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05 mai 2018, 20:05
 Solo  Écorché mon p'tit coeur tout mou
29/05/2043
J'traînais les pieds et des casseroles
J'n'aimais pas beaucoup l'école
J'traînais les pieds et mes guiboles abîmées
J'explorais mon quartier


La voix de Solenn n'était qu'un murmure. Elle entra dans la Grande Salle, la tête dans ses pensées, la tête baissée pour que personne ne la reconnaisse. Mais c'était peine perdue avec ses cheveux. *Raah, maudits cheveux, un jour, oui un jour, vous finirez à la poubelle* Mais pas tout de suite. D'un oeil morne et vide, elle scruta les différentes tables. Les différents élèves. Ils avaient tous l'air heureux, ces p'tits cons. Pourquoi pas elle ? A cause de ces maudits cauchemars. A cause de ce deuil qui maintenant, pesait mille tonnes sur ses frêles épaules. La nuit dernière avait été une catastrophe. Elle s'était réveillé en criant, embêtant toutes ses compagnes de dortoir. Rien qu'en y pensant, ses joues prirent feu. Elle s'en voulait tellement. Elle savait très bien que ses pleurs les avaient réveillé aussi, même seulement une seule fois. Et ça lui bouffait le cœur et le cerveau. Une ligne de plus à ajouter dans la liste "Pourquoi Solenn Cooper ne va pas bien ?" Elle passa à côté d'un Serdaigle qui explosa de rire suite à une blague d'une fille. Les yeux de la Serpentard fusillèrent ce bonheur. Elle ressemblait bien au cliché du Serpentard. Tant mieux. Une chose de moins à enlever de la liste. 

J'traînais des pieds dans mon café
Les vieux à la belotte braillaient
Papi, mamie, tonton André et toutes ces pépées
A mes p'tits soins, à m'pouponner


Elle chercha une place seule à la table des vert et argent, mais à cette heure, tout le monde mangeait, et la rousse dû s’asseoir au milieu d'enfants heureux. Solenn avait une jolie voix grave. Mais elle ne l'avait jamais montré à personne. Même dans la chorale, elle s'efforçait de toujours jouer de son instrument. Ses cordes vocales continuaient de vibrer. Car elle vivait. C'était ce que lui avait p'tite Lune, et c'était ce qu'elle devait croire. Car p'tite Lune, elle, elle avait toujours raison. Solenn n'avait pas faim. Mais manger faisait vivre, donc la deuxième année se servit d'un peu de ratatouille. Autant être nostalgique à fond. Sa mère lui envoyait presque une lettre tout les jours, lui racontant les potins du quartier. Abigail pensait que ça aidait sa fille à penser à autre chose, mais maintenant, elle avait rajouté à sa liste "maman me manque, les voisins horribles aussi". Mais Solenn ne voulait pas embêter sa mère, pas encore une fois, donc elle la laissait lui trouer le coeur, un coup à chaque parchemin qu'elle recevait. Elle engloutit une bouchée de légumes, s'interrompant de chanter, puis recommença, un peu plus fort que l'autre fois.

Ecorché mon visage, écorchés mes genoux
Écorché mon p'tit coeur tout mou
Bousillées mes godasses, bousillé sur ma joue
Bousillées les miettes de nous


La fourchette tapait plus durement dans l'assiette. Le bruit créait comme un écho, alors que Solenn chantait encore un peu plus fort. *Crrrescendo*, aurait dit la professeur de clarinette, avec son accent allemand à couper au couteau. Les dents de Solenn mâchaient plus fort les légumes mous, comme son coeur. Le garçon à côté d'elle n'entendait pas encore sa voix, mais voyait la dureté de ses gestes, et lui lança un regard surpris. Mais Solenn ne voyait rien. Elle était seule, comme dans sa tristesse. P'tite Lune ne pouvait pas tout faire. Elle ne pouvait pas claquer des doigts et rendre heureuse Solenn. C'était à la rousse de faire le boulot, de revivre. Mais elle avait tellement de mal. Il y avait tellement de choses qui n'allaient pas.

La fumée du boeuf bourguignon
Toute la famille tête dans l'guidon
Du temps où on pouvait faire les cons
Les pensionnaires, les habitués, les gens d'passage surtout l'été
Joyeux bordel dans mon café


Elle chantait maintenant normalement, ne se cachait plus. De toute façon, c'était du français, qu'est-ce que les gens y comprendront ? Du charabia, rien de plus. Solenn arrivait si facilement à se persuader qu'elle était seule, comme si son cerveau était malléable, comme la pâte à modeler de son enfance. Le bon temps. Rien à penser, juste à faire attention de pas avoir d'asthme et de bien faire ses devoirs. Si elle avait continué à être malade, sa famille n'aurait jamais déménagé à Londres, et elle serait encore au complet. Si elle n'avait pas été une sorcière, elle aurait continué sa scolarité normalement, aurait continué sa vie avec Lucy, et aurait été heureuse. Qu'avait-elle accompli ici ? Que s'était-il passé ? Seule la rencontre de la brune avait changé sa vie.

Ecorché mon visage, écorchés mes genoux
Écorché mon p'tit coeur tout mou
Balayée la terrasse, envolé le bout d'chou
Envolées les miettes de nous


Crescendo. La voix grave de Solenn dansait dans la Grande Salle, mais peu l'entendaient. Ils riaient tous trop forts. Trop de bonheur. Et on oublie encore Solenn.

Je traîne les pieds, j'traîne mes casseroles
J'n'aime toujours pas l'école


Le garçon à côté d'elle poussa le coude de la fille à côté de lui, lui montrant du doigt la folle qui chantait.

Ecorché mon visage, écorchés mes genoux
Écorché mon p'tit coeur tout mou
Bousillées mes godasses, bousillé sur ma joue
Bousillées les miettes de nous


Une larme coula sur sa joue.

Fin du RPG

Isaac, parcourant les montagnes, avec un pagne dans son sac
septième année rp • filière tronc commun • #9A4002