Cela faisait maintenant onze jours que le Conseil des sorciers avait remplacé le Ministère de la Magie, ministère pour lequel son père travaillait. Onze jours d'inquiétude, de cauchemars et de pleurs dans l'oreiller qui suivaient les terribles rêves. Onze jours pendant lesquels Enora ne put trouver concentration suffisante pour assister correctement à ses cours. Elle ne pouvait que les compter sans faire quoi que ce soit. 
Depuis que la nouvelle avait paru dans la Gazette du sorcier et que tout le monde à l'école ne faisait plus que parler de ça, la jeune fille avait attendu des nouvelles de ses parents. Elle ne savait pas ce qu'il en était pour son père et s'était mise à imaginer des scénarios plus tortueux les uns que les autres. Le pire d'entre eux : ses deux parents avait été tués, son père en essayant de protéger l'institution à laquelle il avait dédié sa vie et sa mère en représailles, et la belle enfant serait la prochaine. Alors qu'elle gravissait les marches en pierre de la volière, cette idée la fit frissonner. Pas particulièrement celle de mourir bientôt mais plus celle de la morts de ses parents adorés. Elle n'était rien sans eux. Onze jours sans lettre de leur part et elle se sentait déjà comme un loque. 
Puisque eux n'avaient toujours pas répondu à sa dernière correspondance, elle avait finalement décidé de leur écrire à nouveau. Le temps qu'elle avait laissé s'écouler lui semblait assez pour que ce soit justifié. Dans sa poche bruissait donc le parchemin sur lequel elle avait apposé sa plume la veille :

"Cher Papa, chère Mama,
Je vous écris cette lettre car je n'ai pas encore reçu de réponse pour la précédente. J'ai appris pour la chute du Ministère et je suis très inquiète pour vous. J'espère de tout cœur que vous allez bien et que je me fais du soucis sans raison. Je ne sais pas non plus ce qu'il va se passer ici mais je vous le dirais dès que c'est le cas.
S'il vous plait, répondez au plus vite.
Je vous aime.
Enora "

Comme toujours, elle avait colorié le o de son prénom, comme pour affirmer que c'était elle. 
L'odeur caractéristique de la volière vint chatouiller ses narines et elle sut qu'elle était bientôt arrivée. Elle se hâta de gravir les dernières marches et poussa la porte de bois. Se faisant, elle ne vit qu'au dernier moment l'amas de plume qui se jettait sur elle. Elle connaissait ce hibou ! Et lui semblait la connaitre également. A sa patte, une lettre pour Enora. L'aiglonne n'espérait qu'une chose, que l'écrit provienne de ses parents et qu'elle n'ait pas à envoyé ce stupide parchemin ! Elle s'assura qu'elle était bien seule puis ouvrit la missive en remerciant l'oiseau d'une caresse sur le front.

"A notre chère Enora, 
Tu dois avoir entendu ce qu'il s'était passé à Londres maintenant. Nous sommes désolés de ne pas avoir pu t'écrire plus tôt. Nous espérons ne pas t'avoir causé trop de soucis. Ne t'inquiète pas pour nous, nous allons bien mais nous préférerions que tu restes à Poudlard pour le début de l'été. Ce sera plus sûre pour toi ma chérie.
N'oublie pas que nous t'aimons plus que tout.
Ton Papa et ta Mama"

Le paraphe se vit bientôt tâché d'une larme, puis d'une deuxième. Enora n'avait jamais été séparée aussi longtemps de ses parents et ils voulaient à présent allonger cette période pour une durée indéterminée. La jeune fille s'effondra au sol, serrant le parchemin contre elle. Les larmes continuaient de couler sur ses joues pâles sans un sanglot.

Les poings serrés, la machoîre contractée, Trinity montait à la volière, envoyer une lettre à son père.

Elle qui n'avait pour une fois pas reçu de mauvaise note se retrouvait encore assaillie par les reproches. Les reproches de n'avoir pas eu plus qu'un E. Les reproches de ne pas être la fille espérée. Les reproches de ne pas se montrer digne de la confiance qu'on avait mise en elle. De se moquer complètement des sacrifices faits pour elle, pour son éducation.

Elle était plus que consciente que cela ne pouvait plus durer. Elle avait fait son maximum pour les satisfaire, mais rien ne suffisait jamais. Ils se montraient toujours plus durs, plus exigeants.

Ses larmes avaient coulé de nombreuses fois, lors de la lecture de nombreuses lettres, tant qu'elle restait de glace face aux remarques, de plus en plus nombreuses, de plus en plus virulentes. Elle en avait eu assez de sans cesse devoir se justifier, alors elle avait écrit à son père.

Steve,

Pardon pour tout.
Mes notes.
Mon comportement.
Mon silence.
Mon isolement, que tu déteste tant.
Je ne veux plus que tu laisse Wanda m'écrire. La prochaine lettre qui vient d'elle, je la brûle sans la lire.
Je t'embrasse fort, tu sais que je t'aime
Tri

Elle avait écrit ceci principalement sous l'emprise de la colère, mais celle ci commençait à retomber, et elle hésitait de plus en plus.

Elle arriva dans la volière, et resta indécise devant le spectacle qui s'offrait à elle.

Enora, une amie chère était en larmes sur le sol de la volière, une lettre dans la main.

Trinity se précipita vers elle et la prit dans ses bras.

- Enora ! Qu'est ce qu'il t'arrive ?!

Enora n'avait pas entendu les pas approchants de la nouvelle venue. Elle avait espéré pouvoir rester seule dans ce moment de faiblesse. Elle ne voulait pas qu'on la prenne pour une faible première année qui pleurait parce que sa maison lui manquait. Elle n'aimait pas paraître faible. 
Pourtant, quand les mots résonnèrent dans la volière puis que des bras inquiets l'étreignirent, elle essuya d'un geste rageur les larmes qui coulaient encore silencieusement sur son doux visage et se redressa par terre pour accueillir l'étreinte plus confortablement. Trinity était son amie et l'enfant espérait bien qu'elle ne la jugerait pas pour son chagrin. Elles s'étaient connues dès le début de l'année et avaient tisser de beaux liens depuis. Enora chérissait cette amitié et espérait que la voir comme ça ne l'ébranlerait pas. 
L'aiglonne se rendit compte qu'elle n'avait toujours pas répondu à l'interrogation de son amie et sortit la tête de sa chevelure rousse pour la rassurer :

- Rien de très grave, ne t'inquiète pas pour moi.

Son regard se baisse sur le parchemin, froissé dans leur étreinte, qu'elle tenait encore dans sa main. Ses doigts blancs serraient le papier comme pour cacher les mots qui y étaient inscrits. Elle allait vraiment devoir rester à Poudlard pour la plus grande partie de l'été parce que son père courait peut-être un danger et qu'il ne voulait pas l’entraîner avec lui. A cette simple pensée, les visages de ses parents envahirent son esprit et elle ne pouvait plus échapper à leurs regards tristes car elle espéraient qu'elle n'était pas là seule à se sentir aussi misérable à l'idée qu'ils soient séparés. 
Une larme coule malgré elle et elle l'essuie rapidement, espérant que celle-ci échappera à Trinity. Elle hésite à partager toute la vérité avec la Serpentard. La voir ainsi était sans doute assez et elle ne voulait pas l'accaparer avec tous ses problèmes. Sans y croire vraiment, Enora essaye de changer de sujet :

-Tu as une lettre à envoyer ? demanda-t-elle.

Repris avec une autre sorcière