Elle a visé juste. 
Dans ma colère, je n'ai pas eu le temps de réfléchir aux conséquences. Quel débile. 
Je suis quelqu'un de très ambitieux, je ne veux pas me contenter d'un petit poste au ministère à devoir supporter les engueulades de quelqu'un plus haut placé de moi. Je veux un métier qui me procure du confort, et peut-être un peu de pouvoir. Je ne peux me permettre d'avoir du retard dans mes études. 
Stupide loi que celle qui interdit l'usage de la magie à un enfant en dehors de Poudlard. Sans ça, tout serait tellement plus simple. 

Je suis borné, je sens que je ne peux rien faire, mais je n'arrive pas à l'accepter. Je creuse mon esprit à la recherche de solution. Papa et Maman vont accepter mon choix, nous déménagerons vers un autre pays où les mineurs peuvent utiliser la magie. Oui, voilà, ça pourrait se passer comme ça. 
C'est une mauvaise idée, ça va mal se passer.

Je ne veux pas être réduit à être l'égal d'un Cracmol, encore moins d'un moldu. Je suis assez doué en magie, j'ai de l'avance sur mes camarades. Il faut dire que pour ça, je travaille énormément, puisque le travail est la seule chose qu'il me reste. Si avec Papa et Maman, et pis Charles même, on part, alors je pourrais continuer à m'entraîner.
C'est une mauvaise idée, ça va mal se passer.

-"Thomas Barckeley, 21, Ignata Wildsmith Street, Godric's Hollow. Voilà où vous devez envoyer votre lettre.

On sent clairement dans mon ton que je ne suis plus si sûr de moi. Que je doute, que j'ai peur.
Et dire que j'étais venu chercher de l'aide. J'aurais préféré qu'elle m'ignore tout simplement. 
C'est quelqu'un de très cruelle, et je n'aurais jamais du m'y frotter, je ne suis pas encore prêt pour ça, je ne suis qu'un gosse que je le veuille ou non. Je n'ai pas encore les capacités cognitives d'un adulte, et l'éloquence d'un puissant sorcier. Je ne suis qu'un gosse...

-Je... Jamais je serais un cracmol, je ne laisserai pas ça arriver, mê-même si j'dois partir de l'école. Je suis pas qu'une petite chose."

Je ne sais pourquoi, cette formule qu'elle a utilisée m'a profondément marqué. Sûrement car elle relativise la grandeur que j'aime porter à mon esprit. Je ne suis qu'un petit amas de chair, de sang et d'os, plus petit que les autres. J'ai des mains lisses et petites, une voix encore aiguë qui a du mal à porter et des jambes courtes et fines, que n'importe qui d'assez costaud pourrait briser en un rien de temps. Pourtant, quand je pense à ce que je suis, je vois Grand. Quand je m'imagine plus tard, je suis Grand.  Je veux la Grandeur. La Démesure de ma Grandeur.
Pourtant, maintenant, je pense que c'est une mauvaise idée, que ça va mal se passer.

Kristen écouta davantage le nom de famille du gamin que l'adresse qu'il lui avait fournie. Elle n'en avait cure, à vrai dire, puisqu'elle n'avait nullement l'intention d'envoyer la moindre lettre aux parents de l'enfant. De Barckeley. Honnêtement, elle n'avait pas que cela à faire : et de toute évidence, ce mètre-douze ne savait pas ce qu'il voulait : il devait être si têtu qu'il ne voulait pas admettre qu'il était dans l'erreur. Comme un enfant, en fait. Comme les autres dont il se sentait si différent.

Quant à ce qu'il affirma par la suite, la directrice de Poudlard n'y prêta pas tellement plus d'attention : il ne suffisait pas de dire qu'on ne serait pas qu'une petite chose, il fallait d'abord cesser d'agir et de penser comme telle. Ce qui n'était pas encore le cas de ce Barckeley. Il n'avait pas acquis suffisamment de hauteur d'esprit, ne serait-ce que pour supporter un environnement qu'il jugeait médiocre - et en ce sens, donc, il faisait partie de cette médiocrité.

« J'en prends bonne note, fit-elle simplement, et ses mots sonnaient plus comme une sanction que comme une approbation. »

Après une brève inspiration,  elle tourna les talons une bonne fois pour toutes, ajoutant comme pour souligner le fait qu'elle avait été dérangée :

« Bonne nuit, Monsieur Barckeley. Oh, ou plutôt : bonne journée. »

Et Kristen Loewy s'en fut, décidée à se coucher et dormir pour quelques ridicules petites heures, aidée par la potion pour un sommeil sans rêves qu'elle avait recommencé à prendre depuis quelques temps ; car mieux valait une nuit noire qu'une nuit blanche.

"-C'est ça..." Je murmure.

Je la regarde s'éloigner, inexpressif. Quel genre de grande personne est-elle? Je n'en avais jamais rencontré des comme ça. La plupart des adultes se comportent de façons puériles  avec les enfants. Elle non, elle est odieuse. Je doute qu'elle se comporte comme ça avec les autres adultes. 
J'ai la certitude qu'elle ne fera rien et que je n'aurais plus jamais affaire à elle. Tant mieux.

Un jour, c'est moi qui lui parlerai comme ça, quand elle ne sera plus qu'une vieille croulante. Je la regarderai droit dans les yeux, et tout ce que je verrai c'est de l'impuissance. 
Je me dis qu'il est bien dommage d'être venu à Poudlard à une période où c'est elle qui dirige. J'aurais préféré venir à l'époque d'Erin, ou alors à l'époque d'un de ces illustres directeurs dont on entend encore parler, comme Dumbledore par exemple.  
Mais je sais que si je pense ça c'est uniquement parce que je suis vexé, et parce que d'un côté je pense qu'elle a raison. Je ne suis pas encore assez mature. Je me surestime. 

Finalement cet "entretien" m'aura permis de me rendre compte que je me fiche du Miroir. En fait je me fiche d'être heureux, je me fiche des autres, je me fiche de cet endroit. Je suis encore dans l'enfance, tout ce que je dois faire, c'est préparer mon futur. Un futur grandiose. Malheureusement, c'est ici que je peux le préparer, tant pis. Je supporterai. 
Dans deux ans, Charles viendra à Poudlard, alors nous serons comme à la maison.

Je pénètre dans la grande salle, heureux de pouvoir prendre mon petit-déjeuner tout seul. Seul pour les sept prochaines années.