Nora triturait la dernière lettre reçue de la part de son père tout en faisant les cents pas. Elle savait qu'elle aurait des problèmes suite à la décision qu'elle avait prise, mais elle ne pensait pas que cela aurait lieu aussi tôt.

La jeune Starks avait très rapidement envoyé un hibou à ses grand-parents, leur expliquant qu'elle allait rentrer en Angleterre avec une de ses amies et qu'elle passerait l'été chez elle. Bien entendu selon elle, son père avait donné son accord. Plus besoin pour eux de venir jusqu'à la gare de King's Cross et de s'occuper d'elle, en soi. Elle ne souhaitait pas les déranger pour rien, encore moins les laisser en plan à Londres. Elle fait agit dans la précipitation, cachant sa panique quant au fait que son père allait sans aucun doute débarquer à Poudlard d'une minute à l'autre. Ça, ce n'était pas prévu, et cela rapprochait la fameuse confrontation de plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Nora était donc restée cloitrée dans les quartiers de Gryffondor depuis le début de la semaine, craignant de croiser son paternel dans le château. Mais elle ne pouvait pas se cacher éternellement. Elle posa la lettre sur son lit et entreprit de sortir de sa tour d'ivoire. Elle marcha doucement dans les couloirs, peu rassurée. Le château semblait assez vide, du point de vue de quelqu'un qui a l'habitude d'y vivre toute l'année. Elle continua de marcher et de descendre les escaliers, sans réellement savoir où elle allait. Elle parcourut le troisième étage, comme par instinct, avant de s'arrêter devant la porte ouverte de la salle des trophées. Elle pouvait y voir le brillant des métaux d'ici. Une ombre obscurcissait malgré tout les réflexions de la lumière : celle d'Erwin Starks ^[1].

"Papa ?" dit-elle, imprudente. Elle aurait dû continuer sa route, sans aucun doute.

L'homme se retourna. Il avait un côté imposant, sans doute amplifié par l'atmosphère tendue qui les enveloppait. Il fronça ses sourcils en découvrant sa fille.

"Nora... Si tu croyais que tes grand-parents ne me contacteraient pas, c'est que tu es plus stupide encore que je ne le croyais." dit-il d'un ton froid. Sa colère était clairement lisible sur son visage, sur son corps.

"Je le savais, mais je n'avais pas le choix. J'ai fait ce qui me semblait juste et nécessaire. Je suis désolée si ça te déçoit." répondit-elle, les yeux baissés. Lorsqu'il s'agissait de son père, la jeune fille n'en menait pas large.

"Est-ce que tu as la moindre idée de ce dans quoi tu t'es embarquée ? Tu as dix-sept ans, bon sang !" cria t-il plus fort qu'il ne l'aurait voulu. Il se rapprocha d'elle en une enjambée, la main prête à remettre sa chère fille à sa place.

@Kristen Loewy 

Kristen Loewy n'avait que très peu dormi depuis la fin de l'année scolaire. Elle avait laissé traîner ses devoirs de directrice, dont le travail n'est pas terminé une fois que la plupart des élèves sont rentrés chez eux ; d'autant que cette année, un certain nombre d'élèves avaient choisi de rester à Poudlard pour l'été, s'y sentant plus en sécurité qu'ailleurs - sans doute à raison. Pour couronner le tout, évidemment, il y avait la toute récente trahison d'Owen, qui était rentré chez son père pour l'été, contrairement à son avis. Nous étions le 6 juillet, et à cette date, Kristen ne savait pas encore que trois jours plus tôt, Owen avait été enlevé par Baldur Feuerbach. Elle était simplement en colère parce que son fils lui avait désobéi, car elle savait que le pire pouvait arriver si jamais Baldur, qui était en cavale, parvenait à le retrouver.

Mais enfin, nous étions le 6 juillet, et Kristen avançait dans les couloirs, accompagnée de Pez, pour arranger la vitrine de coupes et plaques de l'année passée. La plupart concernaient le Quidditch, d'autres les élèves diplômés à la fin de cette année, et bien entendu, il y avait la coupe des quatre maisons, remportée par Serpentard.

La salle des trophées n'était pas un lieu habituellement très fréquenté, surtout quand Poudlard était censé être quasiment vidé de ses habitants. Aussi Kristen fut-elle surprise de trouver aux alentours de cette pièce deux personnes d'une même famille : Nora Starks, préfète-en-chef et élève de Gryffondor avec qui elle avait déjà partagé quelques discussions relativement dangereuses, et son paternel, qui s'était engagé dans la résistance.

Kristen se baissa vers Pez et lui tendit la plaque dorée qu'elle tenait sous le bras, lui murmurant quelque chose à l'oreille. Aussitôt, le petit elfe se faufila entre tout le monde, jusque dans la salle des trophées, et fit ce qu'il avait à faire. Kristen avait préféré faire une entrée discrète, à peu près certaine qu'elle avait interrompu une conversation entre Starks, à en juger par la main levée du père, qui s'apprêtait sans doute à frapper la jeune fille. Kristen - ou Fangs - toussota pour manifester sa présence avant que Starks-le-père n'aille au bout de ce regrettable geste.

« Bonjour, dit-elle en perçant Erwin Starks du regard. »

Le souffle coupé, Nora avait machinalement mis sa main droite dans sa poche pour enrouler les doigts autour de sa baguette, mécanisme de défense qu'elle n'avait pas contrôlé. Elle sursauta en arrière lorsqu'un petit elfe fila entre les deux Starks, puis elle tourna vivement sa tête vers l'entrée de la pièce au son d'une voix qui n'était pas celle de son père. Alors qu'elle découvrit le visage de sa directrice, Kristen Loewy, elle retint une petite larme en papillonnant des yeux quelques instants, puis laissa s'échaper un souffle sec de soulagement. Elle ne regarda pas son père tant sa colère la terrorisait. Elle aperçut cependant un mouvement du coin de l'oeil, signe qu'Erwin avait abaissé sa main. 

"Bonjour, Madame." dit-il poliment, toujours avec son air sérieux. 

Le coeur battant, Nora ne broncha pas. Elle ne dévissait pas sa tête ni son regard de la nouvelle venue. Elle lui aurait fait un signe de tête respectueux si elle en avait eu les moyens, mais elle se trouvait encore paralysée par la terreur éprouvée. Elle se fit malgré tout violence pour profiter de la distraction et reculer de deux pas, augmentant ainsi stratégiquement la distance la séparant de son paternel. Elle n'avait pas tellement peur de lui, plus de sa colère. La jeune fille n'avait jamais eu à faire à des comportements violents ou des punitions corporelles, tout simplement. Cela lui indiquait également qu'elle avait dépassé les bornes, du point de vue d'Erwin Starks. Nora ne voulu pas y penser. Elle concentra donc toute son énergie sur sa directrice, guettant ainsi sa réaction. Allait-elle s'en aller et la laisser dans son pétrin, ou se mêler à la conversation ? La jeune Gryffondor ne lui en aurait pas voulu de passer son chemin, son apparition ayant déjà tempéré les réactions de l'homme qui lui faisait face. Mais Kristen Loewy aurait aussi bien pu s'en mêler, car au fond Nora savait bien que cela la concernait également, bien qu'indirectement. 

Quand le père Starks rabaissa sa main sans la faire passer par le visage de sa fille, Kristen put considérer sa mission immédiate comme accomplie. Elle profita de ce moment pour observer l'homme plus attentivement. Aux yeux de la plupart des gens, Erwin Starks devait paraître impressionnant, avec sa grande taille, sa carrure massive et sa mine sérieuse. Il fallait également admettre que son visage n'était pas désagréable, avec ses yeux bleus et ses cheveux souples. Mais Kristen n'était pas la plupart des gens, et elle n'était pas facilement impressionnable : pour elle, Erwin Starks n'était qu'un homme. Ce qui le différenciait de la masse, et qui lui permettait de trouver grâce aux yeux de la sorcière, c'était qu'Erwin Starks avait choisi de s'engager dans le mouvement de résistance contre le gouvernement de Parkinson dont Kristen et ce qui restait des Douze étaient à l'origine. Tout comme sa fille, ici présente, d'ailleurs. Et voilà comment on se retrouve, un beau matin de juillet, en plein milieu d'une réunion familiale de résistants. D'une voix calme, apparemment indifférente, elle dit :

« Monsieur Starks... Loin de moi l'idée de me mêler de la façon dont vous souhaitez éduquer votre fille, mais il me semble que ce geste aurait été une bien étrange façon de montrer la fierté que vous éprouvez certainement à son égard. »

Ce disant, elle fit lentement glisser son regard vers Nora Starks, qui n'était aujourd'hui plus une petite fille, et plus une simple élève de Gryffondor ; mais qui était une jeune femme en devenir qui avait choisi de se battre pour ce qu'elle estimait juste.

Nora déglutit. Elle espérait que son père ne s'emporte pas une fois de plus en entendant la remarque de Kristen Loewy. Elle soutint son regard quelques secondes, les sourcils froncés par la détresse, puis se retourna vers l'homme concerné. Celui-ci croisa le regard de la jeune blonde, fronça les sourcils, puis se retourna vers la directrice en gonflant la poitrine.

"C'est pourtant bien ce que vous faites." dit-il froidement. Erwin Starks n'aimait ni qu'on lui donne des ordres, ni qu'on se mêle de ses affaires. "Sauf votre respect." ajouta t-il, avant de reprendre : "Vous n'avez pas l'air de réaliser qu'on parle d'une gamine de 17 ans, qui n'a même pas terminé l'école. Je devrais être fier de l'envoyer au casse-pipe à cet âge, alors qu'elle sait à peine à se défendre ?"

Nora baissa les yeux une fois de plus, honteuse. Kristen Loewy, illustre sorcière, directrice de Poudlard, se voyait assaillie par un parent d'élève afin d'écouter un sermon dont elle se fichait sans doute royalement. Même la Gryffondor savait qu'elle avait mieux à faire que d'entendre ces plaintes parentales.

"Papa..." souffla t-elle, rouge d'embarras, et peut-être bien de colère également. *Ne me fait pas honte devant la directrice* aurait-elle voulu dire, mais les mots ne sortirent pas. *Je ne suis plus une gamine* aurait-elle voulu crier, mais elle savait bien que c'était peine perdue. Il ne l'écouterait pas. Il ne l'avait jamais fait. Et à cet instant, couverte de honte face à Kristen Loewy à cause de son père, Nora ne s'était jamais sentie autant infantilisée, minuscule, sans poids, sans importance. Insignifiante.

Un léger sourire en coin naquit sur les lèvres de la directrice de Poudlard quand elle entendit la réponse d'Erwin Starks. Elle croisa les bras et haussa le menton, fixant le paternel de la Gryffondor de ses yeux plissés.

« Intéressant... C'est pourtant bien la raison de votre présence ici, n'est-ce pas ? Apprendre à ces gamins de 17 ans à se défendre. Mais peut-être avez-vous changé d'avis ? »

En vérité, Kristen comprenait la position du père Starks : ce n'était jamais pareil quand on parlait de son propre enfant. Pourtant, elle ne pouvait pas accepter ce point de vue : l'enjeu était trop grand, il allait bien au-delà des considérations de ce type - qui, malgré tout, l'emportaient souvent dans le cœur des hommes, en particulier des parents. Erwin Starks devait accepter le risque, y compris celui qu'encourait sa fille, pour pouvoir résister correctement.

Le regard de Kristen se tourna ensuite vers la Gryffondor. Elle s'adressait autant au père qu'à la fille quand elle dit :

« Il y a quelques temps que je n'enseigne plus la Défense contre les Forces du Mal, mais je crois me souvenir que votre fille n'a jamais eu trop de difficultés dans ce domaine. Toutefois, si cela pouvait vous rassurer, je me ferais un plaisir d'évaluer moi-même ses capacités actuelles, et de lui donner quelques leçons afin de l'aider à progresser. »

Nora regardait toujours le bout de ses chaussures, avant de réaliser que personne ne la traiterait en adulte si elle ne se comportait pas comme telle. Elle releva donc les yeux vers son père au moment où la directrice s'adressait à lui. Elle avait voulu montrer force et détermination à travers ses yeux, mais à l'écoute des dires de Miss Loewy, le regard de Nora prit une allure moins sereine. Les réactions de son père sous le coup de la colère pouvait faire peur et elle craignait toujours autant qu'il ne se montre violent devant - ou envers - la directrice de Poudlard. La jeune fille n'avait aucun doute sur le fait que cette dernière pouvait le terrasser en deux-deux, ce qui ajoutait à sa nervosité. L'ensemble de ses muscles était tendu à l'extrême, en attendant la réponse du patriarche.

"Chacun apporte sa contribution comme il le peut, et enseigner reste ce que je sais faire de mieux. Je n'ai pas changé d'avis à ce sujet, mais..." dit-il en glissant doucement son regard froid sur sa fille. *Mais ça ne veut pas dire que sa fille doit y participer* pensa Nora en retenant un soupir.

Kristen Loewy reprit la parole très rapidement, cette fois en se tournant vers Nora. La jeune fille retint son souffle en écoutant sa directrice. Ses yeux s'ouvrirent grand face à la proposition qu'on lui faisait. Elle se demandait si elle avait mal entendu tant une telle opportunité semblait improbable. La grande Kristen Loewy lui proposait de l'entrainer personnellement. Mais son père ne semblait pas réagir, ne semblait pas comprendre la chance qu'on lui offrait. Elle tourna les yeux vers lui, qui lui-même regardait la grande sorcière en se grattant le menton.

"Et bien..." commença t-il sans avoir le temps de terminer. "Oui ! Ça serait un honneur, Miss Loewy." dit Nora en coupant son père.

Si le père n'avait pas encore réagi, Nora Starks ne manqua pas de manifester son enthousiasme face à la proposition de Kristen. Celle-ci espérait pouvoir tenir cette promesse, et ferait de son mieux pour y parvenir. Plusieurs fois, depuis qu'elle était devenue directrice de Poudlard - comme si un professeur de Défense Contre les Forces du Mal ne suffisait pas -, des élèves étaient venus la voir quand elle marchait dans les couloirs, ou carrément en demandant un rendez-vous dans son bureau, pour lui demander des cours particuliers. Kristen n'était pas franchement le genre à faire des traitements de faveur, quand bien même elle ne pouvait nier avoir quelques chouchous comme Aelle Bristyle ou... Elle ne l'aurait pas admis, bien sûr, et il n'était d'ailleurs pas forcément bon d'être son chouchou : elle ne s'en montrait que plus impitoyable. Les seuls cours particuliers qu'elle avait vraiment donné avec assiduité étaient pour Sybille Luneau, la fille d'Aude, et pour Owen... Même si l'assiduité n'avait vraiment duré qu'une année pour lui. Et elle s'en voulait.

L'autre problème, en l'occurrence, était que depuis quelques temps, Kristen elle-même prenait des cours pour retrouver sa magie. Elle ne pourrait pas se donner à fond avec Nora tant qu'elle n'aurait pas récupéré l'entièreté de ses pouvoirs, et elle ne savait pas quand cela arriverait. Le plus tôt possible, espérait-elle. En attendant, elle ne pourrait pas entraîner Nora Starks comme elle avait entraîné Sybille, par exemple. Des cours pour le moins éprouvants. Depuis la perte de ses pouvoirs, on avait très peu vu Kristen Loewy faire de la magie. Elle avait eu terriblement honte et avait évité au maximum de se retrouver face à une situation où elle devait utiliser la magie. Même quand Poudlard avait été attaquée...

La directrice de Poudlard ne parut pas s'émouvoir plus que cela de l'enthousiasme de la jeune fille, et elle s'adressa directement au père :

« Eh bien, ai-je votre accord ? »

Elle ne donna pas le temps de répondre à Erwin Starks :

« Mademoiselle Starks, que dites-vous de commencer d'ici quelques semaines ? »

Un petit silence s'installa suite aux paroles de Nora. La directrice de Poudlard sembla s'intéresser à son père, lui demandant son avis sur la question. La Gryffondor glissa donc son regard vers lui, ne comprenant pas pourquoi il n'avait pas réagit plus tôt. Ils échangèrent un regard : celui de la jeune fille se faisait presque suppliant et pressant, tandis que celui du patriarche était dur, probablement à cause de la hâte de sa fille. Il regarda à nouveau Kristen Loewy.

"C'est une offre très généreuse de votre part. Je suis plutôt étonné qu'une personne ayant vos responsabilités puisse trouver du temps pour des leçons particulières... Mais bien entendu, si vous parvenez effectivement à recueillir du temps dans ce but, je ne m'y opposerais pas." conclut t-il avec un signe de tête en guise de remerciement. 

Un sourire tenta de se dessiner aux lèvres de Nora, qui le dissimula comme elle le pouvait. Il n'était pas l'heure de donner l'impression à son père et sa directrice de se comporter comme une enfant. Elle afficha malgré tout un petit sourire en coin, résultat de la satisfaction éprouvée. Elle regarda Kristen Loewy lorsque cette dernière s'adressa à elle.

"Bien entendu, j'arrangerais mon emploi du temps autour du vôtre, Miss." confirma t-elle. La jeune fille avait un peu de mal à croire ce qui lui arrivait, tant elle se sentait chanceuse. Peut-être qu'elle serait enfin en mesure de faire une différence, quelque part, pour quelqu'un.

Je suis vraiment désolée pour ce retard !