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19 mai 2019, 15:30
La rudesse d'un coeur hasardeux  PV 
10 novembre 2043
Grande Salle — Pouldard, 11 heures 35
3ème année


Il n’y a pas un bruit. Si je tends l’oreille et que je cesse de respirer, lorsque j’oublie le bruit que fait mon propre corps, j’arrive à percevoir le grattement de la plume de l’unique autre personne qui se trouve dans la Grande Salle. A cette heure-là, juste avant le repas, cet endroit est un royaume de silence. Quelque soit le lieu où se sont réfugiés les Autres de ma promotion, ce n’est pas ici et cela me convient parfaitement. Lorsque l’on nous a annoncé que Miss Montmort était dans l’incapacité d’assurer son cours, chose absolument déplorable selon moi, je ne me suis pas demandé ce que j’allais bien pouvoir faire. Non, la pile de mes devoirs est bien trop élevée pour cela, à ma plus grande joie.

Je lève la tête et du coin de l’oeil j’observe la Serpentard qui est à moitié affalée sur sa copie ; de là où je suis, j’aperçois sa plume s’agiter. Elle noircit des kilomètres de parchemin, mais je doute qu’elle en fasse autant que moi. Sur ma table, celle des Poufsouffle, s’étalent une bonne dizaine de bouquins et pas moins de parchemins. Certains sont roulés, d’autres étalées et à moitié noircis. Celui qui se trouve sous ma main droite, écrasé par le joug de ma plume, est rempli de symboles et de phrases rédigées soigneusement. Le fait que ce soit une option ne me retient pas de compléter les cours de Miss Bowers par diverses recherches, toutes plus complètes que les autres, et d’offrir une attention toute particulière à mes devoirs ; mon coeur tressaute à l’idée de revoir Miss Bowers *bientôt*. Je n’ai eu aucun mal à choisir la filière complète. A vrai dire, il n’y a guère que le vol pour ne pas me passionner et je me suis assurée d’avoir un enseignement dans chacune des autres matières enseignées à Poudlard — il n’y a de toute façon rien de plus intéressant qu’étudier, n’est-ce pas ?

Sereine, je me penche sur mon parchemin. Je le remplis de quelques phrases avant d’apposer le point final et sécher l’encre. J’y reviendrais plus tard, décidé-je. Il me fallait oublier pour relire plus facilement. Je referme le parchemin et le dépose dans un coin. Posant ma tête dans le creux de ma main, je tire à moi l’énorme grimoire que j’ai emprunté la veille. Les savoirs d’au-delà la mer est censé approfondir ce que m’apprend Zikomo sur Uagadou et la magie africaine, mais le peu de détail que je trouve n’est qu’une infime partie de ce que je sais déjà grâce au petit renard. Pourtant, je m’évertue, car je meurs de Savoir.

Mes yeux se posent à peine sur les lettres sombres qu’ils s’en détournent. Mon coeur bat lentement et mon souffle est profond. Je suis bien, je suis reposée et je suis disposée à donner une autre orientation à mon travail. Je me mords la lèvre, agacée de ne pas savoir me concentrer sur ce que je fais. J’essaie de me dire que j’aurais normalement dû être assise à écouter un cours d’histoire, que je n’aurais de toute manière pas pu utiliser ma magie, mais rien n’y fait. Tout au fond de moi, s’agitent les vagues brûlantes de mon pouvoir. Je le sens guère plus qu’un fourmillement, mais c’est là ; ça s’agite, ça grandit, ça bouscule. Cela agite mes doigts et me rend trépignante.
*Merlin*
Une envie particulièrement vive de me saisir de ma baguette me chatouille. Je jette un coup d’oeil à cette dernière, posée non loin de moi sur la table, puis je regarde la Serpentard qui ne me calcule pas.
*Et si…* mes recherches continuaient sur le même chemin, mais s’exprimaient différemment ?

Un sourire sur les lèvres, je me redresse doucement et écarte mon banc de la table. Lorsque je me rassois, j’ai une vue directe sur le sol de pierre de la Grande Salle et sur mes pieds, nus depuis que j’ai retiré mes bottines. Tête baissée, je verrouille mon regard sur une aspérité de la pierre. J’apaise ma respiration et rassemble mes esprits. Instantanément, mon corps se calme, étouffé par la tension qui grimpe dans mes membres. Ma main, nue de toute baguette, s’ouvre.

Quelques secondes passent sans que rien ne se déroule puis… Sous mes yeux, le sol de pierre remue. Mon coeur tressaute de joie, mais le reste ne bouge pas. Concentrée, j’entreprends, comme presque tous les jours, de faire apparaître un foutu golem de pierre. La partie du sol que je regarde s’agite et bientôt, sous mes efforts transpirants, un petit tas de pierre se forme. Et il grandit, il grandit. Comme à chaque fois, mon esprit s’envole à l’idée de parvenir à Créer sans baguette, avec ma seule Magie.

Le tas de pierre grandit, atteint une dizaine de centimètres — limite à partir de laquelle il m’est plus ardu de contrôler ce pouvoir. Ma respiration s’accélère, la chaleur envahit ma peau et la recouvre d’une fine pellicule de sueur. Mais je ne lâche rien ; mes doigts sont tendus à l'extrême vers la pierre, mes yeux se révulsent alors que je me concentre sur ma magie. Le monde autour de moi s’efface, j’en oublie la Serpentard et les rumeurs des couloirs.

Pour comprendre cet étrange pouvoir, qui n’est rien de plus qu’un apprentissage, rendez-vous ici.

24 août 2019, 12:44
La rudesse d'un coeur hasardeux  PV 
Avec mes multiples excuses pour ce retard.

Les semaines passent lentement, très lentement. Et l’enfant erre souvent sans réel but dans les couloirs de Poudlard. Une pile de livre sous le bras, elle se dirige maladroitement vers la Grande Salle, où elle espère échouer sur l’une des grandes tables. Lui permettant ainsi de lire, d’écrire et surtout de s’enfuir de la morosité du lieu. Oui, elle trouve Poudlard morose, triste dans ses murs gris. Elle trouve le château si fade. Si morne. Elle qui en appréciait pourtant les contours quelques semaines auparavant se surprend à être dépassée par l’ampleur de sa désillusion.

Quand elle arrive dans la Grande Salle, d’un pas trébuchant, elle ne remarque pas immédiatement les deux personnes qui occupent les lieux. Non, elle se laisse choir dans un bruit tonitruant sur le bout de la table de sa maison. Les livres, en tombant, font un bruit de l’espace alors qu’elle soupire bruyamment. Véritablement, la discrétion n’est pas le fort de cette enfant. Et puis soudainement, comme si elle prenait subitement conscience qu’elle n’était pas seule, elle regarde les deux autres personnes.

L’une d’elle, visiblement Serpentard, est affairée à soupirer et à gratter son parchemin. Les soupirs sont sans doute dus à la présence de la petite Poufsouffle, qui n’a de cesse de gesticuler à droite à gauche. La deuxième semble comme … habitée. A la même table que la fillette, qui s’écrit d’ailleurs, « Waouh » quand elle voit le petit amas de pierre aux pieds de la jeune fille. C’est presque qu’elle se rapprocherait d’elle immédiatement, mais il y a quelque chose chez l’adolescente qui fait qu’Elly reste à distance raisonnable.

Est-ce les yeux révulsés ? Le fait que l’adolescente soit ailleurs, dans une autre stratosphère qui fasse que la fillette n’approche pas ? Sans doute. Et puis, il y a de la beauté dans ce qu’elle voit, qui la fascine, qui l’intrigue. Elle s’assoit, simplement. Elle a oublié ses livres, ses parchemins, l’autre personne dans la Grande Salle, non, il n’y a plus que l’adolescente habitée, devenue son centre d’attention. Rien de plus que la jeune fille et son petit tas de pierre sous ses pieds. Elle aimerait parler oui, mais qu’est-ce qu’une enfant de son âge pourrait dire après tout ? Elle est fascinée par ce qu’elle observe, incapable d’y mettre des mots. Rien de plus. Alors elle reste là, figée sur celle qui devient désormais son modèle, sans réellement la connaître, sans réellement comprendre.

Quelque fois, pour apaiser ta rage mystérieuse
Tu prodigues, sérieuse, la morsure et le baiser.

01 sept. 2019, 14:48
La rudesse d'un coeur hasardeux  PV 
Respirer est laborieux. Mes poumons se crispent, ma respiration s’amenuise. L’effort mène la chaleur et je sens couler le long de mon dos une goutte brûlante de sueur. Mais tout cela n’a pas la moindre importance. La seule chose que je ressens réellement c’est ma magie qui court le long de mes veines et qui s’exprime dans le sol face à moi. La seule chose qui a de l’importance, c’est le petit tas de pierres à mes pieds qui tend à s’élever, à s’agrandir, à devenir ce que j’aurais décidé qu’il soit. Bientôt, ma main se met à trembler ; légèrement, mes doigts s’agitent. Je dois me battre à l’intérieur de moi, me battre avec ma magie qui s’épuise, me battre avec ma volonté pour lui dire : tu t’arrêteras pas avant d’avoir dépasser tes limites !
Ma magie lutte. Elle n’a pas de limite, je le sais. La seule limite provient de moi, tout simplement. De l’épuisement qui arrive bien trop rapidement dans cet exercice, dans le mal de crâne qui pointe le bout de son nez, dans ma respiration difficile, dans la sueur qui coule le long de mon front.

La magie des golems est harassante. Je l’ai compris en l’exerçant avec ardeur à la Maison ces derniers mois loin du château. Je me posais dans la cour, cachée derrière l’abri, et j’apprenais à ressentir la pierre et à la faire bouger. Exactement comme Erza Nyakane nous l’a appris il y a si longtemps. Je me souviens encore de sa voix, de ses conseils, de ses regards chaleureux. Je me souviens et j’exerçais dans mon jardin, toujours plus frustrée de ne voir aucune évolution. Il a fallu des mois entier de travail avant que je remarque que le tas de pierre était un peu plus grand, un peu plus gros ; mais si peu. Pourtant, je n’ai jamais baissé les bras. Je ne lâcherais pas cette magie qui me vient d’au-delà des mers. Jamais. Je m’en suis fait la promesse. Je m’entraînerais toute ma vie s’il le faut pour parvenir à créer un immense golem de la même façon que l’a fait Nyakane.

Je la sens qui approche. Ma limite. Ma main tremble encore plus et je dois résister à l’envie que j’ai de crier ma frustration. Je ne peux pas crier ici, je dois tout garder pour moi, être discrète. Être subtile. C’est sans compter mon manque de préparation et l’endroit minable dans lequel je me trouve ; voilà qui ne favorise absolument pas ma réussite. J’en ai conscience, mais je lutte pour maintenir le tas de pierres. Je bataille avec ma magie pour la garder à la même intensité, pour ne pas la relâcher. Mais peu à peu, des pierres roulent sur le côté, s’échappant du pouvoir attracteur de ma magie. Très vite, le tas s’effondre sur le sol en un bruit qui m’aurait fait rougir si je n’étais pas si peu intéressée par le monde qui m’entoure.

La main tendue, je n’ose pas bouger. Sous mes yeux, le sol a retrouvé sa consistance ; ma magie s’étiole dans les airs et il ne reste bientôt plus qu’une main banale d’une enfant banale. Epuisée, je me relache totalement et laisse tomber ma tête sur la table. Mon front rebondit sur le bois, puis je ne bouge plus.

« Merde, » soufflé-je d’une voix éteinte pour apaiser la frustration qui fait crier mon coeur.

Les yeux fermés, je ne bouge plus. J’attends que la chaleur diminue, que je retrouve mon souffle, que mes tremblements cessent. Je sais que si j’ouvre les yeux, le monde va tourner autour de moi. Alors je garde les yeux scellés sans réussir à me sentir fière de ce que je viens d’effectuer. Le tas n’était même pas aussi haut que la dernière fois. D’ailleurs, il n’a jamais été très haut depuis que je suis revenu à Poudlard ; à la Maison, c’était bien plus impressionnant.

Quand je me redresse, le monde tourne effectivement autour de moi. J’approfondie ma respiration pour m’empêcher de vomir ou de tourner de l’oeil. Ce serait vraiment humiliant. Je jette un coup d’oeil à la Serpentard qui, semble-t-il, n’a rien capté. Sur le chemin, je surprends le visage blafard d’une fille qui me regarde ; j’arrête mon regard sur elle, surprise de la trouver là, à l’autre bout de ma table, alors qu’elle n’y était pas auparavant. A-t-elle vu ce que j’ai fait ? Au vu de son regard braqué sur moi, ça me semble évident. J’enferme ma lèvre entre mes dents, indécise ; je n’aimerais pas que mes capacités soient dévoilées au reste du château, c’est mon secret, mon secret à moi toute seule.

Une vague de chaleur monte le long de mon corps. Un mal de tête lancinant s’agrippe à mon crâne et je gémis doucement en baissant la tête contre ma main, oubliant complètement la fille et son regard étrange. J’enferme mes doigts sur mon front en espérant apaiser la douleur, mais je sais que rien n’y fera. Ce n’est pas la première fois que je pousse mes capacités à leur limite. Mais la plupart du temps, cela arrive après plusieurs heures d’exercice, pas après un seul essai aussi minable. Peut-être que cela est dû au fait que je me sois levé ce matin avec la tête lourde et la goutte au nez ? La maladie ne m’a pourtant jamais empêché de faire quoi que ce soit.

Soupirant doucement, je me laisse aller contre la paume de ma main. Les yeux fermés, j’ai oublié ce qui m’entoure. Je pense à la magie, à mon échec, à la douleur de ma tête. Je pense que je n’ai pas de veine de me sentir mal alors que j’ai l’occasion bénie d’étudier tranquillement et de m’avancer sur mes recherches.

07 oct. 2019, 23:05
La rudesse d'un coeur hasardeux  PV 
Elle est totalement perdue à sa fascination, sa surprise lisible sur le visage. L’adolescente qu’elle regarde semble reprendre conscience, contenance. Elly ne sait pas, ne sait plus. Ses yeux brillent d’un quelque chose nouveau. Elle veut savoir, elle veut connaître elle aussi. Non pour faire : elle se sait incapable de pareilles prouesses. Mais elle veut s’approcher, se rapprocher de l’adolescente. Pour comprendre. Peut-être. A la manière peu discrète d’une enfant, Elly se rapproche, centimètres après centimètres. Elle toussote même pour se faire remarquer.

Mais cela ne semble pas fonctionner. Alors elle essaye une approche, un truc bête, profondément stupide. Une phrase idiote qui résonne dans le vide de la grande salle. «Eh c’est toi qui a fait ça ?». Dans chacun des mots de la jeune fille transparaît son envie, son besoin presque viscéral de ressembler à celle qu’elle a pris comme modèle, instinctivement. Nul besoin de survie dans ce cas-là : juste une parfaite fascination face à la magie qui s’expose aussi librement, face à cette férocité qu’elle perçoit sur les traits de son aînée.

Il y a quelque chose d’intriguant. C’est même plus fort qu’elle, elle ne s’en rend pas trop conscience la petite. Elle ne sait pas à quel point elle peut devenir oppressante à agir de la sorte, mais c’est plus fort qu’elle. Elle veut que la fille qui a fait ça la regarde. Qu’elle prenne conscience du fait qu’elle n’est plus seule. Elly se montre presque intransigeante : hors de question que l’adolescente lui échappe. « Je m’appelle Elly ». Elle tend la main, tout sourire : imitation parfaite de l’adulte qu’elle n’est pas.

Quelque fois, pour apaiser ta rage mystérieuse
Tu prodigues, sérieuse, la morsure et le baiser.

16 oct. 2019, 18:20
La rudesse d'un coeur hasardeux  PV 
La douleur dans mon crâne est comme un gong languissant : elle frappe, et elle frappe, avec lourdeur ; ses ondes traversant les couches de ma patience. Le front appuyé contre la main, j'aimerais dire que je récupère, mais cela serait mentir. Le fait de devoir récupérer d'un effort moindre est déjà une chose suffisamment douloureuse ; ce n'est pas tant ma tête qui me fait mal que ma fierté. Je ne comprends pas pourquoi je suis aussi minable. C'est ce château qui en est la cause. Déjà, parce qu'il me vole tout mon temps. Mais ensuite parce qu'il y a toujours quelque chose pour venir secouer ma concentration. Un Autre par exemple, ou Thalia, ou tout autre chose qui vient habiter ma tête au moment où je le désire le moins. 

La voix me surprend en pleine réflexion. Elle apparaît soudainement à côté de moi, comme si telle avait toujours été sa place, et quand je lève la tête je tombe dans un regard que je ne pensais pas aussi proche. C'est l'Autre et sa face toute blafarde. Je regarde au bout de la table pour vérifier que je ne rêve pas, qu'elle est bien là, toute proche de moi à me regarder. La table vide me répond : oui, elle est là. Et elle me regarde. Je me souviens alors de son regard et de ma certitude qu'elle m'avait surprise en plein entrainement. Mais je n'ai pas besoin de cela pour le savoir, je me rappelle ses paroles. C'est toi qui a fait ça ? C'est un peu idiot comme question, n'est-ce pas ? Je ne vois vraiment pas qui serait capable d'une telle chose ici si ce n'est moi. 

Je me redresse et laisse tomber ma main sur la table. Mon souffle est encore court de mon effort, et la perspective de devoir convaincre cette gamine que ce qu'elle a vu n'est certainement pas ce qu'elle pense avoir vu me fatigue déjà. Pendant un instant, je pense à lui répondre un simple oui avant de l'éconduire. Que pourra-t-elle faire alors ? Allez gueuler dans les couloirs que la Honte de Poufsouffle vient de faire des choses bizarres avec sa magie ? Ahah ! mais la plupart des Autres savent *pensent* déjà que je suis étrange, ils ne s'en étonneront pas. Non, définitivement cette fille ne représente aucun danger pour moi. Mais... Mais un murmure dans mon coeur, tout au fond de mon coeur, me chantonne une jalousie que je ne peux pas ignorer. 
C'est à moi, dit-il. 
Ce secret est à moi
Je ne veux pas le partager. Je ne veux pas partager Nyakane, je ne veux pas partager Zikomo, je ne veux pas me partager. 

Je cherche, en vain, un mensonge potable quand la main se tend et que le prénom résonne dans ma tête. *Elly !*. J'ouvre de grands yeux ronds, toute crainte oubliée, tout désir transcendé. Et je la regarde, cette fille qui n'a rien de bien particulier, je la regarde réellement cette fois. C'est impossible, c'est impossible que son prénom soit mon surnom. Comment cela pourrait-il être possible ? C'est un cadeau que m'a offert ma famille depuis... Depuis toujours. Ely, m'appellent-ils avec amour, avec sincérité, parfois même avec colère. Ce surnom que j'ai refusé lors de mes premiers retours à la Maison, celui qui fait désormais chavirer mon coeur quand je l'entends. Alors, Merlin, comment est-ce possible que cette fille s'appelle ainsi ? 

J'ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Que devais-je lui dire, déjà ? Qu'avais-je en tête ? Son prénom ? Sa façon de venir me voir alors que je ne l'y ai pas invité ? Sa présence qui prend trop de place ? Non... Je devais lui parler de mon Secret ; lui faire croire qu'il n'existe que dans sa tête. Mais je ne peux rien dire, car mon coeur est figé. Par la douleur qui résonne dans ma tête ou par cette fille qui est doublement monstrueuse ? Je regarde cette main, je sais déjà que je ne vais pas la serrer ; mes doigts en sont moites rien qu'à l'imaginer. Alors, après un dernier coup d'oeil au visage de de l'Autre, je me retourne en direction de la table, haussant négligemment les épaules. 

« J'vois pas ce que tu veux dire, » dis-je du bout des lèvres en observant le bois de la table. 

Quelque part, alors que je subis en m'efforçant de rester de marbre le regard de cette fille, je me surprends à songer à quel point il est bon, à quel point il est agréable d'entendre cette admiration qui transperce de sa voix. Et je préfère d'ailleurs m'en contenter. Les Autres, quand ils se prennent à parler, finissent toujours par tout gâcher. Alors certes, pour le moment l'admiration est perceptible dans sa voix, mais je ne doute pas une seule seconde que bientôt, après quelques paroles échangées, cette fille *Elly* dira quelque chose de méchant dans le but évident de me blesser. C'est pour cela que je me lève et récupère mes affaires.

Je ne peux cependant pas m'empêcher de lui jeter un regard, à cette fille. Je la jauge, et la juge peut-être, sévèrement.

« J'vois pas ce que tu veux dire, répété-je avec un sourire malin, mais c'était sacrément impressionnant. »

Et sur ses mots, je disparais.

- Fin -