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10 juil. 2019, 14:45
Trésor Ephémère  os 
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Zakary Bristyle
Frère aîné d'Aelle



7 septembre 2043
Appartement de Zakary - Chemin de Traverse
Zakary Bristyle, 27 ans


« C’est étrange à dire mais… Elle me manque. »

Zakary sentit sur lui le regard de Lounis. Pourtant, il ne releva pas la tête de la longue pipe qu’il tenait entre ses mains. L’objet en bois, long d’une vingtaine de centimètres, laissait s’échapper une fumée rougeâtre du minuscule foyer. Le silence s’épaissit et Zakary sentit poindre dans son coeur l’inquiétude sourde qui le prenait à chaque fois qu’il songeait à Aelle. Sans y penser, il inséra la lèvre de la pipe dans sa bouche et inspira profondément la fumée. Il la laissa quelque temps habiter son corps avant de la recracher en un brouillard marron par ses narines.

« Je ne sais pas comment tu fais pour fumer ce truc, Zak’, dit Lounis en s’asseyant près de lui. Les Moldus font des trucs bien meilleurs, tu sais ? »

« Les Moldus font des trucs malsains, Lou’. Laisse-moi. »

Zakary offrit un sourire sans joie à son ami qui soupira.

En ce jour, l’appartement de Zakary ne vibrait pas sous la voix profonde des musiciens Sorciers qu’appréciaient écouter les deux hommes. Il était rare de les voir tous deux assis en silence, la fumée de la pipe nimbant leur crâne d’une étrange lueur. Zakary, le dos rond et les jambes allongées regardait devant lui avec l’air de Celui-qui-ne-regardait-rien-du-tout. La seule chose sur laquelle il avait une emprise était la pipe qu’il tenait fermement dans sa main droite. Sa tête, elle, reposait sur le dossier de son gros canapé sombre. Son regard était perdu quelque part sur les imposantes bibliothèques qui habillaient le mur à sa droite.

Près de lui, assis au bord du canapé, Lounis regardait son ami. Ses sourcils froncés faisaient ressortir les rides qui se dessinaient déjà sur son front et sa bouche n’en paraissait que plus pincée.

« Et alors ? » soupira-t-il, sachant parfaitement que Zakary comprendrait de quoi il parlait.

Il espérait le faire réagir, mais le plus jeune n'eut aucune autre réaction que celle de lever les yeux pour apercevoir la lueur qui s’échappait de la petite fenêtre au-dessus de lui. Il mena une nouvelle fois la pipe à sa bouche avant de baisser ses yeux noisette pour croiser le regard de Lounis.

« Zak’..., » souffla l'homme en guise d'avertissement. 

Lounis, du haut de ses trente-neuf ans, se sentait parfois particulièrement gauche avec Zakary. Parfois, il avait la sensation de ne plus être ni un père ni un homme, mais tout juste un garçon devant le regard grave que lui lançait l’autre. Il n’aimait guère ce regard. Ces yeux sombres qui se fermaient au monde, se plongeant dans l’esprit torturé que semblait posséder plus d’un Bristyle. Pourtant, Lounis connaissait Zakary mieux que quiconque et il savait bien que le sourire lui allait bien mieux que cet air renfrogné. Et il savait plus que tout que Zakary, bien que solitaire, ne s’aimait guère lorsqu’il était ainsi plongé dans ses propres tourments.

Soudain, Lounis se leva et agita sa baguette vers la cuisine. Aussitôt, une vieille théière et un sachet de thé s'activèrent au-dessus d’une grande tasse ébréchée. Puis le blond se tourna vers l’autre homme et lui arracha la pipe de la main.
Zakary, surpris, poussa un cri et se tourna vers Lounis, l’agacement brillant dans ses yeux.

« Qu’est-ce que tu fous, Lou’ ? Rends-la moi ! »

Il se leva gauchement et fit face au grand blond qui le regardait avec son air de Papa-énervé. Zakary n’aimait pas tellement quand l’autre avait cet air. Il se rappelait alors que Lounis avait près de dix ans de plus que lui et qu’il n’aurait bientôt plus grand intérêt à le supporter.

« Non, Zak’, répondit Lounis en fronçant les sourcils. T’as envie de rester avachi toute la journée ? On dirait un veracrasse ébahi ! »

Il gardait la pipe cachée derrière son dos et parfois jetait un coup d'oeil à la théière qui s’agitait bruyamment dans la cuisine.

« Et si c’était le cas ? râla Zakary. Je suis chez moi, je peux bien me laisser aller. Rends-moi ma pipe. »

« T’as assez fumé, Zakary. »

Zakary grimaça et se frotta le front avec un air fatigué. Il avait du mal à dormir depuis une semaine. Il s’endormait pourtant sans problème, mais la nuit le voyait se réveiller une fois, puis deux fois, puis trois fois. Et alors il ne parvenait plus à se rendormir. Il restait étendu là, dans le noir, étendu sur son lit éliminé en songeant à toute sorte de choses auxquelles il n’avait guère l’habitude de songer.

Le coeur lourd, Zakary décida d’abandonner. Il se laissa tomber sur le canapé et leva les mains vers Lounis, comme pour dire : très bien, fais ce que tu veux. Lounis, qui ne s’attendait sûrement pas à cette réaction, pris un air surpris qui lui allait mal. La bouche ouverte, les sourcils levés haut sur son front, il resta ainsi jusqu’à ce que la théière vienne s’agiter dans son dos. Il se retourna alors, agita sa baguette et l’objet fumant retourna sagement à sa place sur le plan de travail. Lounis disposa sur un plateau la tasse fumante et une petite assiette sur laquelle trônait l’un de ces sablés qu’affectionnaient particulièrement Zakary. Il posa le tout sur la table basse devant ledit homme qui se redressa.

« Tiens, bois ça, murmura Lounis en le surveillant. Ça va t’éclaircir les idées. »

Zak’ lui sourit et le remercia avant d’envelopper ses grandes mains autour de la tasse. La chaleur se diffusait déjà dans ses membres et son sourire s’accentua. L’esprit un peu ailleurs mais le coeur réchauffé, il observa Lounis qui s’activait dans son petit salon. Il le vit passer au crible fin ses bibliothèques croulantes sous les grimoires et ouvrir les tiroirs du petit meuble en pin qui était, depuis le premier jour, si branlant qu’il manquait de s’effondrer au moindre toucher. Zakary n’avait jamais pensé à lui lancer un reparo. Ou plutôt si : il y avait déjà pensé mais n’avait jamais pris la peine de le faire. Il aimait ses vieux meubles récupérés et abîmés.

Lounis s’éloigna alors du meuble, laissant l’un de ses tiroirs rempli à craquer ouvert. Il s’approcha de la vieille radio qui trônait dans un coin et tamponna par trois fois sa baguette sur le dessus. Aussitôt, un long et doux son sourd s’en dégagea. Lounis se détendit et se retourna vers Zakary, un sourire aux lèvres :

« C’est mieux comme ça, hein ? »

Le brun lui sourit en retour.

« Tu l’as dit ! » lâcha-t-il en s’enfonçant dans le canapé.

Lounis retourna fouiller dans le tiroir. Quand il en sortit rouleaux de parchemin, plume et pot d’encre, le coeur de Zakary se révolta dans sa poitrine. Il posa brutalement la tasse sur le plateau et se leva.

« Lounis ! » s’emporta-t-il d’une grosse voix grave.

Son ami s’approcha de lui. Il était bien plus petit que le grand Zakary Bristyle, mais n’en était pas moins imposant. Il posa une main sur le torse de l’autre et le poussa. Ce dernier, à sa plus grande surprise, se laissa faire et retomba sur le canapé. Il le regarda d’un air mi-perdu mi-agacé.

« Hors de question, dit Zakary en secouant la tête. T’entends ? Pas question. »

« Et pourquoi ? » demanda Lounis en prenant place sur le fauteuil face à lui.

Il disposa parchemins, plume et encre sur la table basse, juste devant Zakary.

« Parce qu’elle ne va jamais me répondre, souffla ce dernier en tournant obstinément la tête vers la cuisine. Je sais comment elle fonctionne, tu sais. »

« Non, tu n’en sais rien, » asséna Lounis. Il supporta le regard sombre que lui jeta son ami puis se pencha en avant pour donner plus de plomb à ses paroles. « Tu n’en sais rien, répéta-t-il. Elle a changé, tu me l’as dis toi-même. Alors arrête de faire ton abruti et écris-lui si elle te manque ! »

Zakary refusa de tourner la tête vers son blond d’ami. Son coeur battait horriblement fort dans sa poitrine et il se détesta de se sentir si pitoyable à la seule idée de rédiger une lettre. Pourtant, au fond de lui, il se sentait particulièrement reconnaissant envers Lounis de le pousser sur cette voie. Tout seul, il n’aurait jamais songé à écrire à sa soeur.

« Elle m’a à peine répondu l’année dernière. Et encore, c’était des lettres sans… sans saveur. Je le savais, tu sais, dit-il en se tournant soudainement vers Lounis. Je le savais qu’elle mentait sur tout ce qu’elle disait et qu’elle écrivait sans y penser. Elle est comme ça, Lounis, par Merlin ! Elle en a rien à foutre ! »

Zakary leva la main en l’air pour appuyer son propos puis la laissa retomber sur ses genoux. Sa colère n’avait jamais été réveillée aussi facilement que lorsqu'il s’agissait de sa soeur. Il ne pouvait empêcher ses veines de s’enflammer quand il pensait à elle. Même s’il savait qu’elle avait changé, il ne pouvait s’empêcher de croire que vis-à-vis de lui, elle n’avait rien changé du tout. Il se souviendrait toujours des toutes premières lettres qu’il lui avait envoyé lorsqu’elle était rentrée à Poudlard, de la joie de lire ses réponses brèves mais sincères. Cela n’avait pas duré. Très vite, décembre était arrivé et alors plus aucune de ses lettres n’avait reçu de réponse. Ce n’était alors que de l’inquiétude ; personne d’autre dans la famille n’avait de réponse. Puis Noël était passé, la rage d’Aelle, sa fuite, son absence. Son horrible absence. Il n’avait jamais eu plus forte idée de l’amour qu’il portait à Aelle que lors de ces longs mois d’absence ponctués de lettres sans saveur. Il avait sincèrement cru pouvoir la retrouver durant l’été mais alors son comportement avait été si aberrant que lui même n’avait pu faire autrement que de laisser flamber sa colère ; il l’avait détesté, par Merlin.

Il lança un regard pitoyable à Lounis.
Il s’était détesté autant qu’il l’avait détesté elle.

« Je sais à quoi tu penses, Zak’, » murmura Lounis en secouant la tête.

Il se leva et vint le rejoindre sur le canapé. Il força Zakary à se tourner vers lui.

« Tu sais qu’elle a changé. Par Morgane, tu l’as bien vu sur le quai, non ? Elle était à deux doigts de pleurer, Zak’. De pleurer ! »

Zakary haussa les épaules et voulu se détourner mais Lounis affirma la prise sur ses épaules.

« Tu sais pourquoi elle allait pleurer, Zakary ? questionna-t-il en fouillant le regard de son ami. Zak’, tu sais pourquoi ? »

« Non, » marmonna le brun alors qu’il connaissait la réponse.

« Parce qu’elle ne voulait pas partir. Elle voulait rester avec vous, au Domaine. Avec vos parents et toi et tes frères. »

Zakary ricana doucement et leva des yeux tristes sur Lounis.

« Pas avec moi, non. Quand je lui ai demandé pour Kriss’, elle a réagit comme si je la torturais. Comme si je lui faisais peur ! Moi, son frère ! Elle est... »

Incapable de terminer sa phrase, Zakary se mura dans un silence obstiné. Il regrettait encore l’entrevu qu’ils avaient eu avant son départ. Quand elle s’était enfuit du salon, Zakary a voulu la rattraper. Il aurait voulu la serrer contre lui, par Merlin, il en avait eu tellement envie. Il avait senti son mensonge jusque dans ses os.  Y'a rien d'compliqué à retourner là-bas ! C'est qu'un château, avait-elle dit. Il avait vu la peur dans son regard noir et plus que jamais il aurait voulu être capable de la protéger, de la rassurer. Mais il n’avait rien fait d’autre que de lui imposer de s’occuper de Krissel.

« Et si elle ne te répond pas ? demanda soudainement Lounis. Hein ? Ça fait quoi si elle ne te répond pas ? »

« Ça fait quoi ? ricana Zakary. Ça fait que je vais rester comme un con, voilà ! »

« Ça fait que tu seras triste, » rectifia Lounis.

« Ouais, s’exclama l’autre homme en le fixant avec intensité. Je serais triste. Alors ça sert à quoi que je lui écrive si c’est pour être triste ? »

Lounis soupira et s’enfonça dans le canapé. Zakary le regardait encore avec son drôle d’air et ne paraissait pas près à se détourner.

« Tu sais ce que me dit régulièrement Krissel dans ses lettres, Zakary ? s’enquit le blond en croisant les bras sur son torse.

Zakary secoua la tête de droite à gauche sans répondre.

« Elle me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi tout le monde regarde Aelle comme si elle ressemblait à une tarentule. Je la cite : même si elle est un peu bizarre Aelle, dit Lounis en prenant une voix aiguë et en agitant les mains comme avait l’habitude de le faire sa fille, ça explique pas pourquoi les gens se retournent sur elle quand elle est quelque part. Anaëlle m’a dit que c’était parce qu’elle avait été expulsée du château. J’crois que les élèves lui en veulent un peu. Et elle a ajouté qu’à Poufsouffle c’était pire que tout et que depuis la rentrée elle n’avait pas vu Aelle parler à quelqu’un en dehors des cours. »

Zakary, le coeur vide, regardait Lounis sans réagir. Il s’imaginait sans mal la petite Krissel raconter ça dans ses lettres ; elle s’était cependant bien gardé de lui raconter ça dans le hibou qu’il avait reçu d'elle il y a quelques jours. Il pouvait sans trop de peine se douter que le retour d’Aelle à Poudlard avait été difficile. Aodren leur avait suffisamment parlé des rumeurs qui avaient circulé après l’expulsion de leur soeur. Il ne put cependant pas éloigner la sourde inquiétude qui fit battre son coeur : Krissel était d’une sincérité pure. Si elle disait qu’Aelle ne parlait à personne en dehors des cours, c’était qu’elle ne parlait à personne. Ou que personne ne lui parlait, cela revenait au même. Et Zakary, qui était homme à apprécier particulièrement la solitude, ne pouvait pas croire qu’Aelle aimait être totalement seule.

« Elle a dit ça ? » fut les seuls mots qui parvinrent à s’échapper de sa bouche sèche.

Lounis hocha la tête en affichant un air inquiet.

« Elle a dit ça et d’autres choses aussi. Mais c’est ce qui en ressort. » Il soupira. « Je pense qu’elle avait raison de craindre son retour au château. Alors si ça se passe vraiment comme nous l’a dit Krissel, elle ne va pas bien. Merde, c’est certain qu’elle ne va pas bien, Zak’. Tu es son frère. Son grand-frère. Alors même si tu as peur, je crois que ça lui fera du bien de savoir qu’elle te manque. »

Zakary râla pour la forme et enfouit sa tête entre ses mains. Parfois, il en avait plus qu’assez. Il aurait préféré qu’Aelle n’aille jamais à Poudlard.

« Je vais le faire, souffla-t-il. C’est bon, je vais lui écrire. Et si elle ne répond pas, c’est sur toi que je me vengerais, c’est clair ? Tu seras obligé de m'emmener dîner dans le meilleur restau’ de fruits de mer de Londres, c’est clair ? »

Lounis éclata d’un grand rire bref en avisant le doigt qu’agitait Zakary devant lui.

« Promis, dit-il en baissant la main de son ami. Et si elle te répond c’est toi qui m’emmènera. Et on ira dans un restaurant anglais qui sert du bon rôti. »

« Je peux te cuisiner un bon rôti tout seul, Lounis, » sourit Zakary.

« C’est toi qui le dit ! Tu m’inviteras donc à dîner ici. »

oOo


Quelques heures plus tard, dans le coeur de la nuit, les bruits du Chemin de Traverse s’étaient apaisés et la nuit avait plongé l’appartement dans une douce ambiance. Zakary s’était attablé et avait déroulé un parchemin devant lui. Il était resté sans bouger de longues minutes, la plume bavante à la main, sans ne savoir qu’écrire.

Il regardait le début de sa lettre et le trouvait particulièrement fade. Il agrippa son épaule dans un geste nerveux en se relisant :

🦉
Aelle, 

Il est étrange d’avoir été à la maison ce dimanche et de ne pas t’y avoir vu. Je m’étais habitué, durant tous ces mois, à cuisiner pour sept et non pas pour six. Il restait une grosse part de pain de viande et papa l’a coupé en petits morceaux pour que nous puissions tous en avoir un peu. J’ai mangé le mien en songeant que tu aurais aimé le nouvel ingrédient que j’y ai rajouté. Tu goûteras ça à Noël !
🦉


Ses mots lui laissaient un goût étrange dans la bouche. Quand il se relisait, il avait l’impression qu’il n’était pas lui-même. Ou plutôt, il avait l’impression d’être trop lui. Il se laissa aller contre le dossier, regardant le parchemin d’un regard noir. Quand rester assis sans ne rien faire manqua de le faire hurler il se leva et alla dans la cuisine fouiller ses placards. Il trouva un paquet de sablés et se déplaça devant la vitre qui donnait sur une petite rue inconnue du Chemin de Traverse pour les grignoter.

Et si elle ne répondait pas ? Il n’arrivait pas à détourner ses pensées de cette idée fixe. Si elle ne répondait pas, il ne serait pas seulement triste, songea-t-il. Non, il perdrait tout l’espoir qu’il avait idiotement acquis cet été vis-à-vis d’Aelle. Il se mettrait alors à penser que tout ce qu’ils avaient fait avec ses frères et sa soeur n’étaient que mensonges, qu’Aelle avait menti à chaque rire et qu’elle l’avait insulté à chaque regard. Il y en avait eu, des regards. Zakary était sûr qu’Aelle pensait qu’il n’avait rien remarqué, mais il avait tout vu. Il savait qu’elle le regardait sans cesse. Quand il tournait la tête vers elle, il tombait souvent sur ses yeux charbons scrutateurs. Elle se détournait aussitôt, les joues en feu et le regard fier. Mais Zakary savait. Si elle ne répondait pas, ce serait comme s’il s’était mépris sur ces regards. Comme si le fait d’avoir pensé qu’elle ne le détestait pas avait été une erreur.

Seules les paroles de Lounis l’encouragèrent à retourner s'asseoir. Sans elles, il aurait sûrement laissé tomber. Mais l’idée de savoir Aelle toute seule le rendait fou. 

🦉
Comment s’est passé ton retour à Poudlard ? Te connaissant, je ne doute pas que tu as été heureuse de retrouver la bibliothèque. Je me souviens encore des heures que j’y ai passé étant étudiant. Quand tu pourras aller dans la réserve, tu découvriras un tas de choses dont tu ne doutes même pas de l’existence. 

N’est-il pas trop dur de suivre les cours après avoir été habitué à étudier seule au Dôme Libre ? J’espère que tu trouveras tes marques dans le château et que tu passeras une belle année. Si tu veux un peu t’échapper du château de temps à autre, n’hésite pas à m’écrire !
🦉


Zakary éloigna sa plume du parchemin, hésitant. Il était sincère en proposant son aide à Aelle, mais appréciera-t-elle seulement ce geste ? La connaissant, il ne pouvait que croire qu’elle se sente étouffée par ses mots. Le coeur en peine, Zakary raya la dernière phrase. En écrivant cette lettre, il avait la sensation d’être au bord d’un précipice. Tout pouvait le faire basculer.

« Merlin, c’est pas normal d’avoir peur d’écrire à sa soeur..., » marmonna-t-il en engloutissant un énième biscuit.

Finalement, il repris son écriture en s’efforçant de se calmer.

🦉
Si tu veux un peu t’échapper du château de temps à autre, n’hésite pas à m’écrire !

Ici, la vie est la même. J’ai récemment découvert les limites du bois : savais-tu que c’était réellement possible de se  faire insulter par une baguette mécontente de l’ingrédient avec lequel on veut l’associer ? Moi, je ne le savais pas, mais dorénavant je ne pourrais plus l'ignorer. Brievcok n’a jamais autant ri et Lounis n’hésite pas à me chambrer avec ça.

Tu sais, je suis heureux que tu sois de retour au château. C’est important de te créer de beaux souvenirs là-bas. C’est le cas ?  Je suis heureux, mais triste également : tu me manques. 
🦉


La plume, encore une fois, cessa sa course sur le parchemin. Zakary ne pouvait plus se détourner des mots qui avaient fait chavirer son coeur. Tu me manques. Voilà, il l’avait écrit. Il l’avait écrit, mais ne pouvait s’empêcher d’imaginer Aelle rire en lisant ces mots. Lui, le grand Zakary, disait que sa soeur lui manquait ? Lui qui la charriait tous les jours, qui se montrait si dur avec elle et qui l’engueulait au moindre écart ? Lui, qui ne pouvait que regarder sans réagir sa soeur se reculer quand il s’approchait d’elle ?

« ‘Fais chier, » marmonna-t-il en se penchant sur son parchemin.

🦉
Nous n’avons pas beaucoup parlé ces derniers temps, hein ? Je le sais bien et ça me manque. J’aimais discuter avec toi et t’apprendre plein de choses. Tu as toujours su poser les bonnes questions, Ely. Alors même les courts échanges que nous avons eu depuis février me manquent. Et c’est bien plus sympa d’aller dans la forêt quand vous êtes là avec Ao’ !
En attendant que tu reviennes, je me contenterais de tes hiboux, si cela te convient ?

N’hésite pas à garder Varb quelques jours près de toi. Il t’apprécie et même s’il a toujours l'oeil un peu fou il ne t’attaquera pas. Donne-lui un peu de jus de citrouille.

En espérant lire ta réponse bientôt,

Ton frère,
Zakary
🦉


Zakary relu plusieurs fois sa lettre. Le silence l’étouffait et il alluma la petite radio qui, aussitôt, laissa entendre un air de violon qu’il aimait particulièrement. Puis, même s’il avait peur de la réaction d’Aelle à la lecture de sa lettre, il roula le parchemin et le scella à l’aide d’un point de cire. Avant d’aller se coucher, il déposa le courrier devant la cage de Varb, près de la fenêtre. Quand il reviendrait, son hibou le réveillerait et Zakary n’aurait qu’à lui donner le nom du destinataire. 

Zakary se coucha et, quand il eu éteint les chandelles et plongé son appartement dans l’obscurité, il s’endormit sans s’en rendre compte. 

- Fin -