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07 juin 2020, 09:15
Spirale Noire  PV A. F 
Salle des trophées,
6 Juin.


Elle courait dans les couloirs sombres.
Une déchirure dans le ciel fit trembler les murs.

« M, attend-moi ! »

Elle voulait pas l’écouter. Elle voulait pas s’arrêter. Elle voulait pas la regarder.
Nouveau coup de tonnerre ébranlant les pierres.

« M, putain ! »

Le sol défilait sous ses pieds tandis que tout semblait s’accélérer autour d’elle.
Des lueurs éphémères d’éclairs passaient à travers les vitres et un éventail d’ombres et de lumières s’inscrivait sur les pierres avec un éclatement de sons.

Elle la distancerait pas.
Elle la distancerait jamais.
On distançait pas les Souvenirs et les Ombres.

Les escaliers tourbillonnaient sous ses pieds, tandis qu’elle les gravissait en sautant des marches en une chute contrôlée.
Tout semblait inversé avec l’Orage, elle avait l’impression de courir sur les voûtes de pierre et de regarder les fenêtres basses défiler sous ses pieds.

« Attends ! »

Dernier hurlement de rage qui se noya dans le vacarme des éclairs et des grincements sourds des escaliers.
Elle buta contre une marche et tomba contre le sol.
Le choc fut d’une telle violence qu’il lui coupa le souffle et fit danser des Ombres nouvelles devant ses yeux.

Elle se releva en chancelant et repris sa course.
Elle savait plus où elle était.
Elle savait pas où elle allait.

Heureusement pour elle, ses pieds semblaient suivre un chemin dessiné par les nuages noirs de l’Orage.
Impossible de dire s’il faisait jour ou si la Nuit avait tout englouti dans son ventre Noir et Hurlant.
Le monde semblait aux portes de l’effondrement.

La pluie crépitait sur la pierre comme des braises dans une cheminée, les nuages lourds amenaient une odeur d'ozone dans les airs et des Ombres déchiquetées se tenaient à l’affût derrière chaque fenêtre.

Elle dérapa devant une porte, son visage cognant la pierre une deuxième fois, y laissant un trait sanglant.
Une coupure s’étalait sur sa joue gauche mais elle s’en moquait.
Ça disparaîtrait.
Comme toutes les blessures physiques.
Seule l’âme se désintégrerait un peu plus.

D’un coup violent, accompagnée d’un coup de tonnerre, elle ouvrit la porte et se jeta dans la pièce aussi sombre que l’Orage vomissant ses entrailles dehors.
Elle claqua la porte avec force, le bruit de noyant dans le roulement du tonnerre.

Ses battements de cœur ralentirent peu à peu, et ses yeux s’habituèrent à la pénombre l’environnant.
C’était si calme ici.

Des cliquetis se faisaient entendre à chaque déchaînement de feu du Ciel, le monde autour d’elle semblait trembler puis se figer de nouveau dans une immobilité de glace.
Elle sortit sa baguette, les sens aux aguets, s’aventurant dans le Noir.

« Lumos. »

Le souffle de sa respiration et ce filet de voix se répétèrent longtemps avant de s’éteindre. Chacun de ses pas lui étaient renvoyés par une multitude d’échos, toujours accompagnés de ces bruissements légers d’objets qui se frôlent.

Le grondement des éclairs se faisaient de plus en plus lointain au fur et à mesure qu’elle s’avançait dans la salle.
Des coupes. Des trophées. Des prix de concours.
Ils étaient tous alignés bien sagement, dormant presque sur leurs lits de bois, renvoyant la lueur de sa baguette en un jeu de miroir infini.

Au fur et à mesure qu’elle s’avançait dans les ténèbres opaques, les formes changèrent. Les coupes devinrent d’horribles visages grimaçants, se bousculant et tintant nerveusement sur leurs pieds de cristal.
Les trophées s’animèrent pour la fixer de leurs yeux de braises en un flamboiement noir, chuchotant des Mots inaudibles se fondant dans le roulement menaçant et incessant du tonnerre.

Elle se mit à courir entre les rayons d’où s’écoulaient des phrases poisseuses et agressives, s’enroulant autour de ses chevilles et la faisant trébucher contre les pierres inégales du sol.

« Ne t’enfuies pas... »
« Reste avec nous... »

« Pourquoi avoir peur?... »

« Fais-nous confiance... »


Ses pieds frôlaient à peine le sol, s’illuminant par intermittence d’une lueur écarlate amenée par des éclairs rougeoyants.
Puis elle percuta de plein fouet le mur.
Une autre coupure apparut au-dessus de son sourcil droit, parallèle à sa première blessure.
Attirées par le sang, les voix se firent onctueuses et frémissantes, monstrueuses et voraces, guettant la moindre petite goutte du liquide vermeil dont elles pourraient se repaitre.

Elle s’écroula sur le sol et replia ses bras autour de ses genoux, baissant la teinte dans un geste ultime de protection.
Elle arrêta de lutter.
Et se laissa engloutir.
Dans cette Spirale Noire.


@Alyona Farrow
Dernière modification par Alison Morrow le 16 juil. 2020, 20:50, modifié 1 fois.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

07 juin 2020, 18:34
Spirale Noire  PV A. F 
Alyona, 15 ans


"Quand vous sortirez de la tempête, vous ne serez pas la même personne que celle qui y est rentrée.
C'est tout l'intérêt de la tempête."




*J'ai peur.*
Une Pensée. Parmi toutes les autres. Envahissantes. Incessantes. Incertaines aussi. Mais vraies.
Mais celle-ci me prend tout entière. Il n'y a qu'elle. Elle est seule dans mon Ame. Mon esprit est focalisé dessus. Je n'arrive plus à m'en débarrasser. Pensée oppressante.
Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?
Mais les questions se perdent dans le vide.

*J'ai peur.*
Le Ciel est noir. Noir Cauchemars. Comme le Lac qui entoure la Sécurité. Mais cette fois-ci, il est en colère. Le Ciel. Il rugit, cri, hurle, gronde, éclate. Toute sa Colère explose et illumine l'horizon de filaments blancs. Inquiétants. Inarrêtables. Et le Vent souffle contre le château. Veut-il le faire tomber ? Lui aussi il hurle. Il s'engouffre partout. Dans toutes les failles. Dans tous les trous. Il laisse derrière lui sa trace froide.
Pourquoi tant de colère ? Pourquoi toute cette haine ? C'est une journée comme les autres. Pourquoi ? Mais ce n'est pas le moment des questions. Ce n'est pas l'heure des réponses. Seule la Peur existe.
Les Oiseaux se sont tus. Je n'entends plus leur chant. Je ne vois plus leurs belles ailes, leur belle danse. Où sont-ils ? Je ne sais pas. Peut-être qu'ils se sont enfuis. Peut-être que les filaments blancs les chassent. Peut-être que le ciel leur en veut. Pourtant, ce sont ses acrobates. Ses équilibristes. Ses danseurs. Il joue avec eux. Ils jouent avec lui. Il ne va pas leur faire de mal, hein ? Ils vont revenir. J'en suis sûre. Il le faut. J'ai besoin d'eux.

*J'ai peur.*
Mon corps tremble. Pas de froid. Pas de nervosité. Pas d'émotion. De peur.
Je suis une Ame Perdue et envahie par la terreur du Ciel.
Je marche dans le couloir. Longeant les murs. Recroquevillée sur moi-même. Glissant sur le sol. Je cherche un endroit où aller. Un endroit où les Bruits ne pourront pas m'hanter. Un endroit où je serais en sécurité. Loin du Tonnerre et de la colère du Ciel. Un endroit au calme. Un endroit sûr. Mais pourtant, j'ai beau courir à travers l'espace, ils sont toujours là. Toujours. Comme les Ombres. Et il hurle. Le Ciel. Et mon Ame avec. Elle hurle de peur. De désespoir. Il faut que ça s'arrête. Et je frissonne. Je ne contrôle plus mes gestes. Je suis emportée par mes pas. J'ai peur.

*J'ai peur.*
Les Cauchemars ont pris vie. Les Ombres se déplacent à mes côtés. Elles me tourmentent. Les filaments de lumière jaillissent du ciel. Ils sont la Lumière et le Bruit. La Colère et la Vie. Ils pourchassent les êtres. Ils chassent les Oiseaux. Il faut que je me cache. Que je parte. Je ne peux plus. Trop de bruit. Trop de colère. J'ai peur. Ils vont m'attraper. M'emporter. M'arracher au Monde. Me prendre. Me soulever. Me traîner. Mais je résiste. Et je cours. Je vole au-dessus du carrelage. Ils ne pourront pas m'atteindre. Ils ne pourront pas me stopper.

Et soudain, au détour d'un couloir, au détour d'un tournant, d'un Moment, une porte. Une entrée. Un espace. Une salle. Une solution au tourment que le Ciel me donne. Elle est entrouverte. Il y a de la lumière à l'intérieur. De la lumière et aucun Bruit. Il n'y a personne alors ? Espoir arrive. Grand. Rassurant. Familier. Réconfortant. Il protège mon coeur et me serre dans ses bras. Je n'ai plus peur.

Je pénètre dans la pièce et ferme la porte. Les Bruits ont presque disparu. Soupir. Enfin. Je me sens en sécurité. A l'abri. Pourtant, je sens une présence. Est-ce une Ombre qui m'a suivie ? Ou un nouveau Cauchemar ? Frisson. J'veux pas. J'veux pas qu'les Ombres me retrouvent. J'veux pas faire face à la Noirceur. J'ai peur. Ma lèvre inférieure tremble. Fichu mouvement incontrôlé. Moi j'voulais juste fuir les Bruits…
Non. Faut pas avoir peur. J'ai l'Espoir. J'ai ma Magie. Ma baguette. Y'a pas de raisons d'avoir peur maintenant, hein ?
Je me retourne, baguette en main. Mon coeur bat de plus en plus vite.
Est-ce que j'ai peur ? Est-ce que j'ai peur des Ombres et des Cauchemars ?
Oui.
Mais ce ne sont pas des Ombres. Ni des Cauchemars. C'est Elle. Celle du train.
Celle-aux-cheveux-d 'Ombres.


@Alison Morrow , j'espère que mon Pas te convient...
Dernière modification par Alyona Farrow le 03 août 2020, 12:31, modifié 1 fois.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

09 juin 2020, 12:10
Spirale Noire  PV A. F 
La lumière inonde la salle.
Y a plus de murmures.
Plus d'ombres.
Il n'y a qu'elle, seule, perdue, minuscule au milieu des coupes.
Ils la toisent de leurs armoires, ces trophées, bruissant de rumeurs et de chuchotis mécontents.

"Qui est-elle pour...?"
"Pourquoi avoir osé...?"
"Stupide enfant..."


Elle se relève.
Elle décide d'ignorer les coupes.
Parce que quoi? Ils ne sont rien, ces foutus bouts de verres ciselés! Elles brillent, ces coupes, elles sont jolies, elles tintent comme des cordes de harpe, elles dansent dans la lumière de sa baguette, elles dansent, elles dansent, elles dansent encore et elle voudrait les voir se briser au sol pour les voir mortes.
Mortes d'épuisement.
Brisées.
Éclatées au sol.
Mais il y aurait encore des morceaux brillants comme des opales. Et les morceaux, ils danseront, encore et encore.
Dansent dansent dansent jusqu'à la nuit,
Jusqu'au néant,
Jusqu'à un bruit,
Jusqu'à l'arrivée d'une autre enfant.


Puis elle la voit.
Là, l'autre, la rousse.
La fille du train.
La Bleue, hein.
Celle qui a parlé si peu, qui a vu son regard, qui s'est enfuie, qui a eu un sourire merveilleux, et qui l'a abandonnée face au château hideux.
Elle a peur, la Bleue.
Sa lèvre tremble. On dirait qu'elle va se briser au moindre courant d'air.
*Peur l'habite.*

Peur des Orages?
Peut-être.
Seuls des grondements les séparent.
Même les trophées se sont tus pour observer ce face-à-face.
Deux louves sur un même territoire, c'est ce qu'ils lui murmurent.
Et y en a une de trop.

Elle avance, lentement. Elle fait peur, avec les plaies sur son visage qui commencent à cicatriser.
Et elle a mal.
Dans sa poitrine, juste entre ses côtes.
Ils disent que ça s'appelle le cœur, mais elle n'est pas d'accord.
*Est trop brisé l'mien.*

Elle voudrait hurler. Hurler les Mots qu'elle s'était mille fois répétées pour le jour où elle allait rencontrer la Rousse.
Tout s'était évaporé dans le vacarme de l'Orage.
Elle articule des mots, elle sent ses lèvres bouger, elle ne s'entend pas, elle ne s'entend plus.
Les larmes dévalent ses joues, elle reproche, elle parle toujours sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche.

L'Orage s'est emparé de son corps.
Sa respiration gronde, comme essoufflée après une course.
Elle tremble, comme les arbres secoués par les vents.
La pluie de ses yeux imbibe ses vêtements, dégouline le long de ses cheveux noirs.
Les éclairs transpercent ses yeux, elle souffre, elle hait, elle veut Savoir.
Elle marmonne des mots roulant comme le tonnerre, et elle les identifie cette fois.
*Pourquoi tu m'as abandonnée?*

Encore, toujours, noyés par l'Orage de son être, elle essaye de parler, de comprendre.
Mais elle souffre, trop, toujours trop pour une enfant de son âge.
Elle a trop vu pour une enfant de son âge.
Elle a trop vu, et pas assez en même temps.
Maintenant que l'Orage gronde, que les coupes déforment son visage illuminé par sa baguette, maintenant qu'elle la voit enfin, la Bleue du train...
Elle est perdue.

*J'ai peur.*
T'as froid.

*Je tremble.*
Tu meurs.
*J'ai mal.*
Souffre.
*J'fais quoi?*
Aie mal.

Elle tourne ses yeux verts vers l'autre.
Elle n'est qu'une forme, apparaissant par intermittence face aux éclairs.
Le phosphore l'étourdit, elle ne voit plus à cause des larmes.
Seuls les cheveux roux flamboient, comme pour lui assurer qu'elle n'est pas encore seule.
Puis, elle partira, la Bleue.
Elle partira, haute et fière, heureuse d'avoir retrouvé son putain de château, elle partira sans un regard, avec un sourire peut-être, en forme de croissant de lune, magnifique, qui lui fera du bien, puis elle se retournera, la Rousse, droite, elle partira.
*Et j' mourrai encore.*
Seule.

Levant sa baguette pour tenter d'éclairer encore plus la salle, elle voit pourtant la lumière diminuer, encore, inexorablement, puis s'éteindre tout à fait.
Le noir l'environnant bat, comme un immense cœur.
Tout semble bourdonner, l'orage, les trophées, sa respiration, ses lèvres articulant sans qu'un son ne sorte de sa bouche desséchée, l'air lui-même.
Tout s'est éteint avec le peu de réconfort qu'elle avait cru trouver en cette salle.

Devenue muette, elle apprend à écouter, maintenant.
Elle bouge, soudain, rapidement.
*J'veux plus la voir!*
Pourtant ses pas ralentissent.
Elle a honte de fuir.
Et la honte la dévore maintenant, bouffe son cœur, noie l'orage qui hurle dehors.
Elle revient sur ses pas, ou peut-être qu'elle se perd.
Peut-être que la rousse a bougée, peut-être qu'elle est restée figée.
Mais elle la revoit, là, sous un éclair qui fend le ciel en deux.
Le ciel, lui, il vomit encore ses tripes qui viennent éclabousser le sol de grosses gouttes sombres.

Elle voudrait lui jeter un sort, à la Rousse.
Un sort qui lui fera mal, qui lui fera regretter de l'avoir laissée.
Elle a rien compris, dans le train, de son regard paniqué, de son besoin de réconfort?
Sa bouche s'entre-ouvre, mais rien n'en sort.
Un éclair s'abat encore sur le sol.

Finalement, le son coincé dans sa gorge explose dans l'air, couvrant même l'orage, faisant s'entrechoquer rapidement le verre des vitrines, comme s'il était surpris de cet accès soudain de colère.
Elle hurla dans la salle, se fichant des larmes translucides coulant de plus belle sur son visage de poupée brisée.

"POURQUOI TU M'AS ABANDONNÉE?"

@Alyona Farrow
Ton Pas est parfait chère Plume.
J'espère que le mien te convient également.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

10 juin 2020, 13:38
Spirale Noire  PV A. F 
Elle est là. Face à moi. Elle avance avec sa baguette. Avec sa lumière. Ce petit bout de bois si précieux. Si beau. Et pendant cet instant, la Pensée oppressante m'a quittée. *Comment ?...* Envolée. Sans Bruit. Sans rien dire. Comme ça. En Silence. Sans même que je ne m'en rende compte. Je suis concentrée sur autre chose. Une chose bien plus importante. Bien plus visible. Bien plus terrible. Celle-aux-cheveux-d' Ombre. Mon regard s'est arrêté sur Elle. C'est elle l'Orage. C'est elle les filaments blancs du Ciel. C'est Elle. Juste Elle. Je le vois sur son visage. Elle est la Colère. Elle est la Souffrance. Elle est la Tristesse. Mais je ne comprends pas. Pourquoi ? Comment ? Je suis perdue. Elle semblait pourtant si jolie. Si innocente. Si naïve. Si jeune. Comme un petit bourgeon. Le petit bourgeon du train. Qu'est-ce qu'il lui ait arrivé ? Qu'est-ce qu'elle a vu ?

Je n'ose imaginer les réponses à ces questions.

J'ai honte. Honte de moi. J'aurais dû faire quelque chose. J'aurais dû l'aider. C'est moi qui suis la plus grande. Moi qui suis responsable. J'aurais dû la protéger. J'aurais dû agir. *Mais comment ?* C'est pas la question ! J'aurais dû. C'est tout. Elle n'était qu'un petit bourgeon.

Mais je n'ai rien fait.

Mamie dit qu'il faut toujours prendre soin des bourgeons. Les protéger du gel. Les protéger du froid. Il faut faire très attention aux bourgeons.

Mais cette fois-ci, je ne l'ai pas protégée.

Mes tremblements se font plus forts. Ils parcourent tout mon corps. Comme une décharge électrique. Ils font claquer mes genoux. Ils me rendent faible. Je crois que je ne vais plus tenir longtemps. Mais ce n'est pas à cause de l'orage. Je ne pense plus à lui. Je tremble parce que c'est ma faute. C'est ma faute si elle est comme ça. C'est ma faute. Je le sais. C'est écrit dans son regard. Dans les plis de sa bouche. Dans sa façon de tenir sa baguette. Dans ses tremblements. Dans les larmes qui glissent sur ses joues. Les larmes de la Souffrance.
C'est peut-être pour ça que je l'ai évité depuis tout ce temps.
Je le savais. Au fond de moi. Dans mon Âme. Dans mon coeur. Je le savais. Je savais que je l'avais abandonnée. Que je les avais tous abandonné. Moi.

Et soudain, j'aperçois son sang. Vermeil. Rouge. Il coule. Elle saigne.

*Elle saigne.*

Une coupure sur sa joue gauche. Une autre au-dessus de son sourcil droit. Putain. J'l'avais pas vu. Mon coeur fait un bon dans ma poitrine. Toutes mes questions s'écroulent en même temps. La lumière de sa baguette s'est éteinte. Je ne vois celle du train que quand les filaments du Ciel me le permettent. Ils éclairent son visage d'une belle lueur. Éphémère. Petite. Claire. Assez pour que j'aperçoive le liquide vermeil. Et soudain, je comprends. Je sais ce que j'ai à faire. Je sais quoi faire. Je sais. Enfin. Et je suis sûre de moi.

Mais elle s'en va. Elle part. Elle fuit. Elle se cache. Pourquoi ? Mon coeur se serre. Elle m'en veut. Elle part parce qu'elle m'en veut. C'est ça, hein ? Elle m'en veut ? Je ne l'ai pas protégé du gel. J'ai échoué. J'ai perdu. Et maintenant elle est brisée. Et maintenant, il y a un trou au fond d'elle. Et maintenant, elle ne va pas bien.

Mais elle revient. Elle fait demi-tour. Mais… Pourquoi ? Elle revient, et l'Espoir avec elle. Il profite de tous les moments lui. De toutes les failles. Je ne lui en veux pas. C'est normal. De toute façon, je m'en fous, elle est revenue.

Et tout-à-coup, sa colère explose. Elle est grande. Puissante. Plus forte que celle du Ciel. Comme une énorme claque contre ma joue. Elle percute mon corps de plein fouet. Colère. Elle l'a envahie.

Mais la colère ne m'atteint pas. Ses cris me blessent mais ça ne m'intéresse pas. Seule une chose m'importe, là, maintenant. Celle-aux-cheveux-d' Ombre saigne. Elle souffre. Et il faut que j'agisse.

« Tu saignes. »

Un souffle. Deux mots. Une simple constatation. Pourtant je n'arrive pas à empêcher le regret de percer dans ma voix. Et la honte. Honte à moi qu'elle puisse saigner. Je m'approche d'elle. Un pas. Deux pas. Trois pas. Je sens son souffle près de moi. Je suis bien trop proche. Je sors un petit flacon de mon sac. De l'essence de Dictame. C'est Mamie qui me l'a donné. En Première Année, ça m'arrivait souvent m'écorcher les mains dans les épines. J'étudiais les ronces avant. Mais ce n'est pas toujours facile d'attraper et de couper une branche de ronces. Je débouche le flacon et en verse un peu sur les blessures de Celle-aux-cheveux-d' Ombre. J'veux soigner ses blessures. J'veux l'aider. J'veux qu'elle ne souffre plus. Mais je sais que sa blessure est interne. Qu'elle est dans son coeur. Je connais ce genre de blessure. Et je sais que l'Essence de Dictame ne peut pas soigner ce genre de blessure. Seuls les Actes le peuvent. J'essuie doucement avec mon doigt le liquide qui coule. Je sais qu'elle pourrait me frapper. Qu'elle pourrait me mordre. Qu'elle pourrait me repousser. Qu'elle pourrait me faire mal. Mais je n'ai pas peur. Non. Je n'ai pas peur.

Mais peut-être le devrais-je ?


@Alison Morrow
Tes Pas me conviendront tout le temps...
Dernière modification par Alyona Farrow le 15 juin 2020, 15:43, modifié 1 fois.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

13 juin 2020, 19:35
Spirale Noire  PV A. F 
Ça se voyait qu'elle voulait pas être approchée?
Ou plutôt, si elle voulait.
Elle voulait pour avoir des explications.
Car la Rousse ne pouvait pas être aussi insensible que ça.
Si?
Et son sourire. Son sourire de merveilleux, deux pétales de rose s'étirant sous des yeux-soleil pétillants.
Elle le voyait toujours, flotter devant ses yeux, se reflétant l'espace d'une seconde sur les coupes et les armures.
L'Orage faisait rage, mais elle voyait toujours ce sourire s'étirer dans le ciel comme un songe immense.
Un petit bout de soleil dans toute la fureur des cieux.

La Rousse s'était rapprochée.
Proche, si proche, que leurs souffles ne faisaient plus qu'un.
Elle avait un nom, bien sûr. Si elle faisait un effort elle s'en souviendrait.
Mais son inconscient lui soufflait que le nom reviendrait quand elle en aurait besoin.

Elle ne recula pas quand la main effleura les coupures.
Elle ressentit une légère brûlure fraiche, puis plus rien.
La voix de la Rousse était chargée de regrets.
Peut-être qu'elle regrettait d'être partie.
Peut-être qu'elle regrettait son sourire.

Plus que l'Orage, plus que les murmures de l'Autre, plus que ses Ombres, plus que les Mensonges, elle avait peur que le sourire ne revienne jamais.
Elle avait besoin de ce petit coin de paradis, de cet instant où tout était figé dans un éclat de bonheur.
*Bonheur?*
Elle ne savait pas très bien identifier le bonheur.
Mais le sourire de la Rousse devait en faire partie.
Il lui permettrait d'illuminer la pièce avec plus de force que tous les sorts du monde.

Elle était petite, minablement petite face à cette Rousse.
Elle était faible, elle avait froid, elle avait peur, elle était seule.
Pour le moment elle avait presque envie d'être uniquement une Enfant, comme continuait à dire ses pensées, une Enfant encore un peu maladroite à qui on accorde du temps pour comprendre et apprendre, découvrir et rire.
Elle avait l'impression que dans son éducation, la partie la plus importante avait été omise : prendre du plaisir.
Elle ne prenait du plaisir qu'avec sa grand-mère, dans sa serre chaude où le soleil rebondissait gracieusement sur les feuilles vertes, les papillons voletaient dans l'air lourd et apaisant, le parfum entêtant des fleurs se mêlait entre eux en une énorme farandole de sensations, de souvenirs heureux d'après-midi passés à respirer l'odeur de la terre retournée, de l'humus et des poussières de soleil.

La Rousse Bleue regrettait.
Et quand on regrettait, on ne souriait plus jamais.
C'est de ta faute si elle sourit pas.
*Non... Dis pas ça...*
Tu lui as fait du mal, tu ne le vois pas? C'est de ta faute!
*Mais c'est elle... Elle qui m'a laissée...*
Idiote. Stupide fille. Comment penses-tu qu'Ils peuvent t'aimer si tu raisonnes ainsi?
*Arrête j't'en supplie!*
Et coulent, coulent les larmes, gamine débile.

Les larmes roulaient de nouveau.
On dit que l'eau permettait d'effacer les douleurs.
C'était faux.
L'eau ne fait que plus mal. Encore, et toujours, elle revient sur les lieux de Douleur, dégoulinant le long des peaux roses ou sombres, laissant dans leurs sillages des cicatrices humides qui ne se refermaient jamais mais qu'on essuyait pour essayer d'oublier.
L'Eau n'oubliait jamais.
L'Eau garde souvenir de tout, des derniers chemins qu'elle a emprunté sur les galets des joues, eux-mêmes écorchés par ces trop-pleins de manches rêches qui les ont essuyés.
Essuyés. Jamais effacées.

Tendant ses mains vers le visage de la Bleue, elle étira les lèvres de la Rousse en un nouveau sourire demi-lune.
Pourtant, quelque chose manquait à ce sourire.
De la Volonté peut-être.
Elle voulait juste un petit sourire.
Pour faire disparaître les Ombres.
T'as encore rien compris ou quoi?
Pour *essuyer* les Ombres.

Suivant du visage les contours du visage de la serdaigle en face d'elle, elle cherchait quelque chose dans les traits qui lui faisaient face. Peut-être un sursaut de joie.
Ses pouces toujours pressés contre le coin des lèvres de la Rousse, elle avait peur que si elle les enlevait, le sourire allait s'effondrer.
Se Briser.
Disparaître.
Pour de bon cette fois-ci. On ne pouvait pas essuyer simplement les sourires.
Personne ne dit essuyer les sourires. C'était réservé aux Larmes.
Mais tout le monde disait Effacer un sourire. Jamais effacer des Larmes.
Les Mots parlaient d'eux-mêmes.

Sentant de nouveau deux perles de sel liquide descendre le long du lit nacré de son visage, les yeux fixés sur ses lèvres figées en un sourire qu'elle voulait de toute son âme voir devenir sincère, elle réussit à chuchoter entre deux éclairs.

"On... On fait comment pour effacer des larmes?"

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

15 juin 2020, 16:06
Spirale Noire  PV A. F 
La colère est partie. Mais l'orage n'abandonne pas. Il continue à frapper contre le château. Il continue à hurler avec les Ombres. La colère s'en est allée. Elle aussi a disparu. Envolée ? Je ne sais pas, mais elle n'est plus là. Elle a quitté le coeur de Celle-aux-cheveux-d' Ombres. Mystérieusement. Mais elle a vite été remplacée par les perles scintillantes, illuminées par les filaments blancs qui jaillissent du ciel sombre. Elles glissent sur les joues de la Poufsouffle sans que celle-ci ne les retienne. Elles glissent et quand l'une tombe, une autre la remplace. Ça ne s'arrête plus. Manège interminable. Inarrêtable. *Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle pleure ?* À cause de moi ? C'est ça hein ? Elle pleure parce que je l'ai abandonnée. Parce que je suis affreuse. Parce que j'ai échoué. Je détourne mon regard. Je ne peux plus. C'est trop difficile. Voir les perles brillantes sur ses joues me fait trop de mal. Je n'arrive plus à penser correctement quand je les vois. Parce que je sais qu'elles sont le résultat de sa souffrance. Et cette souffrance, elle est apparue parce que je n'ai pas protégé le petit bourgeon. Alors c'est de ma faute. C'est logique. C'est de ma faute.

« Je suis désolée... »

Un murmure. Mais ma voix est brisée. Minable. Elle n'a plus la force de percuter. Elle n'a plus la force d'expliquer. Elle se brise contre les rochers. Lamentable. Pathétique.

Mais Celle-aux-cheveux-d' Ombre est toujours là. Elle bouge. Ses mains se tendent vers moi. Je ne réagis pas. Je me suis effondrée mentalement. Effondrée sous le poids de mes regrets. Ils m'ont arraché mes autres Sentiments. Ils m'ont arraché les beaux moments. Ils m'ont arraché mon espoir. Ils m'ont arraché mon masque. Ils m'ont tout pris. Tout. Et il ne me reste plus qu'eux. Ils jouent avec moi. Torturent mon Âme. Frappe mon Esprit. *Arrêtez...* Non. Faut pas penser ça. Je le mérite. J'ai échoué. C'est normal.

Et soudain, ses doigts sur mon visage. Des doigts fins. Des doigts froids. Ses doigts. Ils étirent ma bouche en un sourire forcé. *Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle fait ça ?* Les larmes coulent doucement sur mes joues. Elles sont presque froides. J'essaye de les retenir mais je n'arrive pas. Elles glissent sur ma peau pâle. Débordent de mes yeux. Tout devient flou autour de moi. Je ne vois plus les contours des coupes. Je ne vois plus les traits du visage de Celle-aux-cheveux-d' Ombres. Il n'y a que son souffle, mêlé au mien et ses pouces qui étirent mes lèvres en une grimace imposée.

*J'ai échoué.*

Je ne devrais pas regretter autant pour un simple fait. Je ne devrais pas ressentir tout cela simplement parce qu'Elle pleure face à moi. Non. Je ne devrais pas. Je ne la connais pas tant que ça. Ce n'est qu'un bourgeon parmi tous les autres. Nombreux souffrent comme Elle. Pourtant… Je ne sais pas. Je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi est-ce que je me sens autant responsable ? Pourquoi est-ce que je culpabilise tant ? Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle est là. Peut-être parce que le Hasard nous a rassemblé aujourd'hui. Peut-être. Je ne sais pas vraiment. Tout est si compliqué. Tout va si vite.

Tout à coup, Elle parle. Un chuchotement. Un chuchotement entre deux Eclats du Ciel. Ses pouces sont toujours sur mon visage, cherchant à faire apparaître un sourire. Mais je n'ai pas le coeur à sourire. Je n'ai pas la force nécessaire. Ni l'envie. Les perles scintillantes glissent toujours sur son visage tant marqué par les tourments. Les miennes se sont arrêtées de couler.
Sa question me surprend. Elle me surprend parce qu'elle est venue comme ça, simplement. Elle me surprend parce qu'elle est si simple mais en même temps, si complexe. Elle me surprend parce que je n'ai pas de réponse à offrir. Parce que je ne sais pas. Et c'est là tout le problème.

*Comment on fait pour effacer les larmes ?*

Sa question tourne en boucle dans ma tête. Résistant au flot inarrêtable de mes Pensées. Je ne sais pas quoi lui répondre. Mon regard reste distant. J'attrape inconsciemment ses mains qui étiraient mes lèvres. Je les serre un peu dans les miennes. Ses petites mains froides. Les mots se bousculent tout à coup sur mes lèvres.

« Je… Je ne sais pas. Mamie dit qu'avec le Temps, tous les Maux se dissipent. Mais parfois, l'attente est trop longue.»

Ma voix est toujours aussi hésitante. Elle a perdue toute sa force. Faible. Mais ce n'est pas important.
C'est ma réponse qui compte.

Effacer les larmes. Effacer à tout jamais ? Supprimer du visage les perles scintillantes de Souffrance ? Oh… Ce serait si merveilleux. Si libérateur. Si parfait. Si beau. Plus de larmes. Plus jamais.
Mais c'est impossible.

Je serre un peu plus ses mains dans les miennes. Mais pas pour lui faire du mal.

« On peut pas les effacer. Mais on peut les faire disparaître… Pour un Moment. »

Pour un simple Moment. Mais un beau Moment. Un Moment de Bonheur. Mamie dit que le Bonheur fait disparaître toutes les Larmes.

Un sourire glisse sur mes lèvres, me surprenant.
Joli sourire tant désiré.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

21 juin 2020, 10:45
Spirale Noire  PV A. F 
La Rousse pleure.
Elle a brusquement envie de retirer ses mains.
Les larmes roulent sur les joues pâles encadrés des cheveux de feu.
Elle a envie de s’effondrer, avec ce sourire qui ne tient pas entre ses mains, ce sourire qui lui échappe, vite, comme si elle l'avait calciné juste en apposant ses mains sur le visage de la Bleue.

Mais qu'est-ce que t'as encore fait?
*R...Rien! J'te jure! J'ai rien fait!*
Menteuse! Elle pleure maintenant!
*J'ai rien fait...*
Tu lui as fait mal, idiote! Enfant débile, incapable, faible, brisée, mauvaise, méchante...
*La ferme!*

Elle a manqué le début des réponses.
Elle s'en fout.
L'eau a arrêté de couler sur les joues de la Rousse.
Elle commence à s'excuser.
*J'en veux pas d'ses excuses! J'en veux pas!*
Elle avait mal, mal de voir ses yeux où restaient encore quelques pluies lointaines.
C'était elle qui les avait causées, ces échos d'Orage.

Un autre éclair fend le ciel et s'abat sur la Terre.
Elle sursaute.
A la lumière de la foudre, elle aperçoit les fumées anciennes des bougies.
Elles s'enroulent, en un bal silencieux, ces fumées.
Hypnotique.
Et puis elles grossissent. Elles grossissent, encore, elles bouffent la lumière, elles éteignent l'Orage, elles étouffent les sanglots, elles étranglent les Mots, elles absorbent jusqu'à la dernière parcelle d'émotion.
Puis elles changent, brusquement, à cause d'un reflet.
Elles grimacent, hideuses, elles t'appellent, *J'ai peur*, elles s'approchent, fuis bordel, elles l'enroulent de leurs bras glacés.
Son corps s'engourdit, lentement. Elle perd pied.

C'est comme sombrer tout en restant éveiller.
On tombe, loin, loin derrière la surface.
On meurt un peu plus à chaque expiration.
Le Noir envahit tout.
Des semblants de paroles lui parviennent.
« On peut pas les effacer. Mais on peut les faire disparaître… Pour un Moment. »

Disparaître qui?
Les Ombres?
Les Cauchemars?
Les Peurs?
Les Souvenirs?
Les Regrets?
Les Hontes?
Les Espoirs?
Les Mots?
Les Morts?

Les Personnes comme toi.

Elle voudrait s’effondrer.
Le ciel en avait le droit, lui.
Il vomissait ses entrailles sur la terre entière, et jamais on ne lui faisait des reproches.
Jamais on ne le frappait, jamais on ne le blessait, le poignardait, l'étripait. Il se chargeait tout seul de faire ça.
Il mourait, peu à peu, pour mieux revivre un autre jour.

Elle cligna ses yeux, secs du trop-plein de larmes versées.
Elle songea un instant que son imagination lui jouait des tours, que ce n'était qu'un mirage, ô combien cruel, ô combien désiré.
*Sourire.*

Elle souriait, la Rousse alors que le ciel pleurait, dehors.
Elle souriait, la Bleue, tandis que l'élément se rapprochant de son nom hurlait.
Elle sourirait, Alyona, et ce simple sourire suffisait à réchauffer son cœur.

Ses paumes toujours sur les joues de la Bleue, elle les redescendit et blottit ses petites mains dans celles de la Rousse.
Comme ça, vous n'étiez plus qu'une.
Une comportant deux moitiés, si différentes mais si compatibles.
Un petit sourire éclaira ses lèvres, écho de celui que la Bleue lui avait offert.

Puis ses yeux se perdirent dans les reflets des vitres, peintures illusoires de la férocité de l'Orage grondant.
Il lui semblait que les pierres et le verre elles-mêmes pleuraient face à la colère du Ciel.

"Tu fais quoi ici?"

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

24 juin 2020, 17:40
Spirale Noire  PV A. F 
Elle sourit. Un joli sourire. Un peu petit. Presque timide. Lumineux. Mais il est là. Et il semble sincère. Et il est tellement inattendu. Mon coeur bondit dans ma poitrine. Est-il réel ? Il si beau. Jolie demi-lune éclairant le visage de Celle-aux-cheveux-d' Ombre, pourquoi n'es tu pas venue plus tôt ?
Elle sourit, et moi aussi. Deux Gamines sourient alors que le Ciel hurle sa Colère et que les Ombres les assaillent.
N'est-ce pas magnifique ?

Rien ne peut nous atteindre. Nos sourires chasseront les Ombres et Eblouiront le Ciel, petit bourgeon.
Et rien ne les arrêtera. Je l'espère tant.

Et ses mains blotties dans mes miennes. Comme un pont entre nos deux Âme. Tout semble si beau. Si irréel. Mais il y a le Ciel qui rugit, laissant la puissante Colère diriger ses gestes. Et les Ombres qui, jalouses, m'agressent et me hantent. Et le Bruit. Toujours présent. Attaquant mon crâne. Infernal. Insoutenable. *Atroce.* Et les coupes qui reflètent la lumière des filaments blancs, comme pour me rappeler qu'Ils seront toujours là. À la frontière de mon champ de vision. Pourquoi ? Pourquoi n'y a-t-il pas un peu de Soleil ? Un peu de lumière jaune ? Pourquoi le Ciel est-il tant en Colère ? Est-ce contre nous ? Mais nous ne faisons rien de mal…

Alors je me raccroche à son sourire. À nos mains rassemblées. À son regard vert.
Mais il fuit. Est-ce mon regard qu'il fuit ? Et il vient se perdre sur les reflets des vitres.

Je me concentre pour sourire. Pour ne pas trembler face à l'Orage. Pour ne pas partir très loin. *Fuir.* Pour rester forte. Pour ne pas m'écrouler à cause de l'Echo dans mon crâne. L'Echo de la Colère. J'n'ai pas l'droit d'lui montrer que j'ai peur. D'lui montrer que c'est difficile pour moi. J'n'ai pas l'droit parce que je suis plus grande. Et quand on est plus grande, plus âgée, on doit être plus forte. On doit se montrer plus sûre. Plus confiante. C'est ce qu'ils montrent, les autres grands. Ils ne montrent jamais leur faiblesse. Alors je dois faire de même. Résister face à la tempête au fond de mon Ame. Tempête de Peur.

Et soudain, celle du train parle. Brisant son sourire. Son sourire si réconfortant. Si irréel.
Elle me demande ce que je fais ici. *Pourquoi je suis là ?* Parce que je suis *une lâche.* Parce que j'avais peur. Parce que je fuyais. Comme ton regard a fuit le mien, petit bourgeon. Parce que j'ai peur. Peur des Bruits qui se fracassent tels les vagues contre mes Pensées. Peur des Ombres qui m'agressent en Silence. Peur de la Colère du Ciel. Si grande. Si dévastatrice. Peur que tu lâches mes mains et que tu m'en veuilles, petit bourgeon. Peur de ne pas être arrivée à temps. Peur que tu sois déjà malade de Souffrance.
J'ai Peur. Et c'est si difficile à avouer.

« Je… J'avais peur. »

Non. C'est faux. Pas j'avais. J'ai.

« J'ai Peur. »

Inspiration infinie.

« Je fuyais. »

Les Mots butent contre mes lèvres. Inconscients du désordre qu'ils provoquent au fond de moi. Tremblants face à leur importance. Pourquoi est-ce si compliqué ?
Je serre plus fort ses petites mains dans les miennes. Je souris. Mais c'est si difficile. Si illusoire. Si pathétique. Vouloir être forte quand on ne l'est pas. Vouloir résister quand on est proche de l'effondrement. Vouloir affronter quand on est terrifié.

Mais Elle est là. Et à deux, la Colère du Ciel ne peut pas nous atteindre, non ? Et les Ombres ne peuvent pas nous assaillir, n'est-ce pas ?
Alors je souris. Affrontant tout de même ma peur. Je sais bien que sans Celle-aux-cheveux-d' Ombres, je n'oserais pas. Mais Elle est là. Et je dois essayer. Même si c'est impossible. Rien que pour effacer la Tristesse de son coeur. Rien que pour voir un sourire s'épanouir sur son visage, tel une fleur au printemps. Rien que pour ça, je lui dois bien, non ?

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

03 juil. 2020, 15:09
Spirale Noire  PV A. F 


Elle attend sa réponse.
Elle pourrait l'attendre jusqu'à la fin de la Nuit-du-jour.
Jusqu'à ce que l'Orage s'éclaire, jusqu'à ce qu'elle retrouve son équilibre.
Mais elle pouvait pas le retrouver.
Encore quelque chose de brisé.
Pour toujours.

Toujours la même chose. Toujours la même brisure.
On n'en a qu'une. Elle ne fait que s'agrandir avec le temps.
Elle voulait plus de l'Orage qui hurlait.
Elle voulait plus des Vents qui fouettaient.
Elle voulait plus de Pluie qui pleurait.
Elle voulait plus des éclairs de Lucidité Souffrante.
Elle voulait plus des déchirements du tonnerre.
Elle voulait plus.

Juste une réponse.
Deux petits mots lui auraient suffi.
Pas besoin de mots si on savait lire les visages.
Mais l'éventail d'obscurité et de clarté sur celui de la Bleue ne lui en fournissait aucune.
Avec les vitres couvertes d'eau, la Rousse ressemblait à une noyée sous une épaisse couche de lumière outremer.
Ses yeux se confondaient dans tant de saphir.
Deux gemmes un peu plus brillantes peut-être.

« Je… J'avais peur. »

Deux gemmes qui reflétaient toutes les lumières du monde en cet instant précis.
Hypnotisée par deux stupides pierres.
Voilà ce qu'elle était.
Noyée elle-même dans tant de bleu et cette mer d'émotions.

« J'ai Peur. »

*Moi aussi. J'ai peur de m'noyer là.*
Se noyer dans les yeux si beaux.
Elle aimait ses yeux, presque autant que le sourire de la Rousse, qui s'était effondré dès qu'elle avait répondu.
Elle avait envie de dire qu'elle était là et qu'il fallait pas avoir peur.
La réalité était que si elle ne se noyait pas, elle mourrait de peur.
Son souffle chaud lui effleura le nez.

« Je fuyais. »

*Moi aussi. J'aurais pas dû. J'suis prise au piège maintenant.*
Ils ondoient, les orbes couleur de nuit devant elle.
Ils fleurissent de milles pétales couleur pervenche.
Ils chatoient de pigments de couleurs si différents qu'elle ne peut les compter.
Ils louvoient entre de magnifiques pics arrondis que sont ces pupilles d'onyx.
Une gemme précieuse renfermant en son centre une autre pierre tout aussi importante et belle.

"J'avais aussi peur."

Elle souffle un instant, cherchant à ne pas succomber tout à fait à l'appel des remous des yeux-océans.

"Je fuyais aussi."

Était-ce bien sa voix qui s'écoulait hors de sa bouche, fleuve timide, grossissant en prenant de l'assurance, vacarme soudain ou silence apaisant dans les éclats de l'Orage.
Il roulait sur les cailloux d'Invisibles ce fleuve, s'amplifiait en un volume d'une conversation presque normale.

"Mais j'crois qu'j'ai trouvé ma Lumière."

Serrant plus vivement les mains fines de la fille à la peau et aux couleurs Bleues, elle eut de nouveau une esquisse de sourire, à peine les extrémités de ses lèvres se relevant en un sourire discret.
Ceux qu'elle destinait d'ordinaire à sa grand-mère et à son petit frère.

"Et toi? Elle est où ta Lumière?"

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

05 juil. 2020, 19:04
Spirale Noire  PV A. F 




Ses yeux sont plongés dans les miens. Nos regards se mêlent et s'emmêlent. Enlacés dans une spirale d'émotions. Tout est plus fort au fond de moi. Je ressens plus qu'avant. Comme si les sentiments s'étaient intensifiés. Comme s'ils avaient grandis. Tel le ruisseau se jetant dans l'océan infini. Je pense plus. Des Pensées trop prenantes, trop grandes, trop oppressantes. Tout me semble si intense. Si magique. Si puissant. *C'est irréel. Maintenant, j'en suis sûre.* Et ses mains dans les miennes ? Ses mains froides. Ses petites mains d'enfant. Ses petites mains encore épargnées par le Temps et le froid. Et son souffle si près du mien ? J'ai l'impression que nous ne sommes plus si séparées. Que les Murs entre nous se sont écroulés. Oh, c'est si exceptionnel. Si nouveau pour moi. Je n'ose y penser, de peur que mon coeur s'emballe ; il semble si fragile à cet instant, comme si un souffle de sentiments accélérait sa course. Petit coeur qui déborde de sensations.

Mes Pensées n'ont plus de but, plus de sens. Elles errent au fond de moi. Me bouleversant et me questionnant sans que rien ne puisse les arrêter. Perdu sur mon visage, un sourire illumine le Noir, tel l'Œil blanc dans le Ciel immense quand l'Astre de feu est parti. Le Temps s'est arrêté autour de nous. Et je n'ose respirer de peur que tout se brise.

Elle me regarde, Celle-aux-cheveux-d' Ombres. Et durant un court Instant, j'ai de nouveau peur. Mais cette fois-ci, ce n'est pas du Ciel et de sa puissante Colère qui nous entoure. Non, j'ai peur de ses Mots. Ceux qu'elle m'offrira en réponse. Ceux qu'elle lâchera du bout des lèvres. J'ai peur qu'ils soient en contradiction avec les miens. J'ai peur. Tellement peur. Prendra-t-elle ma réponse comme un signe de lâcheté ? J'espère qu'elle comprendra. C'est si difficile parfois, de ne pas fuir. Le Bruit me faisait si mal. Et les Ombres ne me lâchaient plus.

J'essaye de lire dans ses yeux d'émeraudes. D'y lire un signe. D'y lire une réponse. Ou peut-être d'y voir une émotion. Mais je crois que je me perds, que mon regard se perd. Oh, je ne sais pas. Je ne sais plus. Je me suis perdue dans ses prunelles vertes éclairées par les filaments blancs du ciel, et rien d'autre n'existe à cet instant.

Soudain, ses lèvres s'entrouvrent pour laisser glisser sa réponse. Alors, elle aussi avait peur ? *Pourquoi ?* Qu'est-ce qui lui faisait peur ? Mes sourcils se froncent légèrement. Si c'est quelqu'un, je me promets qu'il n'osera plus jamais lui faire peur. Elle fuyait ? *Comme moi ?* Alors elle ne me prend pas pour une lâche ? Mais qu'est-ce qu'elle fuyait ? Fuyait-elle les Ombres ? Fuyait-elle les Bruits ? Fuyait-elle les Autres ? Fuyait-elle quelqu'un ? Ou peut-être quelque chose ? Que fuyais-tu, petit bourgeon ? Qu'est-ce qui te faisait si peur ?

Mais avec moi, je te promets que tu ne fuiras plus jamais. J'te protégerai. J'reconstruirai ce qui est brisé en toi. J'te l'promet.

Une Lumière ? Qu'elle Lumière a-t-elle trouvé ? La Lumière du Soleil ? La Lumière pâle de la Lune ? La Lumière cachée dans les Ames ? Ou peut-être celle cachée dans les cœurs ? Peut-être qu'elle parle de la Lumière qui fait fuir toutes les Ombres. Dans ce cas, j'espère qu'elle est belle, sa Lumière. Et qu'elle est forte. Car les Ombres sont tenaces.

Elle serre plus fort mes mains. Et elle sourit. Je pense que je pourrais tout faire pour un sourire comme celui-là. Oui, il vaut tous les sacrifices, ce sourire. J'l'oublierait jamais lui aussi. Sourire Magnifique, tu réchauffes mon coeur.

« Ma Lumière ? J'crois qu'elle est dans des Instants comme celui-là. Avec des personnes comme toi. T'es une Lumière à toi toute seule. »

Je souris tellement fort que j'en ai mal aux joues. Mais pour une fois, je me fous de la douleur.
J'veux que ce Moment soit Eternel.

« Et toi ? Tu m'as pas dit où était ta Lumière. »
Dernière modification par Alyona Farrow le 17 juil. 2020, 16:16, modifié 1 fois.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique