Siam avait récupéré la lettre, froissée à présent entre ses doigts. Elle n'avait pas émit un son, pas de merci. Rien. Elle ne parvenait pas à ressentir autre chose que de la colère pour masquer sa gêne envers cette fille qu'elle regardait à présent s'éloigner. Elle avait écouté l'infirmier et ne savait pas quoi faire...

Son être entier était déchiré entre les deux choix qui s'offrait à elle. C'était ses problèmes, ils n’appartenaient qu'à elle. La Tristesse qui la rongeait était la sienne, elle avait fini par l'adopter et l’accueillir comme une vieille amie. Personne ne pouvait comprendre ce qu'elle représentait. Ce que Siam ressentait au fond elle était inexplicable.

Quand bien même elle prendrait la décision de se confier à l'infirmier, comment trouverait elle ses mots ? Les Émotions ne sont pas descriptibles, elles sont secrètes. Et puis la peur était trop intense, la peur d'être jugée. Malgré les mots de l'homme qui se tenait près d'elle, elle avait bien du mal à croire que ce qu'elle avait à dire pourrait être écouté sans jugement. Dans les cas comme ça, il paraissait presque inévitable.

Elle était brisée au fond elle, déchirée. Et elle hésitait à dévoiler cette Déchirure, même si elle sentait bien que cela pourrait la libérer. Mais elle était lâche. Lâche. Elle ne voulait pas revivre tout ce qu'elle avait vécu à nouveau à travers les Mots qu'elle pourrait offrir à l’infirmier. Si elle avait eu un tout petit peu de courage elle l'aurait fait, elle aurait accepter de revivre ça, de le faire enfin sortir d'elle. Elle était lâche mais elle ne pouvait plus, tout garder pour elle.

Alors elle défroissa la lettre*, elle l’aplatit entre ses mains et la tendis à l'homme. Elle ne pu empêcher sa main de trembler.


-Allez-y. Lisez là... Je suis un monstre, c'est écrit. Il ne veux plus de moi. Je ne veux plus de moi.


Ce n'étaient que des Mots, pourtant les prononcer à voix haute les rendait tellement plus réels. "Je suis un monstre." "Je ne veux plus de moi." Sa voix n'avait pas vacillé pourtant son corps et son âme tout entière tremblait et hurlait son désespoir. Mais les larmes ne couleraient plus aujourd'hui. En tout cas pas ici. Peut être que dans la nuit, sous ses draps lorsque personne ne pourrait la voir, elle les laisserait couler à nouveau, mais pas maintenant. Elle leva les yeux vers l'Infirmier avec un regard presque dur mais pourtant emplis de reconnaissance, mais aussi, il fallait l'avouer, d'espoir.


*La lettre


Mes excuses pour le retard...

Rafael regarda rapidement la première année sortir de l’infirmerie avec un air triste. L’autre élève l’avait certainement blessée sans le vouloir et malheureusement, il n’était pas de son ressort de faire en sorte que les relations entre élèves soient sans heurt. Il reporta ensuite son attention sur sa patiente qui semblait presque en état de choc. Il ne savait toujours pas ce qui la préoccupait mais il voulait essayer de l’aider. Il la regarda réfléchir à ce qui semblait être la bonne décision et après quelques secondes qui s’éternisaient, elle se décida. Elle déplia la lettre que sa camarade lui avait rendu et Rafael crut d’abord qu’elle allait la lui lire mais ce ne fut pas le cas, elle ne semblait pas capable de la relire une seconde fois et préféra la tendre à l’infirmier.

Rafael attrapa la lettre de la jeune fille qui lui conseilla dans les mêmes temps de la lire. Il ne savait pas qui lui avait écrit mais d’après les propos qu’elle tenait, il avait été violent. Désireux de mieux comprendre la situation, Rafael commença la lecture. Il apprit donc rapidement que la lettre était écrite de la main de son père qui avait découvert l’existence des sorciers à l’arrivée de la lettre de sa fille. L’infirmier comprit alors pourquoi la Serdaigle était aussi mal. Son père avait tenu des propos très fort et très blessant, il ne supportait pas l’idée que sa fille soit une sorcière et pensait comme beaucoup de moldu qu’elle était un monstre.

Depuis quelques semaines, la nouvelle avait fait le tour de la Grande-Bretagne et Rafael ne pouvait que constater les dégâts que cette nouvelle faisait avec le temps. Des familles se divisaient, des voisins se méprisaient et comme il pouvait le constater, des enfants en souffraient. Il s’estimait heureux d’avoir une mère aussi ouverte qui avait compris que la menace n’était pas chez les sorciers mais dans la désinformation. Les médias moldus ne diffusait pas la vérité et le trentenaire comprenait que certains prennent peur. Malgré tout, il ne pouvait pas en être ainsi pour la jeune fille, il n’était pas normal qu’une jeune fille de son âge lise ces propos. Il tenta alors de la rassurer du mieux qu’il pu.

« Jeune fille, je comprends que cette lettre vous fasse mal et vous rende malheureuse. Je ne sais pas vraiment ce que vous pouvez ressentir mais je pense savoir ce que votre père ressent. Il a peur, il ne sait pas ce qu’il se passe et les médias moldus ne font rien pour arranger la situation. Ils nous présentent comme des monstres justement et comme votre père ne connaît pas vraiment la situation, ni tout ce que cela signifie, il se concentre sur les infos qu’il reçoit. Je pense aussi qu’avec tout ce qu’il se passe maintenant, il ne faut pas prendre de décisions hâtives, ce que votre père a fait malheureusement. Essayer de lui laisser un peu de temps, même si c’est très dur à vivre pour vous, il se rendra compte que ce n’est pas la vérité. Car vous n’êtes pas un monstre, personne ici ne peut être qualifié de tel. Vous êtes une petite fille qui apprend à se servir de la magie et la magie est loin d’être quelque chose de mauvais. Chaque personne décide de ce qu’il veut en faire mais il n’y a pas plus de monstres chez les sorciers que chez les moldus. Vous comprenez ce que je veux dire? »

Elle était gênée, gênée qu'il ait lu la lettre malgré le fait qu'elle l'avait voulu. Cette lettre ne résumait pas tout, loin de là, mais elle rendait réelle une vérité trop souvent ignorée. C'était le dernier coup qu'elle avait reçu, le plus violent, celui qui avait failli l'achever. Comment pouvait-elle continuer comme ça ? En sachant que son père ne voulait plus d'elle, qu'elle ne reverrais sans doute jamais sa famille. Allait elle pourvoir continuer à faire comme si de rien était en étant persuadée qu'elle n'était qu'un monstre ? Qu'elle ne méritais pas de vivre. Un père est censé protéger son enfant contre le monde, mais le sien avait changé d'objectif. Il s'agissait à présent de protéger le monde contre son enfant.

L'homme avait fini sa lecture et il pris la parole,étrangement Siam avait décidé de l'écouter. D'essayer de comprendre, d'accepter d'attraper sa main tendue. La première chose qu'elle apprécia fut que l'infirmier ne lui avait pas fait croire qu'il pouvait comprendre ce qu'elle ressentait. En effet personne ne pouvait comprendre et elle appréciait que l'infirmier l'ait accepté. Il expliqua ensuite que son père était comme ça car il ignorait la vérité et qu'elle ne devait pas penser qu'elle était un monstre.

Mais ça c'était impossible, elle se détestait et les paroles d'un infirmier, si compréhensif soit-il n'y pouvaient rien.

- Je n'en veux pas à mon père, vous savez ? Il a raison.

Cependant il fallait qu'elle essaye d'exprimer mieux ce qu'elle pensait si elle voulait qu'il puisse comprendre un peu.

-Je veux dire, ce n'est pas la magie qui est mauvaise. C'est moi, regardez le mal que je leur ai fait. Si ils ne veulent plus de moi c'est qu'ils se protègent je ne leur en veux pas. C'est à moi que j'en veux. Je ne mérite pas d'avoir la magie à mes côtés. Je me déteste, vous comprenez ?

C'était la plus longue succession de mots qu'elle avait prononcés depuis des mois peut-être. Elle s'embrouillait totalement. Ce qu'elle ressentait était bien plus profond que les mots. Pourtant pour une fois elle voulait être comprise, au moins un peu. Elle baissa les yeux en réalisant que cela avait peu de chances d'arriver. Elle ne savait même pas s'exprimer correctement.

-Ce n'est pas grave...

Rafael reprit sa respiration après sa longue tirade et laissa le temps à la jeune fille de prendre en compte tout ce qu’il venait de lui dire. Il ne pouvait qu’imaginer dans qu’elle situation elle se trouvait et devina que ce devait être très dur à son âge. Découvrir que le monde dans lequel on vivait n’était pas celui qu’on pensait, y adhérer malgré tout et apprendre que la majorité de la population voyait ces personnes comme des monstres. Ce n’était pas une situation qui devait être vécue à son âge, elle se devait de le partager et malheureusement, les personnes avaient qui elle aurait pu le faire, sa famille, la rejetaient.

Après un petit silence, elle expliqua à l’infirmier qu’elle n’en voulait pas à son père et Rafael se demanda ce qu’elle voulait dire par cela. Il avait tout de même était très dur envers elle. Avant qu’il ne puisse lui demander plus de précisions, elle ouvrit de nouveau la bouche et développa sa réponse. Elle lui expliqua alors que le problème venait d’elle, selon elle, la seule personne qui représentait un problème était elle. La magie n’était pas le problème et sur ce point elle avait raison. Cependant, Rafael ne pouvait pas laisser la Serdaigle s’accusait elle même de quelque chose dont elle n’était pas responsable. Elle semblait persuadée de ses propos, elle baissa les yeux et affirma que la situation n’était pas grave.

Rafael ne pouvait pas laisser la jeune fille s’infliger autant de mal à elle même, elle devait comprendre qu’elle n’était pas la source de ce mal. Il se rapprocha un petit peu et posa sa main sur celle, plus petite, de l’élève. Essayant de capter son regard il lui répondit:

« — Si en réalité c’est grave, vous ne pouvez pas vous infliger ça. Je pense que vous vous trompez. Ce n’est pas vous le problème, ce n’est pas vous qui leur faites du mal. Vous êtes née ainsi et vous n’y pouvez rien. Vous n’avez rien fait de mal! Ce n’est pas vous qui avez laissé des obscurus visibles aux yeux des moldus. Ce n’est pas vous qui avez fait passer les sorciers pour des monstres. Votre père vous a peut être fait croire cela, mais vous n’êtes coupable de rien. »

Il lui dit que c'est grave, il ne comprends pas, elle le savait. Elle ne lui en veux pas bien sur, comment pourrait-elle. Il insiste bien trop sur l'importance de la magie, mais elle n'est pas d'accord avec lui, ce n'est pas seulement à cause de cela que son père la hait. Elle n'est pas un monstre seulement parce qu'elle fait de la magie, c'est bien plus fort que ça. Bien plus profond. Elle est un monstre au creux de son âme parce qu'elle ne s'aime plus et que seul un monstre peut ressentir cela. Elle est un monstre parce qu'elle fait le Mal, bien pire, elle est le Mal. La douleur est bien plus profonde que seulement son père. Quelque chose c'est fissuré, et depuis cette Faille ne cesse de s'étendre et de devenir Gouffre. Son père à contribuer grandement à agrandir le Gouffre mais il n'en est pas la cause d'origine. La véritable raison elle ne la connait pas, peut-être qu'elle était née pour se casser à un moment donné, bien avant tout les autres tout simplement. Peut-être qu'elle ne méritait pas d'avoir une vie normale, peut-être qu'elle était née pour souffrir. Pourquoi lui arriverais-t'il tout cela si ce n'était pas pour la punir de quelque chose ?

L'infirmier la rassure mais pourtant elle ne s'est jamais sentie aussi mal qu'à l'instant présent. Un poids énorme posé sur sa poitrine et tant de pensées s’entremêlant dans son cerveau. Cette envie de pleurer si présente, prête à la terrasser à tout moment. Pourtant elle sent que si elle pleure maintenant, elle irais jusqu'au bout, elle ne pourrais plus s'arrêter, plus jamais. Il fallait qu'elle résiste, il le fallait.

D'autres question venaient s'ajouter dans son esprit, elle décida d'en poser une :

-Pourquoi est-ce que je suis ici ? Enfin que c'est il passé ?

Cela lui avait fourni une occasion de changer de sujet, elle ne voulais plus parler de son Gouffre, s'était trop douloureux. Et puis elle ne savait vraiment pas ce qu'il s'était passé. Elle avait ouvert la lettre, l'avait lu puis après le Noir. Cette impression d'étouffer, de ne plus pouvoir respirer et cette douleur dans chaque parcelle de son corps. Que c'était il vraiment passé ?
Elle ferma les paupières quelques secondes avant de les rouvrir, les yeux plus bleus et froids que jamais.

Mes excuses pour ce retard...

La fillette sembla se perdre dans les explications que venait de lui donner l’infirmier. Elle l’écouta parler et il vit son regard se perdre et il n’était pas persuadé qu’elle entendit la fin de sa phrase. Elle resta silencieuse pendant de longues secondes et Rafael eut d’abord l’impression qu’elle avait de nouveau perdu connaissance mais le mouvement de sa cage thoracique et ses clignements de paupières lui prouvèrent que ce n’était pas le cas. Il attendit donc patiemment qu’elle trouve les bons mots.

Cela ne tarda pas à arriver, elle ouvrit la bouche et lui posa deux questions qui n’avaient rien à voir avec ce qu’il venait de dire. Elle s’inquiétait de savoir ce qu’il s’était passé et comment elle était arrivée ici. Rafael devina que c’était pour elle, un moyen de changer de sujet, elle n’était pas prête à discuter de la situation avec un inconnu et il accepta cela, ce n’était pas un sujet facile pour elle. Rafael retira sa main de celle de sa patiente et prit un peu de recul, il se rappela rapidement le discours de la jeune fille qui l’avait emmenée jusqu’ici et lui expliqua:

« — Selon ce que m’a dit la jeune fille qui vous a accompagné jusqu’ici, vous auriez convulsé et perdu connaissance dans le couloir. Elle a donc fait en sorte de vous amener du mieux qu’elle pouvait. Une fois allongée à l’infirmerie, vous avez fini par retrouver connaissance et vous vous souvenez de la suite. »

Convulser ? Était-ce vraiment ce qu'il s'était passé dans le couloir ? Elle, avait plutôt eu l'impression inéluctable d'être plongée dans l'immobilité. Le sentiment oppressant qu'elle ne pourrais plus jamais bouger.

Et puis cette fille qui l'avait amené, elle l'avait donc vue être mal, comment pouvoir la regarder dans les yeux si elles étaient amenés à se recroiser. En plus d'après son uniforme elle était également à Serdaigle. Il ne manquerais qu'elle aille raconter ça à tout les autres de sa maison. Déjà qu'il n'avaient pas une bonne image de Siam, la solitaire, la sombre, celle qui ne parle pas.

Si ils apprenaient qu'elle avait été à l'Infirmerie, ce ne serais plus des murmures qui accompagnerais ses pas mes des coups de poignards. Parce que les autres auraient trouvés son point faible. Et ça elle ne le voulait pas.

-Je ne m'en souviens pas...

Elle se mordit l'intérieur de la bouche si fort que le goût métallique du sang vint envahir ses papilles. Pourquoi ne pouvait-elle pas se rappeler ? Obligée de faire confiance à la mémoire des autres et à ses sens défaillants.

-Quand est-ce que je pourrais partir ?

Question à multiples sens, partir de ce lit, de cette infirmerie, de ce château, de ce pays rongé par la haine, de cette vie tout simplement. Mais bien sur, la question sur sa surface ne concernait que son départ de l'infirmerie. Elle ne voulait pas y rester, être à l'infirmerie était pour elle synonyme de faiblesse.

Non qu'elle se croyait forte mais simplement que c'était l'illusion qu'elle devait donner. Forte en apparence, faible dans son cœur. Ce passage à l'infirmerie brisait ce qu'elle pensait être un équilibre, mais qui en fait était bien trop fragile. La coquille qui se brise. Rien de plus et rien de moins.


Désolée pour ce retard et ce post pas exceptionnel je l'avoue...

L’infirmier voyait l’incompréhension de se dessiner sur le visage de la jeune fille. De toute évidence, elle ne se rappelait pas de ce qu’il s’était passé plus tôt dans la journée. Elle sembla tiquer sur le mot convulser et Rafael comprit qu’elle n’était pas épileptique, elle n’aurait pas été aussi étonnée en découvrant ce mot. Cependant, cela pouvait être une première crise et si c’était le cas, elle devrait voir un médecin spécialisé pour mettre en place un traitement afin de ne pas être victime de nouvelles crises.

Elle confirma au jeune homme qu’elle ne s’en rappelait pas avant de lui poser la question que Rafael entendait le plus depuis qu’il avait commencé à travailler à l’hôpital et à Poudlard. Elle voulait savoir la date où elle pourrait sortir de l’infirmerie. Rafael comprenait qu’elle ne veuille pas rester ici, les autres élèves se poseraient des questions et au vu de sa réaction quand elle s’était réveillée, elle ne voulait pas que les autres élèves apprennent qu’elle était ici. Malheureusement pour elle, il devait la garder en observation une journée pour s’assurer qu’elle n’ait pas de séquelles de sa crise. Rafael regarda donc la jeune fille avant de lui poser quelques questions.

« — Vu votre réaction, j’en déduis que c’est la première crise d’épilepsie que vous faites. C’est bien le cas? Y a-t-il quelqu’un dans votre famille qui est sujet à ce genre de crises?

Rafael laissa à la jeune fille le temps de réfléchir à la question. Il était dur de savoir à son âge tous les antécédents de sa famille. De plus, elle n’avait peut-être jamais parlé de tout cela avec ses parents et peut-être qu’elle ne le savait tout simplement pas. Rafael avait l’impression qu’elle ne trouverait pas la réponse, ou peut-être attendait-elle qu’il réponde d’abord à sa propre question. Il s’empressa donc de lui expliquer ce qui allait se passer.

— En ce qui concerne votre séjour à l’infirmerie, vous allez devoir rester une journée. Je dois m’assurer que tout va bien et que vous n’avez pas de séquelles avant de vous laisser retourner en cours. »

Épilepsie ? Dans sa famille ? Bien sur que non, en tout cas pas à sa connaissance. Et elle non plus d'ailleurs, ce devait-être autre chose. Elle ne savait même pas bien ce que c'était, les rares fois ou elle en avait entendu parler elle ne s'était guère attardée sur le sujet. De toute façon elle était pas malade, pas physiquement du moins, dans sa tête tout s'entrechoquait mais son corps était immobile. La tête posée sur l'oreiller, ses bras maigres étendus, seuls ses poings, crispés sur les couvertures. Elles serrait ce petit bout de tissu si fort, comme si elle pouvait e faire exploser avec la force de ses doigts, ses jointures blanchissantes. Elle en avait marre d'être elle, tout simplement.

Puis la réponse arriva, écrasante et soulagente à la fois.
Seulement une journée, elle aurait espéré mieux mais cela aurait pu être bien pire également, avec un peu de chances personne ne remarquerait son absence. Elle était transparente, mais parfois trop voyante. Soit invisible soit une tâche sur un drap blanc. Soit en trop soit absente.

Une idée, une pensée tout simplement. Partir. Partir loin et courir, sans s'arrêter, plus jamais. Courir tout droit jusqu'à arriver à une falaise et sauter ou bien un lac et se noyer. Ou alors courir dans les pleines, les montagnes, les vallées, jusqu'à mourir de faim et d'épuisement. Juste s'enfuir, et ne pas se retourner, tout oublier. Mais c'était impossible, Siam n'était même pas capable de réussir à se lever. Elle se sentait faible et cette sensation la répugnait. Son mental la lâchait progressivement, si son corps faisait de même, que lui resterait-il ?

La jeune fille pris conscience que l'infirmier attendait une réponse.

-D'accord. Et j-je sais pas pour ma f-famille.

Pourquoi sa voix maintenant lui faisait elle défaut ? Elle qui n'avait jamais bégayer de sa vie se retrouvait à ne plus savoir parler. Elle était à deux doigts d'hurler de frustration et d'impuissance.
Pourtant c'est à voix basse qu'elle rajouta :

-J'm'en fou.

Ses doigts se détendirent et la pression sur les draps diminua, dans sa tête une cage ou un feu d'artifices, plutôt des bombardements d'ailleurs. Ses ongles se plantèrent imperceptiblement dans sa cuisse. Elle se força à respirer. Calme. Elle ne pouvait plus craquer, et pas devant lui, elle ne devait pas rester plus longtemps que le minimum dans cette infirmerie.

L‘infirmier remarqua que la jeune fille semblait réfléchir à ses questions. Il se doutait que ce n’était pas facile pour elle de savoir cela, peut-être que ses parents n’avaient jamais parlé de leurs antécédents avec elle. Si il n’obtenait pas de réponse, il devrait en parler avec la directrice. Il était possible que sa patiente ait déjà eu des crises dans sa jeunesse et ses parents étaient certainement au courant. Malgré tout, Rafael ne voulait pas inquiéter la Serdaigle avec cela, elle devait d’abord se reposer. Il ne nécessitait pas une réponse dans l’heure.

Coupant net à ses réflexions, Miss Vostra ouvrit la bouche et d’une voix chevrotante et lui expliqua qu’elle ne savait pas pour sa famille. Après une seconde de silence elle ajouta qu’elle se moquait bien de le savoir et Rafael se félicita de ne pas lui avoir dit qu’il devrait contacter sa famille, elle ne semblait pas prête à l’entendre. La jeune fille se crispa légèrement et l’infirmier comprit qu’elle avait besoin d’être seule pendant un petit moment. Ils s’était assuré qu’elle n’était pas en urgence vitale, son état était stable, il pouvait la surveiller de son bureau sans la gêner. Elle avait besoin de repos et elle ne semblait pas prête à un interrogatoire. Rafael hocha la tête et lui dit:

« — D’accord je comprends, je pense que j’ai suffisamment d’informations pour le moment. Je vais vous laisser vous reposer. Si vous avez besoin de quelque chose n’hésitez pas à m’appeler. Compris? »