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05 sept. 2018, 19:57
 PV  крестная мама
01/09/2043

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LA DEUXIÈME ANNÉE



« Tu veux un peu de tarte ? »

Le fil de mes pensées se brisa soudainement. Je détournai les yeux vers mon interlocuteur et secouai la tête en signe de refus, ce qui, étrangement, fit grandir deux taches rouges à la surface de ses joues. Qu’importe. Je n’avais plus faim. Le dîner de rentrée était presque terminé ; on pouvait le voir aux préfets-en-chef, Nora et un nouveau, qui donnaient leurs consignes aux préfets-tout-court. Les derniers préparatifs, sans doute, avant l’évacuation de la Grande Salle.

Je survolai à peine la table du regard, me détournant de celles et ceux qui m’entouraient pour me fixer à la table des professeurs où le professeur Loewy, impériale et belle, occupait la scène comme aucune autre personne — pas même madame Luneau. La revoir après un long été loin de Poudlard me faisait l’effet d’un rayon de soleil sur le visage. D’ailleurs je souriais. Guidé par l’ombre de mauvais souvenirs, mon regard glissait doucement vers la table des Serpentard où, par chance, personne ne semblait me regarder. Tant mieux. Je n’avais que trop goûter à leurs moqueries en première année pour avoir trop souvent défendu le professeur Loewy ou trop cherché à lui ressembler.

« Fantôme-de-Loewy, me murmurai-je comme pour exorciser ces histoires que j’espérais mortes et enterrées, sans grande conviction, car les Serpentard étaient particulièrement doués pour inventer des surnoms douloureux. »

Soudain, les bancs crissèrent, et une foule agitée se mit en branle, direction la sortie. Un instant surprise, je profitai des mouvements de foule désordonnés pour me frayer un chemin à sens contraire. La sortie n’était pas encore pour moi. J’entendis vaguement quelqu’un m’appeler par mon prénom, au loin, mais je fis la sourde d’oreille. J’avais une mission très importante ce soir. Une idée qui ne pouvait pas être repoussée plus longtemps.

L’angoisse me fit m’arrêter sur l’estrade, juste devant la table des professeurs. Juste en face d’Elle. Et si elle refusait ? Je secouai la tête. Non. Pas question.

Je pris une inspiration et poussai ma voix vers le centre de mon attention et le centre de cette table : le professeur Loewy.

« Excusez-moi professeur, j’aimerais vous dire un mot si vous voulez bien m’accorder quelques secondes, dis-je avant de replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille. »

Un signe de ta nervosité grandissante, disait Arcturus.

05 sept. 2018, 22:52
 PV  крестная мама
Le dîner de rentrée prit fin et Kristen eut un sentiment étrange. Avoir passé la soirée assise entre Aude Luneau, sa compagne (sa fiancée ?!), et Marty Lamberts, son éternel rival, lui avait semblé complètement surréaliste. La directrice avait également observé son fils, qui n’avait cessé d’arborer un air hautement satisfait, certainement dû au fait qu’il n’était plus parmi les « petits de Première Année » (il avait haussé le menton à s’en donner un torticolis à chaque nouvel élève réparti à Serpentard, comme s’il était le prince de cette maison). Les trois jeunes gens de la délégation chinoise avaient mangé en compagnie de leur binôme (la table de Poufsouffle se sentait lésée, mais avec les bêtises qu’ils avaient fait l’année passée, c’était mérité) tandis que leur doyen et sa seconde, Hua Cao, n’avaient tout simplement pas assisté au dîner, occupés à préparer la troisième épreuve de la compétition.

Tout le monde quittait la salle et Kristen était aussi en train de se lever pour rejoindre ses appartements et finir la soirée en amoureuses. C’était sans compter sur une petite tête brune qui, armée de tout son courage, était venue se poster devant la table des professeurs. Plusieurs enseignants se tournèrent vers Elena Stoyanov, mais les paroles de la petite fille étaient destinées à Kristen. La directrice regarda autour d’elle. Elle voulut répondre directement mais se ravisa. La présence d’Elena était l’occasion de lui parler comme autrefois, seule à seule. Et surtout, pas de directrice à élève. Certains enseignants prirent du temps à quitter les lieux, pensant qu’ils pouvaient assister à cet entretien ; mais Kristen détestait les murs à oreilles. Après quelques regards insistants de sa part, les adultes qui demeuraient dans la salle prirent la direction de la porte, en même temps que les élèves trop curieux qui attendaient de voir ce qu’il se passerait entre la très fameuse Elena Stoyanov et la directrice de l’école – Owen en faisait partie et quitta la salle à reculons en lançant à Elena des œillades meurtrières. Aude, toujours trop polie, s’en allait déjà : une main sur la taille et un petit murmure lui firent comprendre que Kristen essaierait de ne pas être trop longue.

Les derniers mouvements vers la sortie s’amorçaient quand Kristen, contournant la table des professeurs pour s’approcher de la petite Gryffondor, répondit :

« Je suis contente de pouvoir te parler, Elena. Il y a si longtemps. Je ne t’avais même pas félicitée pour ta répartition dans la maison de Godric. »

En disant cela, elle s'aperçut qu'elle aurait au moins pu lui envoyer quelques lettres. Après un sourire un peu coupable, elle demanda :

« Je t’écoute, qu’as-tu à me dire ? »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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15 sept. 2018, 10:41
 PV  крестная мама
11

LES LIENS FAMILIAUX


Les professeurs quittèrent la Grande Salle sur le regard appuyé du professeur Loewy. Bien que le regard qui lui fut destiné était moins ferme, même madame Luneau consentit à nous laisser seules en tête-à-tête. Je la remerciai d’un hochement de tête, comme une vague excuse à je-ne-savais-quel-grief, puis reportai aussitôt mon regard sur celle à qui je devais tout ou presque. Je sentis mes joues chauffer très fort lorsqu’elle contourna la table pour me plonger dans l’ombre de sa silhouette impressionnante, mais pour avoir un temps partagé son quotidien, je savais que je ne devais pas baisser les yeux, mais au contraire soutenir son regard. Toujours.

« Merci professeur. »

Ma voix trahit un instant mon émotion. La tension qui parcourait mon corps était si grande que j’avais l’impression d’être le bois d’un arc bandé à son maximum. Tous mes muscles me faisaient mal. Mais je n’avais pas le droit de reculer, pas maintenant. Je devais aller jusqu’au bout et affronter le verdict final, quel qu’il soit. Je pris donc une nouvelle inspiration.

« Il m’arrive, parfois, de repenser au couvent de Kostenevo… à ce qu’aurait pu être mon existence si vous n’étiez pas venue me chercher… je… je ne sais pas comment vous remercier pour tout ce que vous avez fait… je le voudrais, mais c’est impossible… je vous serais toujours redevable de m’avoir sauvé la vie… »

Je sentis mes yeux me piquer. Ne comprenant pas trop pourquoi, je fis battre mes paupières et poursuivis en essayant de raccrocher mes paroles au fil de mes pensées.

« … Viktoria dit que j’ai exactement le même regard que mon demi-frère et que je suis parfois aussi secrète que lui… Irina dit que vous étiez son amie, peut-être bien la seule… »

Je ne savais pas pourquoi j’évoquais Arseni, mais mon instinct me dictait de suivre cette voie plutôt qu’une autre.

« … s’il était encore vivant… peut-être que… enfin non ça n’a aucune importance… »

Le moment était venu. Je ne voyais aucune raison de repousser plus longtemps la question qui me brûlait les entrailles.

« Professeur, vous faites partie de ma famille. Pas par le sang, c’est vrai, mais autrement… je nouai mes mains. J’y ai réfléchi tout l’été… et je suis sûr de mon choix, alors nous y sommes. »

Je soupirai et replaçai une mèche derrière mon oreille.

« Voilà, je voudrais vous demander si vous accepteriez d’être ma marraine ? »

22 sept. 2018, 15:59
 PV  крестная мама
La proposition d’Elena ne put que prendre Kristen au dépourvu. Elle chercha à droite et à gauche un regard secourable, mais cette très grande salle était totalement vide. Faire partie de la famille… La famille Stoyanov. Cette idée lui semblait totalement absurde : elle qui n’arrivait déjà pas à gérer l’équilibre de sa propre famille, qu’irait-elle faire en tant que marraine d’une Stoyanov ? Et que penserait Owen s’il apprenait ? D’ailleurs, si elle ne voulait pas parler de son lien avec Owen afin de le protéger, pourquoi en créerait-elle un autre, avec Elena cette fois ? Ces questionnements immédiats laissèrent ensuite leur place au souvenir de la soirée où elle avait affronté Legallet. Et comment elle était encore en vie.

Kristen attrapa entre son index et son pouce la mèche de cheveux blancs au sommet de son front.

« Tu sais ce que c’est ? »

Après cette question rhétorique, elle poursuivit :

« Ce sont les vestiges d’un sortilège de vieillissement instantané. Il m’a été lancé par un mage noir et allait certainement me faire vieillir jusqu’à la mort en quelques secondes. »

Elle leva les yeux vers cette mèche qu’elle tenait encore entre ses doigts et la laissa retomber. Ses yeux bleus fixèrent Elena.

« Je n'ai pas eu le temps de me défendre. C’est le bracelet que tu m’as offert qui m’en a sauvée. Je ne te l’ai pas dit car j’ignore pourquoi et comment la magie d’une enfant contenue dans ce bijou a pu réagir face à l’imminence de ma mort. »

Elle baissa la tête mais ses yeux sondaient toujours la petite fille. A l’époque, Elena ne savait pas contrôler sa magie. Comment avait-elle pu créer un objet de cette ampleur magique ? Était-ce justement parce que ce n’était pas contrôlé ? Était-ce un sentiment de reconnaissance si puissant qu’il avait pu contrer la haine de Legallet ? Kristen n’avait aucune explication plausible à ce phénomène.

« Tu ne m’es redevable de rien. Au contraire. »

Kristen évitait cependant de répondre à la question d’Elena : acceptait-elle d’être sa marraine ? Elle n’en savait rien. Alors, pour le moment, elle ne dit rien.

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03 oct. 2018, 19:31
 PV  крестная мама
La mèche de cheveux blancs. Le sortilège de vieillissement instantané. Le regard bleu azur. Le bracelet. La mort imminente. L’absence de réponse. Elena enregistra toutes ces informations sans omettre le moindre détail. Elle cligna des yeux une fois, puis deux, avant de comprendre que le silence assourdissant lui suggérait de parler. Nouveau clignement. Elle se sentait bête mais n’en avait pas l’air. Qu’attendait-on d’elle ? Que devait-elle dire pour paraître intelligente ?

Un sourire naquit sur ses lèvres après la traversée du désert. Oui, elle finit par trouver ses mots.

« Vous avez besoin de temps pour réfléchir. »

Elle réprima un frisson en entendant un froissement de plumes dans son dos.

« Je peux attendre. »

Elena pivota ; ce qui était le signe que ses angoisses s’étaient évaporées avec sa question. La réponse ne viendrait pas plus ce soir que demain. Elle ne viendrait peut-être même jamais. Mais l’absence de réponse ne signifiait pas un refus. Le silence était roi. Quand on a rien à dire, on ne dit rien. C’était aussi simple que ça.

L’esprit d’Elena s’était rabattu sur le bruit qu’elle avait saisi un bref instant plus tôt. Une fuite en avant. L’ombre de Feuxnoyr, ce fidèle compagnon dont elle n’avait pu goûter la présence depuis un an, glissa sur elle alors qu’il survolait la Grande Salle vidée de sa vie communautaire. Elena gardait ses yeux levés pour suivre sa trajectoire. Elle tendit son bras au moment opportun où la créature magique fondit sur elle en quête d’un perchoir. S’en suivit un échange de regard, un front contre front, et les coups de bec qui appelaient aux caresses bienvenues. Elena s’exécuta en faisant preuve d’une incroyable délicatesse.

« Je viens de demander au professeur Loewy si elle voulait bien être ma marraine, murmura-t-elle au phénix qui darda aussitôt ses prunelles ambrées sur Kristen Loewy. Elle réfléchit, ajouta-t-elle comme si cela réglait définitivement l’affaire. »

Feuxnoyr avait beau être dans l’incapacité de se faire comprendre, son regard n’en demeurait pas moins vivant. Il exprimait un mélange saisissant de sagesse et de dureté.

« Viens, ne la dérangeons pas plus. »

Elena reporta ses yeux noisette sur Kristen Loewy.

« Vous m’avez accueilli sous votre toit pour les six prochaines années. Si la réponse vous vient dans ce laps de temps, vous saurez où me trouver. »

Satisfaite — bien qu’elle ne savait pas vraiment de quoi — Elena salua l’impressionnante directrice de Poudlard et se dirigea lentement vers la sortie en échangeant quelques tendresses avec Feuxnoyr. A mi-chemin, elle eut le chic de se retourner, piquée par un détail qu’un compartiment de sa mémoire venait de lui restituer :

« Vous avez la voix de ma mère. Sa chaleur, ses notes régulières, sa force. C’est tout ce dont je me souviens quand je pense à elle. J’ai pensé à vous protéger comme ma propre mère quand j’ai imaginé le bracelet dans un coin de ma tête. »

Elle détacha son regard des yeux bleus.

Elena aurait aimé pouvoir en faire autant avec sa mère.

06 oct. 2018, 16:47
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Plantée au bout de la Grande Salle comme un piquet de golf, Kristen avait les bras pendants le long de son corps. Elle observa le phénix sans comprendre, et Elena sans comprendre. Comment une petite fille pouvait-elle à ce point prendre sur elle ? Kristen était à peu près sûre que sa réaction – ou plutôt sa non réaction – n’avait pas été appropriée. La réaction immédiate d'Elena lui avait semblé bizarre. Peut-être un peu froide. Et maintenant, Elena partait, tout simplement. Parce que les adultes ont besoin de temps pour réfléchir, parce qu’ils ne veulent pas être dérangés par les enfants. Mais Elena se trompait : elle ne la dérangeait pas. Elle prenait simplement Kristen au dépourvu. Et les mots sur sa mère n’arrangèrent rien.

« Elena, fit-elle en réduisant la distance qui les séparait de quelques pas. »

Elle attendit. Elle sentait qu’elle ne pouvait pas simplement la laisser partir comme ça ; les enfants ne pouvaient pas partir comme ça. Ce ne serait pas correct. Mais que dire ? Elle soupira.

« Tu ne me déranges pas. »

Elle ne pouvait malgré tout pas lui répondre maintenant. Kristen prenait sa proposition très au sérieux, même si elle n’en comprenait tout à fait les enjeux. Il lui fallait y penser, évaluer ce qui serait le mieux, non pas pour elle, mais pour Elena.

« Que dirais-tu de passer me voir pour boire un thé et manger des scones, en fin de semaine ? »

Comme avant.

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09 oct. 2018, 10:17
 PV  крестная мама
13.


Feuxnoyr s’est ébroué, faisant scintiller ses plumes grenat. D’une simple impulsion, qui a baissé mon bras, il s’est élancé vers le hall d’entrée, tel un éclaireur, ses ailes majestueuses déployées à leur maximum. Je l’ai vu entamer une vrille puis disparaître de mon champ de vision.

Nous étions de nouveau seules, le professeur Loewy et moi.

Mes yeux étaient dirigés vers le sol sans réellement le voir. Je me faisais le film de ce qu’était mon quotidien à l’époque où le professeur Loewy m’avait recueilli, un peu avant qu’elle ne m’amène dans ma famille.

Je me souvenais parfaitement du thé. Une institution chez le professeur Loewy. Un moment de partage qu’elle voulait simple, sans excès ; souvent le théâtre de discussions légères, loin de nos préoccupations communes. Un moment que j’aimais. Mais quel moment n’avais-je pas aimé en sa compagnie ?

De retour ici, le silence qui régnait dans la Grande Salle me dérangeait. Un espace aussi grand ne méritait pas d’être aussi silencieux. On avait tout de suite l’impression que quelqu’un d’important était mort ici.

Alors j’ai relevé la tête et je lui ai souri.

« Comme avant. »

… avant que la vie nous éloigne l’une de l’autre.

« Oui, avec plaisir. »

Je réfléchissais déjà à la façon de me glisser jusqu’au bureau du professeur Loewy sans attirer l’attention.

« Dimanche, à l’heure du thé. »

Il n’était plus question qu’on m’appelle Fantôme-de-Loewy.