C'était le réveillon, aujourd'hui ! J'aurais dû me trouver dans mon village de Tintagel, entourée de ma famille, comme cela avait été le cas chaque année depuis ma naissance, mais non j'étais ici, dans ma nouvelle école. Je n'avais pas vraiment compris les raisons qui avaient poussé mes parents à me laisser ici à Noël, du moins, je n'avais pas envie de les comprendre. J'étais en colère et frustrée qu'on change ainsi mes habitudes, sans me consulter avant, peut être avec le temps, les comprendrais-je mais en ce moment clairement pas. J'étais restée la plupart de la journée, dans mon coin, dans le dortoir, préférant lire et m'avancer sur mon travail scolaire.

J'avais reçu dans le courant de l'après-midi, un message de la part de Celo, qui m'invitait à manger ensemble au réveillon avec certains de ses amis. J'étais heureuse, il faut dire que malgré la grisaille, je savais que lui seul était capable de me remonter le moral. Il était sans conteste ma plus belle rencontre au château. Je me souvins encore de ce jour, où je l'avais rencontré. C'était une journée pourrie de chez pourrie et lui, en un clin d’œil, il avait su ramener le sourire sur mon visage. Depuis ce jour, notre relation avait grandement évoluée, il était mon rayon de soleil. Fille unique, je crois que j'avais enfin trouvé en lui, un confident, une relation proche de ce qu'on pourrait trouver entre un frère et une sœur. Je savais donc que ce soir là, il trouverait les mots comme toujours pour me faire rire et réchauffer mon cœur. En plus, c'était l'occasion d'enfin rencontrer un de ses grands potes, Clément Downing. Il m'avait parlé brièvement de lui, et j'avais senti qu'un lien fort les unissait. Si ce Clément était l'ami de Celo, il devait forcément être quelqu'un de bien ! Du moins, je l'espérais fortement !

Quelques instants avant l'heure du rendez-vous, je fis ma toilette afin de me préparer pour l'occasion. Je me dirigeai vers la grande salle qui avait été spécialement décorée pour l'occasion. C'était splendide, à tel point quand un instant mes tracas s'envolèrent. L'esprit de Noël était là, j'avais hâte de découvrir les mets délicieux qui nous seraient servis. Je cherchai du regard mon frère de cœur, gourmand comme il était, il devait déjà être là. Je l’aperçus, non loin d'une cheminée, comme si à sa manière, inconsciemment, il avait voulu me donner un peu de mes chères traditions familiales.

Je me dépêchai de le rejoindre, lui fit un doux bisous sur la joue et m'écriai :
- Coucou, my sun ! Comment vas-tu ?

Je m’assois à côté de lui et continue :
- Ils ne sont pas encore arrivés tes amis ? J'ai en tout cas hâte de voir ce qu'on va manger ! Je suppose que toi aussi, vu le goinfre que tu es.

Je le regarde et ne peut m'empêcher de lui sourire. Cet aiglon est un ventre sur patte, il adore manger, son appétit vorace me fait toujours délirer. Bref, ses amis ne sont pas encore là, j'espère que je vais bien m'entendre avec eux. Hâte de voir ça !

Plus qu'un seul jour avant Noël, le jour de l'année que les élèves de Poudlard attendaient sans doute le plus. Tous les habitants du château de Poudlard étaient agités à la simple idée de pouvoir passer le réveillon et de recevoir des cadeaux de Noël le lendemain. Vraiment tous ? Non. Pour la première fois depuis qu'il était capable de s'en remémorer, Clément Downing ne ressentait aucune excitation à l'approche des fêtes de fin d'année. L'enfant, qui pourtant avait tant aimé les années précédentes recevoir des cadeaux de la part de ses amis et sa famille ne voulait guère en recevoir cette année. Étrange, non ? La raison de cette perte d'appétence pour Noël était qu'il avait toujours considéré cette fête comme une fête familiale, et désormais, sa famille n'était plus entière. En mai de l'année dernier, le garçon de douze ans avait compris que les lettres qu'il recevait depuis des années de son père parti à l'étranger étaient en réalité écrites de la plume sa mère. Ce terrible secret révélé avait rendu la relation mère-fils tendue et Clément l'avait évité dès lors, préférant passer les vacances d'été chez de la famille à Londres, puis dans le Sud de la France. À Poudlard, il oubliait grâce à la présence de ses amis cette terrible peine, mais les fêtes arrivant, le souvenir douloureux de cette trahison s'était de nouveau ravivé. 

Un jour avant Noël, et ses amis avaient déjà remarqué qu'il était particulièrement irritable et grognon. Seule Ennis connaissait le mal qui le rongeait puisque Clément lui avait eu le courage de lui en parler cet été, au travers des lettres que les deux enfants s'échangeaient. Le matin-même, le Gryffondor avait été arrêté sur le chemin de la Bibliothèque par Celo Venesi, un garçon de Serdaigle qu'il avait rencontré l'année dernière et avec qui s'était rapidement noué d'une amitié sincère, pour qu'il lui promette de se rendre au réveillon de Noël avec lui et quelques amis. Seule la promesse de le rejoindre le soir-même pour le réveillon fit partir son ami pour que Downing puisse enfin aller étudier. Pourquoi était-ce si important qu'ils prennent le repas ensemble ? Arrivant dans son lieu de prédilection pour réviser, l'adolescent retrouva sa meilleure amie Ennis et passa une bonne partie de la journée avec elle à travailler. Même si le château était en vacances, les deux enfants ne relâchaient pas leur rythme de travail. Le soir arrivant finalement, le garçon avait proposé à son amie de le suivre pour aller dîner avec Celo et ses amis.

Discutant de ce qu'ils avaient révisé aujourd'hui, Clément ne vit pas le temps passer et en quelques secondes, il se retrouva à l'entrée d'une Grande Salle en partie métamorphosée pour l'occasion. D'imposants sapins avaient été dressés de part et d'autres de la salle, et de jolies décorations les ornaient. Un détail sauta rapidement aux yeux de Clément : de la neige tombait dans la Grande Salle mais disparaissait avant même de toucher quoi que ce soit. Le plafond enchanté de la salle avait décidé de régaler les yeux des enfants pour la soirée ! Repérant rapidement son ami sur une des longues tables, le Gryffondor le rejoint rapidement à grandes enjambées, suivit de près par son amie. Mais Celo n'était pas tout seul. Une fille de Première Année, une Serdaigle, avec qui il l'avait vu traîner cette année était déjà présente.

- « Désolé pour le retard Celo, on n'a pas vu le temps passer à la Bibliothèque. » commença à dire Clément avant de se tourner vers la jeune fille et de lui sourire : « Tu dois être Dawn, non ? Celo m'a beaucoup parlé de toi ! »

Quand Clément avait annoncé à Ennis qu'il comptait resté à Poudlard pour les vacances de Noël, elle n'avait pas réellement eut besoin de plus d'explications pour comprendre. Après tout, qui voulait vraiment rester à l'école pour les fêtes? Il fallait une sacrée bonne raison pour fuir ainsi sa famille. Et celle du garçon était le besoin impérieux de se tenir au plus loin de sa mère. L'irlandaise elle, avait fait le choix de rester pour son ami, invoquant auprès de ses parents des sessions de révisions communes qu'ils avaient planifiées. Ce n'était pas un réel mensonge de toute façon, puisque les deux pré-adolescent travaillaient effectivement ensemble tous les jours. Il n'était nul besoin de préciser à sa mère qu'ils le faisait depuis septembre - vacances ou pas. Seul l'aîné de ses frères avaient chercher à creuser un peu plus, mais par hiboux interposés il n'avait pas pu obtenir plus d'informations.

Depuis le début des congés donc, de façon quotidienne, les deux Gryffondor partaient à la bibliothèque pour se pencher sur l'un ou l'autre de leurs devoirs. Parfois la même matière les occupait, mais pas toujours. Et c'était bien ça qui était agréable pour eux. Ils n'avaient pas réellement besoin de communiquer, sauf question impérieuse ou avis nécessaire. Et jongler des potions à l'astronomie ou de l'histoire à la botanique ne leur posait pas réellement de problème. Bien entendu ils s'octroyaient des moments de pause de temps en temps. Leur meilleur moment d'oxygénation avait été un tour en balai mêlé de courses poursuites et de bousculades. Ils avaient sacrément ri mais n'avaient pas réitéré l'expérience pour continuer sur le rythme studieux et reprendre les cours à jour, ou mieux; en avance.

Le jour du réveillon de Noël ne fit pas exception. La bibliothèque était encore plus calme que ce qu'elle ne l'était depuis le premier samedi, et Clément avait du retard. Il aurait certainement croisé quelqu'un en route. Ils passèrent des heures penchés sur livres et parchemin sans voir les heures ni les minutes s'égrainer. Ils en loupèrent le repas de midi et seule la baisse de luminosité les tira de leur besogne. Remballant leurs affaires, Clément l'invita à venir manger le repas de fête avec lui et Celo, un Serdaigle de leur année dont Ennis se souvenait bien. Elle n'arrivait pas vraiment à savoir quoi penser de lui. L'irlandaise avait été profondément marqué par le malaise qui l'avait saisi en première année alors que l'italien irradiait de magie, lui coupant le souffle au passage. Bien entendu, elle savait que Clément l'appréciait mais en conséquence de cette première expérience, elle n'avait pas réellement été tentée de se retrouver à nouveau aussi proche du bleu et bronze.

Mais là, apparemment, ils seraient plusieurs pour manger et non lancer des sorts. Le risque d'accident était donc moindre et elle accepta. Plusieurs minutes plus tard, ils se retrouvaient dans la Grande Salle richement décorée pour l'occasion. Mais qui pouvait bien avoir accroché autant de décorations supplémentaires en une journée? Les elfes certainement, et quelques professeurs sans doute. Ennis se perdit dans son admiration, remarquant au passage la neige qui tombait. Cela signifiait-il que c'était aussi le cas à l'extérieur? Si oui, c'était tout bonnement une bonne nouvelle. Perdue dans sonn observation, elle suivit son acolyte avec un temps de retard. C'est qu'il avait allongé le pas et qu'il était grand par rapport à elle, dix bons centimètres. Mais elle réussit à le rejoindre avant qu'il ne salut Celo et son amie qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Heureusement l'anglais avait fait en sorte qu'elle ne se retrouve pas bête devant les deux autres élèves et elle ne pouvait que lui en être reconnaissante. Merci l'éducation sorcière.

- "Bonsoir Celo, on était pris dans nos essais..." commença-t-elle en ponctuant sa phrase d'un sourire fin.

- "J'espère qu'on est pas en retard." Elle comptait sur le fait qu'il savait qui elle était. Les deux bruns en aurait certainement discutés et puis, ils étaient dans la même classe. Elle se tourna ensuite vers la fillette à ses côtés:

- "Je suis Ennis O'Belt. Enchantée."

La magie de Noël. Eider n'avait jamais rien ressenti de magique à cette période de l'année. Elle ne parvenait pas à mettre de mots ou une émotion particulière sur cette atmosphère que tout le monde semblait apprécier. Dans sa famille, Noël était un jour comme les autres. Il n'y avait rien qui sortait de l'ordinaire. Ils n'étaient jamais au complet, il n'y avait pas de décorations et les cadeaux se faisaient rares voire inexistants. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, Eider n'accordait que peu d'importance au fait de passer les vacances à Poudlard. Personne n'avait pris la peine de se libérer pour la fillette, tous étaient en déplacement.
Après quelques jours passés au château, la jeune Serpentard était même plutôt ravie de la tournure des événements. L'école était déserte et elle pouvait pleinement profiter de sa salle commune et de la cheminée sans avoir à se déplacer jusqu'à la bibliothèque pour travailler. Cela lui rappelait une séance de cours particuliers qu'elle avait eue l'année précédente avec Antony Vendrale et d'autres élèves de sa maison. Cependant, là elle était au calme et pouvait avancer à son rythme. La jeune Dawkins devait même reconnaître que, sans les bavardages incessants de ses camarades, les clapotis du Lac étaient agréables à l'oreille, mélodieux et apaisants. Ils apportaient une sorte de fond sonore ainsi que des reflets lumineux sur les murs, donnant une ambiance paisible à la salle commune, ce qui était loin d'être déplaisant.

Sortie de ses parchemins par les gargouillis de son ventre, Eider rassembla ses affaires vers un coin de la table. Elle garda néanmoins avec elle son manuel de potions et le cala contre son flanc. Ce ne serait sûrement pas très productif que de le lire pendant le repas mais c'était toujours mieux que de ne rien faire, d'autant plus qu'elle ne pourrait y observer personne.

Livre sous le bras, Eider pénétra dans la Grande Salle effectivement vide, enfin presque. Quelques élèves y étaient attablés et notamment un petit groupe parmi lequel elle reconnut Clément, Ennis et le garçon du match de Quidditch. *On va aller le plus loin possible.* Hors de question pour elle de se mettre près de leur table, ces derniers temps elle appréciait encore plus la solitude. C'était depuis les vacances d'été que cette envie s'était accentuée. D'ordinaire solitaire et distante, la venue d'Audric et les révélations qui s'en étaient suivies avaient renforcé sa carapace de glace. D'ailleurs, si son père était reparti en France, ce n'était peut-être pas pour le travail comme il l'avait prétendu. Peut-être avait-il prévu de passer Noël en compagnie de son fils. Eider n'avait aucun souvenir d'avoir déjà partagé de tels moments avec lui. En fin de compte, il n'était qu'un inconnu à ses yeux, un simple homme qui demandait l'hospitalité lorsqu'il était de passage. L'avait-elle même déjà appelé papa ?

Ses pas la guidèrent à travers le lieu vers une place libre.
Une table et deux rangées ; telle était la distance qui la séparait des quatre élèves. La fillette avait encore la possibilité d'ajouter quelques mètres de plus en s'asseyant à la place en face. Ce déplacement en valait-il vraiment la peine ? Une table supplémentaire ne saurait agir comme une forteresse. Tant pis, elle allait se contenter de son emplacement actuel. Pourquoi voulait-elle tant s'éloigner d'eux, ce n'était pas comme s'ils allaient vouloir passer du temps avec elle après tout.
Une fois assise, Eider leur tournait définitivement le dos. Elle posa son manuel de potions à sa gauche et l'ouvrit à une page au hasard. Elle mit son menton entre ses mains et parcourut les lignes des yeux. Ainsi, la petite brune attendait le début du repas pour qu'enfin son estomac cesse de faire des siennes.

Les deux Serdaigle ne semblaient pas tenir rigueur à Ennis et Clément d'être arrivé avec un peu de retard, ou du moins ils ne le disaient pas. Le Gryffondor savait très bien que Celo avait dû fournir un effort impressionnant pour ne pas jeter son dévolu sur la nourriture en les attendant. Après tout, il s'agissait du réveillon de Noël et les mets présentés sur la table étaient tous plus fabuleux les uns que les autres. Du saumon fumée, de la tarte au potiron, de la confiture d'airelles, de la dinde aux marrons, du pudding de Noël et d'innombrables autres plats que le Deuxième Année était incapable de nommer. Une chose était sûre : les elfes de maisons s'étaient dépassé et avaient voulu faire une sacré surprise aux habitants du château.

S'installant sur un banc avec Ennis en face de Celo et de Dawn, le repas pouvait dès à présent commencer. Il s'empara de plusieurs toasts à la gelée d'airelles et s'apprêtait à les manger lorsque le Serdaigle l'interrompit dans son élan et demanda qui était la fille toute seule à la table de Serpentard. Le toast à cinq centimètres de sa bouche, Clément dut se résigner à le poser et fit pivoter son tronc pour regarder dans la direction indiquée par son ami. Plus loin, sur la table habituellement réservée à la maison verte, se trouvait une fille seule. Une coupe carré de Yorkshire, le dos voûté. Même si la fillette était de dos, elle sentait la mauvaise humeur à plein nez. Il ne pouvait s'agir que de Eider Dawkins. Que faisait-elle ici durant les vacances ? Le Gryffondor pensait qu'elle rentrait chez elle durant les vacances.

- « C'est Eider Dawkins, une fille de notre année. » dit Clément sans rien dire de plus.

Si Downing avait été un minimum empathique, il serait probablement allé la voir pour lui proposer de partager ce repas avec eux. Mais l'empathie et le jeune garçon faisaient deux et pas une seule seconde il eut pensé à l'inviter à leur table. Comme si de rien n'était, il engloutit les toasts qu'il avait attrapé.