Le garçon prit visiblement en compte la réaction et les mots de la fillette. Mais elle ne savait pas vraiment si au fond d’elle elle était rassurée ou alors déçue finalement. Après tout s’il y avait des lettres perdues dans cette forêt ça offrait une excuse à ces parents, une raison, un espoir. Mais à quoi bon nourrir un espoir s’il est voué à l’échec et donc à la déception ? Aliénor soupira avant de se redresser sous l’intonation de Chems. Il se foutait de sa gueule ? Ou alors il avait bien vu qu’elle n’était pas si réfractaire que ça à l’idée d’aller vérifier ce qu’il peut y avoir dans cette forêt. Elle ne put empêcher un rictus discret laissant son regard flotter au loin. Mais le « T'as raison au fond » Fini d’achever Aliénor. Elle avait raison ? Et ben, ça c’est rare… Pourquoi elle a raison quand ça ne l’arrange pas ? Une pierre tomba dans son cœur, le poids de ces doutes et de ces espoirs envolés. Et toujours pas de Buho à l’horizon ! Ce regard descendit vers ces pieds et se mit à glisser sur chaque pierre formant le sol de cet endroit. Lieu dont elle dérangeait trop souvent les pierres ces derniers temps. Ce n’est pas comme si elle faisait un caprice, elle attendait juste et peut-être que le temps avait eu raison de sa patience et de sa foi en ces parents.

Son regard remonta immédiatement vers Chems quand celui-ci rouvrit la bouche. *Quoi il va encore se foutre de moi ?* A vrai dire n’importe quoi lui irait, qu’il se foute d’elle, raconte une blague pourrie ou trouve une solution à tous les problèmes du monde, tant qu’il ne la laissait pas dans ce silence qui était tout sauf bienfaisant pour elle. Il mit le doigt sur quelque chose qui frappa la fillette. Elle attendait cette lettre impatiemment alors que ce n’était même pas encore le jour de son anniversaire. Peut-être que le hibou brun fera son apparition demain matin avec le courrier, comme pur chaque personne dont c’est l’anniversaire. Mais n’avoir aucune nouvelle depuis des mois, forcément ça ne rassure pas. Détachant ces yeux du visage de son camarade, Aliénor fixa de nouveau le sol et sans grande conviction elle lâcha :

-Peut-être.

Elle prit une grande inspiration en essayant de faire taire ces doutes et ce sentiment défaitiste qui se rependait dans ces veines. Elle devait y croire. Mais la fatigue avait raison de sa motivation. Elle poussa un soupir à s’en décrocher les poumons avant de poursuivre.

-Ben j’espère que monsieur ne s’est pas décider à aller voir les plages des caraïbes entre temps, parce que là, c’est quand même long.

Il ne manquait plus que ça, des hiboux qui n’en faisaient qu’à leur tête, alors quoi monsieur avait besoin de RTT ? Aliénor roula des yeux peu convaincue par ec qu’elle énonçait. Après tout ce hibou était toujours arrivé à temps ici…

-S’il est pas là demain, je fais un génocide de hiboux !

Oh génial, elle commençait à raconter n’importe quoi ! Pour faire devenir Aliénor stupide mélangez de la fatigue avec un brin de colère et quelque chose qui lui tient à cœur. Et bim, une Aliénor qui raconte tout ce qui passe dans son esprit. Elle se redressa, arrachant son épaule du mur froid pour se mettre à marcher dans l’habitacle. Cette histoire commençait à l’irriter sérieusement et commençait à ce pointer un mal de crâne… La fillette se massa les tempes pour tenter de calmer la douleur, tournant comme un lion en cage dans cette volière, entourée de volatiles qui lui rappelaient que celui qu’elle attendait n’était toujours pas là. Une boule se forma dans sa gorge. Elle en avait marre de ressentir tous ces sentiments contradictoires, tous ces signaux qui ne faisaient que la fatiguer d’autant plus. Elle tenta de calmer sa respiration ce répétant en mantra que Buho arrivera demain matin.

Chems en avait marre de voir un ciel vide et de s'accrocher à des "peut-être". Mais enfin, à cette heure-ci,  c'était encore la seule chose qu'il pouvait faire avec Alienor.  Espérer encore et encore, parer le coup avant qu'il n'arrive avec les moyens du bord: de l'imagination et de l'espoir. Chems resta bras ballants, inexpressif devant la jeune fille, prit d'un vide émotionnel. Pourvu qu'au moins une réponse arrive demain... Ce genre de situation tirait beaucoup trop sur sa patience. Il n'était finalement plus qu'en pilotage automatique quand il déclara du fond de son abime cérébral: « Au moins, tu seras fixer s'il a du sable dans les plumes ».  Chems était tellement moralement explosé que même la promesse sanglante d'Aliénor ne réussit pas à lui soutirer autre chose qu'un mince sourire exténué. « Il ferait mieux de l'être alors... ». 

Au moment ou lui n'aspirait qu'à se laisser choir sur le mur le plus proche pour siester à son tour, sa camarade se changea soudainement en boule de nerf, irradiant sa nervosité dans toute la volière.  Le dos du garçon frôla à peine le mur avant qu'il ne se redresse, alerte. Bon, et bien on dirait qu'il devra tester le confort de sommeil de la volière une autre fois. A la place, il imita les hiboux, suivant des yeux les mouvements frénétiques de la jeune fille des yeux, jusqu'à ce que la douleur marqué sur le visage de celle-ci ne le fasse réagir, le poussant à se placer au milieu du cercle former par la fillette d'un bond. Il aurait pu marcher, mais c'était moins efficace pour attirer l'attention. 

« Alors! Vu que Owl postale est fermé pour la soirée, on peut essayer de se changer les idées avant le génocide-qui-n'arrivera-pas puisque Buho sera là »  balança-t-il sur la table imaginaire entre eux où ils avaient déjà posés 26 espoirs et 1 promesse chacun, tout en lançant un regard bien appuyé à Alienor, la défiant de le contredire. « Tu m'as pas dis que c'était ton anniv'? » hasarda soudain Chems sans attendre de réponse,  plongeant précipitamment ses mains dans toutes ses poches. Mince... il avait toujours un petit truc à grignoter d'habitude. Une barre de chocolat ou-... Ses doigts frôlèrent son salut sous la forme d'un Caracollant qu'il sortit victorieux d'un point en l'air et d'un Ah-ha ! trop enthousiaste pour ce que c'était. Il tendit sa trouvaille à Alienor, mâchouillant un « Joyeux anniversaire » un peu embarrassé. Pas ouf comme cadeau,  mais enfin il était plus gêné de ne pas l'avoir souhaité directement après qu'elle lui ait dit, trop aveuglé à ce moment par les circonstances, disons-le, désastreuses. Jetant un coup d'oeil au ciel sombre, il se mordit l'intérieur de la joue. Avec sa chance, il était sans doute minuit passé. « Avec quelques minutes de retard désolé. J'ai pas de gâteau, ou de vrai cadeau ou de bougies mais... Oh attend une seconde, j'ai une idée ! »

Palpant la poche arrière de son jean, là où il rangeait habituellement sa baguette, il s'en saisit fermement  et souffla à voix basse sur le bout de sa baguette « Incendio ». Écartant précipitamment son visage de la petite flamme apparut dans un éclat, il la couvrit de sa paume pour ne pas que le vent ne la souffle trop vite et tendit sa bougie de fortune à Alienor: « Tiens! Fais un voeu »

Le réconfort amené par la chaleur de la flamme était bien infime par rapport à celui qu'une lettre aurait pu lui apporté, mais il était surprit de constaté qu'il était présent, couvrant très légèrement la frigidité que l'absence de réponse de ses parents, de son père, avait soufflé sur son coeur. Il espérait que ce soit aussi un peu le cas pour sa camarade blessée. Au moins un peu. Pourvu qu'au moins une réponse arrive demain...

Le pauvre cerveau de la fillette n’avait pas l’habitude de travailler si vite et si tard. Tout lui revenait en tête, que ce soit les agissements étranges de sa mère à Noël, ce cadeau venant de nulle part et aussi ce fichu hibou qui ne voulait pas arriver. Elle se sentait lâchement abandonnée par ces parents et sa fierté en prenait un sacré coup. Si c’était vraiment ce hibou qui c’était perdu, il ne perdait rien pour attendre.
Mais elle s’en voulait aussi à elle-même, se mettre dans cet état alors que le mal n’est même pas encore fait. Après tout le courrier c’est demain qu’il est censé arriver. Mais quoi, ils vont dire quoi ? « On ne t’a pas envoyé de hibou depuis des mois bon anniversaire ! Que le temps passe vite c’est fou…» Aliénor riait jaune intérieurement, plus ça allait moins elle se sentait capable de retenir cette frustration et cette colère qui grondait en elle comme un volcan depuis trop longtemps endormi. Mais elle n’aimait pas être dans cet état, elle se sentait perdre le contrôle et ce n’était pas bon du tout.

Aliénor sursauta quand Chems arriva au milieu du cercle qu’elle formait depuis quelques minutes. Elle le foudroya du regard sans vraiment le vouloir. Elle ne voulait pas qu’il subisse la colère qui était destiné à ces parents, mais elle ne pouvait pas vraiment la refreiner. Elle le toisait immobile, prête à cracher du venin à la moindre parole. Mais elle n’en fit rien. Elle écouta le garçon qui la prit par l’humour. Elle ne put retenir un soupire et un rictus de toute façon elle était trop fatiguée pour se mettre en colère. *Buho sera là* Se répéta-t-elle intérieurement. Elle espérait vraiment que ce serait le cas. Rien que de penser que tes parents ne te fêtent pas ton anniversaire est assez dur alors le vivre réellement ? Il valait mieux ne pas y penser. Le regard de la fillette fut attrapé par celui de Chems. Ok, elle ne dirait rien, pas de génocide avant l’heure. Elle haussa les sourcils par défit mais ne put s’empêcher de sourire légèrement à son camarade qui lui était d’en grand soutient à ce moment-là.
La fillette n’était pas au bout de ces surprises quand le garçon lui rappela son anniversaire et quelques secondes plus tard se retrouva devant elle avec un Caracollant. Son sourire s’accentua attendrie de ce cadeau de fortune qui lui, avait le mérite d’exister. Elle amorça un remerciement avant que Chems ait une nouvelle idée. La fillette le regarda sans rien dire, la tête penchée sur le côté. Elle était curieuse de savoir ce qu’il avait derrière la tête ou s’il avait encore des tas de choses dans ces poches visiblement remplies de bonnes choses. Mais c’est alors qu’il sortit sa baguette et un sortilège plus tard, Aliénor se retrouvait avec une bougie d’anniversaire sous le nez.
Elle laissa échapper un rire souriant à pleines dents. C’était vraiment gentil de se part et elle ne s’attendait pas du tout à ça. Avec une voix digne des plus grandes caricatures de bourgeoise elle lança :

-Merci c’est beaucoup trop mon cher.

Elle souffla la flemme de la baguette de son interlocuteur en souriant. Faire un vœu, a vrai dire ce n’était pas très compliqué à ce moment-là, elle ne voulait qu’une chose, avoir des nouvelles de ces parents. Elle prit le Caracollant et le fourra dans sa poche.

-Plus sérieusement merci, tu viens de m’empêcher de vivre une sale nuit…

C’est vrai que dormir par terre entourée de hiboux sur une pierre froide et une pièce à moitié à l’extérieur, ce n’était pas du grand confort. Elle aurait passé une nuit exécrable et certainement fait des cauchemars pour couronné le tout.
La fillette inspira un grand coup en fermant les yeux avant de reposer ces prunelles sur son camarade.

-Je pense qu’il est tard, on devrait aller se coucher surtout que si ce fichu fantôme de concierge nous tombe dessus on est mal…

Et puis demain elle allait être fraiche à passer sa nuit dans la volière.

-Et puis demain, on aura des lettres à ouvrir, tous les deux.

Elle l’espérait vraiment, comme on dit l’espoir fait vivre et là, ben elle n’avait plus que ça pour ne pas retomber dans cette tristesse qu’elle déteste. Elle s’avança vers la sortie de cette fichue volière et d’un geste de tête elle désigna les escaliers. Quand elle pense qu’elle a faillit dormir ici… Sans façon.

Chems hausse un sourcil. Beaucoup trop hein... Il repense aux larmes de chagrin qu'il avait vu roulé sur les joues de la jeune fille et ne peut s'empêcher de se poser des questions en voyant la flamme disparaître devant ses yeux. Est-ce qu'Alienor aurait vraiment passé sa nuit dans la volière s'il n'y avait eu personne? À penser seule aux pires circonstances dans cet endroit froid et trop sombre? Rien que l'imaginer lui serrait le coeur. Elle ne méritait pas de se faire autant de soucis un jour pareil. 

Le garçon ne pouvait finalement que lui rendre son sourire contagieux, infiniment soulagé de ne plus voir de trace de tristesse au fond des prunelles de la jeune fille. En tout cas, si il en restait, alors elle le cachait très bien. Mais enfin, il voulait croire qu'il avait réussit à souffler au moins un peu du tracas de la fillette et ria de bon coeur devant son jeu d'acteur, s'arrêtant qu'en entendant sa voix redevenir un peu plus sérieuse. « T'inquiètes. Et puis tu te rappelles que c'est parce que tu m'as piqué ma place » plaisanta-t-il. Voila, c'était la blague. Il était suffisamment mal à l'aise à se retrouver seul dans la volière, alors "passer le temps" ici, y'avait pas moyen...

« Je pense qu’il est tard, on devrait aller se coucher surtout que si ce fichu fantôme de concierge nous tombe dessus on est mal… » Chems plissa le nez. Décidément, même en fantôme, le concierge ne pouvait pas rester qu'un mauvais souvenir, il fallait qu'il soit aussi une mauvaise nouvelle. « Qu'il vienne » rétorqua-t-il pétulant. C'était des paroles en l'air mais c'était plus fort que lui, il s'était sentit obliger d'emmerder le fantôme aigri alors même qu'il n'était pas là, même si au fond, il savait que la jeune fille avait raison... 

« Et puis demain, on aura des lettres à ouvrir, tous les deux »

Le fantôme sortit de la tête du garçon à la même vitesse que les cours de potion quand il posait un pied en dehors de la classe. Il redressa instinctivement le dos, encaissant la puissante affirmation, ébaubi. Les yeux ronds face à la silhouette droite de sa camarade, il ne voyait plus que de l'assurance devant lui. Pas de regard lointain ou de suppositions incertaines. Pas de peut être... Enfin elle y croyait! Enfin elle irradiait d'espoir au point d'en envoyer valser son propre scepticisme -qu'il s'efforçait de masquer avec de piètre pitrerie depuis tout à l'heure-. Un sourire serein et sincère lui mange le visage quand il hoche résolument la tête en s'appuyant sur les paroles solides d'Alienor, se détournant volontiers de la scène et des spectateurs qui les avaient vu s'apitoyer sans un regard en arrière vers le ciel vide. 

Demain, deux hiboux voleraient pour eux jusqu'à la grande salle, Chems en était certains. 

Fin du RP pour moi. Merci de m'avoir laisser te rejoindre Alienor, j'ai beaucoup apprécié cet échange