La phrase du garçon ne la rassura pas. Elle savait très bien qu'il ne disait cela que pour arrêter ses larmes, ou peut-être pour se convaincre lui-même. Il y avait tant de possibilités lorsque quelqu'un sortait une de ces phrases bateau, ce genre de phrases qui faisaient lever les yeux au ciel pour certains tandis que d'autres se raccrochaient à cela, espérant que ce soit vrai. Mais non, au fond, tout le monde savait que ce genre de phrases étaient fausses. On les sortait lorsqu'on était gêné, lorsqu'on ne savait pas quoi dire. Mais Solenn comprenait tout de même l'intention d'Audric. Peu de gens étaient réellement doués pour consoler, pour rassurer. Et la rousse ne faisait que pleurer depuis le début, ce devait être compliqué à gérer.

-Je crois... que ça fait encore plus mal de garder ses larmes à l'intérieur. C'est... ça brûle. Alors 'vaut mieux qu'elles sortent. Enfin j'penses.

Solenn hocha la tête, montrant qu'elle avait compris le garçon. Elle refusa sa manche dans un sourire triste, et, tout en se mouchant dans la sienne, répliqua :

-J'ai essayé toute ma première année de ne pas pleurer, et... Lorsque ça a explosé, et ben... C'était pas joli.

Il s'excusa de ne pas être très doué, puis ressortit une autre de ces phrases. Solenn secoua la tête négativement.

-Je ne sais pas si elle est plus heureuse sans moi. J'espère pas. Mais je comprendrais si c'était le cas.

Le brun posa alors la question, celle qui la fit frissonner. Parce qu'elle avait tellement envie de lui parler d'elle. De ses yeux, de ses cheveux, de ses paroles toujours intéressantes. Mais arriverait-elle à trouver les bons mots pour la décrire ? Il lui semblait déjà qu'elle la perdait de vue, qu'elle n'était plus si proche d'elle. Elle bougea légèrement à son tour, et toussa pour éclaircir sa gorge.

-Hum... Oui, on était dans la même maison. Tu l'as peut-être déjà aperçu. Elle était...

Magnifique. Intelligente. Surprenante. Mystérieuse.

-Petite. Les cheveux très noirs, les yeux verts.

Pourquoi les mots restaient-ils bloqués au fond de sa gorge ?

 N'ayant jamais vécu ce que sa camarade traversait actuellement, il ne pouvait choisir la "meilleure" solution à son dilemme. Tout ce qu'il arrivait à penser était que, pour lui, ce serait moins dur de ne plus voir Peterson tous les jours, plutôt que d'être ignoré comme s'il n'existait pas. Mais si c'était l'inverse, si Esmée était tout simplement partie peut-être alors aurait-il souhaité que tout ce passe comme actuellement. 

 Il acquiesça simplement lorsque Solenn mentionna son "explosion" alors qu'elle s'était retenue de pleurer si longtemps. Il se souvenait de la cascade qu'il était devenu dans les toilettes abandonnées, alors qu'il n'avait pas réussit à pleurer pendant les deux semaines précédentes. 

-Je ne sais pas si elle est plus heureuse sans moi. J'espère pas. Mais je comprendrais si c'était le cas.

 Le brun ouvrit la bouche pour protester, mais aucun son n'en sortit. Il l'a referma aussitôt préférant finalement ne rien dire. Il aurait voulu la rassurer, vraiment, mais il ne voulait pas lui mentir. De toute manière il ne connaissait pas cette personne, et même s'il avait partagé une glace avec la rousse il n'était pas aussi proche d'elle pour commencer à lui raconter de grandes histoires. Et puis... il comprenait tout à fait ce qu'elle voulait dire. Evidemment que leurs histoires étaient différentes, lui en avait conscience. Toutefois c'était exactement ce qu'il ressentait.
 
 Enfin la rouquine parla de cette personne dont elle était amoureuse. Il ne s'attendait pas du tout à une description physique, ce qui le fit sourire un instant. Avant que son cerveau se mettent soudainement à tourner à plein régime. De quelle couleur étaient les yeux d'Eider? Non... des personnes petites, brunes aux cheveux courts il y en avait plein n'est-ce pas? Et puis il se rappela soudainement que cette personne était partie, et il avait encore vu sa demi-sœur le matin même.

 « Je connais bien une personne qui ressemble, mais... non je ne vois pas vraiment de qui tu parles. Est-ce que... est-ce que tu veux bien m'en dire plus? Du genre... qu'est-ce que tu aimes chez elle? »

 Il étendit légèrement ses jambes et se mit le plus à l'aise possible. Il avait décidé de faire parler sa camarade, du moins si elle le voulait bien. Peut-être que cela lui ferait du bien? C'était du moins que la technique que sa cousine Jessica utilisait chaque fois que lui ou Emma n'allaient pas bien.
 Il baissa un peu plus sa baguette pour ne pas éblouir la fillette, et se mit à observer avec une toute nouvelle attention les vitrines pleines de coupes pour de pas la mettre mal à l'aise.

La question du garçon arrêta ses larmes pendant quelques secondes. Elle avait été surprise, d'une bonne façon sûrement. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui propose de parler d'elle de cette manière. L'inquiétude que ressentait Solenn en se demandant s'il ne faisait pas cela juste pour être poli n'était pas assez forte comparée à son envie de partager qui était sa Lune.

-Qu'est-ce que j'aime chez elle ? répéta-t-elle

Elle s'essuya une nouvelle fois le nez sur sa manche, tout en réfléchissant.

-J'aime le fait qu'elle m'a toujours aimé. Y'a des jours où j'étais vraiment de mauvaise humeur, mais elle s'en foutait.

Dans sa poitrine, son cœur semblait grossir, comme si sa cage thoracique n'était plus assez grande, comme si tout allait exploser bientôt.

-Et aussi, j'aime le fait qu'elle m'a jamais jugé. C'est grâce à elle que j'ai accepté beaucoup de choses sur moi.

Elles étaient belles ensemble. Fortes, intouchables, et belles. Mais maintenant qu'Elle était partie, Solenn se rendait compte qu'elle était toujours ce laideron roux. Elle était moche sans sa Lune. Un Soleil éteint, presque mort. Pas de douce lumière pour la réveiller, pour lui rappeler qu'elle valait quelque chose.
Elle leva les yeux vers Audric, et réalisa qu'elle n'était pas la seule à avoir changé. Ils ne ressemblaient plus trop aux deux enfants qui s'étaient rencontrés sur le Chemin de Traverse. Comme c'était étrange de voir qu'on changeait, que Solenn n'était plus la Solenn de première année.

-Tu t'rappelles notre première rencontre ? C'est fou comme ça a changé..., murmura-t-elle, ses yeux sondant le visage d'Audric.

-Qu'est-ce que j'aime chez elle ?

Et la rousse lui répondit. Elle ne parla pas beaucoup. Elle ne fit pas de longues phrases, ne parla pas en détail de tout ce qu'elle aimait ou avait aimé chez cette fille. Elle ne donna que deux raisons mais Audric ne douta pas que c'était les plus importantes pour elle.
Le brun baissa la tête en écoutant, laissant des mèches cacher son visage. Un sourire se dessina derrière ses cheveux, il était ravit d'avoir réussit à la faire parler. Il savait bien que ce n'était pas une solution miracle, qu'elle n'allait pas se lever subitement pour danser et repartir en riant à gorge déployée. Mais il était persuadé que cela lui ferait du bien, au moins de se rappeler des bons souvenirs.

Il allait la relancer sur le sujet, lui demander d'autres anecdotes sans la forcer encore une fois, mais elle le prit de court. Il redressa subitement la tête et recoiffa machinalement ses cheveux vers l'arrière.

-Tu t'rappelles notre première rencontre ? C'est fou comme ça a changé...

Oh oui Audric s'en souvenait. A ce moment-là ses parents adoptifs étaient ses parents tout court, et si Jeanne se perdait souvent dans les rues de Londres, elle rentrait toujours. Le brun eut un sourire nostalgique et hocha simplement la tête.

"Des fois j'aimerai bien retourner à ce moment-là." Parfois oui il y pensait. Puis il se souvenait que c'était impossible et même si cela ne rendait pas les choses plus faciles, la vie continuait. Il plongea son regard dans les yeux de sa camarade après avoir eu un rire nerveux.
"Mais c'est impossible." Il haussa les épaules avant d'ajouter : "Mais c'est pas grave, ce sont de bons souvenirs. Et ça restera toujours comme ça. Heureusement d'ailleurs, on peut toujours y repenser quand ça ne va pas."

Il détourna soudainement le regard et se frotta la nuque, gêné d'avoir parlé de façon si naïve. Pour autant c'était ce qu'il pensait vraiment. Il s'étira légèrement, commençant à en avoir assez d'être immobile mais sans oser bouger pour autant. "Tu m'as donné envie de manger une glace maintenant." Sortit-il nonchalamment en souriant. Ou comment détourner la conversation pour faire oublier qu'il disait n'importe quoi...

Le sourire du garçon fit comprendre à la rousse qu'il était en train de se rappeler leur rencontre au glacier. A cette époque-là, Solenn était une enfant timide qui n'avait que - que ? - le deuil de son père à porter sur ses frêles épaules. Et elle y arrivait plutôt bien, à enfermer sa peine et sa douleur dans de jolies bulles de couleur se cognant légèrement contre les parois de son cerveau, pour montrer qu'elles étaient toujours là. Cela l'avait fait longuement tenir, de ne pas affronter ses problèmes. Mais aujourd'hui, comment allait-elle faire pour guérir ? Elle ne devait pas retomber dans les mêmes erreurs qu'avant. Mais comment faire ? Elle ne connaissait pas la façon de s'y prendre, la bonne technique. Elle voulait supprimer cette douleur, arrêter d'avoir mal. Et pourtant, cette douleur lui montrait qu'elle était vivante, lui rappelait qu'elle n'était pas qu'un corps sans âme. Mais la jeune adolescente ne s'avait pas si elle préférait subir tout cela.

Elle écouta Audric parler, se demandant si il avait raison. Est-ce que sa tristesse actuelle ne dénaturait pas ces souvenirs ? N'était-elle pas en train de créer une aura mélancolique et presque triste autour de ces souvenirs heureux, ou du moins agréables ? Il ne fallait pas, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Dès qu'elle y pensait, elle regrettait ces moments, et se demandait si un jour, elle arriverait à retrouver cette insouciance, ce bonheur facile. Mais peut-être que c'était ça , l'adolescence. Peut-être que plus ils grandissaient, ils s'éloignaient de ce bonheur enfantin si agréable. *merdique tout ça*
Mais pourtant, elle répondit d'une voix pensive :

-Tu as raison...

Elle ne s'en était pas rendu compte tout de suite, mais ses larmes s'étaient arrêtées de couler. Maintenant, elles séchaient sur ses joues, lui procurant une sensation désagréable. La remarque du brun la fit sourire, puis rire. Oh non, ce n'était pas un grand rire heureux, mais c'était un rire sincère. Petit et mélancolique, mais vrai.

-Pour moi, ça sera toujours framboise.

La rousse l'écouta parler encore une fois, sans rétorquer ni commenter ses grandes phrases. Elle se contenta simplement d'approuver ce qu'il disait d'un ton pensif. Et puis soudainement, sans qu'il n'y ai de signe annonciateur autre qu'un sourire, elle se mit à rire. Et sans aucune autre raison, Audric se sentit légèrement mieux. Comme si avoir réussi à lui arracher ce son était tout ce qu'il fallait.

-Pour moi, ça sera toujours framboise.

Le garçon aux yeux vairons hocha brièvement la tête, approvant le choix de la fillette avant de se figer soudainement. Framboise? Vraiment?

"Framboise? Sérieusement?" fit-il d'un ton faussement outré,un sourire au coin des lèvres. "Il y a plein de goûts surprenants chez ce glacier, et toi tu choisis l'un des plus classiques?"

Il la taquina du coude et fit semblant de réfléchir un moment, les yeux levés au plafond et un doigt sur le menton. "Ok, la framboise est très, très bonne. Mais elle serait meilleure accompagnée avec le parfum chocogrenouille. Et Bulle Baveuse. Et Vanille. Non en fait, je crois que je suis incapable de choisir. J'ai juste faim."

Oui, c'était la conclusion logique. Toute cette conversation avec la rousse lui avait ouvert l'appétit. Le garçon se redressa d'un coup, s'étira longuement et tendit une main vers sa camarade.

"Tu viens, on va chercher un truc à manger? Ou alors je te rapportes quelque chose? D'autres suggestion que framboise?"Demanda-t-il taquin en lui faisant un clin d'oeil. Il attendit la réponse de la Serpentard avant de sortir de la salle. Son estomac gargouilla peu de temps après, comme pour souligner ses paroles.
Il préférait ne pas y penser tout de suite mais ce moment avec Solenn l'avait un peu apaisé. Bien sûr il savait qu'il n'avait pas résolu le problème de sa camarade, mais s'il avait pu détourner son attention un instant c'était déjà bien pensait-il. Et puis, manger quelque chose en sa compagnie serait comme de consolider ce premier jour où ils s'étaient rencontrés, pour manger une glace sous la pluie.

Le garçon essayait visiblement de lui remonter le moral et Solenn le laissait faire. Parler de parfums de glace permettait de lui faire penser à autre chose, ce qui n'était pas de refus. Elle répondit d'une voix qui se voulait légèrement vexée pour continuer sur la lancée de Audric, mais qui paraissait plutôt faible et fatiguée. Pleurer avait épuisé la plupart de son énergie, et elle se sentait soudainement abattue.

-Je n'accepte aucune critique sur la framboise.

Audric fit semblant de réfléchir, comme si le choix d'un parfum de glace était très important et devait se faire avec sérieux. Quelquefois, Solenn oubliait qu'elle était encore une enfant. Elle n'avait que quatorze ans et avait déjà expérimenté la mort et la perte de l'amour de sa vie. Deux expériences qui la marqueraient à vie. Et à cause de tout cela, elle oubliait que débattre sur les meilleurs parfums de glace n'était pas encore une époque dépassée et qu'elle pouvait toujours s'y adonner.
Elle écouta l'explication du brun et ne put s'empêcher de grimacer.

-Nooon, pas Bulle Bauveuse beurk !

Elle regarda le garçon se lever puis accepta sa main tendue. Elle l'a pris seulement pour être gentille mais détestait se laisser porter par les autres. Comme beaucoup de filles et de garçons de son âge, son poids pouvait quelque fois l'embêter.

-Bonne idée !

Elle était peut-être fatiguée, elle ne voulait pas planter Audric alors qu'il l'avait écouté, aidé et même regardé pleurer. Elle allait manger un bout avec lui pour le remercier d'avoir été aussi gentil avec elle, et aussi parce qu'elle l'appréciait et que les gens qu'elle connaissait et à qui elle parlait se comptait sur les doigts d'une main.
Alors ils se dirigèrent vers la sortie de la Salle de trophées. Solenn ignorait si elle l'avait déjà remercié. Ses pensées étaient encore brouillées, alors elle se tourna vers lui et le remercia d'une petite voix. Elle ne savait si elle pouvait le compter comme un ami ou non, mais au moins leur relation était plus forte maintenant et elle pourrait compter sur lui.



Désolé pour le retard...
Je me suis dis que cela sonnait la fin du rp, si ça t'embête envoie-moi un hibou
Merci pour le rp c'était génial et Audric a beaucoup aidé Solenn !