3 novembre 2044, 23h48.

Kristen Loewy venait de transplaner directement de son bureau au couloir menant à l'infirmerie. Les couloirs étaient vides, après le couvre-feu. Ce n'était pas une mauvaise chose, car la directrice de Poudlard aurait volontiers passé ses nerfs sur n'importe qui ne respectant pas le règlement. Sa mine était assez terrible : sa peau semblait plus pâle que d'habitude, son air était maladif, et des cernes creusés, foncés, n'arrivaient pas à relever le bleu éteint de ses yeux. Kristen était épuisée depuis les événements de Sainte-Mangouste, la plus longue journée de sa vie, qui avaient fait suite aux troubles du soir d'Halloween.

Son entretien avec Joanne Taylor s'était terminé il y a peu. Elle avait pris le temps de goûter un breuvage excitant à partir des plantes recommandées par Solar Kwon avant de s'aventurer dans le château, à peu près sûre qu'il lui fallait au moins cela pour ne pas s'effondrer de fatigue dans l'infirmerie. Devant cette enfant qu'elle n'aurait aucun scrupule à tirer de son sommeil, si toutefois elle dormait, ce qui était fort probable à cette heure - les distractions dans l'infirmerie étant assez limitées.

Kristen pénétra dans l'infirmerie, sans être trop discrète mais sans non plus faire une entrée fracassante pouvant franchement déranger les élèves encore blessés du 31 octobre. Elle salua d'un hochement de tête l'infirmier qui, encore à cette heure, veillait sur les alités. Il faisait sombre, dans cette pièce endormie. Elle passa son index devant sa bouche, l'air de dire : ne vous souciez de rien, je ne fais que passer. Ses yeux firent le tour de la pièce et se posèrent sur le lit d'une élève de Serpentard qu'elle avait déjà croisée et dont elle n'avait pas franchement un bon souvenir. La première fois, elle n'avait même pas cherché à connaître son nom : elle n'avait pas besoin de retenir les noms de personnes à ses yeux si stupides. Mais cette fois-ci, elle avait pu faire le rapprochement. C'était bien elle, l'élève de Serpentard qui avait un certain talent pour le ridicule. Kristen se dirigea vers un placard du côté de l'infirmier, l'ouvrit et en sortit une baguette magique. Puis, elle s'approcha du lit de l'enfant et lui remua l'épaule pour la réveiller.

« Carry Harrison, vous êtes renvoyée de l'école de sorcellerie Poudlard. »

C'était sa chance de ne pas se rendre encore plus ridicule. La sentence devrait la faire réagir...

Ces simples mots avaient réussi à réveiller complètement Carry qui ouvrit les yeux pour voir la directrice de l’école avec sa baguette dans les mains. Elle ? Renvoyée ? La Serpentard pensait qu’elle allait recevoir une énorme sanction mais pas une aussi grosse. Ceci était la preuve qu’elle n’avait pas du tout conscience de la gravité de l’acte horrible que l’Autre avait commis. Dans le petit lit ou elle reposait, le souffle de Carry se faisait plus court, ses mains devinrent moites et ses jambes commencèrent à ressentir un fourmillement très désagréable au point qu’elle essayait de remuer sa jambe blesser pour s’éloigner le plus de miss Loewy.

Sans rien dire, sans prévenir, elle était venue en pleine nuit pour annoncer à l’élève de troisième année qu’elle était renvoyée de l’école. Refusant de croire à ces paroles, l’information mis du temps à procéder correctement jusqu’à son cerveau et quand l’information fut finalement totalement traitée, Carry ne put s’empêcher de laisser sa tête lourdement tomber sur le coussin en fondant en larme. C’était finis, depuis ce moment ou elle a laissé l’Autre prendre le contrôle, ces jours à Poudlard était comptée et aujourd’hui, le décompte touchait finalement à sa fin.  Inutile pour Miss Loewy de préciser la raison du renvoie de la jeune fille, elle-même savait pourquoi elle devait partir de l’école. Alice l’avait dénoncé et Carry ne pouvait lui en vouloir, a sa place, la troisième année aurait fait exactement pareil. Mais en prononçant ses mots, une autre vision d’horreur frappa l’imagination de Carry la faisant réaliser à quel point sa situation n’était pas du tout enviable

-M-miss Loewy ! J’vous en prie…Ne faites pas ça… Pitié…  Mes parents vont me tuer si vous me renvoyez ! J-je vous jure j’ai essayé de l’en empêcher de faire du mal à Alice Sangblanc pendant le bal, mais je n’ai pas réussi…  Je regrette amèrement ce qui s’est passé…J-j ’ai été faible…Je… Je ne veux pas partir d’ici ! Je vous en supplie ! I-Il n’y a qu’ici que je peux apprendre ! S’il vous plait…S’il vous plait…

La voix de Carry tremblait tandis que son corps s’effondra de nouveaux sur tout le matelas en pleurant toutes les larmes de son corps. Rage, tristesse, haine, ce mélange de sentiments lui donna un mal de crane immense qui ne s’améliora pas quand l’idée de dire aurevoir à Brett lui traversa l’esprit. Des flashbacks frappèrent comme des coups de tonnerres dans sa tête…Au plus profond d’elle, Carry savait qu’elle allait perdre Brett car même en suppliant, elle savait que Miss Loewy ne l’aimait pas et que jamais elle ne laisserait une dégénérée comme elle, rester dans son école. Pathétique et faible, ces mots étaient la définition parfaite de comment se sentait Carry en ce moment en faisant face à Miss Loewy… Harrison voulait de l’attention, elle a eu ce qu’elle voulait pendant un temps mais aux finales, retournera dans l’ombre.

Secondes après secondes, la colère et la haine disparurent des sentiments de la jeune fille ne laissant plus que la tristesse dans son cœur. Même si elle n’était pas la réelle assaillante d’Alice Sangblanc, Carry compris que pour sauver le peu d’honneur qui lui restait, elle se devait d’accepter la punition comme elle venait. Lentement et doucement, elle prit un bout de la taie d’oreiller et essuya les dernières larmes fuyantes sur ses joues. Elle avait besoin de quelqu'un a qui parler.

-Est-ce que…Est-ce que… je pourrai dire au revoir à mes amis avant de partir… ?

La phrase sortie toute seule de sa bouche et aussitôt dit, la gorge de la troisième année se serra quand le mot amis fut prononcée. Elle en avait plus. Plus après ce qui s’était passée au bal. Le sentiment d’en avoir, elle l’avait connu mais quand la réalité l’avait rattrapé, c’était la solitude qui était venue l’accueillir. La seule personne en qui elle fondait de réel espoir, c’était son Brett, son Brett Carter qui lui-même n’était même pas venu la voir… et qui ne l’avait surement pas pardonnée…comme tous les autres…

-Pardon… Je n’aurai pas dû demander…commença-t-elle dans une voix qui se brisait par les pleurs qui commençaient à revenir…Je sais que ce ne sont que des mots…Mais je ne voulais absolument pas que ça finisse comme ça…S'il vous plait...Croyez moi...

Carry ne savait plus du tout ce qu’elle voulait. Partir ou rester, que ce soit l’un ou l’autre, les deux choix lui feraient extrêmement mal émotionnellement.

On put immédiatement lire la peur dans le regard de Carry Harrison, ce qui était assez compréhensible au regard des circonstances. Puis vinrent les torrents de larmes, qui n'eurent d'autre effet que faire lâcher un profond soupir à la directrice de Poudlard, qui n'était pas décidée à éprouver une once de pitié pour l'élève de Serpentard - ou ex-élève ? Quand celle-ci implora sa pitié, ce fut pire : Kristen avait horreur de cette attitude misérable. Pourtant, un détail retint son attention : j’ai essayé de l’en empêcher ? Mais de qui parlait-elle ? Kristen fronça les sourcils en regardant l'enfant se débattre avec ses propres larmes. La sorcière noire attendit que la gamine se calme, n'écoutant qu'à moitié le reste de ses jacassements qui l'agaçaient au plus au point : elle ne supportait pas les pleurs interminables des enfants.

« ...Vous êtes renvoyée de l'école de sorcellerie Poudlard, c'est ce que j'aurais aimé vous dire. Mais au regard des derniers événements survenus dans notre monde, je crains que cela ne soit pas très prudent. Il m'a fallu réfléchir à une punition exceptionnelle pour votre cas, dit-elle d'une voix parfaitement calme. »

Kristen croisa ses bras devant elle, la baguette de Harrison dans une main, l'autre portée à son menton dans une attitude pensive.

« Cela dit, quelque chose m'intrigue. Que voulez-vous dire par : j'ai essayé de l'en empêcher ? »

La langue de Carry avait fourché. Kristen Loewy était bien la dernière personne à qui elle voulait faire savoir au sujet de cet autre être qui prenait temporairement le corps de l’adolescente. Le mal était fait et avec le peu de temps passé avec la directrice de Poudlard, Harrison savait que mentir à ce sujet serait-inutile. D’un, elle s’en rendrait bien vite compte et de deux ça la desservirait et aggraverait même sa situation actuelle qui n’était pas des meilleurs. Cependant la situation actuelle s’était légèrement améliorée pour elle puisque miss Loewy lui avait annoncé qu’elle ne serait pas renvoyée de l’école et pour cause d’évènement extérieure qui pouvait mettre en danger la vie de la Serpentard. Carry avait du mal à croire qu’au fond quelque part, Miss Loewy se préoccupait d’elle et ce malgré ce qu’elle avait fait subir à Alice Sangblanc mais ça ne l’empêchait pas de voir en ce geste, une perche tendue pour arrondir les angles de sa situation.

D’un revers de mains rapide, Carry vint essuyer les larmes qui restaient sur ses joues avant de se redresser sur le lit en fixant Miss Loewy avec sa baguette dans la main. A chaque fois que la main qui tenait la baguette de Carry bougeait, la jeune fille frémissait à l’idée de voir son instrument disparaitre la faisant bégayer légèrement quand elle s’exprimait avec les yeux toujours rivés sur la main tenant sa baguette.

-Pendant le bal...J’ai, j’ai perdu le contrôle de ce qui se passait autour de moi… Je voulais me faire justice à moi-même en agressant ceux qui m’avaient attaqué en début d’année, ...Et pendant que je m’occupais de l’un d’eux lors de l’attaque des pseudos-mangemorts, Alice Sangblanc est intervenue et m’a frappé au visage. La voix de Carry s’engourdit au fur et à mesure de son récit. L’Autre était là...et il écoutait *Laisse-moi lui parler. *Mais Carry ignora la voix dans sa tête et continua avec une voix toute tremblante. C-C’est à ce moment-là que je me suis rendue compte que j’avais perdu le contrôle…je voulais me replier pour éviter que tout cela n’empire mais...Quelque chose en moi... n’a pas accepté ma decision et s’est jeté sur Alice... j’ai essayé de le stopper, d’arrêter ce massacre qu’il était en train de commettre,  mais... j’étais trop faible...heureusement, les amis d’Alice sont intervenus et ont mis l’Autre hors d’etat de nuire...

Une nouvelle fois, Carry baissa la tête, honteuse de sa propre faiblesse. C’etait le résumé le plus clair qu’elle pouvait offrir et le plus sincère possible, maintenant, est ce que miss Loewy allait la croire? La serpentard l’espérait de tout son coeur. 

Kristen aurait pu se trouver des points communs avec cette enfant, surtout en ce moment - cette volonté de se faire justice soi-même, cette perte de contrôle, cette colère parasite qui prendrait presque forme humaine à l'intérieur de soi, engloutissant toute la conscience... Mais elle faisait partie de ces adultes qui ne croyaient que difficilement que les enfants puissent être si intenses, quand bien même son propre fils ne manquait pas de cette intensité. En l'occurrence, elle pensait simplement que la gamine avait été cruellement stupide, ou stupidement cruelle. Et sa première rencontre avec Carry Harrison ne jouait clairement pas en la faveur de l'enfant.

« L'Autre, mh ? Eh bien, je n'ai de toute façon pas le choix... »

Elle décroisa les bras et d'un geste, brisa la baguette magique de Carry Harrison en deux, dans un craquement de bois plutôt agréable à l'oreille.

« Je préfère ne pas vous renvoyer chez vous dans ces conditions, mais vous n'aurez plus l'occasion de faire de la magie dans mon école. Le personnel de Poudlard vous confiera des tâches à effectuer dans la journée. Durant vos temps libres... si vous en avez... vous serez autorisée à étudier à la bibliothèque, seule. Concernant votre salle commune, vous pouvez l'oublier : nous vous trouverons bien un endroit pour dormir à l'écart de ceux que vous avez menacés et blessés. D'ailleurs, considérez que vous n'êtes plus une élève de Salazar, pas plus que vous n'êtes élève à Poudlard. J'écrirai à vos parents d'ici... quelques temps ? Peut-être souhaiteront-ils eux-mêmes vous retirer de l'école. S'il vous arrivait quelque chose dehors, au moins n'aurais-je pas cela sur la conscience.  »

Elle posa négligemment sur la table de chevet de Carry Harrison une moitié de sa baguette brisée. En souvenir.

« Si j'entends encore parler de vous, sachez que ce que vous pensez être la pire punition de votre vie ne vous semblera plus être qu'une joyeuse farce.  »

Son regard était encore dur quand elle ajouta :

« Concernant cette présence que vous prétendez ressentir, cela ne relève pas de ma compétence.  »

Pas un mot, pas un bruit sorti de la bouche de Carry. Les secondes paraissaient comme des heures tandis qu’elle assistait impuissante a la destruction de sa baguette par miss Loewy devant ses yeux. Elle ne l’avait pas cru voir même pire, elle n’en avait que faire de ce qui se passait dans la tête de la jeune fille. D’un geste lent et saccadées, Carry vint s’emparer de ce qui restait de sa baguette et la déposa dans la paume de sa main pour la regarder d’un air plus que troublée. La Serpentard était bouche bée de voir que l’instrument qui lui avait servi pendant trois années se retrouvait maintenant brisée entre ses mains, alors qu’elle laissait rouler discrètement l’instrument sur sa main, sa mémoire lui fit rejouer dans un flash le moment où elle s’était rendue chez Ollivander pour acquérir sa baguette. C’était un moment solennel, d’excitation, mais encore plus de joie quand elle avait reçu entre les mains l’étui qui contenait sa baguette.

-Vingt-neuf centimètre en bois de cerisier et crin de licorne… murmura-t-elle en touchant du bout des doigts ce qu’il en restait. Qu’est-ce que j’ai fait…

Encore sous le choc de voir et d’avoir sa belle amie brisée en deux entre les mains, Carry écouta la sentence prononcée par la directrice en essayant du mieux qu’elle pouvait de retenir ses pleurs. Parents prévenus, Impossibilité de pratiquer la magie pour toujours, exclu de la maison Serpentard, affecté aux taches de l’école et enfin le seul endroit où elle pourrait étudier serait dans la bibliothèque. Dans sa tête, Carry aurait peut-être en effet préférée se faire renvoyer pour ne pas à subir cette punition qui paraissait si lourde et pourtant méritée. D’un mouvement bien maladroit, Carry déposa la moitie de sa baguette sur la petite table a cote de son lit et se tourna lentement vers la directrice qui semblait toujours l’observer avec sévérité. Il était temps de se plier et d’accepter le revers de la médaille, inutile de se ridiculiser davantage.

-Merci…D’avoir accepté de me garder ici, Miss Loewy…

Ses mots étaient remplit d’amertume et de tristesse. Il aura fallu être puni par la directrice pour que Carry finalement se rende compte a quel point elle avait fait souffrir son entourage. Jamais elle n’avait ressenti un tel sentiment de regret. Harrison, toujours tête baissée par peur d’affronter miss Loewy, attendait silencieusement la suite des évènements. Au fond-elle-même, l’ex Serpentard espérait que la dirigeante de Poudlard lui offre une opportunité de se racheter en plus de sa punition mais elle en doutait fort. C’est au pied du mur qu’on voit mieux le mur et aujourd’hui, Carry se retrouve au pied de celui-ci et se rendit tristement compte que sa faute allait bien au-delà du pardon. Silence de mort dans l’infirmerie, un mot revenait dans son esprit, un mot dont elle n’aurait jamais pensé en être la définition au sein même de l’établissement : Cracmol. Une larme trouva le chemin pour couler délicatement sur la joue de la jeune fille.

La directrice de Poudlard mit ses mains au fond de ses poches. Elle n'était pas sadique au point de se réjouir de la situation : elle était surtout indifférente, fatiguée. La sentence avait été prononcée comme on lirait une recette de tourte au poulet. L'enfant semblait regretter, mais le mal était fait. Et puis, le regret n'était-il pas un chemin vers la rédemption ? Cette gamine qui ne jurait que par la magie, au point d'en venir à de telles positions, se retrouverait privée de sa pratique. Ce serait douloureux, certes, mais le mal que l'on fait se paie toujours : et il n'est jamais trop tôt pour l'apprendre. Sans doute était-il préférable de l'apprendre ainsi qu'en manquant de tuer un être extrêmement cher, d'ailleurs...

Kristen, après avoir observé l'élève quelques instants, tourna les talons en haussant les épaules.

« Eh bien, bonne nuit, Carry Harrison. Je vous observerai de loin. »

Avant de quitter la pièce, la sorcière dit quelques mots à l'infirmier, comme quoi l'enfant ne devait pas tenter de fuir l'école, car le monde extérieur risquait de devenir trop dangereux pour une petite sorcière isolée, avant qu'elle ne trouve un moyen de retrouver les siens. Les parents de l'enfant seraient mis au courant plus tard, de toute façon.

En arrivant dans son bureau, Kristen se servit un grand verre de vin qu'elle descendit d'une traite, puis elle s'affala dans son fauteuil, épuisée, tentant de classer mentalement le déroulé de sa soirée depuis la visite de Joanne Taylor dans son bureau.

-Bonne nuit madame la directrice…

Murmura Carry dans un souffle à peine audible alors que la directrice disparue en un tourbillon. En essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller les autres, Harrison se pencha avec difficulté en avant et ramena la petite couverture qui était à ses pieds sur elle-même pour essayer de couvrir le maximum de surface possible et la protéger du froid. Une fois le petit nid prêt à l’accueillir, Elle s’allongea doucement sur le lit de l’infirmerie et serra très fort le petit plaid dans ses bras en essayant de ne pas laisser un seul gémissement traverser sa bouche. Mais tout ça c’était trop pour une fillette de quatorze ans.

Carry, dont les sentiments étaient sur le point d’exploser, se redressa à moitié en s’appuyant sur ses coudes. Sachant quoi faire pour désamorcer la bombe, elle s’empara du coussin qui était juste en dessous d'elle et y allongea sa tête à la place. Bras tendus vers le ciel avec le coussin dans les airs, les yeux à demi-clos observèrent le tissu blanc de la taie d’oreiller descendre doucement sur la surface du visage de Carry. Des secondes, puis des minutes passèrent avant que finalement Carry sente le minuteur approcher de la fin de son décompte pour  ensuite soudainement presser le coussin contre son visage aussi fort que possible.

Les pleures arrivèrent accompagnés de la tourmente et des regrets. Les gémissements furent aussitôt étouffés par le coton qui était pressé contre son visage. Finalement, Carry laissa le flot d’émotion qu’elle gardait en elle, exploser dans un sanglot dont elle n’avait jamais fait l’expérience auparavant. Un cri, un hurlement strident et glaciale dont ses cordes vocales se souviendraient à jamais, ne purent être audible que par elle-même grâce à la protection qu’elle avait serré avec force contre son visage. Le regret était un sentiment qu’elle n’avait pas l’habitude de fréquenter mais aujourd’hui, ce ressentie allait devenir son nouvel ami pour très longtemps.