Rien à signaler.
C’est ce qui revenait souvent, entre ses boucles, par tours et détours de son esprit. Ça volait entre les épines de ses angoisses, et ça finissait par atterrir dans un coin, où ça prenait ensuite la poussière. Et ça s’empilait, ensuite. Toujours un petit peu plus chaque jour.

Cet enfant du Tilleul aime sa routine. Quand c’est la sienne, dont il a décidé. Il aime sa propre routine, construite, logique. Comme le fait de s’endormir du côté gauche, tout éteindre, mais d’ouvrir la fenêtre. Compter les marches en les montants mais pas en les descendants. Remplacer ses couverts avant de manger pour que son couteau soit dans sa main gauche et non la droite. Bien aligner ses fioles avant de préparer une potion. Regarder ce qu’il a à faire dans son carnet spécial agenda tous les matins pour avoir le temps de se préparer mentalement à la journée à venir…
C’était rassurant. Ça lui permettait aussi de pouvoir anticiper les événements à venir. Il n’y avait ainsi pas d’inattendu ou de surprises, choses qu’il abhorrait. Il voulait de la tranquillité, du calme. La volupté sera pour plus tard. Le dérangement, la perturbation ? Non. Si ça ne rentrait pas dans son programme ou dans l’idée qu’il s’était fait de la journée à venir, eh bien cela n’existait tout simplement pas. Il n’avait pas vraiment envie de s’encombrer l’esprit de ce genre d’information. C’était ridicule : il avait bien assez à faire.

Aujourd’hui ne dérogeait pas à la règle. Tous les Dimanche soirs, il anticipait la semaine à venir, se préparait, prenait des notes, traçait un emploi du temps et une liste de choses à faire qu’il respectait souvent avec plus ou moins de scrupule, car c’était toujours satisfaisant de barrer une tâche, une fois cette dernière accomplie.
Là, il venait d’en terminer une autre, qu’il raya par ailleurs de sa liste sur son carnet. « Envoyer une lettre », c’était fait. Lettre évidemment destinée à sa famille, loin, dans l’Oxfordshire, dans un petit village près de la ville universitaire. Petit village sans grand intérêt, mis à part quelques ruines près du lac, après la forêt. Ces quelques ruines étant en réalité la demeure familiale des Lyndon. Un château, pensez-vous, ça ne passe guère inaperçu, mieux valait faire preuve d’imagination pour le garder hors de vue et de portée des moldus.

Pragmatique, l’enfant range son carnet dans son lourd sac de cours, qu’il portait constamment sur son épaule gauche, quand il ne remontait pas les lanières de cuir pour s’en faire un sac à dos. Porter son sac ainsi s’avérait en effet bien plus ergonomique pour lui, quand il s’agissait de parcourir de longs trajets. Et un long trajet, il devait en faire un désormais, s’il voulait respecter son planning du jour en se rendant 2h à la bibliothèque afin d’y rédiger un compte-rendu de potions.

Rien à signaler. Tout se déroulait tranquillement. Sans problème.

Et cela aurait pu continuer ainsi, si en remettant son sac sur son épaule et en tentant de faire passer l’autre, avec toute la maladresse d’une personne inadaptée à son corps et son environnement, une des sangles ne s’était pas relâchée, faisant tomber son sac à terre dans un bruit sourd qui effraya quelques volatiles aux alentours.

Contrarié par cet événement, il demeura à regarder son sac, un instant, tenant dans sa main la lanière de cuir défaite.