Une nouvelle fois, Kristen sourit de l'intervention de la petite fille.

« Oh, je m'en amuse. Parfois, il n'y a rien de mieux à faire. »

Elle entoura sa tasse de thé, un peu moins chaude maintenant, de ses mains. Elle regarda la cicatrice blanche et rectiligne qui barrait son poignet droit. Et dire que si elle était allée au bout, elle n'aurait plus jamais pu faire ce geste, ce petit geste si simple mais si agréable, d'entourer une tasse de thé chaude de ses mains.

« J'admets m'être interrogée sur votre cas, au regard des paroles alarmantes de votre père. Pour le reste, cependant, je n'éprouve nullement le besoin de me remettre en question, et préfère considérer ceci, fit-elle en donnant un coup de menton dans la direction de la lettre, comme une plaisanterie. Or, aussi incroyable que cela puisse vous paraître, il m'arrive d'avoir un peu d'humour. »

Rapprochant la tasse de sa bouche, elle souffla malgré tout sur son contenu, sans y faire attention. Se souciait-elle de ce qu'Ellias PoirreFresh pensait d'elle, au fond ? Non. Pas vraiment. Se souciait-elle de ce que qui que ce soit pensait d'elle ? Toujours pas. Bien sûr, elle aurait souhaité que les gens aient d'autres choses à faire que répandre des rumeurs sur son compte ; bien sûr, elle aurait préféré que l'on fasse naturellement confiance à la sorcière qu'elle était - parce que, d'après elle, elle méritait toute la confiance de ces parents d'élèves - du moins pour ses compétences actuelles. Effectivement, on pouvait reprocher à Kristen un tas de choses. Mais pas ça. Et si quelqu'un avait quelque chose à lui reprocher, ce n'était clairement pas Ellias PoirreFresh, ni aucun parent d'élève.

Elle but une gorgée de thé avant de reposer la tasse sur son bureau.

« Cela étant, je me doute que votre père n'est pas le seul à penser ce qu'il pense. On entend toutes sortes de choses, de nos jours. Même ici, à Poudlard, dit-elle avec un air de soit-dit-en-passant. »

Pour être alarmantes ces paroles l'étaient. Ces mots gravés sur le parchemin tournaient en boucle dans ma tête. Sans cesse je m'interrogeais sur le pourquoi du comment. Je savais qu'il serait inutile d'essayer de lui parler de quoi que ce soit, il se braquerait et m'expliquerais que je ne suis pas en âge de comprendre les choses. Et pourtant je comprenais bien qu'il avait causé des inquiétudes à cette femme inutilement, elle qui finalement se comportait en ange plus qu'en démon.

Oui elle avait de l'humour, évidement elle était humaine et en bonne santé mentale. Je regrettais soudainement d'avoir peu souris jusque là, peut être cette femme était-elle austère parce que personne ne lui souriait jamais ? Alors sincèrement je laissais mes lèvres s'étirer en mon habituel sourire, expression faciale que je voulais chaleureuse et polie.

- Mieux vaut en rire qu'en pleurer...

Mon père n'était pas le seul certes à penser ainsi, j'avais déjà entendu plusieurs élèves soupçonner notre directrice de ne pas être une femme honnête et la presse à potin devait se jeter sur elle à la moindre incartade. Mais que pouvait-elle bien vouloir dire avec cette dernière phrase... Ce ne pouvait être une confidence, ça cachait quelque chose forcément... Je portais à mes lèvres mon thé refroidi et le finit d'une traite priant pour qu'il n'ait pas dissimulé du veritaserum ou autre potion pouvant me mettre en une mauvaise posture.

Je regrettais soudainement tout ce que j'avais pu penser de la directrice avant ce rendez-vous... Peut-être insinuait-elle justement que j'aurais du me taire et qu'a l'avenir c'est ce que je devrait faire ? Ou peut-être me questionnait-elle à ce propos, espérant de moi de servir de taupe... Avec culpabilité je baissais les yeux sur mes genoux et lâchait ma tasse. Ma gorge se serra un peu. Un épais malaise m'engluait complètement sur ma chaise et je ne me sentit pas capable d'essayer de mentir.

- J'ai... j'ai dit des choses, mais il n'y a plus une seule de mes paroles qui soit encore vrai maintenant... Je suis désolée.

Kristen souffla légèrement et plissa les yeux, satisfaite par la réponse de Jenny PoirreFresh - par ses aveux en demi-teinte. Forcément, les enfants parlaient. Kristen serait une sorcière noire... Franchement, ces soupçons l'agaçaient - mais d'un agacement méprisant. Elle s'était amusée à en jouer, pour des questions de discipline, lorsqu'elle avait donné cours - mais elle trouvait la distinction "mage noir" et "mage blanc" dénuée de sens. Comme s'il n'y avait que le Blanc d'un côté, et le Noir de l'autre. Comme si la vie n'était pas qu'un camaïeu de gris.



Même cette étiquette ne lui allait pas. Elle ne se considérait comme rien d'autre qu'elle-même : ni noire, ni blanche, ni grise, ni la première d'un mouvement nouveau. Elle faisait simplement ce qui lui semblait juste, au moment où elle pensait qu'il fallait le faire. Elle n'obéissait à aucun précepte, aucune idéologie, n'écoutait aucune voix que celle de son instinct. Action, réaction. Et cela impliquait d'utiliser toutes sortes de magies, forcément - et il est vrai qu'elle avait un certain don pour les sortilèges offensifs relevant de la magie dite "noire".

Détachant ses yeux de la petite forme de Jenny PoirreFresh, elle se leva, enfin.

« Eh bien, Mademoiselle PoirreFresh, je crois que c'est tout ce que nous avions à nous dire. Je ne vous retiens pas plus longtemps. »

Kristen se dirigea vers la porte pour raccompagner l'élève hors de son bureau.

« Je vous souhaite beaucoup de réussite dans vos études, conclut-elle avec un ton très professoral. »

Après avoir remercié et salué la directrice d'un dernier signe de tête j'avais pu rentrer l'esprit vidé dans mon dortoir. Mais qu'avait fait cette femme de toute l'énergie qui m'habitait ? Elle l'avait sans doute bu avec autant de brutalité et de raffinement qu'elle avait bu son thé.

J'avais en quelques phrases et un constat affligeant sur l'état mental de mon père pu mettre à jour ma vision de la directrice. Elle était bien moins terrifiante qu'on ne le disait ou qu'on ne se l'accordait à penser en la voyant marcher talons claquants au sol et regard au dessus de la foule des élèves qui s'écartaient pour elle dans les couloirs. Elle était même préoccupée, attentionnée peut être... en tout cas soucieuse de bien faire.

Je ne savais plus la qualifier autrement que comme un mère. Pas une mère aussi douce que l'est la mienne, pas ce genre de mère non, mais une mère dans le sens que le roi plus que veiller sur ses sujets se porte garant de leur sécurité et se sent réellement concerné par leur aise. Il était même possible que je la qualifie de bienveillante, drôle même un peu mais drôle d'un humour qui devait plaire aux adultes plus qu'aux enfants. Elle ne faisait pas d'efforts en considérant mon âge mais il semblait que soit une qualité, être pris au sérieux était pour un adolescent un fondement d'une relation adulte-enfant et je le comprenais. Ainsi moins distante qu'une reine et plus qu'une mère elle était un mélange entre les deux, une veilleuse sans doute si je pouvais m'approprier ce terme. Notre sécurité c'était elle, notre volonté de bien faire de peur des sanctions c'était elle aussi, notre discipline et notre sensation d'être chez nous c'était toujours elle, et mon envie de ne plus adresser la parole à mon père c'était elle aussi.

Merci pour ce Rp, bien à vous,