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02 mars 2020, 16:23
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Début octobre 2044
Un dimanche, à la volière
Avec @Aelle Bristyle


Dimanche est le jour où je me rends à la volière pour envoyer mon courrier. Je n'y vais pas le samedi, le vendredi ou n'importe quel autre jour de la semaine, car le bon jour pour envoyer du courrier est le dimanche. C'est ainsi. Peut-être que pour d'autres, c'est le lundi, le mardi ou n'importe quel autre jour de la semaine. Moi, c'est le dimanche. Et avoir mes routines et m'y tenir est pour moi très important.

Puisque nous sommes dimanche, je suis donc à la volière. Chaque semaine depuis le début de ma scolarité, j'envoie un courrier à mes parents. Parfois, je n'ai rien de spécial à leur dire alors je me contente d'un « Rien à signaler. » ou bien je leur dessine une tour de lego, des fleurs de lilas ou la couverture d'un livre qui a attiré mon regard. Mon compte-rendu du jour -car quand je rédige une lettre, j'aime le faire sous cette forme, porte le numéro cinq. Plié cinq fois, il est cacheté un peu maladroitement avec de la cire, car c'est une odeur que j'affectionne.

Mon compte-rendu tient en quelques lignes. Après avoir écrit hebdomadairement à mes parents pendant trois ans, j'ai rapidement épuisé toutes les banalités qui pourraient remplir un courrier classique. J'y demande simplement si papa a bien reçu le cadeau d'anniversaire que je lui ai fait parvenir, et si le mauvais temps n'a pas trop fait souffrir nos plantes. En deuxième partie, j'évoque brièvement mes dernières notes, et mon agacement pour avoir récemment retrouvé les toilettes du dortoir bouchées en pleine nuit.

Rien d'important, en somme. J'aurais pu me contenter d'un « Rien à signaler. » Mais même si l'importance de ces faits est moindre, il est parfois agréable d'avoir quelqu'un à qui parler, ce qui me manque un peu à Poudlard. Parfois. Surtout parce qu'il n'y a pas les lilas de chez moi, or parler avec les lilas est agréable.

Mon hibou n'est pas revenu de son dernier voyage chez mes parents. Dans une courte missive, maman m'a informé qu'il était malade et qu'ils le gardaient quelques jours. Je n'aime pas les imprévus, et cela me contrarie un peu, mais j'ai confiance en Grimro pour s'en remettre rapidement, il est encore bien jeune.

Puisque Grimro n'est pas là, je dois revenir à mes vieilles habitudes. Choisir le bon hibou pour apporter mon courrier est affaire délicate, et il est hors de question d'en prendre un au hasard. En première année, la toute première fois que j'ai souhaité envoyer un courrier à mes parents, j'ai pris peur en apercevant les dizaines de volatiles. Comment choisir, que faire ? Alors, j'avais sorti quelques lego de mon sac à dos et j'avais entrepris de construire une petite tour -pas trop haute, juste une dizaine de centimètres. A son sommet, j'avais ensuite déposé une friandise Miamhibou, puis je m'étais reculé et j'avais attendu. Un peu longtemps, certes. Mais un hibou s'était finalement approché pour dérober la friandise, et c'est lui qui a apporté mon tout premier courrier à ma famille.

L'habitude est restée. Chaque semaine, j'ai construit ma tour et j'ai attendu. Parfois dix minutes, parfois une heure. Souvent, je perds la notion du temps. Certains trouvent cette manière de faire étrange. Beaucoup ne comprennent pas, mais je ne m'attends pas à ce que ce soit le cas. Je m'en fiche un peu de ce que pensent les autres, tant qu'on me laisse tranquille. 

Papa et maman m'ont offert Grimro car attendre qu'un hibou ait envie d'une friandise posée sur une tour de lego était parfois un peu long et surtout fatigant. Aujourd'hui Grimro n'est pas là, mais nous sommes dimanche, alors j'ai construit ma tour de lego. Elle est composée de cinq couleurs différentes, ce qui tombe particulièrement bien puisque je souhaite envoyer le compte-rendu numéro cinq. Moi j'attends, depuis déjà dix minutes, debout et immobile à quelques pas de ma tour. Parfois, je me balance légèrement d'un pied sur l'autre, ou je fais une pirouette -un peu maladroite, je me rattrape souvent au mur pour ne pas chuter. Et j'attends, encore.

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
Appelez-moi Ada ou Lest ! ♦

03 mars 2020, 06:54
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
9 octobre 2044
Volière — Poudlard
4ème année



« Je ne suis pas d'accord.
J'l'ai bien compris, merci !
Tu n'avais aucune raison de lui mentir.
Aucune raison ? Tu t'en fous d'protéger notre petit secret, maint'nant ?
Tu sais bien que non. Mais tu n'allais pas le crier sur tous les toits, seulement expliquer à Thalia ce que tu trafiques lorsque tu disparais.
J'suis obligé de tout lui dire, alors ?
On ne peut pas discuter avec toi.
C'est plutôt l'contraire, t'es toujours du côté d'Thalia ! »

Seul un regard accablé me répond.

« Tu es incapable d'accepter que tu es en tort.
C'est normal, j'suis pas en tort. M'enfin ! Thalia est super indiscrète et moi j'veux pas parler d'la magie des golems, c'est tout. C'est normal. Normal, t'entends ?
Je ne trouve pas cela normal de cacher des choses à une amie. »

Je ris ; d'un rire bien franc qui résonne dans le couloir.

« Tu m'caches plein de choses, toi !
Aelle...
Non, j'arrête pas, toi t'es toujours avec tes secrets et moi j'peux pas en avoir, c'est débile !
On ne peut pas discuter avec toi.
Tu te répètes ! »

Cette fois-ci c'est un soupir résigné qui me répond. Je pourrais me sentir fier d'avoir réussi à avoir le dernier mot avec Zikomo, être heureuse de le voir abandonner, mais le fait est que son incompréhension me met en rage. Il ne comprend rien ! Et ne veut pas comprendre ! Je déteste lorsqu'il reste campé sur ses positions. D'habitude, nos désaccords donnent lieu à de passionnantes discussions, mais ce coup-ci je suis seulement frustrée de le voir déclarer tout le contraire de ce que je dis.

D'un œil morne, je regarde le Mngwi s'éloigner, me laissant comme convenu au pied de la tour de la volière. Zikomo me jette une œillade acérée par dessus son épaule :  « Ne te prend pas la tête avec ça et discute avec elle. À tout à l'heure, Aelle ! » J'attends qu'il tourne au coin du couloir avant de commencer à gravir les escaliers, maugréant dans ma barbe, l'esprit plein des souvenirs du duel de la veille et des mots *impolis !* que Thalia m'a balancés au visage *sans raison ! Va t'faire foutre toi aussi ! *. Dans ma main, une lettre destinée à Natanaël. Ce sera la première de l'année scolaire. Lui et moi n'échangeons pas tellement de courriers, mais je ne peux définitivement pas ne pas répondre à sa missive dans laquelle il me demande des nouvelles de Ricke. La quasi-totalité de mes quarante centimètres de parchemin relate avec beaucoup de précision les derniers mois de la vie de mon figuier d'Abyssinie. Je n'ai parlé ni de ma retenue, ni de Thalia, ni même de moi.

Je frissonne en pénétrant dans la volière. Le vent s'infiltre par les ouvertures et font voler mes cheveux autour de mon crâne. J'arrange l'écharpe qui protège mon cou et lève le nez en l'air. J'ai beaucoup d'espoir cette fois-ci de trouver Hibou-aux-yeux-jaunes — il était là la semaine dernière. Et effectivement, je le vois perché sur la plus haute poutre. Un sourire ravie naît sur mes lèvres.

« Eh, lancé-je au volatile, mes mains en porte-voix pour couvrir le bordel ambiant, t'es prêt pour un voya... »

Ma voix meurt dans ma bouche. Je stoppe le geste que j'avais amorcé pour accueillir le hibou qui n'a pas bougé une seule de ses plumes — il aime me rendre folle d'impatience mais n'a toujours pas compris que je ne le serais jamais autant que lui. J'arrête tout mouvement et me fige parce que devant moi, à deux mètres tout juste, se trouve un garçon. Rapidement, je le détaille, l'observant de bas en haut ; sa touffe de cheveux, son visage, ses vêtements et à ses pieds, cette petite tour accueillant un miam hibou. Cette dernière retient mon attention et me fait froncer les sourcils. Finalement, je dépose brièvement mes yeux dans ceux du Serdaigle avant de le contourner pour m'approcher d'une fenêtre.

Noestlinger Coelestin.
Impossible de ne pas savoir qui il est. C'est marrant de le voir ici ; j'avais oublié qu'il existait. Je ne lui ai jamais adressé la parole, mais l'ai toujours vu dans mon entourage. Je suis rassurée que ce soit lui qui soit présent aujourd'hui et pas un autre : lui au moins se la ferme la plupart du temps. Il reste dans son silence, je ne sais où dans sa tête, et laisse en paix les autres. Je sais qu'il ne me dérangera pas, alors sa présence ne me dérange pas.

Je pose mon sac sur le bord d'une fenêtre et lève la tête vers les hauteurs, une part de mon attention tournée vers la présence du garçon *au cas où* — il ne faut jamais ignorer un Autre. Là-haut, Yeux-Jaunes fait son malin. Il ne me regarde même pas, ébouriffe ses plumes et semble vouloir se rendormir. Je soupire face à son comportement et me demande, encore, pourquoi je persiste à prendre un hibou de l'école pour mes courriers alors que je pourrais demander à Ao de me prêter Vif. Yeux-Jaunes agit ainsi depuis que je le connais. Parfois, il refuse de transporter mon courrier. J'espère qu'il est dans un bon jour, aujourd'hui. Je lève le bras dans les airs et plante mon regard sur la bestiole.

« Yeux-Jaunes, appelé-je d'une voix douce destinée à l’appâter. Tu viens ? »

Une seconde. Deux secondes. Il ouvre enfin les yeux, je sais qu'il me voit, je sais qu'il me reconnaît, mais il ne daigne pas bouger. Je soupire, m'adosse au mur, bien déterminée à dézinguer la patience de ce hibou. Dans l'attente, mon regard se pose sur la petite tour étrange et colorée qui repose sur le sol près du garçon. Elle m'intrigue, je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle fait là. Toutes mes hypothèses me semblent idiotes. Mais finalement, si moi je suis prête à patienter le temps que Yeux-Jaunes daigne descendre de son perchoir, pourquoi ce gars n'attendrait-il pas qu'un hibou vienne se poser sur sa tour ? 

03 mars 2020, 17:21
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Il est plutôt rare que je sois seul à la volière, et aujourd'hui ne fait pas exception. Par seul, j'entends l'absence de tout autre être humain. Bien sûr, il y a toujours tout un tas de volatiles. C'est une volière. Il y a souvent du passage sur mes horaires habituelles. On s'y fait. De toute façon, il est difficile de faire autrement : où qu'on soit dans ce château, il y a quasiment toujours d'autres êtres humains. Même les dortoirs sont communs. Il y a très peu de lieux où l'on peut être tranquille. Les cabinets de toilettes, par exemple : parfois, je m'y enferme pendant plusieurs heures pour un peu de calme. Avec le temps, j'ai aussi repéré des couloirs très peu fréquentés, des bouts de parc isolés, et il y a aussi bien évidemment la bibliothèque. Mais souvent il y a des contraintes, comme des horaires d'ouverture ou le couvre-feu. Heureusement, il n'y a pas d'heure pour se rendre aux toilettes, et c'est plutôt pratique lorsque l'on est censé dormir avec des personnes qui ronflent.

Alors je ne prête aucune attention à la personne nouvellement arrivée dans la volière, si ce n'est un regard au-cas-où. Aelle Bristyle. De mémoire, elle est peu loquace alors je ne pense pas qu'elle me dérangera. J'ai constaté au cours de ces trois dernières années qu'il y a un certain nombre de personnes qui jugent nécessaire de parler et converser suite à une rencontre due au hasard. Parfois c'est intéressant et je me prête alors volontiers au jeu. Parfois, ça ne l'est pas. Il peut y avoir tout un tas de questions, comme le comment vas-tu qui n'attend qu'un oui poli, sans intérêt pour la réelle réponse, ou bien quelques mots sur le beau temps, le menu du midi ou d'autres banalités. J'ai un cousin qui est ainsi ; quand il ouvre la bouche, c'est toujours pour ne rien dire. Il parle et parle encore. Mais je ne le connais pas très bien, je n'en suis pas proche et cela me convient tout à fait ainsi. Aujourd'hui, il pleut. Mais ce qui est bien avec Aelle Bristyle, c'est qu'elle ne jugera probablement pas nécessaire de m'en informer. Moi aussi j'ai des yeux, la pluie, je la vois. Et je l'entends. Je la sens même qui s'écrase sur moi quand je vais dehors. 

Mon regard se pose alternativement sur ma tour de lego, puis sur les oiseaux à la recherche d'un mouvement ou d'un quelconque signe d'intérêt pour ma friandise. L'attente se fait légèrement longue. J'observe à nouveau ma tour de lego. Il y a du rouge, du bleu, du vert, du jaune et du orange. Ces couleurs ne vont pas très bien ensemble, mais ce n'est pas très dérangeant. Il y a tout de même une certaine harmonie et logique dans leur agencement, je ne fais pas les choses au hasard. Jamais. Quoi que je me demande si prendre le premier oiseau intéressé par ma tour et ma friandise relève du hasard ou d'une certaine forme de choix. J'ai un léger doute. Tout plongé dans mes réflexions, je fais quelques pas en direction de ma tour et je dépose une deuxième friandise à côté de la première, espérant que cela accélérera le processus. Puis je me recule à nouveau et j'attends.

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
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03 mars 2020, 18:52
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Le problème du silence, c’est qu’il n’aime pas les Autres. Moi, j’aime le silence, j’aime me perdre en son sein, souvent en compagnie de Thalia ou de Zikomo, et penser à mille choses différentes — cela me permet toujours d’éclaircir mes pensées. Mais lorsque Thalia n’est pas là, lorsque que Zikomo est absent, quand le silence m’entoure en présence d’Autres, j’ai toujours l’impression qu’il est trop fort, trop présent, trop tout. Actuellement, il ne me donne pas envie de parler, pas comme lorsque je suis avec certaines personnes, me plongeant dans un abîme de mal-être, mais il se fait présent. Et quand le silence devient palpable, moi, je me rappelle que les Autres m’entourent et que je ne suis pas toute seule. Et il n’y a rien de pire que de ressentir la présence d’un Autre, que ce soit Noestlinger ou un autre.

Pour occuper mon regard et détourner mon esprit de la présence du garçon planté comme un idiot au milieu de la pièce, je lève la tête en direction de Yeux-Jaunes qui agit comme n’importe quel autre hibou le ferait, ébouriffant ses plumes et claquant du bec. Je soupire doucement, agacée et me résigne peu à peu à devoir prendre un autre hibou. Un jour, j’ai voulu imposer un courrier à Yeux-Jaunes. Il était perché plus bas et m’était accessible. Je me suis approché de lui et j'ai tenté de lui accrocher ma lettre à la patte. Ce jour-là, il m’a méchamment pincé la main et m’a hululé si fort dans les oreilles que j’ai dû le laisser s’en aller. Il ne m’a plus laissé l’approcher pendant un bon moment. Alors j’ai compris qu’il était un peu comme moi, qu’il ne se laissait pas faire tant qu’il ne l’avait pas choisi. Manque de bol, je fais tout comme lui. Sauf que c’est moi qui ai besoin de lui, c’est donc moi qui suis obligé d’abandonner.
Je déteste ça, Nom de Merlin !
Mais lui, je l’aime.

Un mouvement attire mon attention. Je pose un regard bordé de flegme sur Noestlinger et le regarde se pencher sur sa tour. Je m’incline légèrement pour suivre ses gestes et fronce les sourcils en le voyant déposer un second miam hibou au sommet de son oeuvre — si tant est que cette chose mérite le nom d'oeuvre. Un regard en direction des hauteurs répond à l'une des questions que je me posais sans le savoir : oui, ce qu’il fait a effectivement une utilité. Les volatiles s’agitent. Je grince des dents en voyant que Yeux-Jaunes fait partie du lot. Il regarde les friandises comme s’il n’en avait jamais vu de sa vie — pourtant, moi aussi je lui amène du miam hibou de temps à autre ! Je suis même obligé d’aller en demander à Aodren qui en garde pour Vif, je suis obligé de faire un sacrifice dans mon emploi du temps, et lui il regarde un autre que moi et je suis certaine qu’il n’hésitera aucunement s’il doit choisir entre transporter mon courrier ou celui de Noestlinger.

Je me décide tout à coup. Je fais un pas vers l’avant, abandonnant le mur derrière moi et me rapprochant de surcroît de l’abruti bienheureux et de son étrange tour. Je me tord la nuque pour regarder vers les hauteurs ; mon mouvement aura au moins servit à retenir l’attention de Yeux-Jaunes qui me jette désormais un drôle de regard.

« T’as pas intérêt à aller l’voir lui, t’entends ! » J’agite ma lettre devant moi, comme si je soulevais un étendard. « J’ai du courrier pour toi. »

Finalement, les Autres finissent toujours par me rappeler pourquoi je ne les aime pas : ils détruisent tout ce qui fait que je suis moi. Sans les Autres, je suis un être-de-patience. Habituellement, je patiente aussi longtemps qu’il le faut. Mais là, j’en suis incapable, ma peau frissonne d’actions et mon esprit ne veut pas de se détourner de Noestlinger. Et de ce foutu Yeux-Jaunes qui ne veut pas, nom de Merlin, qui ne veut pas faire ce que je lui demande ! 

05 mars 2020, 14:05
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Une poignée de secondes après avoir déposé une nouvelle friandise, j'observe déjà les premiers résultats : les volatiles s'agitent, certains semblent plutôt intéressés mais étonnamment, aucun ne vient s'approcher de ma tour. Je les regarde avec une légère moue contrariée. Je n'ai pas une réserve infinie de friandises Miamhibou, ni un temps illimité à consacrer à l'envoi de mon courrier. Pour le moment cela ne fait qu'un petit quart d'heure, alors je ne m'inquiète pas davantage. Parfois, j'ai attendu jusqu'à une heure. D'autres fois, ces rapaces ont eu raison de ma patience et je suis reparti bredouille au bout d'une ou deux heures. Quand c'était ainsi, je repartais simplement avec mon compte-rendu et je le renvoyais le dimanche suivant, avec le nouveau courrier de la semaine. Avec Grimro, la tâche est plus aisée, mais aujourd'hui il est malade.

Après l'envoi du courrier, j'ai prévu de terminer mon devoir d'histoire de la magie, de bouquiner un peu puis de continuer à construire une version miniature du Poudlard Express avec mes lego. 

Seulement, que faire quand un élément perturbateur vient s'agiter juste devant ma tour, détournant l'attention précieuse de ces volatiles ? Aelle Bristyle dont j'ai manifestement sous-estimé la capacité à être agaçante se tient là, tout près de ma tour, à agiter son courrier en beuglant quelque chose à l'attention, certainement, de l'un de ces oiseaux. Et son stratagème fonctionne ; certains se sont désintéressés de ma tour, réduisant ainsi mes chances d'envoyer mon courrier dans les prochaines minutes. C'est vil. Et dans cette volière, il y a suffisamment de hiboux et de chouettes pour apporter autant de courrier que l'on souhaite, alors pourquoi perturber mes efforts quand manifestement, elle sait exactement quel oiseau elle veut ?

« Pousse-toi, t'es bruyante. » dis-je à l'attention de la Poufsouffle. Il est possible que je n'aie pas parlé assez fort, cela m'arrive plutôt souvent. Dans ma voix, nulle trace d'agacement ou d'agressivité : le ton est juste atone, peut-être un peu las. Je regarde ma tour, puis les volatiles, et à nouveau ma tour. Et finalement, comme cela ne fait que quinze minutes et que je suis plutôt patient, je décide que je m'en fiche d'Aelle Bristyle, de son empressement et de ses mauvaises manières. Alors je ne lui dis rien de plus. Il n'y a rien à dire, de toute façon. Elle finira bien par avoir son hibou et partir. Pour passer le temps, j'observe la volière et ses habitants. J'aimerais bien m'asseoir mais le sol est dans un état plutôt pitoyable entre la paille et les fientes de hibou. Les rebords de fenêtre m'inspirent guère plus confiance. La volière est loin d'être un endroit agréable, entre la propreté qui laisse à désirer, parfois les cris des oiseaux, les odeurs. Mais ce n'est pas pire que la Grande Salle et ses occupants, tout aussi désordonnés, malodorants et bruyants. 

Un mouvement d'ailes attire mon attention. Une jeune chouette se pose non loin de ma tour. Curieuse, elle s'en approche et d'un mouvement de bec, elle enfourne l'une des friandises, puis la deuxième. Je soupire d'un air désolé et m'approche de l'oiseau. « Non. » m'excusé-je à la chouette. Puis d'un mouvement de la main, je l'invite à partir. Elle ne se fait pas prier  -non sans me donner un coup de bec au passage, et repart dans les hauteurs. Moi, je suis venu pour un hibou, pas pour une chouette. J'ai l'habitude de confier mes courriers à des hiboux et j'aime procéder toujours de la même manière. Patiemment, je dépose une nouvelle friandise sur ma tour.

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06 mars 2020, 14:52
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Yeux-jaunes lorgne la tour de Noestlinger. Et il y a de quoi. Si j’étais un volatile, moi aussi je voudrais que l’on m’offre des friandises en les déposant sur un autel coloré. Mais je ne suis pas un volatile, et de surcroît je n’ai aucune patience aujourd’hui. Seulement une lettre que j’aimerais envoyer — j’aimerais être seule également, vraiment seule, sans Autre pour manger mon silence et prendre toute la place autour de moi. Noestlinger, d’un naturel assez discret, se rappelle à moi de la pire façon possible ; il parle. Sa voix me surprend et je sursaute légèrement, me retournant pour lui lancer mon regard étonné. Quelques secondes passent sans que je ne réagisse. De mémoire, je n’ai jamais entendu ce garçon parler. C’est peut-être pour cela qu’il ne m’a jamais dérangé. Le silence est la plus belle des intelligences et malgré sa qualité d’Autre, je reste persuadée que ce Serdaigle n’est pas idiot.
Mais ses paroles
T’es bruyante.
ne me plaisent absolument pas. Je lui jette un regard noir dont j’ai le secret et marmonne un « Va t’faire voir » qu’il n’entend certainement pas puisqu’il regarde à droite et à gauche, comme s’il pouvait voir des choses qui m’étaient invisibles.

Les sourcils légèrement froncés, je l’observe, oubliant Yeux-jaunes et son attention — trop minutieuse — du piège de Noestlinger. Il est étrange. Je le dérange, il me le fait remarquer, et au lieu d’attendre une réaction de ma part, au lieu de chercher le conflit ou, pire encore, de vouloir le désamorcer, il abandonne. Et je me demande, Merlin, que peut-il bien se passer dans sa tête pour qu’il agisse ainsi ? Si les situations avaient été inversées, je n’aurais jamais pu lâcher le morceau tant que l’Autre ne se serait pas poussé et  suffisamment éloigné pour me permettre de respirer. Alors je ne comprends pas.
Et je déteste ne rien comprendre.

Toute à mon observation, c’est tout juste si je remarque la chouette qui s’est approchée. Mais je vois le Serdaigle réagir, de son soupir au geste qu’il fait pour faire fuir l’animal. *Mais y fout quoi, p’tain ?*. Il attend qu’un volatile vienne prendre son courrier et finalement il décide de repousser le premier qui s’approche ? Son comportement n’a aucune foutue explication ! On dirait un gamin qui suit le déroulé de ses pensées sans savoir pourquoi ni comment il agit ; il se contente de faire ce qui lui passe par la tête ; sans raison, sans explication. Mais cela ne colle pas avec le personnage. Ce gars doit avoir mon âge. Il est censé être futé, pas aussi débile qu’un gamin.

« Pourquoi t’as fait ça ? »

La question m’a échappé alors que je l’observe déposer une nouvelle friandise sur la tour. Je me recule d’un pas pour avoir une meilleure vue sur la situation et pose mon regard froncé sur le garçon, ma lettre désormais toute oubliée pendant au bout de mon bras.

« Pourquoi l’avoir dégagé alors qu’ça fait trois plombes qu’t’attends ? »

Pourquoi prolonger ton attente alors que moi j’attends avec impatience que tu dégages pour avoir enfin une chance d’appâter Yeux-jaunes ? Pourquoi avoir envie de rester ici, à regarder des piafs, à subir le souffle du vent, à étouffer avec l’odeur des fientes, alors que tu pourrais être dans ta salle commune au chaud ? Par Merlin, et pourquoi construis-tu une foutue tour *en quoi en plus ?* alors que tu as juste à tendre la main et proposer ton miamhibou aux volatiles ?
Toutes ces questions restent enfermées dans ma tête. Mais à mon visage surpris, mes sourcils levés sur mon front et mon immobilisation, l’on peut comprendre qu’elles grouillent dans mon esprit et qu’elles me forcent à oublier tout le reste pour attendre une réponse à une question qui, finalement, n'a pas un intérêt majeur. 

09 mars 2020, 16:09
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Après avoir déposé une nouvelle friandise, je me recule légèrement -pas trop loin pour intervenir si une chouette vient à nouveau s'emparer du Miamhibou. Ce ne serait tout de même pas de chance, avec tous les hiboux qui peuplent la volière. Tout est tellement plus simple depuis que j'ai Grimro. Mais, tant pis. Alors que j'attends, une voix parvient à mes oreilles : celle d'Aelle Bristyle qui encore une fois brise le silence qui m'est si cher. J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais elle ajoute quelque chose qui m'intrigue. Trois plombes. D'après elle, cela fait trois plombes que j'attends. Dans un langage plutôt familier, une plombe correspond à une heure, autrement dit elle sous-entend que j'attends déjà mon hibou depuis trois heures. Or cela me semble plutôt incohérent : je n'ai pas l'impression d'attendre depuis si longtemps.

« Non, ça ne fait pas trois plombes que j'attends. Je crois que ça fait environ un tiers de plombe. » rectifié-je en réutilisant le même terme afin de bien me faire comprendre. Et cette fille, elle est arrivée après moi -elle n'est pas là depuis très longtemps. Comment pourrait-elle savoir depuis combien de temps j'attends mon hibou ? Il y a quelque chose d'illogique là-dedans, et cela me perturbe. A moi qu'elle aussi ne soit là depuis très longtemps ? Je perds souvent la notion du temps, ce n'est pas nouveau. Et cela ne m'aide pas à gérer efficacement les tâches du quotidien, c'est pourquoi je ne me sépare jamais de ma montre ou de mes sabliers d'ordinaire. Et là, je regrette de ne pas les avoir amenés.

Mais non. On ne peut pas confondre un tiers de plombe avec trois plombes entières, c'est impossible. En faisant une activité agréable pourquoi pas : mais dans ce lieu malodorant où le silence est régulièrement brisé par quelques cris de volatiles, où la paille reste collée sous les semelles de chaussures et qu'il faut garder une vigilance constante sur la tour de Lego, il est impossible de confondre un tiers de plombe avec trois plombes entières. 

« Pourquoi dis-tu que ça fait trois plombes alors que ce n'est pas vrai ? » demandé-je avec une pointe de désespoir dans ma voix. Et si elle avait raison ? Je suis censé enchaîner avec la rédaction de mon devoir d'histoire de la magie, une séance de lecture puis une de construction en lego. Mais si trois heures se sont écoulées, je devrais rayer de ma liste au moins une de ces trois activités, peut-être même deux. Il faut alors que je choisisse lesquelles sont prioritaires -et trouver un créneau horaire pour reporter les autres. Ou me coucher plus tard pour avoir le temps de tout faire, mais il y a un couvre-feu à respecter et j'aime me coucher à heure fixe. Et je ne peux pas annuler ces activités, ce n'était pas prévu. Cela va à l'encontre de mes plans. 

Je m'agite. Mon regard quitte la tour de lego colorée et vient se perdre dans le vide, alors que je commence à marcher en rond en tenant mes cheveux entre mes doigts et en tirant sur mes bouclettes, mon visage déformé par un désespoir grandissant. « Mais ça fait pas trois plombes ! Tu mens ! »

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
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10 mars 2020, 18:20
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
« Non, ça ne fait pas trois plombes que j'attends. Je crois que ça fait environ un tiers de plombe. »

Je ne m’attendais certainement pas à cette réponse ; perdue, j’ouvre la bouche mais aucune réplique ne me vient à l’esprit. J’hésite entre envoyer se faire voir ce garçon qui se fout de moi — il est en train de se payer ma tête, n’est-ce pas ? — ou m’amuser de sa blague qui, il faut bien se l’avouer, énonce une vérité qui ne me laisse pas indifférente. Finalement, je n’avais pas tort : ce gars est loin d’être idiot. Un idiot ne saurait pas m’indiquer avec précision depuis combien de tiers de plombe il attend dans la volière ; même si je ne sais pas quand est-ce que Noestlinger est arrivé, je suis persuadé qu’il ne me ment pas — il est bien trop sérieux pour cela.

A mon plus grand étonnement, le garçon se révèle bien plus bavard que je ne le pensais. Il ne me laisse pas réfléchir quant à la réaction à adopter et me lance : 

« Pourquoi dis-tu que ça fait trois plombes alors que ce n'est pas vrai ? »

Au contraire, il insiste.
Je fronce les sourcils ; j’avais compris la première fois qu’il lui était aisé de jouer avec mon expression, mais pourquoi recommence-t-il ? Et pourquoi est-il si sérieux, nom de Merlin, désormais je suis plus perdue encore. Et l’idée qu’il se fout réellement de ma gueule quitte mon esprit. Sa tronche ou sa voix peut-être ne me permet plus de douter. Il est bien trop sur de lui, sa voix est bien trop sérieuse et sa façon de s’agiter bien trop sincère. D’habitude, les Autres qui se foutent de moi ricanent bêtement ou me lancent des sourires goguenards, ou alors ils agissent de sorte que je comprenne instantanément qu’ils se moquent de moi. Lui, il ne leur ressemble pas du tout. Non, pas du tout.

Silencieuse, je l’observe s’agiter. Il regarde à droite, à gauche, et à mon plus grand désespoir commence à faire les cent pas dans la petite pièce. Je m’éloigne prudemment, les sourcils froncés et désormais plus intriguée que réellement en colère.
*Il est en train de paniquer*, me chuchote une petite voix.

« Mais ça fait pas trois plombes ! Tu mens ! »

Je suis d’accord avec la voix dans ma tête.
Il panique comme un gamin.
Il panique réellement. Et le voir ainsi s’agiter aiguise ma colère. Cela me donne envie de fondre sur lui et de le secouer comme un prunier en lui hurlant de se la fermer. Je suis incapable de bouger, cependant, le regarder est bien trop passionnant. Je laisse quelques secondes passer, l'observant avec une attention accrue, essayant de comprendre, en vain, la raison de sa panique.
Finalement, peut-être avais-je tort.
Peut-être est-il réellement débile ?
Mais un garçon de quinze ans, de Serdaigle de surcroît, est censé comprendre une expression aussi simple que ça fait trois plombes, n’est-ce pas ? Je suis tenté de le laisser paniquer et se calmer tout seul, mais un regard lancé en direction des volatiles m’indique que ce n’est pas dans mon intérêt si je veux envoyer mon courrier aujourd’hui.

« Eh ! lancé-je tout à coup en faisant un pas vers Noestlinger. T’arrêtes un peu d’paniquer ? Tu fais peur aux oiseaux. Ça fait p’t-être pas trois plombes, p’t⁻être qu’un tiers de plombe, j’en ai rien à foutre moi. C’était une expression. »

Je soupire, lance un regard noir au garçon, le regarde des pieds à la tête et soupire une nouvelle fois.

« Et me traite pas de menteuse, c’était pas un mensonge, ça. »

Je me détourne de lui, lançant mon regard dans les hauteurs à la recherche de Yeux-Jaunes. Je le vois ; il s'est éloigné de moi — ou peut-être bien du garçon, qu'elle idée de paniquer sans raison, paniquer à s'en arracher les cheveux ? En plus, il n'a même pas répondu à ma question. Et moi, je reste comme une conne sans comprendre pourquoi il a dégagé la chouette, sans comprendre pourquoi il a construit sa tour et sans comprendre, Merlin ! pourquoi il est aussi bizarre.

14 mars 2020, 16:10
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
Trois plombes. Un tiers de plombe. Trois plombes. Un tiers de plombe. Non, il y a définitivement quelque chose qui ne va pas. Qui ne tourne pas rond. Contrairement à moi qui tourne en rond, mais j'aime tourner en rond et c'est rassurant. Parfois même, je forme des boucles avec mes pas et j'aime aussi les boucles. Et ça me calme, j'aimerais être calmé et penser à autre chose que ce tiers de plombe comparé aux trois plombes entières. Mais il y a autre chose qui forme des boucles et qui tourne en rond : mes pensées. Quand quelque chose me perturbe, je ne parviens pas à l'ignorer. Quand on bouleverse ma logique, que l'on dit des choses que je ne comprends pas, je me focalise dessus et j'en oublie le reste. Et parfois, je panique, comme maintenant. Devoir d'histoire de la magie. Construction de lego. Plombe. Tiers de plombe. Séance lecture. Mensonge.

Mensonge. Expression. L'élément perturbateur reprend la parole, j'ai l'impression qu'elle est énervée. Je me demande si c'est contre moi, si j'ai encore fait quelque chose de mal. Je n'ai rien fait de mal je crois : je n'ai rien fait de bizarre, d'étrange. Je respecte les normes sociales que mes parents m'ont inculquées et c'est la moindre des choses car ils y ont mis beaucoup d'efforts et pour moi c'était douloureux. Je n'ai rien fait d'étrange, Bristyle n'a pas à être énervée contre moi. A part tourner en rond. Ce n'est pas bien, je dois arrêter. Je m'arrête. Je pile un peu brutalement -l'élan me pousse un peu en avant et je manque de chuter. Et j'ai envie de vomir. Mais d'après la fille je dois cesser de paniquer, c'était une expression. Je sais ce qu'est une expression, évidemment. Mais je ne les connais pas toutes et quand on me parle, je ne pense pas ouvrir à mon répertoire-à-expressions pour savoir si je dois interpréter ce qu'on me dit au sens littéral ou non. Aïe. J'ai l'impression que c'est compliqué alors que ça ne devrait pas l'être. Mais j'ai arrêté de tourner en rond -du moins au sens littéral, physique. Mes pensées forment toujours un tas de nœuds dont je peine à extirper des éléments rassurants pour apaiser ma respiration et mon cœur battant à toute vitesse. 

« Alors, peux-tu estimer la proportion de plombe exacte correspondant à notre temps d'attente dans cette volière ?  » demandé-je d'une voix blanche.

Comment ai-je pu oublier ma montre et mes sabliers ? C'est stupide, et cela ne me ressemble pas. Normalement, je suis très organisé. Je ne me laisse pas prendre au dépourvu. Je ne panique pas pour une expression incomprise. Je ne comprends pas pourquoi j'ai réagi ainsi. L'incompréhension est pesante. Perturbante. Et me vide de mon énergie. J'ai envie de me laisser tomber sur ce sol mais c'est sale et je ne veux pas mettre des impuretés sur mes vêtements. Je reste alors immobile, mes mains retombent un peu brutalement le long de mon corps, cessant enfin de torturer mes boucles blondes. Mon regard se pose sur Bristyle et ne s'en détache pas.

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
Appelez-moi Ada ou Lest ! ♦

16 mars 2020, 10:38
Tour de lego dans la volière  RPG+   PV. AB 
L’arrêt brutal du garçon force mon regard à descendre des hauteurs. Je le regarde du coin de l’oeil, prudente, comme s’il allait tout à coup me sauter à la figure. Il s’est arrêté brutalement, cessant de tourner en rond, comme si une force l’avait obligé à se stopper ici, au milieu de la volière, et tourné dans ma direction. Je crois que je le préférais en mouvement. Au moins, il portait son attention sur autre chose que sur moi.  L'angoisse semble l'avoir quitté, c'est bien. Je n'aime pas les Autres angoissés. Ils m'énervent. Je ne sais jamais quoi faire et je me sens toujours obligé de faire quelque chose. Mais je me fous de leur problème, moi, je n'en ai rien à faire qu'ils soient angoissés, ou apeurés, ou quoi que ce soit d'autre. 

« Alors, peux-tu estimer la proportion de plombe exacte correspondant à notre temps d'attente dans cette volière ? »

Encore cette expression. Encore ce plomb.
Il insiste.
Son regard me viole. Il me regarde comme s’il voulait tout savoir de moi, comme s’il voulait tout comprendre, et surtout, comme s’il était plus sérieux que jamais. Et le fait est que je suis persuadée qu’il est tout à fait sérieux, comme tout à l’heure. Pas de sourire en coin, pas de gloussement. Il est figé, droit comme un poteau, et son seul intérêt semble être moi. Moi, parce que j’ai osé utiliser une expression. Moi, parce que j’ai parlé alors que j’aurais dû fermer ma gueule. C’est Merlin qui me punit, n’est-ce pas ? Il le fait parce que j’ai posé des questions à cet Autre. J’ai toujours su que les Autres ne pouvaient que difficilement aller dans mon sens. La plupart du temps, ils ne font rien pour me donner des réponses, pour me répondre sans détour, pour me donner ce que je veux. C’est pourtant simple, non ? Une question appelle une réponse. Mais rien n’est aussi simple que cela avec les Autres — c’est pour cela que je ne les aime guère. Même si je préfère amplement répondre à une question inutile comme celle-ci, et simple comme le monde, plutôt que de faire face aux phrases habituelles des autres : « et tu t’appelles comment ? », « Et tu as quel âge ? », « Et tu aimes quoi ? », « Tu fais quoi ici ? ». Ouais, Noestlinger a au moins l’esprit d’avoir de l’esprit.

Je baisse les yeux, ne supportant pas de rester en contact avec ce regard-là, et fais quelques pas dans la pièce après avoir offert un dernier coup d’oeil — agacé — à Yeux-Jaunes. Je réfléchis. Bien sûr que je peux estimer la proportion de plomb correspondant à notre temps d’attente. C’est le exactement qui me pose problème. Ce gars est bien trop tatillon pour excuser le moindre manque de précision de ma part, c'est certain. 

« J’sais pas quand t’es arrivé, dis-je finalement en laissant courir mon regard sur le ciel que j’aperçois par les ouvertures. Mais moi, ça doit faire… Dix minutes. Pas plus. » J’inspire, compte dans ma tête, fais des suppositions. J’adore les chiffres, même s’ils sont moins passionnant que la magie. « Alors ça fait un huitième de plombe. Pas plus qu’un sixième, en tout cas. »

Je m’arrête face à une fenêtre. Là-bas, au loin, le lac. Je le regarde un instant avant de me détourner et de planter mon regard froncé sur Noestlinger. Je suis certaine d’avoir raison. Je lève légèrement mon menton, le mettant au défi de me contredire.

« C’est bon, t’es content ? Tu vas répondre à mes questions, maint’nant ? »