de penser à leur mariage et à ce qu'il signifiait pour lui. Il avait secoué doucement la tête, résigné : sa décision était irrévocable.
"Va rejoindre ta mère, aux Orcades. Tu y seras en sécurité, loin de tout ça - loin d'eux et de leur folie. Will est à l'abri dans son internat. Théa ... Théa ne sera en sécurité qu'à Poudlard. Elle ne peut pas rentrer. Tu comprends ?"
Tandis que Jane avait fait ses valises, Edwin avait rédigé deux lettres destinées à leurs enfants. Puis, après des adieux déchirants et un tendre baiser à sa femme, il était parti.

La brume s'était levée tandis que le journaliste distribuait des tracts dans tous les recoins du Chemin de Traverse. D'après ses sources, les patrouilles des Manteaux Noirs ne passeraient pas avant une heure. Cela lui laissait un temps considérable.

Sorcier, sorcière, à quels lendemains aspirez-vous ?
Devons-nous subir le joug infernal d'un Conseil qui vous ment et prétend vous défendre ?
Moldus, sorciers, nous sommes tous frères devant la dictature et la propagande !
Levez-vous et résistez !
VOLDEMORT N'AVAIT PAS MIEUX FAIT, RAPPELEZ-VOUS
Il avait bientôt vidé le carton. Les tracts avaient été glissés sous les portes, derrière les volets clos, dans les ruelles adjacentes, sur les tables humides des terrasses des buvettes ...
... Une voix retentit derrière lui. Edwin se figea.


"Si j'étais vous, je reposerais ça immédiatement, Johnson."
Edwin n'avait pas besoin de se tourner pour sentir la pointe de la baguette qui le tenait en joue. Il leva instinctivement les mains et pivota avec lenteur, avant de découvrir deux Manteaux Noirs qui lui faisaient face, le visage dissimulés sous d'épaisses capuches.

"C'est ça, doucement. Et maintenant, donne.", ordonna la voix en lui arrachant le tract des mains. Après un bref instant de silence, il devina que le visage se relevait vers lui pour mieux l'observer. Ne pas savoir à qui il avait affaire le rendait particulièrement nerveux.
"Johnson ..." soupira-t-on, méprisant. "Tu aurais dû rester chez toi, auprès de ta Moldue. Que va-t-elle penser ? Mh ?"

On lui darda une baguette sous le menton tandis que le second Manteau Noir sortait la sienne.
"Tu vas rentrer chez toi et faire le journaliste pour ton petit journal miteux. Et tu ne remettras plus jamais les pieds ici. Et tu garderas tes idées pour toi. Compris, Johnson ?"

"Vous devez avoir sacrément honte du gouvernement que vous défendez pour vous cacher la face comme ça, non ?", déclara Edwin avec un regain de bravoure. La peur de mourir s'était muée en une sombre résignation. Il n'était plus seulement un homme, plus seulement un sorcier : il se sentait le porte-parole d'une idéologie menacée. Il se devait de se comporter en exemple. "Ou peut-être que ce sont leurs idées qui vous font honte ?"

"Non, non, Johnson, Ah ! C'est très, très mal parti. Terriblement mal parti. Pourquoi tu fais ça, mh ? C'est quoi l'intérêt de mourir pour des convictions dont tout le monde se fiche ?
- Pas tout le monde. Au contraire. Vous être bien plus inférieurs que vous n'avez l'air de le croire. C'est pour ça que vous vous installez comme un régime totalitaire : vous avez peur. Vous voulez tout contrôler. Mais vous connaissez l'histoire, vous savez que ça ne durera pas.
- Oh, Johnson, et tu crois que c'est ta minable résistance qui renversera la terrible dictature, mh ? Toi, le brave petit héros, l'intrépide petit sorcier qui rêvait d'amour !
- Les Révolutions naissent avec des héros."

Edwin sentit un frisson de terreur le parcourir quand il sentit la voix du second Manteau Noir résonner comme un glas :
"Les Révolutions meurent avec des martyrs."

L'éclat vert fendit la brume comme une balle et vint se loger dans la poitrine d'Edwin. Son corps tomba dans un bruit étouffé sur les pavés du Chemin de Traverse.

Théana : there's alchemy between us

"Ecureuil" au sein de M.E.R.L.I.N
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