14 Juin 2044 :

Les examens étaient finis mais Enora n'avait pas su s'arrêter. Depuis l'annonce de son séjour forcé à l'école de magie, c'était ce à quoi elle avait choisi de se rattacher. Une date sure, une date qui resterait fixée quoi qu'il se passe. Mais la date était dépassée et elle ne pouvait que continuer à travailler. C'était pour cela qu'on allait à l'école après tout, non ? Alors elle s'était tuée à la tâche. Elle avait révisé et appris même après avoir passé ses examens, même après avoir eu ses résultats exemplaires il y a quelques jours. 
L'effort continu avait eu un sacré effet sur son petit corps. Les cauchemars chaque nuit contribuaient certainement à empirer son état. Elle ne faisait que penser à ses parents qu'elles ne reverraient pas avant un temps indéterminé et qui ne lui répondaient qu'au compte goutte. Elle avait peur qu'il se soit passé quelque chose de terrible en plus du coup d'état et qu'ils refusent de le lui dire. Bien sûr, cela lui donnait encore plus envie de s'occuper l'esprit et donc de continer à travailler. Le cercle vicieux était fermé. 
C'était dur et son petit corps ne suivait plus si bien que ce matin, en se dirigeant vers la grande salle pour un maigre petit déjeuner, son apétit l'avait quittée depuis lontemps, elle s'était effondrée. 

~ 

Quelques heures plus tard, Enora reprit connaissance. Elle se sentait faible et pouvait à peine respirer alors ouvrir les yeux étaient hors de portée. Heureusement, ses oreilles n'avaient pas besoin d'être ouvertes pour entendre et elle se fit plus attentive. La pièce semblait à moitié vide, au moins de gens, car elle ne percevait que très peu de pas. Aussi, il y avait des rideaux que l'on tirait sans cesse tout en se rapprochant. L'aiglonne ne voulait pas être importunée. Elle n'était pas prête à parler de ce qu'il s'était passé et encore moins de ce qui l'avait mise dans cet état. Elle s'efforça de retomber dans un sommeil relatif avant que l'infirmier n'atteigne son lit. 

~

- Hé, réveille toi !

Enora ouvrit les yeux en grand cette fois ci. Qu'elle en ait l'énergie ou pas, les bras qui la secouaient ne lui laissaient pas le choix. Elle tenta vainement de la repousser d'un geste faible en papillonant des yeux pour s'habituer à la luminosité.

- Je suis réveillée, murmura-t-elle, espérant calmer la fille qui l'avait sortie de son sommeil sans rêve. 

La brune que Julie avait secouée fini par se réveiller et le lui annoncé. Ouf, la deuxième année ne serait pas seule dans la salle morne où elle était obligée de rester, du moins jusqu'à ce que l'infirmière l'autorise à sortir. Sans doute pas de sitôt, vu l'état de ses jambes blanchies par les bandages. Et c'était sans doute une bonne idée, sachant qu'elle ne pouvait pas effectuer le moindre geste sans avoir mal, et encore moins marcher. Restait la possibilité de parler avec sa voisine de lit, peut-être lui demander ce qui l'amenait en espérant ne pas récolter une insulte, ce dont plusieurs élèves étaient capables. Elle se redressa sur ses oreillers, grimaçant à cause de la douleur que lui causait ses jambes sans doutes cassées, et engagea la discussion avec l'autre jeune fille.

-Comment t'as atterri ici ? demanda-t-elle en s'adossant autant qu'elle le pouvait sur le mur. Je suis désolée de t'avoir réveillée, mais je voulais pas être seule à rien faire ici. C'est d'un ennui par là !

Peut-être allait-elle paraître égoïste de l'avoir réveillée juste pour ne pas s'ennuyer, mais elle ne comptait pas passer  tout son temps seule sans conversation. Sa langue finirait par sécher au bout d'un moment. Elle redressa légèrement ses oreillers plaqués derrière son dos pour avoir une position un peu plus confortable et attendit la réponse de la fille qu'elle avait réveillé pour pouvoir poursuivre la conversation, en espérant ne pas se forger une réputation de fille très étrange si la première année venait à lui demander ce qu'elle avait fait pour se retrouver à l'infirmerie.

je suis désolée pour le retard

Les bras qui la secouaient s'éloignèrent enfin. La stratégie de la petite Enora semblait avoir marché. Pourtant, vu l'état dans lequel elle était quand elle l'avait mise au point, ce n'était pas gagné. 
La crispation de ce réveil dénué de douceur s'éloignait petit à petit et elle put se renfoncer dans ses oreillers tranquillement. La lumière était trop intense pour ses yeux rester fermés si longtemps alors elle les ferma. Elle aurait presque pu se rendormir juste comme ça si ce n'avait été pour la sorcière à côté d'elle. En plus de l'avoir réveillée, elle comptait maintenant l'empêcher de s'endormir. Avant de répondre à ses questions, sa bouche pateuse réclama de l'eau. Elle se força donc à rouvrir les paupières pour trouver de quoi s'hydrater. Elle posa finalement le regard sur une carafe d'eau à sa gauche.  Encore trop faible, elle la prit à deux mains pour se servir un verre qu'elle descendit d'une traite. Désaltérée, elle soupira de contentement avant de reposer son dos sur les oreillers. 
Elle fronça les sourcils en tentant de se rappeler ce qui l'avait mené ici. Elle revit les couloirs à moitié vide puis le noir puis les pavés du sol puis plus rien.

- Je crois que j'ai fait un malaise, elle partagea son hypothèse. 

Elle se resservit un verre d'eau. Ce petit exercice de mémoire avait fini de la réveiller alors autant attendre l'infirmier en discutant. Si le sommeil revenait, elle le ferait savoir à la jeune sorcière.

- Et toi ? Qu'est-il arrivé à tes jambes ?

Enora accompagna ses propos d'un faible geste envers les dits membres, enroulés de bandages.

L'autre fille paraissait encore endormie, et mit quelque temps à répondre qu'elle avait sans doute fait un malaise. Elle ne savait donc pas ce qu'elle faisait dans l'infirmerie, ce qui étonna Julie.

-Sérieux, t'es là mais tu sais pas pourquoi ?

La brune prit un verre d'eau à l'aide d'une cruche se trouvant sur sa table de chevet, et la deuxième année décida de faire de même, sa gorge étant asséchée. Elle n'avait pas dû boire depuis longtemps, d'ailleurs elle ne savait même pas combien de jours étaient passés depuis qu'elle était tombé de l'arbre. Elle attrapa le verre d'eau disposé sur sa table de chevet et avala le liquide qu'il contenait, espérant qu'il n'y ait pas de Potion de Sommeil Sans rêves dedans. La jeune Eragon n'avait plus du tout envie de dormir.
La première année lui demanda ce qui était arrivé à ses jambes. Son ainée baissa les yeux vers les couvertures et recouvrit ses blessures avec les draps blancs, réprimant une grimace quand elles tombèrent sur ses jambes meurtries.

-J' suis un blessé de guerre moi ! dit-elle avec un sourire. Nan, sans rire, en fait je suis montée dans l'arbre du Paon Noir et quand je suis redescendue, je suis tombée. De la hauteur du premier étage en plus ! Heureusement, je suis tombée sur les jambes et pas sur la tête, du coup j'ai la chance de pouvoir rester ici pendant loooongtemps. Miss Loyd ne me laissera jamais sortir d'ici avant que mes blessures soient complètement guérie. Dommage que ce ne soit pas arrivé avant les exams. Juste, on est quel jour ?

Elle jeta un coup d’œil vers son poignet gauche avant de se rappeler qu'elle avait laissée sa montre dans son dortoir.

Enora n'apprécia pas la réflexion de la jeune sorcière et commençait presque à regretter d'avoir répondu. Elle l'avait réveillée pour ne pas être seule, ce qui était déjà assez égoïste, mais en plus elle se moquait d'elle ? Le feu lui montait aux joues et s'accompagnait d'une migraine. Elle se retint donc de s'énerver pour son propre bien. Cela n'incluait pas pour autant de réprimer son sarcasme :

- Aussi étonnant que ça puisse paraitre non. Quand on est inconscient, c'est difficile de savoir ce qu'il se passe. 

Elle ne la regarda pas pour dire ses mots froids, convaincue que ce serait suffisant ainsi. L'inconnue répondit néanmoins à sa question sur ses jambes. Elle semblait presque fière d'avoir trouvé le chemin de l'infirmerie. Pourtant, elle semblait être en peine à chaque mouvement. Elle était sans doute assez téméraire pour penser que ça valait le coup. Elle fit même la réflexion que si ça c'était produit pendant les examens, l'accident lui aurait encore mieux servi. Enora soupira, pensant qu'en réalité, l'école lui aurait juste demandé de rester quelques jours d'été supplémentaires à Poudlard pour les passer en bonne et due forme. 
Elle l'interrogea ensuite sur la date et Enora ne put s'empêcher de sourire :

- Tu demandes à la fille que tu as réveillé alors qu'elle était inconsciente je te rappelle. Pour autant que je sache, il a bien pu se passer une semaine depuis que je suis tombée dans les pommes !

Apparement la brune n'avait pas aimé les paroles de Julie car elle lui répondit avec sarcasme qu'elle était inconsciente et qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Embêtée d'avoir gêné la première année, la jeune Eragon détourna le regard et aperçu une petite pile de chocogrenouilles sur la table de chevet, qu'elle n'avait pas aperçues auparavant. Sans doute un cadeau de Marius. Elle en saisit une et croqua à pleine dents dedans en espérant que l'infirmière ne viendrait pas à ce moment même. Elle n'avait pas entendu, ou plutôt écouter, la phrase de la fille de Serdaigle, saisissant seulement les mots "une semaine depuis que je suis tombée dans les pommes". La Serpentard se retourna vers elle sans écouter les protestations de ses membres meurtris et essaya de faire comme ci elle l'avait écouté du début à la fin, ce qui était assez difficile sachant qu'elle n'avait pas compris ses paroles. Elle partit du principe que l'autre fille était à l'infirmerie depuis une semaine, ce qui l'étonnait, et croisa les doigts pour que ce soit la vérité.

-A d'accord, dit-elle en cherchant ses lunettes pour voir plus nettement le visage de la brune. Je me disais juste que tu ne devais pas être là depuis longtemps vu que tu as juste fait un malaise. 

Elle observa le visage qui se trouvait sur sa carte de chocogrenouille tout en posant ses lunettes sur son nez. C'était Dilys Derwent, la célèbre guérisseuse de Sainte-Mangouste. Ironie du sort pour quelqu'un qui se trouvait blessé à l'infirmerie.

Je suis vraiment désolée pour le retard  

Enora soupira. La remarque de Julie la fit venir à une conclusion qui lui donna la chair de poule. 

- Un malaise peut-être mais un malaise avec perte de connaissance peut être bien plus grave ... dit-elle avec amertume. 

Et elle n'avait vraiment pas besoin d'un problème de plus dans sa vie. Le conseil des sorciers faisait n'importe quoi et leurs actions avaient des conséquences désastreuses pour ceux qu'elle aimait. Ses parents l'avaient abandonnée en bonne et due forme et elle ne savait pas à qui elle pouvait s'ouvrir. Et maintenant, elle se retrouvait à l'infirmerie sans vraiment savoir le pourquoi. Ni le comment d'ailleurs mais cela était moins grave. 
Elle ferma les yeux, tentant de retenir les larmes qui montaient. Elle se sentait tellement faible, allongée dans ce lit qui n'était pas le sien, une inconnue à ses côtés et aucun infirmier en vue. Pour se donner de la contenance, elle se servit un nouveau verre d'eau qu'elle ne toucha même pas ni fit mine de toucher. Encore une fois, elle soupira. Elle avait juste besoin d'une petite amélioration dans sa vie. Une seule. 
Comme l'univers ne semblait pas vouloir exaucer son souhait, elle décida de se tourner vers une distraction : sa voisine qui s'empiffrait de chocogrenouille, son pêché mignon. 

- Je peux en avoir une s'il te plait ? demanda-t-elle en la suppliant de ses yeux humides. 

Les larmes qu'elle avait retenues pourraient avoir une utilité finalement. 

La Serdaigle lui fit remarquer qu'elle avait peut-être fait un malaise avec perte de connaissance, une possibilité que Julie n'avait pas envisagée. Elle hocha la tête pour montrer à la première année qu'elle avait compris avant de se servir un nouveau verre d'eau, ayant la gorge asséchée par le chocolat. Lorsqu'elle eut fini son verre et qu'elle se retourna vers la jeune Serdaigle, elle eut la surprise d'observer les larmes que celle-ci avait dans les yeux lorsqu'elle lui demanda une Chocogrenouille. Un peu étonnée, elle prit un de ces excellents chocolats sur sa table de chevet et la posa sur le lit de l'autre fille, toujours aussi étonnée qu'elle pleure pour du chocolat.

-Pourquoi tu pleures ? demanda-t-elle avec un manque de tact évident. C 'est que du chocolat, tu vas pas en mourir si tu n'en mange pas.

Cette phrase devait être encore plus vexante pour la fille brune, et la jeune Serpentard s'en voulut tout de suite de l'avoir dit.

-Je suis désolée, c'est sortit tout seul, dit elle pour essayer de rattraper la précédente phrase.

C'était tout aussi mal dit, mais la jeune Eragon ne trouvait pas un moyen de se corriger de nouveau, et elle laissa passer sa phrase en espérant que la jeune Serdaigle ne dirait rien sur son impolitesse. Elle essaya de se montrer plus aimable afin de ne pas s'attirer les foudres de l'autre fille.

-Au fait, tu t'appelle comment ? demanda-t-elle.

Je suis vraiment désolée du retard  

Enora sourit légèrement avant de glisser sa main vers la chocogrenouille. Son geste était étonnement lent et pourtant, elle avait hâte de la manger. En plus de la gourmandise pure, elle avait l'hypothèse qu'un peu de sucre pouvait aider. De ses doigts faibles, elle ramena la friandise vers elle avant de la déballer et de l'engloutir d'une bouchée. La blonde la regarda faire avant de demander :

- Pourquoi tu pleures ? C 'est que du chocolat, tu vas pas en mourir si tu n'en mange pas.

Tout d'abord, elle ne pleurait pas. Aucune larme n'avait quitté l'orée de ses yeux mouillés donc cela ne comptait pas. Ensuite, si elle était dans cet état là, ce n'était pas pour le chocolat. 

- Ce n'est pas pour la chocogrenouille. Tu ne peux pas comprendre ... soupira-t-elle après avoir fini son chocolat. 

Elle était trop bien élevée pour parler la bouche pleine, même si cela voulait dire faire attendre son interlocutrice. En l'occurence, elle ne se serait pas sentie plus coupable que ça. 
La jeune fille s'excusa, première depuis le début de cette conversation, et pourtant, la réveiller avait sans doute été la pire chose qu'elle avait faite. Enora accepta ses excuses d'un hochement de tête avant de se renfoncer dans ses oreillers. Quand est-ce que l'infirmier allait-il bien arriver ?
La dernière réplique de la jeune fille la ramena à la réalité. Elle ne s'était pas présentée ! Elle qui était tellement fière de l'éducation qu'elle avait reçue se sentit soudain honteuse. 

- Désolée, j'aurai du le dire plus tôt... Je m'appelle Enora Horton et toi ?

A elle de s'excuser on dirait. 

Aucun soucis