Mercredi 6 janvier 2044 
5h36

Dortoir.

Je me suis redressé sur mon lit. 
Mauvais rêve, une habitude. Mon pyjama est humide de sueur. Je respire, parfaitement immobile. Me demandant si je dois me rendormir ou réfléchir.
Mes yeux s'habituent petit à petit à l'obscurité, et j'arrive à mieux distinguer le dortoir qui baigne dans la lumière verte du lac. J'observe calmement mes camarades qui dorment. La façon dont je le fais pourrait presque être qualifiée de malsaine. Alors que cette pensée tinte dans ma tête, je me décide à me lever, non sans bailler de manière outrancière.

Sous la douche, je repense à Erin. Ce qu'elle ma dit raisonne toujours, ça fait vibrer ma caboche. Je dois tenter d'être plus heureux ici. Faut que j'aime Poudlard, sinon ça sert à rien de me lever tous les matins.
Le problème, c'est qu’apprécier quelque chose ça ne se commande pas. Si je veux aimer Poudlard, je dois d'abord comprendre pourquoi je le déteste autant. Bien sûr, des explications quant à ça, j'en ai des dizaines, pourtant elles ne me conviennent pas totalement, il manque quelque chose, de la profondeur.
Si seulement je savais ce que je voulais vraiment...

Sur cette pensée, j'arrête l'eau de la douche. Ma tête est baissée et mes bras ballants. Je laisse l'eau goutter de mes cheveux et de l’extrémité de mes doigts. Plouc, Plouc. Je reste ainsi pendant cinq bonnes minutes. Quelle drôle d’atmosphère. 
Seul dans la nuit et ma réflexion. 

5h51

Je me suis décidé en m'habillant. Le miroir du Riséd.
C'est comme ça que mes parents l'ont appelé. Il s'agit d'un miroir qui montre à celui qui s'y reflète, ce qu'il désire le plus. Je ne peux pas espérer mieux. Malheureusement je n'ai aucune idée d'où le trouver. Je sais qu'il est à Poudlard car mes parents en en parlant ont mentionné le fait que durant leur scolarité beaucoup d'élèves étaient partis à sa recherche. "Ça ne m'étonnerait pas que Loewy en ait chopé un morceau" avait rajouté mon père. Où l'aurait elle trouvé? Je n'en sais rien, Charles n'arrêtait pas de gémir et je n'entendais pas grand-chose.
C'est à elle que je dois le demander. Directement. 

Mais elle est tellement inaccessible... Ça ne m’étonnerait même pas que des élèves aient fini leur scolarité sans avoir jamais échangé un mot avec elle. 

Grand escalier - 6h10


Pourtant je descends une à une les marches du grand escalier pour me diriger vers la grande salle. J'ai ouïedire par un grand que suite à la disparition de Montmord, Loewy sort la nuit pour renforcer les protections de Poudlard. je ne pensais pas que c'était grave à ce point-là, je pensais simplement qu'elle était malade ou que sais-je. Je dois avouer que je ne m'intéresse pas vraiment aux histoires du château, et je ne suis pas du genre à écouter les rumeurs. De ce fait, je suis souvent le dernier au courant pour les choses importantes. Mais pas cette fois. 
Cette fois, je compte bien profiter d'un ragot de couloir pour pouvoir parler à Loewy. 

Si je suis dans le grand escalier alors que ma salle commune se trouve dans les sous-sols, c'est parce que je suis allé dans la tour d'astronomie. Je fais le chemin inverse, du bureau de la directrice jusqu'au parc, je pense que c'est ainsi que j'aurais le plus de chances de la croiser.

C'est la première fois que je me balade dans un château quasiment vide. Tout est silencieux si ce n'est le bruit de mes pas et le ronflement des tableaux. J'aimerais que ce soit toujours ainsi, pas d'élèves, pas de rires, pas d'idioties. Juste moi et Poudlard. Je suis alors sûr que je l'apprécierai ce château.

J'arrive enfin en bas des escaliers. J'entends les Grandes Portes s'actionner et des pas. Je presse les miens. 

Hall d'entrée.

Elle est là. De loin je dirais qu'elle est... fatiguée, anxieuse? Je ne peux pas le dire.
Je suis quelque peu impressionné de me retrouver seul avec elle. Mais très vite je me reprends. C'est ridicule d'être impressionné par quelqu'un. Personne n'est assez méritant pour être impressionnant. 
C'est tout de même avec tâtonnement que je l'interpelle. 

-"M'dame ! Je crie.

Je me rapproche alors d'elle. Dans ma course, je mets mes mains dans mes poches.
Arrivé à sa hauteur, je la regarde quelques instants en levant la tête. Cette situation est inconfortable, je n'aime pas me sentir dominé physiquement parlant. Ne le supportant plus, je penche ma tête vers le bas, en regardant sur le côté. C'est donc sans regarder la femme que je lui parle. 

-Bonjour M'dame. J'aurais besoin de votre aide si vous l'voulez bien. Je cherche quelque chose."

Ma poitrine se serre. Elle n'a pas la réputation d'être quelqu'un de très joviale. je vais devoir faire avec. Je me balance sur mes jambes, mes talons et mes pointes de pieds quittant le sol les uns après les autres. Je ne peux plus reculer. 
Pour être heureux, je dois savoir ce que je Hais. Pour savoir ce que je Hais, je dois savoir ce que veux.

Épuisée. Kristen Loewy pointa sa baguette sur sa main, prononça la formule du Sortilège d'Eau et s'humidifia le visage, espérant que ce petit rafraîchissement l'aiderait à se sentir moins fatiguée. De toute façon, elle ne tarderait pas à retrouver son lit, enfin... alors que le soleil n'était plus qu'à deux ou trois heures de route. Elle avait toujours été particulièrement rigide sur la sécurité de Poudlard, mais dernièrement, cette lubie s'était aggravée. Il fallait dire que les événements de ces derniers mois ne l'avaient pas aidée à s'apaiser de ce côté-là.

Elle marcha vers le château, trop fatiguée pour transplaner directement jusque devant ses appartements. Risquer le Désartibulement aurait été de trop pour cette interminable journée. Monter tous ces escaliers serait sans doute un long calvaire, mais elle n'était plus à ça près...

Le grincement de la porte d'entrée, quelques pas, et... une forme, devant. Une toute petite forme, à vrai dire. Elle regarda sa montre. Il n'était pas si tard que cela : qu'est-ce qu'un élève faisait ici, de si bon matin ? Lorsque le jeune garçon l'interpela, la directrice de Poudlard au dessous des yeux boudinés haussa un sourcil de surprise. Etait-ce une blague ? Une hallucination provoquée par la fatigue ? Six heures du matin, et "bonjour, je cherche quelque chose, vous pouvez m'aider ?!". Kristen soupira profondément, comme on soupire à six heures du matin et qu'on n'a qu'une envie : rejoindre son lit qui, on le sait d'avance, sera plus moelleux et plus aimé que jamais.

« Oui...? fit-elle simplement, avec un léger air de "qu'est-ce que vous fichez ici ?". »

Bonjour ce n'est pas pour les chiens.
C'est exactement ce que je me dis à sa réponse. Être directrice de Poudlard et fatiguée ne dispense pas de politesse.  Avec les adultes, je suis toujours poli, et très généralement ils le sont avec moi. C'est un signe de respect. Il est vrai qu'avec les autres enfants, je ne cherche pas à rester poli, parce qu'ils ne comprennent même pas ce qu'est la bienséance. Mais là je suis tout de même face une des personnes les plus connues de Grande-Bretagne chez les sorciers...

Après c'est une femme dans une tour d'ivoire. Je suppose que quand on a son statut, on ne s'intéresse guère à la politesse, surtout avec des gosses. J'aurais sûrement le même état d'esprit, perte de temps.

Il est clair qu'elle n'a pas envie d'épiloguer, ni même de discuter tout simplement. Il est six heures et elle a passé sa nuit dehors, dans le froid, à sa place je n'aurais pas envie de m'attarder, seulement de rejoindre mon lit. L'anxiété qu'elle doit ressentir ne doit pas aider également. Enfin bref, tout ce que je tire de ça c'est que je dois être concis et ne pas m'étaler sinon je sens que comme toute réponse je n'aurais le droit qu'à "je n'ai pas le temps".

Je relève les yeux vers elle, son visage défraîchi laisse transparaître son éreintement. Toujours les mains dans les poches, et essayant d'être sûr de moi, je déclare:

-"Désolé, je sais que c'est pas l'moment, mais c'est dur d'vous croiser et vous êtes la seule qui puisse m'aider.

Je réfléchis succinctement au meilleur moyen de dire la suite sans trop en révéler sur moi-même, c'est intéressant ni pour elle ni pour moi. Et puis ça la regarde pas. Avec Erin, la situation m'a poussé à parler, je n'étais pas en possession de mes moyens, j'étais faible. Même si ça m'a aidé finalement, faut pas que ça se reproduise, j'ai eu de la chance de tomber sur Erin.
Bref, il faut que je me lance.

-Je cherche le miroir du Riséd. 'Fin ce qui en reste. Mes parents ont dit que vous sauriez peut-être où le trouver."

Je ne sais pas si elle cherchera à savoir pourquoi, si elle m'aidera ou si elle va complètement m'ignorer pour retourner dans son bureau, mais j'aurais au moins eu le mérite d'essayer.

Comme à son habitude, Kristen plissa les yeux - mais ce plissement était moins flagrant que de coutume, tant ses yeux étaient ce soir, ou plutôt ce matin, déjà plissés de fatigue. Qu'est-ce qu'un enfant pouvait connaître du miroir du Riséd, et surtout, pourquoi vouloir le chercher ? Est-ce qu'un enfant pouvait s'interroger sur ses désirs les plus secrets, les plus profonds ? Tout ceci était bien curieux. Et puis, pourquoi les parents de ce jeune garçon pensaient que Kristen en savait quelque chose ? Était-ce dû à son simple statut de directrice de Poudlard, ce qui justifierait aux yeux de certains qu'elle connaîtrait tous les secrets de l'école ? Humainement impossible. Poudlard était bien trop mystérieux, même pour celle que l'on considérait comme la cheffe des lieux - et n'importe qui continuerait toujours d'en apprendre sur ce château même s'il y passait toute sa vie.

« En effet, ce n'est pas vraiment le moment..., dit-elle. »

Elle commença à s'avancer et, au moment où l'on croyait qu'elle allait dépasser le garçon, elle poursuivit :

« J'ai bien peur qu'il ne reste pas grand-chose de ce miroir. Il a été brisé il y a bien longtemps, et tout ce qui en restait a été embarqué par des élèves de l'école quelques années plus tard, lorsque l'on a cherché à le retrouver. Vous arrivez vingt...-cinq ans trop tard.»

Outch, le coup de vieux.

« Navrée, conclut-elle en s'avançant à nouveau, dépassant cette fois le jeune garçon. »

Une douche froide.
Alors qu'elle passe à côté de moi, je sens l'air  qu'elle met en mouvement soulever mes cheveux, un air légèrement parfumé. Elle part. Je n'aurais pas eu ce que je voulais. Ça je ne peux le supporter. Je ne suis pas capricieux, je sais renoncer aux choses qui me sont inaccessibles. Mais là elle ne met juste aucune bonne volonté, elle ne cherche pas à comprendre. Et moi... Moi j'ai tellement besoin du miroir. Dans ma tête, l'objet teinte comme une dernière chance, un prochain miracle.

Elle me dépasse donc, et pas après pas je l'entends s'éloigner. Je ne peux pas m'arrêter là, pas après trois pauvres phrases balancées dans les airs pour se débarrasser de moi. Je ne suis peut-être qu'un gamin, mais je sais que j'ai besoin de ce miroir. Quoi qu'elle puisse en penser.
Je ne suis peut-être qu'un gamin, mais je sais que je peux devenir bien plus, et peut-être bien qu'un jour c'est moi qui balancerai des phrases dans les airs pour me débarrasser de la vieillarde que sera devenu Loewy. Mais pour atteindre le stade où je serais supérieur à une directrice de Poudlard et à la majorité des sorciers et des moldus, je dois encore travailler, ardemment. Je dois également faire un travail sur moi-même, et pour ça, j'ai besoin du miroir. 

Mais pour l'instant, je suis un enfant, et elle est une puissante sorcière. Je panique à l'idée de ne pas obtenir plus d'informations.  À l'idée de ne pas me complaire à Poudlard durant les 6 prochaines années. Je me rappelle de la sensation que j'ai chaque matin quand je me réveille, de cette déception constante quand je me rends compte que je ne suis pas dans ma chambre, à la maison. De cette frustration à être assis seul sur un banc dans les couloirs et de regarder tous ces  groupes d'amis passer. Bien que je les méprise, je pense que je les envie. "Pourquoi tu souris jamais?", "Tiens, monsieur J'fais la gueule arrive", "Tu n'es qu'un être suant de prétention" "Ta répartie ne fait que cacher ta peur que quelqu'un découvre que tu es une personne comme les autres".

-"Attendez !!

J'ai crié. Hurlé, peut-être, gueulé même. J'ai dit ce mot comme un ordre. Comme on ordonne à quelqu'un de se taire.
Dans ma poche, ma main attrape le tissu de mon pantalon et le serre, le déchire presque. Mes dents grincent, j'ai mal à la mâchoire.  Sans que je n'y fasse attention une larme coule lentement sur ma joue droite. Je me retourne vers la Femme.

Ma voix se brise en mille morceaux.

-Attendez s'il vous plaît.

Je vais sûrement le regretter. 

-Je suis sûr que vous en savez plus, que vous connaissez quelqu'un qui en sait plus, qui en a un morceau. Peut-être que vous en avez un aussi.

Je vais sûrement le regretter.

-S'il vous plaît. J'en ai vraiment besoin."

Je vais sûrement le regretter.

Attendez ! et Kristen s'arrêta, dos à l'élève. Curiosité. Une toute petite chose comme ça, si insignifiante, mais avec la force de lui hurler, de se rayer les cordes vocales en criant : attendez ! Sans se retourner, Kristen fit un léger mouvement de tête sur le côté. Elle ne pouvait pas voir l'enfant, mais son attention était captée. Le son emprunte un autre chemin la deuxième fois : l'enfant s'est retourné. Ce ne sont plus deux dos qui se font face, maintenant ; et Kristen le sent. Alors, quand l'enfant achève ses supplications, Kristen se retourne tout à fait, et ce sont à présent deux faces qui se regardent. L'une d'elles est grande, dure, presque inexpressive, et l'autre est une petite chose en colère - est-ce qu'il pleure de rage ? Alors que ce comportement aurait pu irriter l'adulte fatiguée qu'elle était, car pleurer, hurler, taper du pied, ce n'est pas digne, Kristen esquissa un très bref sourire.

« C'est à peu près comme cela qu'on obtient ce qu'on veut. Quoiqu'il vous manque certainement un peu d'élégance et beaucoup de dignité. »

Kristen fait marche arrière et revient vers le garçon. Elle se penche un peu vers lui et tente de capter son regard.

« Et dites-moi, que peut-il bien se passer dans une si petite boîte crânienne pour que vous ressentiez le besoin de vous servir de ce miroir ? Vous savez en quoi consiste son pouvoir, au moins ? »

Pas d'élégance et de dignité? Moi?
Sur le coup peut-être. Mes émotions sont devenues trop instables et violentes, je n'ai pas pu me contrôler. J'y travaille, j'arriverai à être comme Papa et Maman, toujours stoïque et opaque.
Sur son visage froid, j'ai cru voir un sourire l'espace d'un instant. Se moque-t-elle de moi, est elle amusée par la situation? Probablement. Je me rend compte qu'on ne peut comprendre quelqu'un jamais totalement. Si elle connaissait mes états d'âme d'en ce moment, elle ne sourirait pas.

Elle revient vers moi. c'est déjà ça. Pour me parler elle se courbe légèrement. J'apprécie. 
Que se passe-t-il donc dans ma boîte crânienne me demande-t-elle. J'ai envie de lui répondre que ça ne la regarde pas, qu'elle devrait juste m'aider sans tenter d'en savoir plus, mais je suis conscient qu'elle ne l'accepterait pas. Alors je vais être obligé de me vider un peu de mon âme. Je la regarde dans les yeux, tentant de reprendre de la contenance.

-"J'ai pas eu le choix de venir ici. Pour moi c'est pas facile de vivre ici, surtout parce que j'arrive pas à aimer mes camarades. Je les trouve bêtes. Pour la plupart, ils savent pas se tenir!

Sur ma lancée et assez sûr de moi je continue. 

-Jours et nuits, j'prend sur moi, je dis rien et je reste seul parce que je veux pas faire d'caprice, il n'y a rien de plus insupportable que des caprices. Mais j'sens que la frustration de devoir rester ici s'accumule, et je sais que j'vais pas tenir sept ans.
J'peux pas rester sans rien faire vous comprenez? Peut-être qu'en sachant ce que je veux vraiment, j'arriverai à mes fins, enfin, à savoir comment supporter le fait d'être ici!

Ne sachant pas si j'ai été clair je rajoute.

-En sachant ce que je veux, je saurais quoi faire!"

Kristen aurait pu avoir de l'empathie pour ce petit garçon. En fait, elle aurait pu se reconnaître en lui, car elle avait eu les mêmes sentiments au même âge. Seulement, elle trouvait très curieux d'entendre le garçon dire qu'il n'aimait pas les caprices et... le voir en faire un, sans même qu'il ne s'en rende tout à fait compte lui-même. La directrice de Poudlard le voyait schématiquement de la façon suivante : "Je suis un enfant de onze ans qui vit mal ses premiers mois à Poudlard, j'ai du mal à m'intégrer, alors je suis allé trouver la directrice de l'établissement pour lui demander où je pouvais me procurer une relique magique d'une grande rareté et d'une puissance dévastatrice." C'était... comment disent les Moldus ? Fort de café. Car oui, le miroir du Riséd n'était pas seulement un miroir qui offrait à celui qui l'observait une vision de ses désirs enfouis : c'était une image parfaite et irréelle de soi, qui semblait pourtant parfaitement viable ; c'était un miroir qui remuait les tréfonds du cœur et de l'esprit pour les mettre au grand-jour. Et ce qu'on n'y voyait n'était pas toujours ce que l'on souhaitait y découvrir, pour peu que l'esprit et le cœur en question soient un peu trop torturés. De ce fait, Kristen ne l'avait jamais utilisé que pour confirmer ses propres désirs, comme un outil d'approbation. Le premier pas, pour utiliser ce miroir de manière non dangereuse, était de se connaître un minimum, d'avoir au préalable réfléchi à ses propres désirs.

Bref, s'étant redressée et son visage s'étant fermé, la directrice de Poudlard répondit avec une ironie glaciale :

« Pauvre petite chose, ce n'est pas facile... »

Elle haussa les épaules, réprima un petit rire et se retourna.

« Si vous pensez que vous ne tiendrez pas sept ans, rien ne sert de vous user, rentrez chez vous dès maintenant. Je ne voudrais surtout pas que mes élèves se sentent frustrés. »

Comment une telle femme a pu devenir directrice d'une école?
Directrice d'une prison pourquoi pas, d'un asile également, mais d'une école? Le ton qu'elle a pris m'a donné la nausée. Réellement.  Une colère vicieuse s'insinue en moi, vicieuse car invisible, froide.
Je suis incontestablement vexé; vexé qu'on me traite comme ce que je suis: un enfant. Le problème ici, c'est qu'elle la fait en toute conscience.

Comment une telle femme a pu devenir directrice d'une école, alors qu'elle dégouline de malveillance, et qu'elle est d'une froideur dévastatrice. Je pensais que c'était le genre de défauts que quelqu'un travaillant avec des enfants se devait éviter d'avoir.
Erin aurait fait une bien meilleure directrice, à l'écoute sans être intrusive, réfléchie et transparente. Je soupir longuement alors qu'elle s'est retournée.

Je ne suis pas au meilleur de ma forme. Je ne veux pas l'admettre mais elle m'a fait beaucoup de mal, de son aiguille, elle a piqué mes sensibilités. Je ne m'attendais pas à "marraine la bonne fée" en allant la voir, mais pas non plus à quelqu'un qui me ferait souffrir. 

-

Rentrer chez moi? Je ne demande que ça. Le miroir était une solution pour m'aider à supporter Poudlard, si je peux partir de ce maudit château, alors plus besoin du miroir.
L'a t'elle dit sérieusement? Un élève peut il réellement partir de Poudlard? Aucune idée. 
Peut-être pense t'elle que partir de l'école est une perspective qui me fait peur, et que jamais je n'accepterais. Pourtant, même si je devais rentrer à pied, je pense que je le ferais, enfin, je sais pas... Peut-être pas.

C'est une décision qui se réfléchit, qu'on ne prend pas en une seconde.

-"Très bien. 

C'est une décision que j'ai prise en une seconde. Ce fut presque instinctif. Peu importe ce que ça va engendrer. Je ne suis peut être qu'une "petite chose", mais je sais que je ne vais pas rester ici 7 ans, pas avec ces gens, tout ces débiles de bas étages, et surtout pas avec cette vipère hideuse qui sert de directrice, aussi grande sorcière soit elle.

-Si c'est pas des paroles en l'air, je suis prêt à partir. Laissez-moi faire mes valises, ouvrez les grilles du château, et la petite chose vous embêtera plus."

J'ai dit cela très calmement, sans employer de ton particulier. Je ne sais pas si elle aura le courage d'assumer ses paroles. Je suis prêt à assumer les miennes.

En entendant ces paroles, Kristen ne daigna même pas tout à fait se retourner : elle se contenta de bouger un peu la tête et soupira. Bien sûr, elle ne laisserait pas ce gamin rentrer chez lui et abandonner ainsi ses études, mais elle n'était pas non plus disposée à faire le moindre effort pour l'encourager à rester. Aussi répondit-elle en demi-teinte :

« Bien... Il me faudra donc écrire un courrier à vos parents pour leur faire part de votre décision de vivre comme un Cracmol, puisque vous le savez certainement, vous ne serez pas autorisé à faire usage de la magie jusqu'à votre majorité. »

Comme si elle venait de s'apercevoir qu'elle avait fait une bonne blague, elle expira un petit rire.

« Vos camarades seront peut-être bêtes, au moins seront-ils des sorciers plus ou moins accomplis quand vous tenterez péniblement de faire léviter une plume pour votre dix-septième anniversaire. »

Et venant de Kristen, vivre comme un Cracmol était loin d'être un choix de vie recommandable. C'était d'ailleurs sa plus grande crainte, avant que ses pouvoirs ne se déclarent, un peu trop tardivement à son goût. Ne pas être dotée de pouvoirs magiques aurait été une véritable malédiction pour elle. Fort heureusement, la chose avait fini par arriver et, à en juger par ses capacités actuelles, ce très léger retard n'avait pas le moins du monde été handicapant. Elle se retourna cette fois vers l'enfant et conclut :

« À qui dois-je adresser ma lettre, Monsieur... ? »