En entendant sa réponse, Adulith regretta d'avoir posé la question et se blâma d'avoir été si indiscrète. De toute évidence Alexei n'avait pas envie d'aborder le sujet, ce qu'elle comprenait aisément. Elle ne put que répondre "Oh, je suis désolée..." Elle savait qu'être désolée ne changeait pas grand chose et ces mots lui semblèrent tout aussi inutiles qu'ils le seraient pour Alvy. Une partie d'elle se sentait également rassurée de voir qu'Alexei arrivait à vivre avec la perte qu'il avait subie et espéra qu'Alvy saurait être aussi forte et qu'elle se remettrait de son deuil, ou du moins qu'elle apprendrait à vivre avec comme avait dû le faire son camarade.

Ce dernier avait d'ailleurs détourné la conversation en revenant sur la lettre. Oui, elle arriverait à l'écrire, quand le moment viendrait. Elle était reconnaissante à Alexei d'être là pour la soutenir, au moins elle avait une idée de la marche à suivre. Elle allait écrire à Alvy. Elle repensa à la lettre de ses parents, ils lui proposaient d'aller à l'enterrement. Mais ça, elle ne s'en sentait pas capable. Elle ne pouvait pas les revoir tout de suite. Tant qu'elle restait à Poudlard, elle avait l'impression d'avoir de la distance par rapport aux événements. Si elle allait les rejoindre, elle devrait vivre dans l'instant, avec ses émotions, sans avoir le temps de réfléchir et de composer sa manière d'agir. Elle prit alors la résolution de ne pas rentrer pour les vacances. C'était au-dessus de ses forces. Elle pensa qu'Alexei lui conseillerait sûrement l'inverse, aussi elle ne lui fit pas part de cette résolution. Elle avait peur qu'il ne cherche à la dissuader de rester, mais surtout, elle avait honte de sa propre faiblesse qui l'incitait à rester au château plutôt que d'affronter la douleur qu'elle trouverait en rentrant chez elle. Donc elle écrirait à Alvy, oui. Mais elle ne rentrerait pas.
Elle répondit vaguement : "Oui, ça va aller, je vais écrire une lettre simple, c'est toujours le mieux je suppose. Au moins elle saura que je pense à elle." Elle récupéra la lettre qu'elle avait laissée au sol et la mit dans son sac d'un air absent, puis elle jeta un œil autour d'eux un peu mal à l'aise, ne sachant trop que dire, une part d'elle avait envie de se retrouver seule, mais une autre appréciait la compagnie d'Alexei, d'autant que la présence du jeune garçon l'empêchait de se morfondre.
Il lui vint en même temps à l'esprit qu'il n'était certainement pas venu pour la voir, et qu'il avait sûrement des choses à faire à la volière autres que lui servir d'épaule pour pleurer. Elle balança un instant, mais le silence accentuait sa gêne, elle dit alors "Bon je devrais peut-être te laisser, je ne veux pas te déranger plus longtemps, tu dois certainement avoir plein de choses à faire" Elle-même ne put distinguer si sa dernière phrase était une question ou une interrogation et elle se tut, ne sachant qu'ajouter.

Vraiment désolé pour le retard...

Alexei n'avait pas l'air dérangé par sa présence et lui proposa de rester. Elle appréciait la compagnie du garçon, au moins ça lui évitait de penser à toutes sortes de choses et elle se dit que s'il avait voulu partir elle lui en avait donné l'occasion. Elle était triste d'apprendre qu'il avait perdu sa maman, souvent on vit dans son monde et on oublie que les autres vivent des événements tragiques. Chacun apprend à vivre avec et cache aux autres les peines et les peurs. Adulith n'avait jamais vraiment connu ça, les personnes dont elle était le plus proche était toujours là pour elle et elle ne pouvait concevoir leur disparition.

Elle essaya de mettre de côté ces pensées, si Alexei devait rester lui tenir compagnie, il faudrait au moins qu'elle lui fasse la conversation, elle ne connaissait pas grand chose du garçon, ils s'étaient un peu parlé mais jamais de leur vie respective, et il y avait plein de choses qu'elle ne savait pas sur lui. Elle sourit : "En fait je suis contente que tu sois là, c'est bien d'avoir de la compagnie... Si je reste toute seule je vais trop penser, et parfois c'est pas une bonne chose..." Elle se tut à nouveau, et voulut essayer de relancer la conversation : "Tu rentres chez toi pour les vacances ?" La plupart des élèves rentraient pour les vacances de noël, mais avec les événements récents ils étaient plus nombreux que d'habitude à rester. Normalement, Adulith devait retourner chez elle, ses parents l'attendaient, et Alvy aussi, sûrement. Elle repensa à l'enterrement, il faudrait parler, vivre le deuil de toute la famille... Elle décida alors qu'elle ne rentrerait pas. C'était au-dessus de ses forces.

Adulith trouva un peu étrange qu'Alexei ne profite pas des vacances pour rentrer, d'habitude elle-même ne ratait pas une occasion de passer du temps avec sa famille. Fille unique, elle était très proche de ses parents et appréciait presque tous les membres de sa famille.
A part peut-être son cousin Coll, qu'elle trouvait imbu de lui-même et dont elle n'appréciait pas les idées politiques. Ce dernier prônait la supériorité des sorciers sur les Moldus et critiquait souvent par des sous-entendus à peine voilés la branche moldue de la famille. Pour lui, en épousant Irial, Madelyn avait commis une erreur et il méprisait sa tante et sa cousine pour cela. Même s'ils ne s'étaient jamais disputés ouvertement, leur entente avait toujours été cordiale, plutôt froide. Heureusement elle ne le voyait pas très souvent, elle soupçonnait sa mère d'éviter les contacts avec sa sœur et son beau-frère pour les même raisons qu'elle.

Adulith se demanda si Alexei avait des personnes de ce genre dans sa famille et ce qu'il pensait des événements récents. Elle se doutait qu'il n'avait rien contre les moldus, et il n'avait rien dit bien qu'elle n'ait pas cherché à cacher qu'un de ses parents était non-sorcier. Puis Alexei la questionna sur son éloignement de sa famille.
Elle sourit en se souvenant que lors de leur rencontre le garçon s'était excusé plusieurs fois du nombre de questions qu'il posait, au moins maintenant ils discutaient de manière plus détendue et elle était contente qu'il ait envie de discuter : "Non jamais... Au début ce n'était pas facile mais je me suis habituée. Avec mes parents ont reste toujours ensemble, mais je crois que c'était presque plus dur pour eux que pour moi quand je suis partie. Ils m'écrivaient tellement de lettres que j'ai du leur dire d'arrêter, je n'avais jamais d'idée pour leur répondre !" Elle rit à ce souvenir puis reprit : "Donc je rentre à toutes les vacances, en tout cas pour le moment. Pourquoi tu ne rentres pas ? C'est toi qui préfères rester ici ? Tu avais déjà été loin de ta famille avant ?"

Elle trouva dommage qu'Alexei ne puisse pas rentrer à cause de son grand-père et songea qu'ils devaient vraiment ne pas s'entendre du tout pour que cela le retienne d'aller voir le reste de sa famille.

"C'est dommage que tu ne puisses pas rentrer à cause de ton grand-père. Ton frère et ta sœur s'entendent bien avec lui ? ça les dérange pas que tu ne rentres pas ?

Elle n'était jamais allée en internat, elle avait fréquenté la petite école de Westmeath avant qu'ils ne déménagent à Dublin pour le travail de son père. Ensuite, elle était allée pendant trois ans dans la même école qu'Alvy, près de Phoenix Parc, à quelques minutes de chez elle. Si à Westmeath elle avait été la seule sorcière de l'école, Dublin accueillait une population de sorcier plus large, et Adulith savait qu'elle n'était pas la seule sorcière dans sa nouvelle école. Mais elle n'avait pas pour autant créé de lien d'amitié - à part avec Alvy.

Elle aimait bien Dublin pour toutes les choses qu'il y avait à voir, découvrir... Mais souvent la campagne et la nature lui manquaient. Heureusement, pendant les vacances et parfois le week-end, elle pouvait accompagner sa mère dans ses promenades à la recherche de nouvelles plantes ou de nouveaux objets. Et elle pouvait aller voir sa grand-mère maternelle régulièrement, ce qui la changeait un peu du quotidien. Les parents de son père, eux, étaient ravis de l'accueillir pour l'emmener en vacances avec eux, mais ils partaient souvent loin et longtemps, et Adulith n'aimait pas partir de chez elle sur de longues périodes. Jusqu'à ce qu'elle arrive à Poudlard, où elle avait été obligée de s'adapter.

"J'étais dans un école moldue, d'abord une petite école où j'étais la seule sorcière je pense. Et puis on a déménagé à Dublin et je suis allée dans une école plus grande, il y avait d'autres sorciers et sorcière mais aussi des moldus. Mes parents trouvaient bien que je fréquente des non-sorciers je pense." Elle n'y avait jamais pensé avant mais en y réfléchissant à présent et en voyant les différentes situations de ses camarades, il lui sembla comprendre que le fait qu'elle aille dans des établissements moldus était vraiment un choix de la part de ses parents. Peut-être pour qu'elle connaisse les deux milieux. Peut-être pour qu'elle soit liée à la fois à son père et à sa mère. Elle comprenait ce choix et leur en fut reconnaissante.

Elle s'aperçut qu'elle n'avait pas répondu à la première question alors elle ajouta :
"Je ne suis jamais partie loin, j'accompagne ma mère quand elle fait des excursions pour aller chercher des objets magiques ou des plantes. Elle tient une boutique et doit souvent partir chercher tel ou tel objet qu'on lui demande. J'aime bien l'accompagner. Mais je n'aime pas partir longtemps en voyage. Mes grands-parents du côté de mon père font ça, des croisières ils appellent ça, ils partent un mois entier parfois plus. ça doit être un truc de moldu. J'aime bien ma tranquillité et il y a déjà plein de choses à découvrir autour de nous sans avoir besoin d'aller si loin".
Son programme des vacances ne devait pas paraître très passionnant aux yeux d'Alexei, mais elle n'avait pas d'activités fantastiques à lui raconter comme certaines de ses camarades. "Vous faites quoi l'été vous, vous voyagez ? Ou vous vous entraînez à préparer des potions ?" Ajouta-t-elle en se souvenant de leur rencontre.

Elle réfléchit un instant à la question. Alexei avait dû voir plein de choses lors de ses voyages, elle, elle ne savait pas ce qu'elle aimerait le plus voir... A part peut-être la Nouvelle-Zélande, sa mère lui avait raconté qu'il y avait plein de plantes et de créatures intéressantes là-bas, et elle avait déjà vu des photos du paysage, c'était vraiment magnifique. Et puis la Norvège aussi, ça avait l'air beau, même si elle ne savait pas d'où lui venait son attrait pour ce pays. Ce n'était sûrement pas aussi exotique que certains endroits que les enfants de son âge rêvaient de voir, mais si elle avait dû choisir une destination dans l'immédiat, ce serait celles-ci sûrement.
Et aussi Paris, car il y avait plein de musées notamment sur l'histoire moldue, mais ça il faudrait qu'elle y aille avec son père, il aurait sûrement plein de choses à lui raconter. Peut-être que l'été prochain ils pourraient y aller en famille si la situation s'améliorait... Il faudrait qu'elle leur demande.

La conversation d'Alexei lui avait un peu changé les idées et elle parvenait à se calmer. Penser aux endroits à voir était une bonne idée, au moins cela détournait son attention des sujets plus tristes.
"Il y a des endroits que j'aimerais voir, mais c'est pas très original... J'aimerais aller me promener en Nouvelle-Zélande, pour voir les plantes et les animaux qui poussent là-bas. Et puis en Norvège, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours imaginé que c'était un beau pays ! Tu y es déjà allé toi ? Sinon, un jour, il faudrait que j'aille à Paris, il parait qu'il y a plein d'histoires là-bas, et mon père il pourrait me les raconter... C'est quoi le truc le plus impressionnant que tu as vu en voyageant ?"

En tout cas elle comprenait mieux la capacité d'Alexei à s'intéresser au gens, voyager avait dû lui apprendre à faire attention, comme sa mère à elle lui avait appris à faire attention aux plantes et aux objets. Elle songea que faire attention aux gens, c'était quand même plus facile pour se faire des amis, ses parents auraient dû le lui apprendre, mais ils étaient eux-mêmes plutôt solitaires, avec un groupe d'ami restreints et assez réservés.
Elle tenait ça d'eux. D'ailleurs, si Alexei n'était pas venu lui parler durant l'été, elle ne lui aurait jamais adressé la parole d'elle-même, et si elle avait conscience que cela aurait été dommage, il lui fallait toujours prendre sur elle pour aller vers les autres. Une fois que c'était fait, elle parvenait à leur parler et à tisser des liens, mais la première approche n'était pas toujours évidente, même si depuis son arrivée à Poudlard elle avait rencontré pire qu'elle. Même si son impression était sûrement induite par leur rencontre, elle considérait Alexei comme quelqu'un d'extrêmement sociable et se demandait comme il faisait.