Deux jours que la plupart des élèves avaient déserté le château pour passer Noël en famille et Eileen n'arrivait toujours pas à faire le tri dans ce qu'elle ressentait. D'un côté, elle était excitée de passer les vacances à Poudlard pour la toute première fois de sa vie et plus résolue que jamais à s'en tenir à sa décision après sa fugue. D'un autre côté, être loin de sa famille était difficile et elle ne pouvait s'empêcher d'être triste tout en culpabilisant. Pas simple tout ça et c'est ce qui expliquait qu'elle devait passer pour quelqu'un de lunatique auprès de ceux qui étaient restés, comme elle. Elle alternait entre joie et tristesse, et le fait d'avoir des journées entières sans aucun cours n'aidait pas puisque ça lui laissait tout le temps de cogiter. Elle avait donc été faire un tour sur le terrain d'entraînement pour voler un peu et réfléchir aux stratégies qu'elle voulait mettre en place pour le prochain match mais le temps se couvrant, elle avait fini par rentrer.

Seulement, les bienfaits du balai volant avaient vite disparu. Elle n'avait aucune envie de rester dans la Grande Salle sur une table beaucoup plus vide que d'ordinaire et c'est là qu'elle eut l'idée d'aller à la volière. Écrire à ses parents et son frère, comme à chaque fois qu'elle le faisait depuis son retour, allégerait un peu sa conscience. Pour quelques jours du moins. Et surtout, elle avait une autre idée en tête : envoyer un hibou chez Honeyduke pour commander des friandises à son frère pour Noël et un autre chez Fleury et Bott pour trouver des livres pour ses parents. Oui, leur offrir des cadeaux avec son argent de poche, c'était le moyen qu'elle avait trouvé pour leur montrer qu'elle les aimait. Elle fit donc un rapide crochet par sa salle commune afin de récupérer des parchemins et une plume, quelques chocogrenouilles pour grignoter alors qu'elle écrirait ainsi que du miamhibou pour son compagnon et se mit aussitôt en route pour l'une des hautes tours du château.

Une fois arrivée à la tour ouest, Eileen repéra OTaozoy à qui elle donna les friandises puis s'installa en tailleur sur le sol afin d'écrire ses missives.

Kevin se faisait une joie de retrouver sa famille pour les fêtes de fin d'année. Malheureusement, la politique toujours plus stricte du Conseil des Sorciers, ainsi que la récente découverte du monde magique par les moldus avaient finit par convaincre Mr et Mrs Gilway qu'il était préférable que leur fils reste à Poudlard. Selon eux, il y serait bien plus en sécurité. Pourtant, il ne comprenait pas que sa petite soeur Arya ne soit pas elle aussi mise en lieu sûr. Dans ce cas, pourquoi la garder auprès d'eux si le danger était si menaçant ? À moins que ses parents ne lui cachaient une partie de la vérité dans le but de le rassurer.

Broyant du noir depuis le départ de la plupart de ses amis, le Poufsouffle ne sortait de sa salle commune qu'en de rares occasions. Le temps, peu à propice à la joie et à l'amusement, n'était pas non plus d'un grand soutien moral. Allongé sur son lit, le brun relisait une énième fois la dernière lettre de sa mère. Lettre à laquelle il n'avait toujours pas répondu. Noël approchait, et bien qu'il en voulait toujours à ses parents, la culpabilité commençait à le ronger. D'un naturel peu rancunier, il se décida à prendre sur lui. Peut-être qu'écrire lui ferait du bien finalement. Après tout l'écriture permettait d'évacuer les maux, de se libérer d'un poids. Kevin s'arma donc d'un parchemin et de quoi écrire. Il enfourna le tout dans un sac, noua son écharpe et se mit en route vers la volière.

En arrivant, il remarqua la présence d'une élève assise à même le sol en tailleur. Une pointe de déception se lit sur le visage du jeune anglais. Il espérait être seul et ne souhaitait en aucune façon partager ses peines avec quelqu'un d'autre. Toutefois, il se força à signaler sa présence, plus par politesse. " Salut, j'espère que je ne te dérange pas " Au son de sa voix, la fille releva la tête laissant apparaître un visage qui ne lui semblait pas totalement inconnu. " Sinon, je repasserai plus tard. " finit-il par ajouter en marmonnant. Il avait déjà tourné les talons et s'apprêtait à repartir au cas où l'adolescente lui répondrait par l'affirmative.

Voyons voir, qu'est-ce qui pourrait faire le plus plaisir à Max, des patacitrouilles ou bien des dragées surprise de Bertie Crochue ? Véritable dilemme pour Eileen qui n'avait encore jamais pensé à offrir des friandises de son monde à son frère. Du coup, elle ne savait pas ce qui lui plairait le plus. Enfin, mis à part qu'il n'aimait pas le chocolat, chose qu'elle ne comprenait absolument pas. C'aurait été une commande pour elle, ç'aurait été tellement simple : chocogrenouilles ou fondants du chaudron, y'avait que ça de vrai mais voilà, c'était pour un cadeau. Et en même temps, son frère apprécierait sûrement le geste non ? Et comme elle avait toujours été d'un caractère farceur avec lui, elle finit par opter pour les dragées. Elle venait tout juste de finir d'écrire sur le parchemin quand elle entendit des pas dans l'escalier.

Zut, elle qui pensait être tranquille, c'était raté. D'un autre côté, ce n'était peut-être pas plus mal comme ça. Clairement, la solitude ne lui réussissait pas vu comme elle broyait du noir alors un peu de présence ne pourrait pas faire de mal. Et au pire du pire, elle pourrait trouver une excuse pour s'éclipser et revenir plus tard. Enfin, tout dépendait de qui allait arriver. Elle laissa donc l'inconnu approcher et s'annoncer. La voix lui disait bien vaguement quelque chose mais elle n'était sûre de rien. Jusqu'au moment où elle redressa la tête... elle remarqua d'abord la tenue aux couleurs des Poufsouffles puis le visage connu. Elle l'avait affronté plusieurs fois sur le terrain de Quidditch et, si elle ne se trompait pas, c'était aussi un ami de Jeffrey. Encore que, sur ce dernier point, elle n'en était pas certaine.

"Oh salut Kevin. Non, non, tu ne me déranges pas. La volière est bien assez grande pour deux."

Elle enroula alors son parchemin et l'accrocha à la patte de OTaozoy avant d'attaquer le suivant. Des livres pour ses parents, ça allait être plus compliqué mais si elle expliquait au libraire ce qu'ils aimaient et lui faisait confiance, ça devrait marcher, non ? En tout cas, c'est ce qu'elle comptait faire.

"Mais si tu veux être seul, j'en ai plus pour longtemps et je te libère la place." finit-elle par reprendre en réalisant que le Poufsouffle avait peut-être espéré se réfugier dans la volière quand ça avait été sa première intention.

L'adolescente ne vit pas d'inconvénient à ce que le nouvel arrivant s'installe à côté d'elle. Après un bref moment d'hésitation, Kevin finit par se décider. " Cool, je... " La solitude commençant à peser sur son moral, aussi un peu de compagnie lui ferait certainement le plus grand bien. " Non t'inquiète, finis ce que tu as à faire. " Après tout, Eileen était là bien avant lui, il ne souhaitait pas que sa présence  ne la dérange ou ne la fasse fuir. Le brun avança de quelques pas, puis entreprit de déposer son sac par terre et de s'installer aussi confortablement que possible, malgré la dureté de la pierre. Il s'adossa contre une paroi et sortit les quelques affaires qu'il avait apporté. Plume et parchemin à la main, son regard parcourait une énième fois, la lettre de ses parents, dans l'espoir de trouver les mots qu'il pourrait leur répondre. Mais rien ne venait. En vérité, il avait envie de leur écrire ce qu'il avait véritablement sur le cœur, de leur dire à quel point ils lui manquaient et... Et qu'il avait peur pour eux. Car lui était en sécurité, ici à Poudlard. Pas sa famille, du moins c'est la sensation qu'il ressentait. Mais, il ne pouvait pas se permettre d'étaler ses inquiétudes. Il se devait de rester positif. Pourtant, il n'y parvenait pas.

Les yeux légèrement humidifiés par les larmes qui commençaient à monter, Kevin releva la tête. Faisant mine de masquer ses émotions avec sa main au cas où Eileen le regarderait. Son regard se perdit dans la volière et se posa sur un hibou grand duc occupé à dépecer les restes d'une souris à grand coups de bec. D'une voix teintée de sensibilité, le jeune anglais se risqua à prendre la parole. " Toi aussi tu écris à ta famille ? " Il se rendit compte que c'était une manière assez intrusive de démarrer la conversation, puis cela signifiait que lui aussi écrivait à la sienne. Enfin, il ne fallait pas être un génie pour deviner que tout le monde écrivait à ses proches en cette période. C'était une question idiote en fin de compte. Kevin fît rouler la plume entre ses doigts, avant d'ajouter : " Il était prévu que je rentre passer les fêtes à la maison, mais avec tous les évènements, mes parents ont préféré que je reste à Poudlard. Je sais que c'est pour me protéger, mais en fait... Ils me manquent. " Se livrer ainsi n'était pas dans ses habitudes, mais il ressentait en cet instant le besoin de son confier, de parler à cœur ouvert.

Si l'idée de laisser carte blanche au libraire avait d'abord plu à Eileen, elle venait d'y voir un problème de taille : comment envoyer le paiement sans savoir combien cela coûterait au final ? Elle poussa un profond soupir. Décidément, ce n'était vraiment pas simple et surtout, elle se rendait compte que son idée de leur envoyer des cadeaux cachait le vrai problème : la culpabilité qu'elle ressentait toujours. Elle avait beau tenter de se convaincre qu'elle avait fait ce qu'elle devait, qu'elle n'avait pas eu le choix, ça ne rendait toujours pas les choses plus simples. Elle devait apprendre à vivre avec les conséquences de ses actes, un poids lourd sur les épaules de l'adolescente qu'elle était. Et c'est sûrement ce qui expliquait qu'elle n'était plus aussi concentrée sur son parchemin et que son attention se dirigeait donc naturellement vers son camarade qui s'était installé non loin d'elle et qui n'avait pas l'air au mieux de sa forme. C'était même là un doux euphémisme.

"Je voulais leur commander des cadeaux mais... ben je sais pas trop ce qui leur ferait plaisir alors je sèche en attendant l'inspiration." finit-elle par répondre.

La conversation prenait un tournant dangereux à présent. La Serpentard luttait contre ses émotions mais son regard dans le vague trahissait clairement sa tristesse. C'était la première fois qu'elle allait passer Noël loin de ses parents et de son frère. il y aurait même sûrement aussi ses grand-parents qui viendraient et tous passeraient un bon moment... sans elle. Oui, elle comprenait parfaitement ce que le Poufsouffle voulait dire derrière ces tout petits mots "ils me manquent" sauf qu'elle, elle ne pouvait même pas s'en plaindre puisque c'était de son fait. De sa faute à elle seule. Enfin non, elle serra les poings en repensant que c'était l'entêtement de sa mère qui avait conduit à cette situation. Elle lui manquait aussi mais elle lui en voulait toujours au plus profond d'elle-même.

"Ils me manquent aussi même si... pour moi, il n'a jamais été question que je rentre."

Elle avait fini par lâcher sa fin de phrase parce qu'elle ne pouvait pas mentir. Certes, elle n'avait pas raconté toute l'histoire mais elle ne voulait pas que son camarade pense qu'ils étaient dans la même situation. C'était peut-être stupide mais, si elle ne l'avait pas précisé, elle aurait eu l'impression de le tromper. Et bêtement, elle ne le supportait pas. Elle avait déçu assez de gens comme ça alors elle essayait, tant bien que mal, de faire les choses bien.

"Tu as de leurs nouvelles souvent ?" reprit-elle pour ne pas se laisser gagner par l'envie de pleurer. Mais aussi pour permettre à Kevin de parler, s'il en ressentait le besoin. A défaut de toute autre chose, elle pouvait au moins essayer d'être une bonne camarade.