@Cassiopée Malory
14/02/2044

Solenn était assise en face de Cassiopée, comme à leur habitude. Elles venaient d'arriver dans la Grande Salle et n'avaient donc rien dans leurs assiettes, pour l'instant. La troisième année avait quitté son bonnet noir, la température dans ce lieu bien trop importante, et promena son regard vers les différents plats proposés ce jour. Une jolie quiche à peine commencé l'attendait en face d'elle, et ell en prit une part volontiers. Ensuite, elle prit à deux mains comme il était rempli le pot de jus de citrouille et s'en servit un grand verre. Voilà. Le repas pouvait commencer.
C'est en enfournant un bout de sa quiche dans sa bouche que Solenn se rappela de l'information importante qui lui avait sauté au visage ce matin même. Alors, elle posa sa fourchette et son couteau sur les deux côtés de l'assiette, s'essuya la bouche pour paraître convenable, et releva ses yeux océan vers Cassiopée :

-J'avais oublié, mais bonne Saint-Valentin.

Ces quelques mots ne voulaient rien dire, la brune n'étant pas en couple ni amoureuse, ou alors l'ayant caché à la jeune française. Mais cette phrase était surtout pour ne pas se sentir seule lors de la fête de l'amour. Elle avait failli déprimer en voyant un cinquième année offrir un immense bouquet de fleurs à une cinquième année. Tout cela lui rappelait son ancien amour, qui avait duré si peu longtemps et qui avait été si destructeur.
Mais maintenant, elle n'avait plus besoin de petit ami. Elle avait son amie Cassiopée. Hein ?

Même si elle ne portait plus les couleurs de Serpentard, elle "mangeait" quand même à leur table, simplement pour rester avec Solenn et ne pas la laisser seule. Même si manger était un bien grand mot puisque la plupart du temps elle ne touchait à rien à part quelques verres d'eau. Les autres la regardaient, elle le savait, elle voyait leur yeux  passer sur sa peau. Elle ne savait pas si c'était parce qu'ils la faisaient vomir ou simplement parce qu'elle était peut-être trop proche de Solenn. Tout son corps était tendu à l’extrême vers la troisième année. Ses pieds touchaient ceux de l'autre et elle se penchait sur la table, autant pour se rapprocher de la rousse que pour essayer d'éviter les regards parfois meurtriers des autres. En voyant l'autre commencer à manger, elle baissa les yeux sur son assiette encore vide avant d'y poser quelques légumes qu'elle tritura avec sa fourchette sans réelle intention de les manger, juste pour en donner l'impression. Elle savait qu'elle devait manger, même sa psychologue essayait de lui faire reprendre ses bonnes habitudes mais elle n'y arrivait pas. Elle était aussi certaine de ne pas avoir dit à Solenn qu'elle voyait une psy alors qu'elle lui avait dit qu'elle serait toujours là pour l'écouter. 

-Hein ? elle releva la tête en rougissant. Merci, Solenn. Bonne Saint Valentin à toi aussi.

C'était plaisant de savoir que Solenn avait pensé à elle. Mais pour cette fête elle n'y connaissait rien, aurait-elle dû faire quelque chose de spécial ? Nan. Et puis elle comprenait pas pourquoi elle l'aurait fait. 

La remarque de Solenn fit rougir Cassiopée. Cette dernière était adorable lorsqu'elle rougissait. Cela la faisait paraître tellement plus enfantine. Solenn aimait la voir sourire ou rougir, cela lui rappelait que les deux filles étaient vivantes et qu'elles méritaient de vivre, rien que pour voir l'autre sourire. Elle lui relança ensuite le souhait, comme un mauvais jeu de balle. Cela sonnait comme une simple formalité,  comme deux collègues qui ne s'apprécient pas vraiment, et Solenn s'en attrista. Les deux filles devaient bien paraître minables si quelqu'un les entendait parler. Alors, sans réfléchir, de sa bouche rosée sortit ces mots :

-Je sais pas pourquoi je te dis ça, je fête pas la Saint-Valentin.

*Je n'ai pas de Valentin*. Cela semblait si évident pour les autres, comme si ils avaient juste à passer une commande et un ou une Valentin(e) venait passer la journée avec eux, leur offrir des chocolats. Avoir 14 ans était chose difficile. La jeune française avait l'impression d'être déjà vieille, et que le fait de n'être pas avec quelqu'un était grave. Elle fronça les sourcils, pour contredire ses pensées bien trop étranges. Elle se mettait à parler comme la société le voulait, ce n'était pas une bonne chose. Depuis quand elle se plaignait de ne pas avoir de petit ami ? Cette fête lui refilait trop de sombres pensées, vivement le lendemain. 

Solenn sembla déçue. Bien sûr qu'elle était déçue, n'importe qui serait déçue si jamais il ou elle n'avait devant soi pour cette journée une fille comme elle, elle était loin d'avoir la capacité d'apporter de bonnes choses à quelqu'un, elle, elle était plutôt du genre à décevoir les gens, comme en ce moment avec Solenn, bien qu'elle ne le méritait clairement pas. C'était pas à elle de payer parce que Cassiopée Malory était nulle avec tout ça, elle ne savait même pas pourquoi elle lui avait fêté, elles étaient amies, Solenn ne voudrait sûrement pas que ça change, c'était amical et elle, elle avait été plus froide qu'une collègue, un pauvre message dans une pub qui vous souhaite bonne Saint Valentin, une personne que vous en connaissez pas. Ça ne vous fait ni chaud ni froid les remarques comme ça, pourquoi tenait-elle tellement à toujours tout gâcher avec Solenn alors qu'elle essayait sans cesse de faire les choses bien, elle était si stupide. Que s'était-il passé entre Solenn et elle ? Un cadeau, une discussion et tellement de soucis, de pleurs et d'angoisse. Forcément qu'elle aurait voulu passer cette journée avec quelqu'un d'autre. Si ça se trouve, l'ancienne rousse avait un petit copain, une de ces amourettes d'écoliers qui ne durent jamais longtemps mais qui sont parfois importantes à la création d'estime de soi ou de conneries comme ça. En y repensant bien, elle ne savait pas grand chose sur Solenn, presque rien d'ailleurs, à part la façon dont elle n'allait pas bien et comment elle avait perdu son papa. 

Elles n'avaient jamais parlé que des choses négatives entre elles, seulement de ce qui n'allait pas. Il y avait bien sûr eu les dizaines, voire les centaines de discutions à la bibliothèque, dans le parc ou en salle commune mais la plupart du temps elles restaient les épaules collées sans rien dire, à penser en appréciant la présence et la chaleur de l'autre. Elle savait sa famille, les choses comme ça. Au fond, elles n'avaient jamais parlé des choses un peu stupide de la vie, celles pas très importantes mais qui font plaisir. La couleur préféré, le plat préféré, les petits problèmes de la vie quotidienne. Elles étaient presque toujours ensemble mais elles ne connaissaient pas tant de choses sur l'autre que ça, hors les soucis, les peurs et les angoisses. Elle ne voyait en Solenn que la force avec laquelle elle sortait de ses problèmes, que la façon dont elle se relevait toujours. C'était pour ça qu'elle la pensait sans défauts, simplement parce qu'elles deux n'avaient jamais parlé que de la façon dont elles allaient avec leurs problèmes. 

-Bah..... Moi non plus. Mais bon, ça doit pas être si mal de la fêter avec toi.

Elle ne savait même pas pourquoi elle disait ça. Elle repoussa le contenu de son assiette, comme toujours, vers le bord, comme pour faire croire aux autres qu'elle mangeait sans le faire.

-Arthur a une copine. Elle est pas à Poudlard par contre. Je comprend pas vraiment l'attrait des gens pour la St Valentin mais bon. Tu aimes bien le chocolat ?

L'ambiance était presque gênante. 

-J'crois pas que Julia ait un copain... Ou alors je l'ai jamais vu avec.

Solenn risqua un petit sourire, puis reporta son regard vers son assiette, qui, lentement, diminuait.

-J'adoooore le chocolat ! Qui n'aime pas le chocolat ?

Un joli rire s'échappa de sa bouche pour se mêler à tous les autres des élèves qui s'amusaient en ce jour de l'amour. Qu'est-ce qu'elle aimait être là, près de cette fille qui la rendait heureuse rien qu'en la regardant. Elle aurait aimé ne pas bouger, rester pour l'éternité avec elle. De toute façon, elles seraient amies jusqu'à la fin de leur vie, non ? Enfin, amies... Peut-être plus. Solenn effaça cette pensée de son esprit, pour reposer ses yeux océan sur la deuxième année. C'était la seule chose de beau chez Solenn. Ses yeux.



Elles avaient fini leur repas, enfin l'assiette de Solenn était vide. Cette dernière s'essuya une dernière fois la bouche avec sa serviette, et, pour clore ce repas silencieux comme elles en avaient l'habitude, mais cette fois bien plus joyeux que les autres, la troisième année lança un regard brillant ainsi qu'un sourire à Cassiopée.

-En fait je suis contente de ne pas avoir de petit copain pour fêter ce jour... Au moins, je peux le fêter avec toi, pas vrai ?

Ses joues rebondies mettaient étaient striés de petites rides qui accompagnaient son sourire. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas autant souri. Et qu'est-ce que ça faisait du bien.



Je t'aime ma Cassy