Noah, comme à son habitude, se promenait dans le parc lorsqu’il n’allait pas bien. Et aujourd’hui n’avait pas fait exception à la règle. Il avait reçu une note particulièrement mauvaise et il sentait son moral descendre aussi vite que la nuit en ce mois de février.

Il était alors allé dans le parc, s’était assis sur le sol et avait attendu. Puis pleurer, puis attendu à nouveau. Il avait eu froid, il avait eu sommeil, mais il n’était pas rentré au château. Il avait voulu rester là, pour toujours, à admirer les sublimes paysages et les magnifiques eaux sombres du lac. Pourrait-il s’y jeter dedans un jour ? L’idée l’avait effleuré plusieurs fois, mais les effets de la noyade ne lui faisaient guère envie.

Sans qu’il ne sache vraiment pourquoi, les larmes se mirent à couler sur ses joues. Et dans un réflexe enfantin, Noah se coucha sur le sol, en position fœtal. Il s’était senti subitement si fatigué et si triste qu’il s’était laissé attraper par le sommeil. Dormir lui ferait le plus grand bien et surtout lui ferait oublier ses tristes pensées.

Mais il avait eu froid, très froid et le sommeil qui l’avait enveloppé ne l’avait plus quitté.

Puis il s’était réveillé, grelotant de froid, dans un lit. Malgré les couvertures, malgré la chaleur du bâtiment, Noah ne cessait de grelotter et de claquer des dents. Il avait l’impression que son sang lui-même était glacé et qu’il ne circulait plus. Il avait encore du mal à ouvrir les paupières et à rester éveillé plus de quelques minutes. Seuls quelques bruits et quelques paroles lui parvenait et il sombrait à nouveau dans le sommeil, et ainsi de suite.

Il faisait plutôt froid ce soir là. Néanmoins, Elfie devait se rendre au parc afin d'y chercher une montre qu'elle pensait y avoir perdu.
Lorsque qu'elle posa sa bottine sur l'herbe, la rouquine fut obligée de remarquer que l'herbe commençait à se recouvrir de givre. L'hiver semblait pourtant doux malgré une petite brise qui soufflait de temps à autres.

Scrutant le sol à chacun de ses pas, Elfie s'enfonça dans le parc et finit par atteindre le Lac sans s'en rendre compte. Ses recherches étaient vaines et sa montre restait introuvable en dépit de l'énergie fournie. Soudain, ses yeux accrochèrent une silhouette sombre aux abords du Lac, qui se découpait dans l'horizon déclinant. Méfiante, la jeune fille marcha lentement vers celle-ci. Il s'agissait d'un garçon, de Serdaigle comme en témoignait sa robe. Ses cheveux, d'un roux flamboyant, lui retombait devant le visage. Une paire de lunettes était posée un peu plus loin; il avait dû les perdre pendant son sommeil. Car oui, il dormait à poings fermés. Un peu inquiète, Elfie se permit d'effleurer son bras pour voir si son pouls battait toujours. Il ne bougea pas. Son poignet était brûlant. La jeune fille fut néanmoins rassurée de voir qu'il dormait juste. Elle l'observa puis s'aperçut qu'il avait des sueurs froides qui coulait le long de son cou. Abandonnant ses recherches, la rouquine se mit à courir vers l’infirmerie.



-Vous pensez qu'il va guérir vite ? demanda Elfie en regardant Noah, le garçon couché autour du Lac. C'était l'infirmier qui lui avait appris son prénom.

Elfie veillait sur lui dès qu'elle le pouvait. Elle se sentait responsable de lui. Tout le monde lui disait qu'elle l'avait sauvé. Dehors, la neige tombait dru depuis la nuit du sauvetage, il y avait de cela quatre jours désormais. On l'avait félicité de nombreuses fois pour son bon sens. Au fond, elle demandait ce qu'il serait devenu si elle ne l'avait pas vu. Sûrement serait-il dans un état critique à cette heure-ci. Peut-être même serait-il mort.
Un mouvement attira son attention. Le rouquin sortait enfin de sa transe. L'infirmier étant occupé, elle l'observa, angoissée.

-Noah ? Noah ? Tu m'entends ? demanda-t-elle doucement en lui souriant.

Noah ne comprenait pas ni où il n’était ni comment il était arrivé ici, ni ce qui se passait. Il était dans un lit, dans son dortoir ? Probablement pas puisque les voix qui lui venait était parfois féminine, et le dortoir était formellement interdit aux filles. On l’avait renvoyé chez lui ? Non plus puisque personne n’aurait pu s’occuper de lui et il aurait reconnu sa chambre ou n'importe quelle autre pièce de la maison.

Il était dans un état semi-éveillé semi-inconscient, et alternait les phases de sommeil, de délire, de réveil. Il perçut pourtant la voix qui l’appelait, une voix parfaitement inconnue.

Lorsqu’il ouvrit à demi les yeux, il aperçut une fillette à ses côtés. Il ne la connaissait pas et même ne l’avait absolument jamais vu. Que faisait-elle ici ? Pourquoi ?

Il n’avait aucuns souvenirs des événements depuis sa pause au bord des eaux du lac qui encerclait le lac. Était-il tombé ? S’était-il fait attaquer ? Était-il malade ?

Garder les yeux ouverts lui demandait un effort pénible et intense, pourtant il ne ressentait aucune douleur réelle. Noah sentait que la fièvre et le sommeil aurait rapidement raison de lui, et s’il ignorait qui était la jeune fille, il imaginait aisément qu’elle était à l’origine de sa présence ici.

Avant que le sommeil ne l’engloutisse à nouveau, il se contenta de tendre le bras pour effleurer la main de la jeune fille présente à ses côtés.

Elfie commençait à somnoler. Elle attendait depuis déjà deux jours que le jeune garçon se réveille enfin. Il ne semblait pas qu'il allait un jour sortir de cette fièvre.
Quelque chose effleura sa main. La rouquine ouvrit à moitié son œil droit et regarda vite fait. Elle se redressa sur sa chaise quand elle découvrit que c'était Noah, toujours dans les vapes, qui tentait, du moins, elle imaginait, d'attirer son attention. Elfie se pencha et lui prit la main entre les siennes.

-Tu es réveillé ? Noah, tu m'entends ? s'exclama-t-elle, sortie de sa torpeur. Elle ne songea pas à appeler l'infirmier. Noah ? Ça va ?

Elle se leva et versa un peu d'eau dans un gobelet avant de lui tendre. Cela faisait si longtemps que la jeune fille n'avait pas pris soin de quelqu'un. La dernière fois, elle avait décidé de s'occuper de sa sœur durant une semaine, jusqu'à ce qu'elle recouvre ses forces de la grippe. Elfie avait raté l'école au grand dam de ses parents. Avec douceur, et du soir au matin, elle préparait ses repas, lui donnait ses médicaments, veillait à ce qu'elle n'ait ni trop chaud ni trop froid, épongeait son front suant et bien d'autres choses encore. Cette fois, pour le cas de Noah, elle n'avait pas eu l'occasion d'aider à proprement parler. Elfie s'était contentée de passer le voir dès qu'elle pouvait, demandant si son état s'améliorait.

-Tu as soif ? demanda la rouquine d'une voix douce.

Désolé du retard

Alors qu’il allait se rendormir, une voix fluette qui s’adressait à lui, lui donna la force de résister quelques minutes de plus. Il ouvrit les yeux à nouveau pour la voir. Elle semblait très fatiguée, et il ignorait non seulement qui elle était, ni depuis quand elle était là.

Lorsqu’elle lui proposa à boire, le jeune garçon hocha la tête pour acquiescer et tendit le bras pour attraper le gobelet qu’elle tenait dans sa main.

Il aurait aimé pouvoir l’interroger sur le comment du pourquoi, de sa présence ici, de ce qu’il lui était arrivé depuis sa sortir dans le parc, dernier souvenir clair qui lui restait. Il avait mille question en tête et toutes ses idées se bousculaient.

Il essaya de lui faire comprendre en mimant qu’il avait besoin d’avoir de quoi écrire. Il toucha sa gorge et fit signe non de la tête dans l’espoir de lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas parler. Il essaya de lui désigne son sac poser de l’autre côté du lit avec l’espoir qu’elle le lui apporte.

Le peu de geste qu’il avait fait avait suffit à lui vider toute son énergie et il sentait de nouveau le sommeil qui l’appelait sans qu’il ait eu le temps de boire de la moindre goutte. Mais il allait y résister, coûte que coûte. Il avait besoin d’avoir des réponses et d’y voir plus clair.

Noah s'agitait; il tentait de lui montrer quelque chose. Un peu inquiète à l'idée qu'il se fatigue trop vite, Elfie se dépêchait d'identifier ce qu'il indiquait. Ses yeux se posèrent sur un sac, un peu abîmé, aux couleurs des Verts et Argents, d'où pendait une étiquette. La rouquine se leva et lu le bout de papier. Quelqu'un avait dû marquer le nom de son propriétaire, Noah, pour ne pas qu'il ne fusse pas perdu. Elle prit une anse et posa le sac sur le lit.

Des gouttes de sueur coulait sur le front du malade, bien qu'il soit, aux dires de l'infirmier, en voie de guérison. Sa peau était toujours pâle et son regard souligné de cernes violettes. Il devait être tellement fatigué après cette fièvre qui l'avait tenu durant trois jours. Elfie ne pensait pas qu'il puisse récupérer si vite. De ce qu'elle avait compris, Noah avait attrapé une grosse grippe. Ce qui expliquait le fait qu'il se soit évanoui près du Lac; trop faible pour bouger, le froid avait très vite engourdi ses membres.

Elfie regarda le Serdaigle, qui bataillait tous les jours pour pouvoir se remettre. La jeune fille s'empara du gobelet et y versa le sirop que Noah devait avaler. Il était l'heure de le boire. Ce matin, on avait donné de la Pimentine, pour apaiser son rhume. Ce dernier avait disparu mais les autres symptômes, eux, persistaient.

-Tu veux bien avaler ça s'il te plaît ? Je sais que ce n'est pas très bon, mais c'est important.

« Ferme les yeux, juste une seconde, allez, ensuite tu iras mieux, tu pourras interroger la jeune fille à tes côtés ».

Et Noah avait fermé les yeux, pas plus que quelques secondes, mais suffisamment pour se sentir enveloppé par le sommeil qui n’avait pas tardé à le rattraper. Lorsque la voix de la fillette résonna à ses oreilles à nouveau, il sursauta et ouvrit les yeux d’un coup. Il la surprit à verser un médicament dans son verre d’eau et le suppliait de bien vouloir tout avaler.
Il acquiesça d'un petit signe de tête et n’hésita pas une seule seconde, attrapa le gobelet et avala d’une traite le mélange infecte. Il le rendit à la jeunette, avec une grimace, et entreprit de fouiller dans son sac. Sans mal, il pu sortir une plume, un livre en guise de support, de l’encre et suffisamment de parchemin pour lister toutes ses questions. Après avoir fait glisser son sac sur le sol il entreprit péniblement sa besogne. Tout en restant allongé, relevant seulement un peu la tête, il essaye d’organiser ses demandes.

Bonjour, je suis Noah Jonhson 1ère année Serdaigle.
Pourquoi je suis là ?
Que s’est-il passé ?
Qui es

Avant même d’avoir fini, Noah s’était rendormi, il venait à nouveau de tomber d’épuisement. Boire, écrire, réfléchir, nécessitait visiblement bien plus d’énergie que Noah aurait pensé, et bien plus qu'il n'en avait!
Néanmoins, il espérait avoir des réponses à son réveil, dans quelques heures.

Noah avala le contenu du verre et lui rendit. Difficilement, il fouilla dans son sac et en sortit le nécessaire pour écrire. Que fait-il ? se demanda Elfie, intriguée par son manège. Le rouquin gratta le papier pendant une minute avant de lui donner.
Écrits d'une main tremblante, les mots s'alignaient sous ses yeux. Les lettres étaient un peu déformées, mais la jeune fille mit cela sur le compte de la fatigue. Il lui demandait où il était, ce qu'il y faisait et en haut à gauche, lui indiquait son prénom complet. Noah Jonhson. Elle se souvenait de son nom, entendu durant la cérémonie de répartition; le jeune garçon était un première année de la maison Serdaigle.

Avant qu'Elfie ne puisse l'éclairer, le malade avait rejoint les bras de Morphée. Tout en vérifiant qu'il dormait, elle regarda dans le sac de Noah, à la recherche d'un bout de parchemin. Elle prit la plume et commença à écrire un paragraphe pour lui expliquer les raisons de sa venue ici. La jeune fille devait s'absenter et comme il dormait, Noah lirait son mot à son réveil. Elfie pourra toujours lui apporter d'autres détails à son retour.

Je m'appelle Elfie Sweetheart, je suis aussi en première année mais dans la maison Serpentard.
Tu te demandes sûrement ce que tu fais là, eh bien, je cherchais ma montre dans le parc quand je t'ai trouvé, roulé en boule près du Lac. Tu semblais fiévreux alors j'ai été cherché l'infirmier pour qu'il te ramène au château. J'ai eu raison; tu étais bien malade. Une grippe à ce qu'il paraît.

Si tu te réveilles avant que je revienne, sache que je ne t'ai pas oublié mais que mon devoir d'écolière m'a rappelé à l'ordre !

Repose-toi bien,

Celle qui veille sur toi.

Lorsqu’il s’était réveillé, Noah était de nouveau seul. Il faisait nuit, il avait dû dormir un long moment, mais la notion du temps qui s’écoule n’était plus qu’une vague notion. Mais le constat était sans appel : en s’endormant il faisait jour, et au réveil il faisait nuit noire : fin. Il se demanda même s’il n’avait pas tout bonnement rêvé de la jeune fille à ses côtés, ou pire eu des hallucinations dû à sa fièvre très élevée.
Et puis il avait vu le mot, posé juste à côté de lui. Il allait enfin avoir des réponses. Fort touché par les mots sur le parchemin, Noah ne put retenir ses larmes. Tout d’abord de soulagement, il n’était pas si fiévreux que cela, ni fou, et n’avait pas rêver la présence à ses côtes. Ensuite, il pleura pour tout et rien. De tristesse, de peur, de reconnaissance pour la fillette…
Il n’était pas encore en forme mais suffisamment pour entreprendre de lui répondre en quelques lignes.

Bonjour Elfie de Serpentard.

Merci de t’occuper de moi, mais pourquoi tu fais cela ? Je ne le mérite pas car c’est de ma faute si je suis là, je n’ai pas fait attention à moi.

Tu dois d’abord penser à toi, à tes devoirs, à des cours et à tes amies. Ne t’occupe pas de moi.
Merci pour tout, d'avoir veillé sur moi et surtout de m’avoir sauvé la vie.

Je ne pourrai probablement jamais te remercier suffisamment, mais je ferai tout pour y arriver.

Il déposa le petit morceaux de parchein sur la chaise vide, esperant que la fillette reviendrait.

Alors qu’il s’apprêtait à se rendormir, Noah remarqua un signe positif : il avait faim. La guérison devait avoir commencée.

Il était midi le lendemain lorsque la rouquine revint auprès du jeune garçon. Ses devoirs lui avaient pris plus de temps que prévu et, épuisée, elle était allée se coucher dès qu'elle les eut terminés. Pour se faire pardonner, Elfie avait emporté avec elle de quoi manger pendant sa veille. Du pain, de la salade, du jus de citrouille et du jambon cru. Il y avait aussi une pomme et une poire au fond de sa besace.
Bien que le repas ne soit pas très équilibré, Elfie espérait qu'il redonne des couleurs au malade. Si cela ne lui plaisait pas, la rouquine était prête à faire le chemin inverse pour lui apporter autre chose.

En arrivant à l'infirmerie, Elfie posa son chargement sur la tablette à côté du lit. Il dormait, comme toujours, à poing fermés. Sans le réveiller, la future sorcière attrapa le mot qu'il semblait avoir laissé pour elle. Un sourire se dessina au coin de ses lèvres durant sa lecture. Noah lui ressemblait beaucoup; tout chez lui poussait à croire qu'il préférait se préoccuper des autres en priorité plutôt que de lui.

-Ne t'inquiète pas pour moi, va. Et ce n'est pas de ta faute si tu es tombé malade, j'étais juste là au bon endroit au bon moment. Ah oui, je n'ai pas vraiment d'amis, alors autant dispenser mon temps libre utilement ! lui dit-elle en riant à moitié, avant de croquer dans son bout de pain un peu trop sec.

Devait-elle lui écrire un autre mot ? Elle n'avait pas pensé à emmener du parchemin, ni de quoi écrire. Soit, elle attendrait son réveil. La jeune fille n'était plus à ça près.