Après les événements du fameux bal d'Halloween, beaucoup d'élèves furent blessés, à plusieurs stades de gravité différentes. Celui de Matthew se trouvait dans les pires. Les professeurs avaient dû lui enlever de force son ami évanoui qu'elle tenait fort contre-elle. Elle se souvenait qu'elle avait enfin lâché prise en reconnaissant ses professeurs qui se voulaient rassurants en lui disant plusieurs fois qu'ils étaient là pour aider.

Elle avait vu son ami se faire emmener de tout urgence à l'extérieur de la salle avec d'autres blessés vers l'infirmerie. De ce qu'elle avait pu comprendre d'après des dires, Saint-Mangouste était en sous effectif, ce qui empêchait le transfert de tous les blessés vers l'hôpital des sorciers. Poudlard n'avait jamais connu un événement si violent depuis la dernière bataille qu'avait mené Voldemort quelques années auparavant.

Le lendemain du drame, dans l'après-midi, elle eût enfin l'autorisation de se rendre à l'infirmerie pour lui rendre visite. La petite sorcière poussa comme elle put la grande porte pour rentrer. Enfin dedans, elle fit un léger signe de tête à l'infirmier qui était en train de s'occuper d'un autre élève dont le bras avait été fracturé par un débris du plafond.
Sans bruit, elle marcha près des rangés de lits, cherchant celui qui l'intéressait réellement. Ce fut vers la fin qu'elle trouva un lit dont les rideaux blancs étaient tirés. Elle se permit de les entrouvrir pour voir qui se trouvait à l'intérieur.

Elle put entendre son cœur battre plus vitre en trouvant Matthew, entourait de tout ce blanc. Le garçon abordait un assez gros bandage sur le haut de sa tête, une de ses arcades présentait quelques points de sutures. Un côté son visage commençait à bleuir, ceci était bien un sacré bleu ! Le garçon n'avait toujours par repris connaissance depuis qu'il avait percuté le mur de la grande-salle.

La petite sorcière alla s'asseoir sur la chaise qui se trouvait à côté du lit. En s'asseyant, un grincement se produisit. Elle fit une grimace, elle ne voulait pas se faire engueuler en faisant trop de bruit.

Tout d'abord, elle ne fit que l'observer en silence. Peut-être qu'il daignerait enfin ouvrir les yeux et lui dire bonjour avec ce petit sourire qu'il avait l'habitude de lui faire en la voyant arriver.
Mais non. Il était là, endormi ou plutôt éteint. Personne ne savait quand il allait se réveiller. Soudainement, elle trifouilla sa poche et en sortit la baguette du Serdaigle, il l'avait perdu quand il s'était pris le souffle du sort. Émeline l'avait retrouvé par chance quand elle était en train de quitter la salle. Elle avala un peu de sa salive et commença à lui parler.

-Salut Matt...J'ai trouvé ça hier, si je ne me trompe pas, elle est à toi.

Elle posa délicatement la baguette sur le côté du lit, près de la main entrouverte de Matthew.
Elle continua à lui parler avec un ton assez bas pour ne pas déranger les autres patients.

-Je voulais te dire que...Que j'étais désolée de ne pas t'avoir retenu. Si j'avais été plus rapide tu ne...

Sa voix se brisa légèrement alors qu'elle essayait de terminer sa phrase. Des larmes étaient apparues sur le côté de ses yeux, elle avait l'impression que sa peine lui broyait la gorge. Elle renifla le plus discrètement possible et essuya avec le dos de sa main les petites perles liquides.

-Je t'ai apporté les livres dont nous avions parlé la dernière fois. Tu pourras les lire quand tu te réveilleras, je sais que tu ne serais pas à l'aise sans au moins un livre à tes côtés.

Elle essayait de sourire, même s'il ne la voyait pas, elle pensait que Matthew préférerait la voir ainsi que de la voir craquer. Elle se permit d'entremêler ses doigts autour des siens. Ce contact lui fit un peu de bien.

-Tout va bien se passer, je te le promets.

Il fait noir. Je ne vois rien. Je ne sens rien. Je n'entends rien. Rien. Le néant. Mon esprit aurait-il quitté mon corps ? Suis-je vivant ? Suis-je mort ? Tout est vague. Une violente douleur à la tête. Un grand coup dans le dos. Dans tout le dos. Mon souffle coupé. J'avais mal. Mal au point d'en perdre conscience. Je ne ressens plus rien. Je suis dans le noir total... Je crois que je suis mort... C'est donc ça, ma fin ? Je pensais que j'allais mourir étouffé sous une avalanche de livres après un accident de bibliothèque... Ou bien alors mourir vieux et fatigué après avoir lu tous les ouvrages du monde dans toutes les langues... Mon corps ? Ai-je encore un corps ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je suis perdu... Tout autour de moi, il n'y a que du noir. Est-ce que je tourne la tête ? Ai-je encore ma tête ? Ai-je encore mes yeux ? Je devrais avoir peur. Je devrais crier. Mais je crois être trop abasourdi pour faire quoi que ce soit... Aucun bruit. Aucun son. Aucune odeur. Aucune sensation. Aucune vie nulle part.

Quelque chose bouge dans les ténèbres dans lesquelles je suis enfoui entièrement. Un éclair surgit soudainement. Les douleurs de mon corps reviennent petit à petit. J'ai beau être dans l'obscurité, je ressens quelque chose. En ce qui me paraît être d'interminables secondes, ma tête me fait atrocement souffrir. Comme si on y avait planté la longue lame d'une rapière... Et qu'on essayait de me la retirer de la tête lentement, dans une agonie figée dans le temps... Je supplie. Je transpire. Je respire le plus calmement possible... Mais bien vite, je sens comme une horde de mains se jeter sur moi. Deux mains qui se serrent autour de ma gorge, en feu. J'ai mal... L'air manque. Je ne peux pas me défendre... Et je finis par sentir une autre main pénétrer mon torse d'un coup sec, comme si ma poitrine n'était qu'une vulgaire plaque de beurre.... Une pulsation. Puis une autre. Et une autre. Mon cœur... Je le sens. Je l'entends battre. De plus en plus vite, de plus en plus fort. J'aimerais crier ma douleur, supplier qu'on m'achève rapidement... Mais ma colonne vertébrale tremble comme une feuille morte dans une tempête... Je sens mes vertèbres se réduire en poussière une par une... Mais quel est ce pouvoir qui me fait tant souffrir, qui m'empêche de réfléchir, de bouger et de faire quoi que ce soit..? Les Mangemorts sont aussi forts que ça ? Je trouve alors la force surhumaine pour braver les mains qui serrent mon cou et je mords ma langue de toutes mes forces...

J'ouvre les yeux. Je ne sens plus rien. Aucune douleur. Je regarde devant moi. On dirait que je me trouve dans une grande tour aux murs de pierre blanche... Je vois un nombre semblant illimité de bibliothèques et de livres autour de moi. Je suis debout, au milieu de la pièce... Alors que je suis bousculé par bien des tourments, des questions, j'entends une voix derrière moi.

-C'est désagréable, n'est-ce pas ?

Une voix grave... D'adolescent. Ou alors de jeune adulte. Je me retourne lentement... Mes yeux se posent alors sur l'homme qui vient de me parler...

- Quoi...? Comment..? Mais...
C'est un homme grand et fin qui est face à moi. Son teint est très pâle et son regard creusé par de longues cernes noires est si perçant qu'il me glace le sang... Ses yeux teintés d'un bleu glacier semblent briller d'une lueur surnaturelle entre les longues mèches noires lui barrant le visage... Il s'approche lentement de moi, d'un pas plutôt lent mais très souple...

-Où suis-je..?
- Tu es effrayé ? C'est normal. Je sais ce que tu as vécu...
-Est-ce que je suis...
- Mort ? Tu as bien failli, oui. Mais tu es bien vivant, Matthew Maguire.
-Vous... Vous connaissez mon nom..?
- Évidemment... Je ne peux pas ne pas le connaître... Nous sommes dans les tréfonds de ton esprit. Tu es inconscient. Ne t'inquiète pas. Je vais tout t'expliquer...

Je reste bouche bée, ne comprenant rien à la situation... Suis-je alors en train de rêver..?

Ses pieds l'amenèrent sans hésitation vers l'infirmerie, ces lieux qu'elle côtoyait depuis une semaine. Pas un seul jour elle avait manqué l'appel. Dès que ses cours se terminaient, elle fonçait aux côtés de son ami. Beaucoup de ses camarades commençaient à s'inquiéter de son état. La Serdaigle ne dormait que très peu, ce qui fit que des cernes étaient apparus sous ses yeux sombres. Cette fatigue qui l'envahissait provenait de cette pression psychologique qu'elle se mettait. Car malgré tous les mots rassurants des professeurs et de l'infirmier, elle ressentait une terrible peur en pensant à l'éventuelle possibilité qu'il ne se réveille jamais.

Alors qu'elle s'était de nouveau placée sur la chaise qui se trouvait à côté du lit, son regard dérivait quelque peu sur la couverture qui gardait bien au chaud le corp de Matthew. Ses yeux cernés étaient un peu rouge, elle avait énormément lu de livres qui traitaient des cas comme celui du Serdaigle. Beaucoup trop de situations étaient possibles, cela la tendait énormément. Qu'est-ce qu'elle pouvait faire, elle, une jeune sorcière de première année ? Elle n'était rien, elle n'avait pas d'incroyables pouvoirs pour l'aider. Son impuissance commençait à dévorer sa joie de vivre.

Machinalement, elle posa sa main sur le lit et prit celle de Matthew dans la sienne. Elle toucha ses doigts, jouant même avec. C'était bien l'un des seuls contacts qu'ils avaient eu entre-eux. Bien entendu, il n'en était pas au courant, mais elle en avait besoin, elle avait besoin de le sentir d'une certaine façon vu qu'ils ne pouvaient plus discuter comme avant.

Par simple fainéantise, elle laissa tomber son front sur le matelas. Ses longs cheveux emmêlés s'étalèrent sur les draps, créant un beau contrast. Eh oui, à quoi bon s'entretenir quand votre esprit et votre cœur se détruisaient pour une personne que vous appréciez ? Peut-être qu'elle connaissait que depuis quelques temps le garçon, cependant elle avait appris à l'apprécier, leur amitié contait énormément pour elle.

Son visage était tourné vers la droite pour qu'elle puisse regarder Matthew.

-Tu as manqué beaucoup de cours, tu ne vas pas apprécier de tous les rattraper , toi qui veux toujours être à jour sur tout...

Un ricanement amer sortit de sa gorge. Cela n'avait bien-sûr rien de drôle. Émeline avait déjà essayé de trouver des élèves de la même année que Matthew pour lui récupérer tous les cours et devoirs qu'il devrait rattraper dès qu'il se réveillera. Seulement, ils l'avaient un peu évité, ils prétextaient tous qu'ils étaient occupé et qu'il s'en chargeraient plus tard. Au fond, elle savait pourquoi ils lui disaient ça. Ils n'avaient pas du tout espoir qu'il se réveille après tout ça. Pour la première fois, Émeline ressentait de la rancœur envers quelqu'un. Leur comportement lui était intolérable et très désagréable à supporter. Car à par elle, personne n'était venu rendre visite au pauvre garçon...

D'un geste lasse, elle sortit une chocogrenouille de sa poche. Elle essaya de refaire la technique que lui avait appris Matthew, mais ce ne fut qu'une pale copie. Pourtant, elle réussit à attraper la grenouille en chocolat avant qu'elle ne s'enfuit très loin par un bond.
Elle regarda le chocolat et le coupa en deux. Elle posa une part sur Matt et l'autre moitié pour elle. Elle mangea un peu de chocolat tandis que des larmes coulaient silencieusement sur ses joues.

-C'est fade...

Murmura Émeline en regardant la sucrerie avec son regard embué de larmes.

Cet homme s'approche de moi. Je le vois de très près. On se fait face. Je le vois me regarder et croiser les bras alors qu'il me parle avec un ton très calme, posé, presque... Bienveillant. J'essaie de me concentrer au maximum sur ses propos afin de n'omettre aucun détail...

- Tu as été gravement blessé durant le bal de Samain organisé par Poudlard. Il y a eu une attaque de sorciers portant des uniformes de Mangemorts. Tu es passé à un cheveu du trépas, je te l'avoue. Mais tu as survécu. A l'heure qu'il est, ton corps est en sécurité.
- Je me souviens, maintenant... Toutes ces souffrances, ce mal-être... C'était la faute des Mangemorts...
- Mais ce n'était pas ton heure. Tu as encore des choses à accomplir, à prouver, à vivre avant de t'éteindre. Il te faut guérir tes séquelles spirituelles avant de pouvoir reprendre conscience. Mais ne t'en fais pas. Je te montrerai comment faire.
- Vous ne m'avez pas dit qui vous étiez...
- Je ne te l'ai pas dit car tu le sais déjà. Tu ignores juste qu'il s'agit de moi... Ne traîne pas, et suis-moi. Il y a quelqu'un qui t'attend à ton chevet et qui a hâte que tu te réveilles, non ?

Comme un coup de vent, il passe à travers moi. Je ne le vois plus. Je me retourne. Je le cherche du regard dans l'immense salle où je me trouve. Je marche au hasard pour trouver l'homme... Je le vois finalement à l'autre bout de la pièce, dans un couloir sombre. Je le suis, ne le quittant des yeux, s'enfonçant dans le couloir obscur...



J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis que je suis là. Ni depuis l'attaque du bal. L'homme ne m'a jamais dit son nom... Mais je sais à qui il me fait penser... On est face à face, au sommet de la tour blanche, au milieu de calices, de lanternes, de bibliothèques... Et au fond de la salle, sur une estrade, une statue. Une statue que je connais bien... Une statue que je voyais tous les jours. Dans la salle commune de Serdaigle... Ça explique pourquoi lorsque je suis proche de cette statue, je me sens envahi par des connaissances, des émotions, un contrôle de moi-même et de tout le reste environnant tels que je sens la présence de la femme représentée par la statue en moi. Rowena Serdaigle... Il s'adresse à moi.

- Tu es prêt. Ton corps est prêt, lui aussi...
- Mon corps aussi ? C'est à dire ?
- Tu vas pouvoir reprendre conscience et retrouver la personne qui est à ton chevet...
- C'est vrai..?
- Oui.
- Comment..?
- Touche la statue. Et quand tu auras besoin de revenir ici, il te suffira de méditer...

Je hoche la tête. Je le regarde une dernière fois... Levant la main vers la statue, je prononce un dernier mot à mon guide, souriant à ce dernier.

- Merci...

Je pose alors ma main sur l'épaule de la statue de Rowena Serdaigle. Je vois dans ses yeux que les miens brillent intensément, comme des lumières d'un bleu glacé... Puis tout devient blanc. Puis noir.

Je vois flou. Très flou. Je distingue quelques couleurs naturelles... Petit à petit, ma vision est plus nette et je reconnais l'infirmerie. Je ne parviens pas à beaucoup bouger... Mais je vois alors qui est à mon chevet... Émeline Joyner. Émeline. Emi... J'arrive à peine à esquisser un sourire quand je vois sa belle chevelure brune et un peu emmêlée... Je suis heureux de la voir... Ma main droite bouge peinement vers sa crinière et finit par s'y faufiler, cherchant le réconfort, la sécurité de ma camarade. Dans un soupir, je m'adresse à elle, la gorge serrée et sèche...

- Emi..?

Que c'était étrange de voir la jeune Serdaigle trouver sa sucrerie préférée fade. Ce n'était pas le sucre qui manquait là-dedans. Et pourtant, pour ses papilles, son goût n'était plus qu'une pale copie. Le sourire que lui apportait le fait d'en manger était bien loin. Emeline avait déjà remarqué que son ami lui en donnait pour la voir rayonner de bonheur. Avec lui, elle n'en avait jamais autant mangé. Dès qu'il la voyait, il lui en donnait une avec plaisir et en retour elle lui faisait ses plus beaux sourires. Eh oui, c'était ça le pur bonheur d'un simple geste. La gentillesse de son ami l'avait déjà atteinte plusieurs fois, elle souhaitait que lui rendre ce qu'il lui apportait.

Elle avait peur. Une peur viscérale qui avait élue domicile dans ses tripes. Peu de monde avait confiance dans le fait qu'il allait se réveiller. Malgré les mots rassurants de ses professeurs et de l'infirmier, elle voulait le voir se réveiller, lui parler, le voir de nouveau marcher...

Son visage qui s'était enfoui sur le torse de son ami, recouvert par la couverture, était caché par ses cheveux. Ses larmes s'étaient asséchées par le fait qu'elle s'était assoupie ainsi. Au lieu de retourner à son dortoir pour se reposer, elle préférait rester à ses côtés. Rien ne lui semblait plus chaleureux que ces moments. Bien qu'elle pleurait à quasiment toutes les visites qu'elle effectuait, elle se sentait apaisée qu'auprès de lui. Le laisser seul la déchirait de l'intérieur. Jamais il n'avait mérité une telle situation.

Dans son rêve, elle était à Poudlard, entourée de tous ses amis qu'elle s'était faîte pendant ces quelques mois. La petite sorcière était heureuse, surtout en voyant Matthew venir vers elle, un livre à la main. Soudainement, elle vit son ami saigner de la tête avec un regard horrifié. Elle allait hurler quand elle sentit une sensation apaisante à l'arrière de sa tête. Le cauchemar sans alla, ne laissant que de la chaleur réconfortante. Cela lui fit penser à sa mère qui avait l'habitude de lui caresser la tête pour la rassurer. Mais là, le geste était un peu plus faible, les doigts tremblaient légèrement. C'était sûrement une autre partie de son imagination, ça ne pouvait pas être réel.

Elle ouvrit les yeux d'une façon ahuris quand elle entendit son prénom prononcé par une voix caverneuse. Elle releva tout doucement son visage. La première chose qu'elle remarqua, ce fut les yeux bleus de Matt la regarder. Elle ne rêvait plus ?
Elle leva sa main vers le visage de son ami pour lui toucher tendrement la joue. En sentant sa chaleur, elle lui fit un doux sourire, se retenant pour ne pas lui sauter dessus pour lui faire un câlin.

-Salut Matt...Tu as fait une longue sieste...

Des nouvelles larmes coulèrent, mais cette fois-ci, c'était des larmes de soulagement. Elle attrapa sa main alors que la sienne tremblait légèrement.

-J'ai eu si peur. Ne fais plus jamais ça.

Elle essaya de prendre un air sévère sauf qu'elle continuait à lui sourire comme elle ne l'avait jamais fait. La sorcière avait continué à lui caresser la joue, n'y croyant toujours qu'à moitié. Elle commença à se reveler.

-Il faut que j'aille avertir l'infirmier de ton réveil !

Son énergie était de nouveau de retour.

Je vois nettement Emi. Ma main dans ses cheveux. Elle me regarde... Et elle me sourit. Je sens une douce chaleur envahir mon corps petit à petit, comme si le feu en moi s'était ravivé. Voir son sourire m'a manqué. Depuis combien de temps est-ce que je ne l'ai pas vu..? J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne l'ai pas vue... Elle pose sa main sur ma joue. Je la regarde dans les yeux. Je me sens si bien... Je vois des larmes couler de ses yeux qui me paraissent curieusement jolis. Je lui ai fait peur... Je l'ai inquiétée... Je ressens le soulagement dans sa main posée sur ma joue. Je peine à maintenir ma main ferme dans ses cheveux sans trembler. J'ignore la nature, la raison de ce tremblement... Si c'est mon état, ou si c'est le plaisir de ressentir la caresse de sa peau sur ma joue... Je lui souris, confus. Mes yeux sont faibles, ils peinent à rester ouverts... Mais ma volonté me force à maintenir mon regard ouvert pour voir son visage... Je lui réponds faiblement.

- Emi... Ne pleure pas, Emi... Je vais bien, ne t'en fais pas... Combien de temps est-ce que j'ai..?

Elle sourit. Je souris en retour. Il agit comme un soleil... Il me réchauffe le cœur. Il est contagieux. Le contact de sa peau sur la mienne me réchauffe. Je me sens bien... Ma main dans ses cheveux la caresse aussi. Ce contact est si rassurant, si apaisant, que mon cœur reprend calmement vie.

- Je suis si heureux de te voir... Je suis désolé que le bal ait mal tourné... Ce n'est pas ce que je voulais t'offrir... Je voulais... Que tu passes un bon moment et que je contribue à ton bonheur... Pas... Ce qu'il s'est passé... Je suis tellement désolé...

Je suis faible. Mais j'arrive avec de la volonté à porter mon autre main sur celle de ma camarade, lui souriant. Je la caresse. Son contact m'a tellement manqué. Je penche la tête vers sa main sur ma joue. Ce contact me fait tellement de bien... Je ferme quelques instants les yeux, lâchant un soupir dans un sourire. Je la regarde finalement quand elle m'annonce qu'elle doit avertir l'infirmier... Mon cœur rate un battement. Je suis à l'infirmerie. C'est bon à savoir... Mais pour l'instant, ce dont j'ai besoin, c'est d'être avec elle...

- Attends... Attends un peu... Pas tout de suite... Reste encore un peu... S'il te plaît, Emi...

Mon dos me fait mal. Je ne sens plus mes jambes. J'ai une migraine au point de me demander si un nain n'est pas en train de travailler du métal dans ma boîte crânienne à grands coups de marteau... Mais je veux être avec Emi. Seul. Encore un peu... Je respire longuement, soupirant quelques fois et lui demandant finalement, à voix basse, comme un chuchotement.

- Emi... L'attaque du bal... Est-ce que ça va ? Tu n'as pas été blessée..? Raconte moi... Qu'est-ce qu'il s'est passé..? Est-ce que tu vas bien ?

Elle s'arrêta soudainement, le regardant. Il ne voulait pas qu'elle s'en aille. Elle hocha de la tête et se rassit à ses côtés comme si elle n'était pas partie.

Matthew avait une voix faible et parfois tremblante, ce qui était la même pour sa main qui continuait malgré son état à lui caresser ses longs cheveux sombres.
Il lui disait qu'il allait bien...Ça se voyait qu'il n'avait pas encore conscience dans quel état il était...Elle serra ses poings pour ne pas craquer de nouveau. Pleurer ne servait à rien, il fallait au contraire rester forte pour lui, surtout qu'il venait de se réveiller.

-Tu as dormi pendant huit jours depuis que tu t'es évanoui au bal.

Elle secoua de la tête et ses mains pour nier ses paroles.

-Ne dis pas ça...Je me suis
beaucoup amusée avec toi. Tu n'y es pour rien, tu n'as fait que me protéger. D'ailleurs, c'était l'acte plus courageux que j'ai vu de ma vie

Elle accompagne ses dires d'un sourire rayonnant en attrapant de nouveau la main du garçon et lui caressant le dos de celle-ci avec le bout de ses petits doigts. Il essayait de lui attraper la main, était-ce un geste pour rester réveillé ? Elle voyait ses yeux lutter, devait-elle le laisser se rendormir ? Une forte crampe lui prit par le ventre. Elle ne voulait pas qu'il se rendorme. Rien ne lui garantissait qu'il se réveillerait de nouveau...Elle ressera sa prise autour de sa main.

- Je n'ai pas été blessée. Les professeurs ont su stopper l'attaque quand la directrice est arrivée. Les cours ont été annulés pendant une semaine. D'ailleurs, j'ai récupéré ta baguette, elle est à tes côtés, tu n'auras pas à t'en faire pour ça.

Ses cernes soulignaient ses yeux de la couleur du charbon. Sa pointe d'énergie commençait lentement à se dissiper dans ses gestes de caresses. Elle se sentie un peu partir en avant, elle posa donc une nouvelle fois son visage contre lui, le regardant avec des petits yeux. Elle fit tout ceci sans faire de gestes brusques. Il fallait qu'elle aille prévenir quelqu'un du réveil du Serdaigle. Tout le monde devait le savoir, les professeurs, ses camarades mais aussi la famille de Matthew qui s'inquiétait pour son état. Et pourtant...Émeline voulait rester encore un peu ici, se laisser aller sur le torse du garçon et lui sourire doucement.

-On est beau tous les deux tu ne trouves pas Matt ?

Demanda ironiquement dans un souffle la sorcière qui clignait plusieurs fois des yeux pour continuer à garder un oeil sur son ami. Bien qu'elle était fatiguée, il était hors de question qu'elle s'endorme. Il fallait qu'elle veille sur lui.

J'écoute ma camarade attentivement. Je n'aime pas faire répéter mes interlocuteurs, surtout que dans la mesure où elle semble si fatiguée qu'elle pourrait tomber dans l'inconscience comme si on lui avait donné une potion de sommeil trop forte avant qu'on ait pu avoir le temps de dire "Ah !", je préfère assimiler toutes les informations dès la première transmission du message. Je ne suis pas non plus en état de suivre une longue conversation compliquée nécessitant la totalité de mes capacités cognitives. Je poursuis machinalement mes caresses dans sa douce chevelure au toucher si chaud et rassurant vraiment très agréable en l'écoutant.

Je me suis évanoui en protégeant Emi. J'ai perdu conscience pendant... Huit jours ?! J'aurais pu effectivement mourir... Mais si j'en crois Père, il est très difficile d'enterrer un irlandais. Je suis la preuve qu'il a raison, si je suis encore vivant après un coma de huit jours entiers. Je n'ai pas encore récupéré toutes mes capacités... Râlant. Au moins, elle ne me tient pas pour responsable de la catastrophe qu'est devenue sa soirée à cause de cette bande de crétins masqués qui diffusait sa haine et son mépris pour les sorcières et sorciers aux origines partiellement Moldues... J'espère que ces déchets ont tous fini tués... Ou pire, renvoyés... Mais Emi ne manque pas l'occasion de me témoigner sa reconnaissance, soulignant même que mon acte était le plus courageux qu'elle a pu voir de toute sa vie. Je lui souris en regardant son visage d'ange épuisé. Et je lui réponds avec douceur.

- Je ne pouvais pas les laisser te faire du mal sous prétexte que tu es une sang-mêlé sans rien faire... Ils n'auraient jamais pu toucher à un seul de tes cheveux... Tu... Tu es mon... Amie... Je voulais te protéger... Même si j'ai malheureusement échoué...

Le contact de ses mains est si agréable... Surtout quand il est accompagné de la vision de son regard, de son sourire. Moi qui avais connu les ténèbres jusqu'à mon réveil dans cette tour blanche dans les tréfonds de mon esprit, ma camarade a changé le Mordor en Disneyland dans un sourire... Je lui rends son sourire avec plaisir... Il y a tant de douceur dans son regard que j'ai besoin de le voir pour être apaisé... J'ai tout sauf envie de regarder ailleurs pour vérifier mes dires... C'est alors qu'elle mentionne avoir récupéré le prolongement de mon bras et ma plus fidèle amie. Ma baguette.

- Merci, Emi... J'ai beaucoup de chance de t'avoir comme amie... Sans toi, elle serait perdue, ou peut-être pire, brisée... Tu es en or... En or...

Ces derniers mots résonnent dans mon esprit, comme une pulsation, comme un écho persistant dans une grotte. Je la regarde poser sa tête, maintenant son regard sur le mien. On semble se trouver hors du temps... Rien d'autre ne semble exister autour de nous. J'en viens presque à oublier la douleur qui parcourt tout mon corps...

- On est bien... Tu... Tu es venue me voir tous les jours quand j'étais inconscient..? J'espère que ça ne t'a pas empêché d'étudier et de lire... Je sais que tu adores ça... Je m'en voudrais de te causer autant de soucis...

Après un long moment à rester ainsi, elle se redresse... J'enlève ma main de ses cheveux, à regrets avant d'apprendre qu'elle devait avertir le personnel de mon état... J'ai assez profité de sa présence à mes côtés, je suppose qu'il faut que je la laisse vivre sa propre vie... Je lui souris avec douceur et la regarde s'éloigner...

Un peu plus d'une semaine était passée depuis le réveil de Matthew. Émeline n'avait pas beaucoup tardé à prévenir tous le monde du réveil du Serdaigle. Rien n'avait pu l'empêcher de le crier sur tous les toits de l'école. Elle s'était même permise d'envoyer une lettre à la famille de son ami pour leur annoncer la merveilleuse nouvelle. C'était normale pour elle de leur envoyer cette lettre, de plus, l'école était assez débordée comme ça, elle pouvait s'en occuper elle-même. Depuis son réveil, Emeline venait encore plus à l'infirmerie malgré que les cours qui étaient de retour dans son emploi du temps. Elle faisait en sorte de passer au moins deux heures par jour avec lui, celles-ci passaient si rapidement pour les deux enfants qu'ils avaient souvent l'impression que cela ne durait qu'une simple petite demi-heure. La jeune sorcière essayait de varier les sujets de discussion et de lui apporter beaucoup de lecture pour que son passage à l'infirmerie soit moins lourd à supporter. Elle savait bien que la bibliothèque était l'endroit qui lui manquait le plus.

Les nombres de blessés de l'infirmerie n'avait pas beaucoup baissé...Beaucoup de lits étaient encore utilisés. La Serdaigle passait parfois en voir quelques-uns qui avaient maintenant la petite habitude de la voir passer devant leur lit. Un petit bonjour et un sourire ne faisait de mal à personne. Surtout pas pour Émeline ! Elle trouvait que l'infirmière faisait du très bon travail malgré tous les malades qu'elle avait dans son infirmerie. Elle se doutait que le professeur de potion devait l'aider à confectionner le plus d'elixir pour soulager les maux des souffrants.
Cela faisait quelques jours qu'ils avaient débuté un traitement un peu plus robuste pour que la colonne vertébrale de Matthew puisse se refaire petit à petit. Il était long et fort douloureux mais cela en valait la peine pour que le garçon puisse de nouveau remarcher comme avant. Pour ce qui était de ses bleus et autres blessures superficielles, ils avaient commencé à guérir grâce à un baume que Matthew devait recevoir tous les jours. Parfois, Émeline se portait volontaire pour lui appliquer pour aider l'infirmier. Elle s'appliquait à durement à la tâche, prenant avec minutie la crème d'une blancheur se rapprochant de celle de sa peau pour l'appliquer sur le visage de Matthew.

Aujourd'hui, Émeline était de très bonne humeur. Elle avait sautillé jusqu'à l'infirmerie et elle avait ouvert la porte sans grand mal. Elle salua joyeusement l'infirmière qui lui fit un léger mouvement de tête pour la saluer à son tour.
Arrivée à la hauteur du lit de Matthew, elle arrêta de sautiller pour aller s'asseoir à sa place.

-Salut Matt ! Tu as pu lire le dernier livre que je t'ai apporté ?

Elle sourit à son ami qui avait l'air à moitié réveillé malgré qu'on soit en début d'après-midi. Avec sa main, elle bougea quelques mèches de cheveux qui étaient devant le visage du garçon pour bien le voir.

Une semaine que j'ai repris conscience. Une semaine que je suis cloué dans un lit sans pouvoir bouger comme je le voudrais. Je me sens mal chaque jour... Je m'ennuie. Je ne peux pas aller en cours. Je ne peux pas aller à la bibliothèque. Je ne peux pas aller à la volière. C'est dans ces moments là que je me mets à méditer sur le sens de ma vie, mon avenir à Poudlard, à cette étrange tour blanche, à ce qu'elle peut contenir... Et surtout, comment est-ce que je peux y retourner. J'ai beau méditer toutes les nuits pour essayer d'avoir un peu de compagnie nocturne après le couvre-feu. J'aimais la solitude quand j'avais encore l'usage de mes jambes et de mes bras... Mais aujourd'hui, être seul, je déteste ça. Je remercie le ciel à chaque fois que je reçois de la visite. Toujours la même personne. Émeline Joyner. Rien que le souvenir de son nom, de son passage, de son sourire m'en arrache un. Je pose les yeux sur ma baguette, qu'elle m'a ramenée. Quand mon bras accepte de répondre à mon cerveau, il la saisit pour me permettre de lire les livres que ma camarade me ramène au compte gouttes pour que je puisse lire... Elle est si prévenante... J'espère qu'elle ne fait pas ça pour se donner bonne conscience... Je suis dans ce lit parce que j'ai voulu la protéger... Je n'arrive pas à envisager un autre scénario. Dans tous les cas, je me serais interposé... J'aurais dû être plus fort. J'aurais dû les battre un par un... Je dois me rendre à l'évidence. Je suis définitivement trop... Faible. Faible... Je dois m'entrainer... Devenir meilleur. Mais je ne peux pas faire ça depuis ce maudit lit ! Je me sens si inutile... Il est temps de dormir. Avec un peu de chance, je réussirai à ne pas réveiller dans ce monde... Il est tard. Mon esprit est sûrement trop fatigué pour réfléchir correctement. Il doit être deux ou trois heures du matin. Peut-être même quatre heures... J'espère me réveiller dans la tour blanche... Je ferme les yeux et le sommeil me gagne lentement...

J'ignore combien de temps j'ai dormi. En tout cas, il fait jour, maintenant. À en juger par la lumière du soleil dans la pièce et son exposition, je dirais qu'on est au début de l'après midi... À peu de choses près. C'est alors que j'entends des pas. Un pas que je connais bien. Je le connais même très bien... Elle arrive. Son pas est joyeux. Elle l'est beaucoup depuis que j'ai repris conscience, je me demande pourquoi... Suis-je son seul ami ici..? Il ne lui faut que quelques secondes pour arriver près de mon lit et s'installer à la chaise à côté de moi. Je dois avoir une mine affreuse, malgré mon sourire à mon amie... Je me racle la gorge quand elle s'adresse à moi afin de lui répondre.

- Bonjour, Emi... C'était compliqué de lire avec ma paralysie, je t'avoue... Mais j'ai quand même tout lu. Merci d'avoir pensé à moi... Je ne sais pas dans quel état je serais si tu ne venais pas me voir aussi souvent...

Elle me touche le visage alors que je regarde le sien, souriant. Le contact de sa main est si doux que je ne rechigne jamais à ce qu'elle me touche, moi qui d'ordinaire n'aime pas vraiment les contacts humains... Je poursuis.

- Tu as l'air très enjouée, aujourd'hui... Tu vas bien ? Quoi de neuf de l'autre côté de la porte de l'infirmerie ? N'oublie pas que tu es ma fenêtre sur Poudlard tant que je suis coincé dans ce lit... Dis-moi tout, trompons mon ennui !