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02 déc. 2020, 16:02
Le Dôme Libre  PV 
16 août 2045
Librairie le
Dôme Libre — Chemin de Traverse
Vacances d’été entre la 4ème et la 5ème année



Penchés l’un vers l’autre, les deux hommes chahutent. Ils se lancent des sourires, se bousculent du coude, rient ensemble, ricanent, s’amusent, s’amusent tellement qu’ils me donnent envie de vomir. Quoi que ce n’est pas tant leur amusement qui m’agace que le fait qu’ils le fassent ensemble. Cela fait plus d’une heure désormais que Zakary et Aodren sont dans l’arrière-boutique. Ensemble. Je ne sais pas ce qu’ils font, ni ce qui les fait rire, et j’essaie de me persuader que cela ne m’intéresse guère, mais je ne peux ignorer la piqûre de la jalousie qui me perfore le coeur. Elle froisse mon visage, me fronce les sourcils et Merlin ! j’ai envie de partir très loin pour ne plus voir ces deux-là ensemble. Je pourrais évidement les rejoindre. Je m’adosserais à l’une des bibliothèques qui occupent le mur et j’orienterais la discussion dans la direction que je désire : celle qui fera partir Aodren, de préférence, pour que je puisse enfin passer un peu de temps seule avec Zakary. Lorsque j’ai su que ce dernier nous accompagnerait au Dôme Libre, j’ai bêtement cru qu’il m’accompagnerait moi plus qu’Aodren et moi. Je pensais que nous discuterions, que je pourrais m’abreuver à ses sourires et me nourrir de sa présence. Ah, ma bêtise me surprendra toujours. Aussitôt Zakary arrivé à la maison, avant même que je puisse le saluer, Aodren s’est précipité vers lui, un magazine à la main, et l’a monopolisé. Comment puis-je rivaliser moi, réservée et avide de discussions sérieuses, avec ce frère si sociable, si amusant, si souriant ?
Je ne le peux pas.

Papa me regarde. Je me détourne de l’arrière-boutique qui laisse entrevoir, par la porte à demi-fermée, l’objet de ma jalousie, pour lui offrir un vague sourire mensonger destiné à apaiser l’inquiétude qui fait briller son regard. Ce n’est pas rare que Papa me regarde de cette manière ; sans doute doit-il être inquiet de mes silences, à moins que ce soit mes sourires qui l’alarment — il faut dire que ma famille n’est guère habituée à ce que je souris, comme me l’a dit cet idiot de Natanaël récemment : « tu souris beaucoup en ce moment… J’adore ça, hein ! Mais les années précédentes, t’étais pas comme ça ». Espèce d’abruti, aurais-je aimé lui dire, tu crois que cette année est semblable aux précédentes ? J’ai tenu ma langue uniquement parce que je n’avais pas le courage de lui expliquer que ma tête est remplie de questions et de préoccupations, mais que je suis bien avec eux ; et aussi parce que ça ne le concerne pas.

Une fois Papa, bien campé derrière le comptoir qui fait face à la porte d’entrée, retourné à ses occupations de libraire, je laisse mon regard se promener librement autour de moi ; fatiguée par ma lecture (et surtout par la quasi nuit blanche que j’ai faite la veille) je préfère observer la boutique. Cette dernière n’est pas aussi vide que je le pensais. Il semblerait que le temps où les gens dédaignaient le Chemin de Traverse soit révolu, au plus grand plaisir de Papa. Quelques clients se trouvent dans la librairie. Des gens seuls, à deux, en famille, en couple… Mon regard n’est attiré par aucun d’eux. Moi, ce que je regarde, c’est cette grande femme seule. Le nez plongé dans un livre qui a l’air de la passionner, les traits sévères, les cheveux sombres bien que parsemés de mèches blanches… Je la trouve très belle, très distinguée. Je me demande si cette image qu’elle me renvoie est le reflet de ce qu’elle est à l’intérieur. Si je vais lui parler, découvrirais-je une femme passionnante et intéressante ou alors me rendrais-je compte qu’elle est toute fade, comme la plupart des Autres qui hantent la librairie ? J’aurai aimé avoir la force de lui adresser la parole. « Pourquoi ce livre ? » lui demanderais-je et cela marquera peut-être le début d’une conversation captivante ! Mais je ne me lèverais pas de la commode sur laquelle je suis installée, pas plus que j’ouvrirais la bouche ; ce n’est pas moi d’adresser la parole aux autres.

Quand Papa m’a vu décaler les livres présentés sur le meuble bas et m’y asseoir, il a froncé les sourcils. Pendant un instant, j’ai cru qu’il allait me dire de descendre de là pour me trouver un siège plus adéquat. Mais finalement, il n’a rien dit, il s’est contenté de sourire ; j’en ai conclu que j’avais parfaitement le droit d’être là où j’étais. Il faut dire que j’ai une belle vue, d’ici. Le meuble donne sur l’allée centrale, ce qui est malheureux puisqu’il y a du passage, mais sur ma gauche je peux voir Papa derrière le comptoir ; sur ma droite la porte d’entrée ; au-dessus de ma tête le grand dôme me montre le ciel bleu ; en face de moi les présentoirs, les bibliothèques pleines à craquer de livres et la fameuse grande, belle et sérieuse femme qui attire mon regard ; à onze heures (j’ai compté) je peux même surveiller le jeu idiot de Zak et d’Aodren — ce qui attise certes ma jalousie, il semblerait que j’aime me flageller.

Ce qu’il y a de bien avec la boutique de Papa, c’est qu’elle ne respecte pas les règles que l’on retrouvent habituellement dans les librairies. Les rayonnages portent des noms, les livres sont classés mais ces derniers ne sont pas sages. Il n’est pas rare de voir des bouquins traverser les airs pour rejoindre un autre rayonnage (ce qui ne manque pas d’agacer Papa) ou d’assister à la dispute de deux d’entre eux. J’adore quand cela arrive : les pages arrachées volent dans tous les sens et ça affole les clients. Au bout de la librairie, derrière moi, les rayonnages sont hauts, comme à Poudlard, impossible de voir ce qu’il se cache derrière — habituellement, j’aime m’asseoir tout au fond de la boutique, derrière ces bibliothèques, pour ne pas être dérangée. Il fait sombre, là-bas, mais c’est agréable.

Un rire attire mon attention ; *Zakary*. Par la porte entrouverte il me jette un regard. Je me détourne rapidement de peur qu’il comprenne que je les espionne. Naturellement, mes yeux trouvent le chemin de la femme et je reprends mon observation de la belle.

Le Dôme Libre est agencé de la sorte : sur la droite des présentoirs bas sur lequel les meilleurs livres du moment sont mis en avant. Sur le mur, toujours sur la droite, des rayonnages plein de livres. Sur la gauche, place aux hautes et imposantes bibliothèques sur trois rangées, et les murs eux aussi accueillent des livres. Face à la porte d’entrée qui est, comme toute la façade, en verre, sur le mur du fond, le comptoir derrière lequel se trouve Zile. Sur ce comptoir on retrouve tout ce que l’on trouve habituellement sur un comptoir mais aussi une chose qu’Aelle nomme le bocal à brume ; une curiosité ramenée par Zile de je-ne-sais-où : une cloche en verre dans laquelle bouge un nuage brumeux légèrement illuminé. Sur la droite du comptoir, la porte qui donne sur l’arrière-boutique ; actuellement, celle-ci est donc entrouverte et laisse voir (et entendre) Aodren et Zakary qui discutent, au plus grand dam d’Aelle. Au-dessus de cette dernière, comme elle le précise dans mon texte, un dôme en verre qui permet à la lumière de pénétrer dans la boutique. La librairie n’est pas franchement rangée, mais c’est ce qui la caractérise : il y a des livres partout, des piles de livres, des rangées de livres, le comptoir est en bazar, des cartons traînent le long du mur du fond.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 09 déc. 2020, 21:01, modifié 1 fois.

09 déc. 2020, 11:21
Le Dôme Libre  PV 
Le mercredi 16 août 2045
En pleine après-midi



Pop.

Je lâche le bras de ma grand-mère dès qu'une ruelle se dessine au milieu du monde qui tournoie tout autour de moi. Je le lâche presque violemment et suis comme projetée comme le mur auquel je m'appuie avec les deux mains. Mon estomac remonte jusque dans ma bouche et je vomis. J'ai l'impression de vomir tous mes organes comme s'ils ne sont plus qu'une bouillie mais c'est mon repas qui s'étale sur le sol. J'attrape le mouchoir qui apparaît dans mon champ de vision pour m'essuyer la bouche et en fait une boule. Il me faut d'autres minutes avant de me redresser et de me remettre à marcher à côté de ma grand-mère.

Je jette le mouchoir dans la première poubelle dès que nous tournons dans la rue principale.

Le soleil illumine la rue dans toute sa longueur et fait transpirer encore un peu plus mon front auquel collent déjà les cheveux qui se sont échappés de ma queue-de-cheval basse. Je fronce les sourcils et je plisse les yeux sans avoir le réflexe de lever la main pour arrêter le soleil. Mon estomac est toujours retourné et c'est lui que ma main transpirante protège. Ma respiration est presque haletante et mon visage doit être pâle. Pourtant mes yeux sont de grands curieux et ils s'accrochent à chaque visage qui passe en me donnant le tournis. Je dois être bien pâle, je pense en voyant des sourcils froncés au-dessus des yeux qui veulent bien tomber dans les miens. Et pendant que nous parcourons la rue, mes pieds n'arrêtent pas de me porter vaillamment aux côtés de ma grand-mère.

On s'arrête devant la librairie. Celle dont elle m'a parlé dès que j'ai exprimé ce souhait qui est toujours caché au fond de mon cœur.

Je laisse mon regard se promener sur la devanture vitrée et plus haut encore sur le dôme tout aussi vitré que l'on voit dépasser. Le soleil ne me gêne pas dans mon observation, son éclat se reflète sur les vitres du dôme et j'évite de regarder cette tâche de lumière vive. Mais le temps que cela dure, s'il ne me paraît rien, doit être trop long parce que dans mon dos la main de ma grand-mère m'invite à rentrer et son rire cristallin entre dans mes oreilles. Alors j'entre et pousse la porte.

C'est une bouffée magique qui m'emplit les poumons dès que je pose le premier pied à l'intérieur. Magique parce que ce qui tombe sous mes yeux grands ouverts me fait oublier mon estomac en vrac, magique parce que les bibliothèques à gauche laissent voir tout un tas de possibilités, magique aussi parce que le dôme en verre est bien plus beau de l'intérieur.

Je réalise que ma grand-mère est passée devant moi quand mes yeux redescendent jusque sur l'allée principale en face de moi et que c'est sur son dos qu'ils finissent par tomber, sur sa robe violette aux manches courtes sur ses épaules et sur le tout petit sac qui tient sur celles-ci par la lanière. Je m'élance alors pour la rattraper.

« Eh ! »

Je m'exclame quand je dois me pencher en avant pour éviter un livre qui traverse l'allée en volant. Je grogne un moment avant de réaliser que c'est véritablement un livre volant que je viens de devoir éviter et j'étouffe un rire de surprise. Je me redresse plus silencieusement avec les yeux brillants.

L'excitation m'a fait me hâter et je n'ai pas regardé tout autour de moi si bien que j'ai raté une information qui me saute maintenant aux yeux. Cette fille qui est assise sur un présentoir près du comptoir. Mes joues se parent de rouge et dans ma tête les pensées tourbillonnent : je la connais. Il a fallu que je ne la voie pas tout de suite et que j'agisse aussi bizarrement. Alors je prends une grande bouffée d'air et je détourne les yeux très vite.

Je me remets à marcher aussi vite et fais les pas qui me séparent de ma grand-mère et du comptoir en évitant de regarder cette fille. Ma grand-mère atteint le comptoir au moment où je touche son bras. Je me glisse derrière elle, et me place sur sa droite, en adressant un petit sourire au libraire. Je ne détaille pas son visage par politesse et jette mon dévolu sur ce qui se trouve sous mes yeux. Je les ouvre en plus grand en observant la cloche de verre posée là. Elle renferme un nuage brumeux et brillant et je me perds déjà à le contempler. Je n'écoute même pas ce que dit ma grand-mère.

Magic Always Has a Price
6ème année

09 déc. 2020, 18:13
Le Dôme Libre  PV 
Tap, tap, tap. À un rythme régulier, mes talons frappent la petite étagère du meuble sur lequel je suis assise. Tap, tap, tap. Le bruit est assez ténu pour que je sois la seule à l’entendre. Régulier, discret, il me berce. Mes yeux sont lourds et mon esprit embourbé de torpeur. La porte s’ouvre ; des clients entrent. Je ne leur adresse pas le moindre regard. En face de moi, la femme distinguée a reposé le livre qu’elle feuilletait pour en attraper un autre. Je me penche légèrement et grimace. Je reconnais la couverture : Les folles histoires de Genver. Un roman. Comment une femme avec une telle présence peut-elle être intéressée par un vulgaire roman ? Ça me décevrait presque. Ça m’aurait déçu si je l’avais cru capable d’être réellement intéressée par un tel livre — je préfère me persuader qu’elle lit la quatrième de couverture pour savoir s’il plaira à un quelconque fils, une quelconque petite-fille peut-être, ou tout autre personne inintéressante qui pourrait avoir envie de lire une daube pareille. Comme si elle m’avait entendu et qu’elle voulait me rassurer sur la qualité de ses centres d’intérêt, la belle femme repose le livre en question et se dirige vers des ouvrages un peu plus intéressants. Un sourire m’étire les lèvres. Dans ma tête, j’imagine un plan : je vais me lever et faire mine d’observer les livres sur le présentoir proche de la porte d’entrée. Lorsque la femme attrapera un livre que je connais bien, je pourrais me pencher vers elle et lui dire une phrase intelligente et censée qui marquera le début de la conversation. Ce plan est parfait — dommage que je sois incapable de le mettre à exécution.

Une vieille passe devant moi et se dirige vers le comptoir. Je l’ignore, toute à mon imagination rêveuse. Un mouvement sur ma droite attire cependant mon attention. Je me tourne assez rapidement pour voir une gamine se pencher pour éviter le vol dangereux d’un vieux grimoire. Je regarde ce dernier se poser sur un rayon sur lequel il n’a absolument rien à faire avant d’en revenir à la fille. Je tombe dans son regard. La première chose que je me dis, c’est qu’elle a l’air absolument ridicule ; je m’imagine la scène se passer différemment dans ma tête : le livre vole plus bas, la fille ne se baisse pas, le premier rencontre la tête de la seconde. Je baisse la tête pour cacher le ricanement qui me secoue.

Ce n’est qu’avec un temps de retard, lorsque la fille rejoint celle qui doit certainement être sa grand-mère, que je me dis que son visage m’est familier. Je l’observe à la dérobée. Des cheveux sombres, petite de taille et de carrure… Aucun signe distinctif. Bah ! je l’ai certainement déjà aperçu à l’école. C’est bien ma vaine, j’espère qu’elle ne viendra pas me parler. Non pas qu’elle ait des raisons de le faire, je ne la connais pas, mais elle me connaît certainement — après tout, avec l’histoire de Chu-Jung et Zikomo, je ne suis pas tout à fait une inconnue dans Poudlard. A mon plus grand désarroi. Ou parfois, mon plus grand bonheur.

Je croise le regard de papa avant qu’il n’accorde toute son attention à ses deux clientes. Un soupir au bord des lèvres — quelle longue journée ! — je retourne à mon observation minutieuse de la femme, la lectrice, l’intéressante. Elle a bougé. Désormais, elle se trouve juste à côté du rayon sur lequel a atterri le fameux livre qui a manqué de percuter la tête de l’élève de Poudlard. C’est ma chance ! Je saute du présentoir sans me soucier de remettre à leur place les livres que j’ai dérangé pour m’y asseoir et fond sur mon objectif comme un oiseau sur sa proie. Une fois près d’elle, je n’accorde aucun regard à la femme — il ne faudrait pas qu’elle remarque mon intérêt. Je l’ignore complètement, la dépasse et m’étire pour attraper le grimoire. L’animal est récalcitrant, il s’agite et bat des pages. Je le coince sous mon bras le temps qu’il se calme.

Mon cœur bat à vive allure quand je m’approche de la femme. Elle a le nez plongé dans un livre. Peut-être qui si j’arrivais à voir le titre… Je me penche à droite et à gauche, mais pas moyen de l’apercevoir. Ça ne m'empêche pas de rester là où je suis ; je fais mine de lire un livre pour paraître occupée.

15 déc. 2020, 22:08
Le Dôme Libre  PV 
Cette curiosité, qui s'agite sous mes yeux, accapare toute mon attention. C'est dans les volutes de sa brume que mes yeux élisent domicile pour les minutes qui suivent, car sa lumière m'hypnotise. Autour de moi les livres vont et viennent toujours comme bon leur semble et les voix de ma grand-mère et du libraire sont un bourdonnement agréable. Mais un bourdonnement qui ne retient pas mon attention. Il est assez rare que je sois toute prise à quelque chose au point d'en avoir les yeux grand ouverts, mais cette cloche de verre est particulièrement fantastique. Les mots des adultes à côté de moi sont une drôle de couverture qui se pose sur ma tête pour me recouvrir de la chaleur de leur ton.

Je lève la tête en réalisant que ma grand-mère connaît le libraire pour lui adresser un regard qui lui demande ; tu le connais ? Avant qu'elle-même m'interrompe en me poussant vers les présentoirs. Elle me gratifie d'un sourire chaleureux et le visage du libraire affiche le même genre de sourire.

Je hoche la tête en m'éloignant. Mon pas est lourd de la chaleur qui tombe toujours sur mes épaules et du soleil qui s'écrase sur ma tête. Mes doigts vont sur mes cheveux par réflexe quand je fais finalement volte-face pour me retourner sur les rangées de présentoirs, et je constate que mes mèches noires sont chaudes. Sur mon visage trône une moue à partir du moment où mes yeux ont du quitter le nuage sous la cloche. Mais elle s'évanouit quand mon regard passe sur les couvertures des livres rangés dans le premier présentoir qui se présente devant moi.

Le soleil illumine plus particulièrement la deuxième rangée de présentoirs depuis le dôme en verre du plafond et c'est celle-ci que mes pieds me portent au rythme où mon regard caresse les livres en lisant les titres. Je crois que ce sont des romans, pensé-je en lisant L'idylle d'Odile et À travers les yeux de verre sur des couvertures caractéristiques de ce genre d'ouvrages. Je me déporte tout en lenteur vers cette deuxième rangée et je me glisse bientôt devant son premier présentoir. Tout un tas d'autres petites meubles attendent que je les passe au crible et je jette déjà un œil vers eux avec plaisir. Je suis contente que ma grand-mère m'aie amenée ici et certaine qu'elle sait à quel point ce genre d'endroit me plaît. L'odeur de la poussière qui vole dans les pages qui s'agitent sous le coup des doigts de plus curieux clients ou sous le coup de leur propre volonté en virevoltant pour changer de place emplit mes narines autant que je suis comblée par tous les détails de la boutique qui tombent sous mes yeux.

Alors que mes doigts parcourent les couvertures de livres dérangés sans les effleurer pourtant, je me pose subitement une question. Je lève la tête et jette un œil autour de moi. Je tombe sur la porte entrouverte derrière le comptoir et les rires qui s'en émanent me parviennent, et je vois même les pieds de deux garçons là derrière. Mais mon regard ne s'arrête pas longtemps et continue sa ronde. Au comptoir, ma grand-mère est toujours en grande conversation – ma grand-mère utilise ses mains quand ses conversations sont grandes – et je me détourne mon regard affectueux pour continuer cette observation. Ah ! Je tombe enfin sur ce que je cherche en me tordant le cou. Cette fille que j'ai vue là où je me tiens précisément est derrière moi et de l'autre côté de l'allée.

Ce n'est pas que je la cherche non, c'est juste que je me suis demandée où elle était passée. Je souris en réalisant que c'est elle qui a dérangé les livres qui passent sous ma main et je me perds à la regarder. Je vois son profil depuis ma position et détaille la forme de son visage pour me souvenir de son prénom. Puis mes yeux descendent jusqu'à ses bras et le livre qui gigote dedans. Un autre genre de sourire, émerveillé, éclaire mon visage entre la sueur de mon front et le pétillement de mes yeux. Puis, je remarque la femme qui se tient près d'elle et pense : qu'elle est belle, le temps d'un instant.

Oh ! Je crois qu'elle m'a regardé. Alors je fais volte-face rapidement pour lui présenter mon dos. Je retourne à l'observation des livres du présentoir devant moi en rougissant un peu. Mais qui saura que c'est ce regard que je crois qu'on m'a adressé qui a fait rougir mes joues quand le soleil est si ardent ?

Mais je me souviens de son prénom.

Magic Always Has a Price
6ème année

17 déc. 2020, 17:23
Le Dôme Libre  PV 
J’ai l’impression d’avoir un petit animal contre moi ; sous mon bras, le livre s’agite faiblement, comme s’il voulait m’échapper pour continuer sa folle course dans la librairie. Nul doute que si je le lâche il repartira de plus belle, battant des pages comme un oiseau. Raison de plus pour le garder près de moi. Je ne suis pas naïve, contrairement à d’autres, au point de croire que ce livre est réellement vivant. Il est simplement imprégné de magie, ce qui explique qu’il s’agite. Certains livres de la librairie de Papa n’ont jamais bougé la moindre page. Ils sont complètement immobiles ; ennuyeux. D’autres, au contraire, sont plus affolés que leurs semblables. Un sourire fugace passe sur mes lèvres quand je me souviens des deux livres qui s’étaient battus lors de ma rencontre avec Wood. Parfois, je n’arrive pas à calmer les ouvrages récalcitrants. Dans ce cas-là, je dois faire appel à Papa qui semble être le seul à avoir de l’autorité sur ses livres.

Plongée dans mes réflexions, je n’en surveille pas moins la femme. Elle lit, mais elle lit toujours la quatrième de couverture de bouquins que je ne connais pas. Petit à petit, mon espoir d’avoir une conversation s’amenuise pour ne laisser place qu’à la torpeur due à la fatigue qui m’accable depuis ce matin. Je commence à me dire que je vais aller retrouver ma place, là-bas, ou rejoindre Zak et Ao dans l’arrière-boutique. La seconde option me parait irréalisable. Pour cause, j’entends les rires des deux hommes jusqu’ici — un peu plus et Papa ira les réprimander comme des gamins ; j’espère que cela arrivera, ça apaisera ma jalousie en même temps. Quant à la première option… Un regard vers le présentoir sur lequel j’étais assise me confirme qu’elle sera irréalisable également : l’élève de Poudlard s’est éloignée de la vieille qu’elle accompagne pour aller regarder les livres qui y sont posés. Et qui sont dérangés.

Que faire ? Le grimoire que j’ai sous le bras me donne ma réponse. Il s’agite, encore et encore, cette pâle imitation d’un animal. Je soupire. Le seul moyen de le calmer est d’aller le remettre à sa place, j’imagine. Sa place qui est dans les rayons du présentoir juste derrière la gamine de Poudlard. Évidemment. Merlin a envie de m’emmerder, aujourd’hui. Un dernier regard lancé en direction de la femme et je m’éloigne, un soupir débordant de mes lèvres. Comme s’il savait ce qui l’attendait, le grimoire s’agite de plus belle.

« Ça va, calme-toi, » marmonné-je à mi-voix.

Je rougis de cette sale habitude que j’ai prise et qui me revient dès que je suis au Dôme Libre ; parler aux livres, ce n’est pas très intelligent. Si je le fais, c’est parce que j’ai vu Papa le faire durant toute mon enfance, que ce soit ici ou à la Maison. Cela ne m’a jamais dérangé, et je le faisais moi-aussi volontiers jusqu’à ce que Maman me dise un jour : « Ce sont des livres, Aelle, pas des êtres vivants. Leur parler est inutile. » J’ai honte de m’en rappeler, mais j’avais été très blessée. J’avais six ans, j’avais peut-être encore l’espoir que les livres me répondent. Depuis, à chaque fois que cette vieille habitude me reprend, je repense à la réflexion pleine de dédain de Maman et j’ai honte.

Je m’approche du présentoir, dans l’allée centrale. Je ne jette qu’un regard à la fille avant de m’accroupir devant le meuble derrière elle. Elle me gênerait presque mais je me dis que ma proximité la forcera à se décaler.

Je libère le livre, l’attrape par le dos, essaie de le ranger à sa place. L’animal résiste ! Dans un bruit de pages bien trop bruyant, il marque son mécontentement. Fichu livre. Je râle un peu, le tapote sur le dessus, mais rien y fait. C’est souvent le cas lorsqu’il y a du monde dans la boutique, cela affole les livres. Je sens sur moi le regard de Papa ; derrière son comptoir il voit tout. Merlin, je mourrais de honte s’il devait intervenir. Il ne me reste plus qu’une solution.

« Tu l’as cherché, » soufflé-je au livre.

Laborieusement, tout en essayant de tenir en équilibre et en coinçant le livre contre moi, je fouille dans ma poche. Un coup de baguette, un seul, suffit à calmer le livre. Un sourire victorieux m’étire les lèvres.

« Tu l’as cherché, » répété-je en le rangeant à sa place, inerte.

05 janv. 2021, 20:39
Le Dôme Libre  PV 
La confusion qui m'a fait me retourner brusquement n'est pas passée très vite, mais elle s'est estompée tout en douceur dans les minutes qui ont suivi. Elle s'est transformée en gêne au fur et à mesure que je lis les titres des livres qui passent sous ma main. Je m'applique à regarder, et même à détailler toutes les couvertures qui passent sous mes mains moites – je ne touche toujours pas les livres précisément pour cela – en lisant les titres et les auteurs. Quelques minutes de contemplation ont suffi pour calmer le rythme de mon cœur battant et le voilà qui tambourine plus tranquillement. Mes joues sont toujours chaudes de cette gêne.

Le plafond vitré nous assommerait presque de toute la chaleur qu'il emmagasine sous sa vitre. Je jette un œil au-dessus de ma tête et cela me suffit pour entrevoir le ciel bleu là-haut. Je souffle.

Aelle. C'est le prénom que m'a chuchoté mon esprit une unique fois et qui résonne en échos au fin fond de ma tête. Et il reste comme un murmure en arrière-plan dans mon esprit, alors que je tente de l'occuper avec autre chose de bien plus intéressant pour lui. Les livres. Les livres ne sont-ils pas ce qu'il y a de plus intéressant ? Ils le sont bien sûr et je suis persuadée que mon esprit tordu le sait aussi : mais quelque chose de bizarre l'empêche de voir clair. Je suis incapable de penser à autre chose qu'à cette fille de Poudlard qui se tient quelque part dans mon dos bien que mon cœur ne batte plus aussi vite.

Dans mes oreilles bourdonnent tout un tas de bruits parmi ceux que je peux capter dans cette boutique. Les pas sur le sol, les pages qui se froissent, les conversations et les rires dans le fond. Mais pourtant, je me fige, et voilà que mon cœur reprend son fou rythme, quand j'entends des pas juste derrière moi. Je ne suis pas certaine qu'ils le soient : c'est en sentant une présence tout près de mon dos que je me fige vraiment.

Comme si le moment, les gens, le temps, étaient suspendus autour de moi, je me retourne très lentement. Assez lentement pour que je la vois, qu'elle se soit accroupie et qu'elle ne pose pas ses deux yeux effrayants sur moi – Merlin, je ne suis même pas sûre qu'ils le seraient ! Et je me décale aussi lentement que je me suis retournée. Dangereusement, ce sont mes joues chaudes qui me donnent ce signal-là, je la guette. C'est vraiment ce que je fais parce que je regarde au-dessus de son épaule pour regarder le livre s'agiter entre ses mains.

Le coup de baguette qu'elle lance au livre me fait sourire bêtement et le claquement du livre qui retourne à sa place me fait sursauter. Une rapide analyse de la situation, et je décide qu'il serait plus sage de me retourner. Qu'il serait plus sage de ne pas croiser son regard.

J'en ai oublié ma grand-mère ! Je ne l'ai pas regardée depuis un moment et maintenant elle est derrière Aelle (c'est étrange de penser son prénom alors que je ne la connais pas) et je suis coincée : impossible de me retourner à nouveau. Tant pis, je vais devoir évoluer sans un clin d'œil rassurant, ou un sourire lumineux ou pire encore un signe de la main chaleureux. Je souffle. Derrière moi, cette fille s'est probablement redressée et s'est peut-être même éloignée, je ne sais pas, je ne la vois pas. Mes sourcils sont froncés, de la transpiration perle sur mon front et mon visage est probablement toujours écarlate.

« Concentration... »

Marmonné-je pour moi-même. Ma poitrine se soulève au rythme de ma respiration que j'essaie de calmer. La chaleur de l'été est trop lourde sur mes épaules et elle fait suinter chacun de mes pores : quelle horreur ! Pensé-je.

Pourtant, en même temps que le rayon de soleil qui vient du plafond vitré, l'idée qui m'a animée jusqu'ici me revient comme une illumination divine. Un rictus se dessine sur mes lèvres parce que je ne crois pas à ces choses-là. C'est même un petit ricanement qui s'échappe de ma bouche et je ne le rattrape même pas. Je sais ce que je dois faire alors je me mets à marcher et je concentre mon attention sur les titres des livres pour en repérer le thème et espérer saisir le mode de rangement.

Je continue à avancer à pas calfeutrés entre les présentoirs sans trouver mon bonheur. Pourtant, mon sourire toucherait presque mes oreilles. Je traverse finalement l'allée pour m'enfoncer dans les rangées de bibliothèques ; à la recherche d'un graal.

Magic Always Has a Price
6ème année

30 janv. 2021, 18:13
Le Dôme Libre  PV 
Je m'excuse sincèrement, très sincèrement pour cet horrible retard !

Je m’appuie sur mes genoux pour me relever. L’effort m’a donné chaud et le soleil d’été qui se déverse dans la librairie par le dôme au-dessus de ma tête n’arrange rien. Je glisse un regard fatigué en direction de Papa, toujours occupé à discuter, puis vers l’arrière-boutique. La porte est désormais fermée ; mon cœur n’y résiste pas et pousse un râle de jalousie. Qu’est-ce que Zakary et Aodren peuvent bien faire dans cette pièce qui ait besoin que la porte soit fermée ? Si j’avais été un tant soit peu objective, j’aurais apprécié que la porte étouffe le son agaçant de leurs rires, mais je ne suis pas objective et qui plus est, je suis jalouse d’être mise à l’écart de leurs petits amusements. De toute façon, même s’ils me l’avaient proposé je ne les aurais pas rejoint. Actuellement, la seule chose que mon corps désire faire, c’est dormir. Pour une fois, j’aimerais bien ne pas rentrer à la Maison trop tard. J’ai envie de retrouver la fraicheur et la paix relative de ma chambre.

Un petit soupir aux lèvres, je me détourne de l’objet de ma convoitise pour jeter un coup d’oeil au présentoir sur lequel j’ai jeté mon dévolu tout à l’heure. Je constate avec un certain bonheur que la fille s’en est éloignée. Je la vois quelques pas sur ma gauche, regardant les présentoirs. Bientôt, elle se dirige vers les rayons ; tant mieux, je n’aime pas l’idée d’être aussi proche d’une élève de Poudlard au beau milieu de l’été. Pendant les vacances, j’aime oublier ce que ça fait d’être entourée pendant dix mois de tout un tas d’abrutis indiscrets et insupportables. C’est agréable de ne me retrouver qu’avec des personnes qui me connaissent et que je connais, loin du château — j’ai tout de même une pensée émue pour Thalia qui me manque bien plus que ce que je pensais.

J’ai le malheur de croiser le regard de Papa en m’approchant de mon présentoir. Celui-ci me fait un geste de la main ; il veut que je le rejoigne. Je tourne la tête vers la vieille près de lui, grimace et finis néanmoins par m’approcher. Le plus simple avec Papa c’est de faire ce qu’il me dit de faire en temps et en heure, cela m’évite des discussions ennuyantes et des leçons de morale.

« Tu devrais aller aider la jeune fille à trouver son bonheur, me souffle Papa à mi-voix et je lui adresse un regard interrogateur. La jeune fille, elle est partie dans les rayons.
Oh mais papa…, me plains-je en grimaçant, je voulais… »

Rien du tout, à vrai dire, et c’est là le cœur du problème : je voulais ne rien faire. Papa ne semble pas d’accord avec cela. Il me lance un regard d’avertissement comme si je n’étais qu’une gamine.

« Tu connais la librairie par cœur, va l’aider s’il-te-plait. »

Une nouvelle grimace, un regard noir et une fatigue bien trop importante pour que je souhaite discuter la demande idiote de l’homme. Je lève les yeux au ciel pour la forme et m’éloigne non sans insister sur mon soupir, pour que tout le monde comprenne ce que je pense de ce genre de demandes. Comme si cette fille avait besoin de moi pour trouver son bonheur ! Soit elle est trop idiote pour le trouver d’elle-même et dans ce cas je ne veux rien avoir à faire avec elle, soit elle souhaite se débrouiller toute seule et je serais bien trop ravie de la laisser en paix. Je sens cependant le regard de Papa sur moi et je sais que je n’ai désormais plus le choix.

Je traîne les pieds jusqu’au rayon dans lequel la fille se trouve. Mon regard se balade sur la tranche des livres qui me sont familiers. Je pousse un nouveau soupir et observe l’élève de Poudlard de bas en haut. Sa tronche ne m’est réellement pas inconnue, mais je préférerais observer la jolie femme de tout à l’heure plutôt que la regarder elle. Remisant mes réflexions au fond de mon esprit, je dresse le menton et croise les bras sur ma poitrine.

« Tu cherches quoi ? » demandé-je d’une voix traînante et ennuyée.

Très certainement un livre sans prétention. J’en suis épuisée par avance.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 14 mars 2021, 17:04, modifié 2 fois.

06 mars 2021, 19:47
Le Dôme Libre  PV 
Pointer mon nez dans les rayonnages éclaire encore mon esprit et mon visage. C'est bon de traîner au milieu de livres, des tranches vieillies par-dessus la tête, une odeur de poussière dans les narines. Je suis contente de me savoir encerclée par les grandes bibliothèques, et je le suis aussi de croiser des piles de livres sur mon chemin dans cet autre monde. Parce que c'est tout un autre monde qui s'étend devant moi, dans l'allée étriquée que forment les deux géants-pleins-de-livres. Je pourrais presque les entendre respirer, tous ces livres, emplis d'une ambiguë magie. Et dans leur ombre, dans le halo sombre que les géants m'offrent par leur importance, je me sens bien. Je souris bêtement : parce que je suis seule. J'entends que l'on s'agite encore dans la boutique, bien sûr, derrière tous ces livres. Mais je ne vois personne et cela suffit à m'isoler du monde réel. La poussière se soulève, passe dans les faisceaux de lumières des trous laissés par les livres achetés, à chacun de mes pas.

Baignée dans l’atmosphère rassurante de la libraire, du moins celle qui l’est dans les rayonnages, je me concentre complètement à la recherche. Une activité qui me ravit, ma grand-mère le dirait à qui veut l'entendre, et je ne m'en défendrais pas. Je suis plutôt fière que ma grand-mère me présente comme la grande lectrice que je suis – ou au moins celle que je crois être – auprès de ces amis ; bien qu'il ne lui soit plus donné de les voir. Ces amis sont des moldus pour la plupart.

Les ouvrages qui passent sous mes yeux ne sont plus des romans, il y a des autobiographies, des biographies tout court, quelques thèses, autant de manuels et d'autres ouvrages du genre. Mais s'ils ont tous à voir avec la magie et ses nuances, je ne mets pas le doigt sur ce que je cherche. Il y a un autre rayon, pensé-je, en regardant la bibliothèque qui cache la seconde allée de haut en bas.

Je n'imagine pas ce qu'il se trame dans les coulisses de ce monde et derrière les géants-de-livres. Pas un instant je n'entends les directives du libraire à sa fille. Et quand bien même, je ne suis pas sûre que j'aurais compris ce qui se passait. C'est pour ça que je sursaute quand on m'interpelle.

C'est elle, cette fille de Poudlard. Aelle. Et maintenant qu'elle est devant moi, je me défends de penser son prénom : je ne devrais même pas le connaître, bien que ce soit Zikomo qui me l'a donné.

Mes yeux s'ouvrent en rond, j'en suis certaine, alors que le sueur dégouline jusque sur mes nez, entre mes sourcils. Je pose mes deux billes brunes dans les siennes, elles sont toutes les quatre aussi sombres et se défient presque de l'être plus que l'autre. Ma tête se baisse un peu : est-ce que c'est de la soumission ? Une sorte de respect ? Ou pire encore, de la gêne ? Quoi qu'il en soit je me tiens là, devant elle, bien plus petite, et bien plus intimidée. Je panique mais je ne bégaie pas, je rougis bêtement en espérant que l'ombre de la bibliothèque me couvrira.

« Je cherche des livres sur les magies du monde. »

C'est ce que l'on dit, n'est-ce pas ? Les magies du monde. Elles sont si nombreuses que je ne les connaîtrais jamais toutes, je l'espère – parce que cela signifie que j'aurais des choses à apprendre toute ma vie et ma grand-mère grognerait sûrement : on apprend des choses toute la vie. Mes yeux se plissent, perdent leur étrange rondeur, alors que je me tourne vers la bibliothèque la plus proche, bien que l'allée soit étroite, pour me remettre à lire les titres pendant que la fille de Poudlard – je m'interdis toujours son prénom – doit être en train de réfléchir à sa réponse.

« Il y en a, ici ? »

J'ajoute sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit d'autre. Je retiens presque mon souffle, alors que mon visage est tourné vers elle sans que mes yeux ne regardent son visage. J'essaie de sourire : passer du temps à la maison me rend bien moins hostile les peu de fois où j'ai à me frotter au monde réel.

Magic Always Has a Price
6ème année

14 mars 2021, 18:09
Le Dôme Libre  PV 
*J’lui ai déjà parlé*.

Bien malgré moi, cette réflexion se dépose dans mon esprit. À être toute proche d’elle et à la regarder réellement pour la première fois depuis qu’elle est rentrée dans la librairie, je ne peux ignorer qu’effectivement je suis certaine de lui avoir déjà parlé. Je ressens un certain malaise que je cache derrière un froncement de sourcils. Je ne sais pas d’où me vient cette sensation, mais elle est bien présente. Je n’arrive pas à me souvenir du moment où j’ai adressé la parole à cette fille. Je ne me rappelle pas ce que nous nous sommes dit, de pourquoi nous nous sommes parlés et de si elle m’avait agacé ou non — quoi que la réponse est certainement oui puisque les Autres sont toujours agaçants lorsqu’ils m’adressent la parole. Le problème, c’est que je déteste avoir des souvenirs vagues. Je déteste l’idée que cette fille en sait davantage sur moi que j'en sais sur elle. C’est désagréable, cela me fait me sentir inférieure. Alors j’essaie de me rassurer : nous avions dû avoir un échange banal, sans grand intérêt et voilà pourquoi je ne m’en souviens guère. Mais j’ai beau me répéter tout cela, je n’arrive pas à me départir de mon malaise.

Sa voix me détourne de mes pensées ; *je reconnais cette voix*, me souffle ma conscience fatiguée, accentuant ainsi mon mal-être. La seule chose positive, c’est que sa quête ne manque pas d’intérêt, bien que sa question soit carrément idiote. La Magie est passionnante, surtout celle que l’on a pas l’habitude de côtoyer. J’ai passé de nombreuses heures à étudier toute sorte de magie, ici ou à Poudlard, et j’en connais un rayon sur le sujet. Bien entendu, je suis plus renseignée que jamais sur la magie africaine mais ma curiosité m’a poussé et me pousse encore à étudier toutes les magies qui peuvent se faire à travers le monde. Malheureusement, je n’ai aucune envie de discuter de cela avec cette fille. Si j’aime échanger avec des personnes intéressantes, je déteste le faire avec des gamines qui me mettent mal à l’aise et qui ne représentent rien pour moi.

Je laisse le silence s’étirer. Elle croira certainement que je réfléchis ; à tort. Mon regard décrypte son visage, ses traits, à la recherche d’un souvenir perdu — mon esprit, lui, me souffle des pensées méchantes bien que tout à fait légitimes : *l’est complètement conne avec sa question*, *on est dans une librairie sur l’Chemin d’Traverse, elle croit vraiment qu’y’a pas c’qu’elle veut ici ?*, *l’est pas capable de chercher par elle-même, c’est bien c’que je croyais, elle est idiote*. Ces pensées ne sont motivées que par mon agacement ; dans un monde idéal, cette fille m’aurait répondu : « Rien, merci, je vais me débrouiller toute seule ». Mais c’est vrai : ce monde n’est pas un monde idéal.

« Non, non, rétorqué-je d’une voix moqueuse, on a pas de livres sur les magies du monde. Après tout, c’est pas comme si on était dans une librairie sorcière. »

Merlin, pourquoi les gens se fatiguent-ils à parler si c’est pour énoncer des paroles aussi vaines ? Un soupir, éternel soupir, traverse mes lèvres. Je jette un dernier regard à la fille-qui-ne-m’est-pas-inconnue avant de décroiser les bras et de m'avancer. En passant près d’elle, je frôle la bibliothèque de droite, une grimace dégoûtée sur le visage — la proximité de l'enfant me dérange. En m’éloignant, je lui offre mon profil :

« T’es pas dans l’bon rayon. Viens. »

Et sans attendre, je disparais dans le fond de la boutique, là où les rayonnages sont des montagnes et où la lumière estivale s'échappe au profit d’une agréable obscurité. Ce n’est pas pour rien que je me réfugie ici la plupart du temps que je passe au Dôme Libre. Si la tranquillité y est certes agréable, c’est aussi et surtout parce que se trouvent à cet endroit les livres les plus intéressants de la boutique. Aucun livres moldus ici, pas de romans ou autres idioties du genre. De vieux ouvrages, une bouffée de connaissances, une brassée de Magie, voilà ce que l’on peut trouver dans le fond de la boutique de Papa.

Je m’arrête devant le mur de gauche de la boutique. Les bibliothèques montent jusqu’au plafond, lourdes de bouquins ; des grands, des petits, des agités, des calmes, des verrouillés, des gueulards, des chieurs et même des normaux. Je pose la main sur l’étagère qui se situe à ma hauteur et je souris en reconnaissant le titre de certains livres que j’ai déjà lu. J’en oublie ma fatigue et mon agacement. Mon coeur tricote de jolis sentiments ; Merlin, ce que j’aime ces livres, ce que j’aime le savoir qu’ils renferment ! Tout le bonheur que je recherche, toute la joie dont j’ai besoin se trouve enfermé entre ces pages. Des centaines, des milliers de pages pour combler la grande faim de Savoir qui me ronge au quotidien. Si seulement le monde pouvait cesser de tourner, si seulement la vie pouvait se stopper pour que je puisse profiter à outrance de tout cela sans ne jamais avoir à me soucier d’autre chose.

07 juin 2021, 17:43
Le Dôme Libre  PV 
Je m'étonne un peu. C'est sûrement stupide mais je m'étonne d'entendre la voix de cette fille. Je ne me souviens pas l'avoir entendue la dernière fois, dans ce couloir qui s'efface peu à peu de ma mémoire dans une sorte de brouillard. À vrai dire, c'est le souvenir du renard bleu qui reste le plus net et, à terme, ce sera sûrement le dernier à rester au milieu de la brume de l'oubli. Et alors je m'étonne de cette voix qui tranche l'air autant qu'elle tranche les gens - le ton qu'elle emploie n'est qu'à peine rieur, il est bien plus moqueur. Je le sais parce que c'est ce genre de ton qu'emploie Jane pour se moquer de n'importe qui.

Le sarcasme qu'elle emploie me fait frissonner et pour plusieurs raisons. D'une part, et je ne peux réprimer une moue, parce que ces mots me rabaissent. Comme si ma question était trop débile pour qu'on y réponde sans user de l'ironie, ou encore comme si je n'étais pas assez maligne pour deviner qu'il y avait forcément des livres sur les magies du monde ici. Et d'un autre côté, une petite part de moi ne peut s'empêcher de penser : elle a raison de me parler sur ce ton. Qu'est-ce qu'elle était débile cette question.

Le temps qu'elle prend pour passer derrière moi, j'en profite pour plaquer ma paume contre mon front, comme pour dire à mon cerveau qu'il faut se reprendre.

Mais finalement, quand je pense qu'elle s'en va en me laissant sa cinglante réponse pour seule et unique réponse et que je m'imagine déjà continuer à fouiller les rayons aveuglément jusqu'à trouver ce que je cherche, elle me gratifie d'un "viens". Et cela me fait bêtement sourire, un instant. Avant que je me mette à trottiner pour m'engouffrer dans l'allée de livres dans laquelle je le regarde disparaître.

Elle n'est pas agréable, je pense, et le temps d'un instant une pensée du genre "que fait Zikomo avec elle" me traverse. Je secoue la tête pour chasser cette pensée en apercevant de nouveau le dos de cette fille - que je ne veux plus appeler par son prénom même en pensée tant qu'elle ne me l'aura pas donné elle-même.

Et dans cette allée de livres, au milieu de ces bibliothèques, précisément, se dessine les contours nets de ma quête. Et je souris, je souris en grand, et même avec les dents. Ici, plus encore que dans l'autre allée, le soleil ne pénètre pas. Mais si les bibliothèques ne vont pas jusqu'au plafond, aux poutres apparentes comme la charpente d'une vieille maison, la chaleur se fait plus écrasante dans cette dernière allée. Et quand bien même la sueur dégouline sur mon front, c'est le cadet de mes soucis. Je ne pense qu'à mener à bien ce pourquoi je suis ici, l'ultime raison.

« Merci... »

Soufflé-je dans un sourire à peine dissimulé. Non, mes lèvres ne veulent plus descendre et mes yeux ne sont plus du tout sur le dos de cette fille de Poudlard : ils sont tout à ces rayonnages. Qui regorgent de magie au point où je peux le sentir, où j'en ai l'impression. Tout s'efface de ma tête comme par magie, et avec la même dose de magie ma tête se remplit de toutes les magies du monde sur lesquelles je veux lire. Je ne pense plus aux quelques galions de budget qui doivent canaliser mes achats.

Je commence par le bout de l'allée et je lis les tranches, de haut - aussi haut que je peux voir depuis mes pieds sur leur pointe - en bas - aussi bas que mes genoux peuvent plier. Et je lis sans me lasser une seule seconde pendant les minutes silencieuse qui s'écoulent.

De ma silencieuse expédition à travers les magies du monde je sors deux gros livres, poussiéreux comme je les aime, sur la magie d'Afrique - dont l'un sur l'école de Uagadou, lis-je. J'en aussi deux ouvrages plus menus sur la magie sans baguette et continue ma quête. Je crois que la magie sans baguette plaira beaucoup à Chems...

Magic Always Has a Price
6ème année