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18 févr. 2020, 00:40
 OS   Solo  All my friends are fake
RUBY, 11 ans
17 décembre 2044 9h07
À la Volière, Poudlard


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•••

Nul n'aurait pu discerner l'humeur de Ruby Everheart, ce matin-là. Mes traits, bien qu'un peu tirés en raison de l'heure matinale à laquelle je m'étais réveillée, ne trahissaient aucune envie particulière. Ni une vivacité qui m'aurait prise soudainement, ni même, au contraire, une langueur des plus poisseuses qui collerait ma peau claire, parcourrait lentement mon être et m'obligerait à paresser. Rien d'autre qu'une neutralité écrasante de fadeur. Moi-même, j'avais du mal à savoir dans quel état d'esprit je me trouvais. Et mes pas traînants ne faisaient qu'appuyer la sensation d'engourdissement qui me tenait captive dans le creux de sa main.
Je montais vers la Volière, dans l'espoir d'y trouver une lettre à mon intention. Mes dernières visites m'avaient apporté des nouvelles de ma famille, un court écrit de ma petite sœur, mais la correspondance la plus importante à mes yeux prenait forme avec ma meilleure amie. Pearl Miller. Un prénom aussi précieux pour moi que la personne qui le portait. Une Moldue, d'ailleurs, mais notre statut du sang ou la distance qui nous séparait ne voulaient rien dire. Seule comptait notre belle amitié, qui s'épanouissait chaque jour un peu plus, depuis quatre ans. Non, pas un jour ne passait sans que je ne pense à mon amie, à sa voix rauque qui me faisait me taire ou à sa crinière flamboyante, ensoleillant mon quotidien.

La brise fraîche qui s'échappe par les murs de l'endroit, et vient caresser mon visage, me ramène doucement à la réalité. Un rapide coup d’œil, afin d'analyser le lieu. *Souris* Mais je suis seule, alors pourquoi m'obliger à sourire, d'un éclat qui ne voudrait rien dire ?
D'un geste étonnamment leste, je m'empare de la lettre qu'une jeune chouette effraie vient de m'apporter. Mue par ma curiosité, je décachette l'enveloppe et pousse un soupir de contentement en reconnaissant l'écriture fine et détachée de ma jolie Pearl. Mon regard bleuté parcourt vivement les lignes. Il transperce les phrases, et le ciel d'azur de mes pupilles tourne à l'orage. Le charme cruel de la désillusion vient d'opérer.
Ma chère Ruby,

Tu sais à quel point nous nous sommes éloignées ces derniers mois. Je ne rejette pas la faute sur toi, même si tu m'as annoncé que tu partais en août dernier. Où es-tu ? Pourquoi es-tu partie ? Cette histoire d'études en Écosse ne tient pas debout. Je sais que tu me caches la vérité, tu n'as jamais su me mentir. Et nous ne nous cachons jamais rien : tu connais chacun de mes secrets, comme je connais tous les tiens. Enfin, je pensais les connaître... Avec cette distance qui s'est installée entre nous, ma confiance tombe peu à peu. Pardonne-moi si je t'accuse injustement, mais je ne crois pas me tromper.
Alors je n'ai plus envie de deviner où tu te trouves, et ce que tu y fais. J'en ai assez de cette relation instable. J'en ai assez d'envoyer mes lettres sans savoir d'où tu les recevras. Et j'en ai assez de m'accrocher à toi et toi seule, sans avoir plus de liberté, dans l'espoir que tu me reviendras un jour.
Je n'y crois plus. Il est temps que ça cesse, Ruby, et tu le sais aussi bien que moi. Tu as été une grande partie de ma vie, et je te remercie pour cela. Je n'oublierai pas ces deux belles années, mais il nous faut passer à autre chose.

Je te souhaite tout le meilleur pour ta vie future,
Bien à toi,

Pearl
*Toute la lettre sonne faux*.

L'amertume me heurte d'une manière âpre, trop crue même, laissant sa brûlure sur mon cœur. Dissonance cuisante de mots d'enfant voulus, maquillés sous de belles tournures que je ne reconnais que trop bien. Cet art de dompter les lettres, toutes deux l'avons apprivoisé ensemble, et une aiguille de rancœur vient me tenailler le cœur de plus belle. L'organe saigne, il saigne et en voilà la preuve : je m'aperçois qu'une gouttelette d'un grenat métallique vient s'éclater au sol. Ainsi, mon cœur a bel et bien été lacéré, sans aucune pitié, par cette Fille dont je ne veux plus prononcer le nom. Comment est-ce possible de rayer une personne aussi brutalement d'une vie ? Et je m'imaginais encore la veille, de belles et longues années d'amitié devant nous... Les voilà réduites à néant, mon être n'est plus que Néant.
Je divague, débordée par les imprévus qui se succèdent bien trop vite dans son esprit. *J'déteste ne rien prévoir*. Mon délire m'aveugle, et le sang qui perle provient seulement de mes lèvres, tant mordues qu'elles en deviennent paralysées.

La déception, et ces autres sentiments qui appellent l'indulgence ne sont pas pour moi. La seule émotion qui ose se peindre sur mon visage, c'est la douleur, même si les pleurs ne sont pas loin. Gare à qui osera me trouver en cet instant précis, alors que je me trouve plus désarmée que jamais. Impuissante, offrant mes failles découvertes à qui les trouverait en premier.
Mais personne ne passe la porte de la Volière, et Ruby Everheart demeure plus seule que jamais.

Il me faut trouver un autre endroit pour s'écrouler, *Nan*, pas là, je ne peux pas. *J'me l'interdis*. Alors je détale, sombrant à chaque foulée davantage dans mon hystérie irraisonnée.

la fin n'est qu'un début.

these violent delights have violent ends