La jeune sorcière laissa s'échapper un long soupir. Sa pause déjeuner venait d'être interrompue par l'entrée fracassante d'une de ses camarades dans la Grande Salle. Athalée à l'Infirmerie. Personne n'avait aucune idée de ce qui lui était arrivé. Avec une légère appréhension, elle grimpa quatre à quatre les escaliers jusqu'au troisième étage. Sam n'aimait pas l'Infirmerie, et y venir l'inquiétait presque autant que si elle devait s'asseoir face à une cheminée. Frappant délicatement à la porte du dispensaire et n'obtenant aucune réponse, elle finit par se glisser en silence dans la grande pièce où dormaient quelques élèves malades. En parcourant les lits du regard, elle finit par apercevoir la chevelure indécise marron roux de sa camarade. Hésitant entre agacement et soulagement, elle la rejoint d'un pas rapide, pressée de pouvoir s'en retourner à son repas. Arrivée devant son amie, elle soupira. 

- Raah, qu'est ce que tu as encore fait, Miss ? Tombée dans les escalier ? Potion ratée ? Tu allais très bien quand je t'ai croisée devant la salle de Métamorphose. J'comprends pas. Il va falloir que tu m'expliques, s'exclama avec ironie la jeune sorcière. 

Peut-être était-elle sèche ? Tant pis. Elle n'avait que peu de temps, ses camarades choristes et musiciens l'attendaient de pied ferme dans la salle de répétition, et elle n'avait aucune envie de multiplier ses retards. Pourtant, en observant Athalée, elle sentait une fragilité désagréable chez la vert et argent. La gorge nouée, la jeune sorcière prit son courage à deux mains et, tentant d'ignorer sa Répulsion envers le lieu, s'assit sur le tabouret voisin au lit de la malade. Les bras croisés, elle s'allongea à moitié sur la couverture d'Athalée, les yeux perdus dans les murs blanchâtres du dispensaire. 

La réponse de son amie fit sourire la jeune sorcière. Athalée et stressée étaient deux mots s'accordant tristement à la perfection. Désormais son livre en main, la verte semblait faible et fatiguée. Il fallait qu'elle dorme. Laissant s'échapper un long soupir, deux, puis trois, Sam tourna la tête vers son amie. Les cernes s'étaient installées depuis longtemps sous ses yeux noisette, et la pâleur des murs malades se reflétait sur sa peau. 

- Tu devrais dormir plus, et manger du chocolat façon Pouffy's, paraît que ça déstresse. Demande une de ses potions cheloues à l'infirmière, c'est sa spécialité, elle saura te trouver quelque chose pour le sommeil ! 

La pauvre Athalée restait éveillée avec difficulté. Un instant, la bleu et bronze s'en voulut de la fatiguer tandis qu'elle n'avait besoin que de dormir. L'état de sa camarade était déplorable. Sam se leva d'un bond et courut à la rencontre de la doctoresse. Celle-ci rechigna à céder son précieux breuvage somnifère à la fillette, mais cette dernière finit par s'en saisir d'elle même sur le bureau de Ruby Lloyd..  La cadette Brown se retint de rire en devinant le regard méprisant de la vieille infirmière dans son dos. Arrivée devant sa camarade, elle se rassit et lui tendit le flacon. 

- Tiens, bois ça ! 

Puis, brisant le silence maladif de l'hôpital scolaire, Sam laissa s'échapper quelques notes de sa bouche candide. 

Les regards haineux que lancèrent quelques malades à la jeune sorcière ne firent que l'inciter à chanter de plus belle. Tournant la tête vers Athalée, elle attendait l'approbation de celle-ci pour continuer. 

Lentement, Athalée continua. L'une ou l'autre, les voix douces des enfants emplissaient de calme le lieu malade. Finalement, les élèves mécontents s'étaient tus et prêtaient désormais oreille aux notes des jeunes sorcières. Du coin de l'œil, Sam observa Athalée vider le contenu du flacon de Miss Lloyd dans sa bouche. Les yeux vides, perdue dans ses pensées, elle reprit. 

Bonheurs enfantins
Trop vite oubliés effacés
Une lumière dorée
Brille sans fin
Tout au bout du chemin

Les mots venaient ainsi. Cette mélodie, elle l'avait chantée, encore et encore. Parfois seule. Parfois accompagnée. Elle s'en souvenait comme si c'était hier. Ses frères et elle la répétaient, encore et encore. De jour comme de nuit. C'était leur petit rituel lorsqu'ils rentraient enfin de Poudlard après des mois d'absence. Chanter. De tout comme de rien. Jouer. Violon Saxophone Piano. C'était avant l'accident. Après, elle chantait seule.
Seule.
Dans le noir.
Mais plus aujourd'hui.
Désormais, elle n'attendait que la suite. Tournant les yeux vers Athalée, toujours aussi pâle, elle ne dit rien. Le silence ou les notes. Aucune parole. Elles n'en avaient pas besoin. 
Sam voulait juste apaiser Athalée. 
Qu'elle puisse dormir en paix. 
Oublier l'horrible goût de la mixture de la vieille infirmière. 
Les notes valsaient, dansaient, traversaient la pièce fade en y ajoutant les couleurs manquantes. Mais dès le silence revenu, tout redevenait gris. Sombre. Immonde. La seule chose qui la retenait de sortir en trombe de du dispensaire était la présence d'Athalée, sa voix. 

Tout au bout du chemin"

L'accompagnement d'Athalée fit sourire la jeune sorcière.

Dans le plus grand des calmes, Sam continua. 

La voix de la jeune Drasilio ne parvenait plus jusqu'à ses oreilles. Surprise, la fillette jeta un coup d'œil de côté, tentant d'apercevoir sa camarade verte.
Athalée s'était endormie. Plus aucune note ne sortait de sa bouche d'enfant. Un sourire franc se dessina sur le visage de la jeune sorcière. Sans un mot, elle se redressa et bailla. Elle reviendrait voir son amie une fois celle-ci réveillée. La jeune sorcière secoua la tête, tentant de chasser la brume qui s'y était installée. Elle quitta la pièce en silence, posant rapidement un pied après l'autre, pressée de quitter la pièce dégoûtante et son air nauséabond. Arrivée à la porte du dispensaire, l'enfant stoppa sa course et laissa s'échapper les dernières notes de la chanson, apportant une dernière fois un peu de couleur aux murs fades. 

Vois sur ton chemin
Gamins oubliés égarés
Donne leur la main
Pour les mener
Vers d'autres lendemains

[...]

Elle avait fini. 
Elle se surprit à pleurer. Qu'est ce que tu fous Sam ? Espèce de fragile ! Le sourire aux lèvres, elle poussa la porte en bois brut et sortit tout en séchant ses larmes d'un revers de la manche. En descendant jusqu'à la Grande Salle, une réalité la frappa. 

Finalement, ça faisait du bien de pleurer.