Seule dans son coin, Malya mangeait son dîner de Noël en ressassant ses malheurs. Tant de chagrin, c'était difficile à avaler, même pour elle qui avait l'habitude. Imaginez son désespoir, le matin, quand elle avait reçu sa bourse envoyée par sa voisine, sans un mot de ses parents ! Elle avait préféré s'isoler. Quelle tristesse, tout de même, de n'avoir aucune nouvelle de sa famille…
Et combien de temps, qu'elle n'avait pas vu ses parents ? Bientôt un an. Le surlendemain, en fait. Le 27 décembre 2043, ses parents étaient repartis en mission - elle ne savait même pas où - ! Mais au moins, ils avaient pu passer Noël ensemble.
Malya soupira.
Elle était seule, comme toujours. Pas seulement physiquement, mais aussi psychologiquement. Surtout psychologiquement. Personne pour l'écouter, personne pour la comprendre. Seule.
Seule face au monde.
Monde cruel rempli de sales moldus, qui la détestaient. Elle le leur rendait bien. Ces moldus devaient être en train de rire, à ce moment, de jouer, de chanter. Ils étaient heureux. Alors que c'était eux, le problème. Comme toujours.

Malya retenait ses larmes. On ne devait pas la voir pleurer, jamais. Toujours forte devant les autres, première règle. Il ne fallait pas montrer sa faiblesse, ou les rapaces s'en saisiraient. Il fallait seulement exhiber son fusil, et oser s'en servir.
Aux yeux de tous, qui l'entouraient dans la Grande Salle, elle était certainement la fille seule qui mangeait dans son coin le soir de Noël, vraisemblablement parce que ses amies étaient rentrées chez elles pour les fêtes.
Et c'était mieux comme ça.

Malya dînait. Que ses parents lui manquaient ! Pourquoi était-elle seule le soir de Noël, pourquoi ? C'était trop dur. Pourtant, maintenant, elle avait Poudlard, de bons camarades, sympathiques. Elle ne voyait plus que des sorciers, ce qui était pour elle un grand soulagement. Seulement, deux sorciers lui manquaient plus que n'importe qui, en ce soir festif. Son père et sa mère.

Autour d'elle, partout dans la Grande Salle, les élèves chantaient, riaient, dansaient. Ils s'amusaient. Ils passaient un bon moment, en accord avec l'idée que chacun se faisaient des fêtes. Un sapin, de magnifiques décorations, de la lumière…

Noël, c'était censé être une fête de famille. Oui, Poudlard est la nouvelle famille de Malya, mais ses parents pensaient-ils à leur unique fille, en ce moment même ?

Quelle douleur, de ne pas avoir de nouvelles… Les mêmes pensées tournaient dans le pauvre cerveau torturé de Malya. Elle sortit de sa robe sa bourse, et la regarda attentivement. Elle n'avait plus faim. Cette bourse ne venait même pas de ses parents, mais de sa voisine. Pourtant, c'était la seule preuve que la jeune Serpentard n'avait pas encore disparu des esprits du monde extérieur, de ses proches. Qu'elle n'avait pas encore été oubliée.
Si seulement elle avait pu envoyer un cadeau à sa famille… Mais elle ne savait pas dans quelle partie du globe elle aurait dû l'expédier.

Relevant la tête, Malya aperçut une jeune fille de son âge qui se dirigeait vers elle. Zut ! Elle n'était pas en état de tenir une conversation…
De plus, le visage de cette autre élève de première année lui rappelait vaguement quelque chose… non, quelqu'un.

Joy avança à pas lents vers la jeune fille. Des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête. Comment s’appelait-elle? Allait-elle bien vouloir lui parler ou allait-elle la rejeter? Aimerait- elle son cadeau? Mais surtout, une question revenait sans cesse... La connaîssait-elle? Ses yeux... ses yeux lui disaient quelque chose. C’étaient le même regard que sa mère, ce même vert profond, envoûtant... qu’elle avait elle aussi hérités.

Quand elle arriva à sa hauteur, la jeune fille en face d’elle releva la tête et la toisa d’un regard méfiant.
- Salut! Je m’appelle Joy! Comment tu t’appelles? C’est ta première année ici? commença-t-elle. Je... j’ai vu que tu étais seule, et... comme tu n’avais pas l’air dans ton assiette, je me suis dit que tu voudrais peut être d’un peu de compagnie? On s’est croisées l’autre jour, dans la grande salle, et tu paraissais triste... Je me suis dit que tu avais besoin d’un petit réconfort! Et, comme c’est le réveillon de Noël, je t’ai acheté un cadeau! Joy tendit le bras vers elle et la jeune fille attrapa le cadeau. J'espère que ça va te plaire... c’est mon livre préféré... Ma mère me lit « Le Seigneur des Anneaux » depuis que je suis toute petite. Les elfes, les hobbits, les nains... toutes ces histoires me passionnent tellement! Elle me manque beaucoup... j’imagine que tes parents doivent aussi te manquer. C’est drôle, tu lui ressembles... le monde est petit, n’est-ce pas?

Malya resta un instant perplexe face à cet impressionnant flot de questions. Comment pouvait-on répondre à tout ça d'un coup ?
Mais, un cadeau ? Pourquoi ? Parce qu'elle était seule ? Faisait-elle pitié ? Non, non, non. Malya ne voulait la pitié de personne, même pas de quelqu'un d'aussi adorable que cette Joy.
Un livre. Elle adorait la lecture, et envisageait de se procurer cet ouvrage depuis un moment. Elle, elle n'avait rien à offrir. Zut, une dette envers quelqu'un. À régler au plus vite. Malya détestait devoir quelque chose à quelqu'un. On ne savait jamais comment ça finissait, ces affaires-là.

Malya commença donc à répondre à Joy, le plus gentiment possible.
- Bonsoir, Joy ! Oui, je suis en première année. Toi aussi, je suppose. Merci pour ce cadeau. C'est très gentil de ta part, j'adore la lecture, et cet ouvrage m'intrigue depuis quelques temps. Par contre, tu t'en doutes, je n'ai rien à t'offrir en échanges, désolée. Jamais, au grand jamais, je n'avais reçu un cadeau venant d'une personne qui n'était pas de ma famille. Mes parents me manquent aussi, ça fait presque un an que je ne les ai pas vus… Ils voyagent beaucoup pour le travail. Ça fait bizarre de passer Noël sans sa famille, c'est pour ça que je m'étais isolée. Mais je suis contente d'avoir de la compagnie. Oh, je m'aperçois que je ne t'ai même pas dit qui j'étais. Je m'appelle Malya, Malya Crown.

Un petit sourire se dessinait peu à peu sur le visage de Malya. Le monde des sorciers n'avait décidément aucun point en commun avec la cruelle société moldue.

Alors comme ça elle s’appelait Malya... Malya Crown... Ce visage, ces yeux, ce regard... ils lui étaient familiers...
Mais oui! Bien sûr! Pourquoi n’y avait-elle pas pensé avant? Cette photo, posée sur le buffet du salon de sa maison depuis qu’elle était toute petite... et cette petite fille, blonde , avec ce regard, ces yeux verts. Joy se souvenait parfaitement de cette photo. Elle s'était toujours demandée qui étaient ces personnes. Une femme, un homme, et une petite fille, qui devait avoir son âge. Malya... et ses parents. Qui aurait cru que qu’un jour elles se rencontreraient pour de vrai! Ses parents n’avaient jamais voulu lui dire qu’ils étaient. Sa mère lui avait dit un jour qu’ils faisaient partie de la famille, mais que cela faisait longtemps qu’ils ne se voyaient plus. Une vieille querelle de famille lui avait-elle dit... mais jamais plus. Il fallait absolument qu’elle fasse part de cette nouvelle à Malya. Comment la prendrait-elle? Connaissait-elle sa famille? Ses parents lui avaient elle parlé de Joy et de ses parents?

- Enchanté Malya! Je suis super contente de te connaitre! Moi aussi j’adore lire! J’espère que ça va te plaire! Euh... tu sais, j’ai dit que tu ressemblais à ma mère. Et, justement je viens de me souvenir! Chez moi, il y avait cette photo... de toi et de tes parents. Oui, je sais cela paraît étrange mais... maintenant je suis sûre! Nous sommes de la même famille! Je ne sais pas pourquoi mes parents n’ont jamais voulu me parler de tes parents et toi, mais l’important maintenant c’est que nous soyons ensemble! Nous allons pouvoir apprendre à nous connaître! Je me demande bien pourquoi nos parents ne se parlent plus... mais peut être que lorsqu’ils verront que nous nous sommes rencontrées, tout s’arrangera, enfin, je l’espère!

- Quoi ?

Ce fut le seul mot qui sortit de la bouche de Malya, les yeux écarquillés face à de telles paroles. Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ?

Une minute. Encore une séance de puzzle. Allez, on allait réordonner tout ça.
Joy semblait savoir des choses que notre pauvre petite Malya perdue ignorait. Se renseigner.
Ensuite, de la même famille ? Comment ça, de la même famille ? C'était une blague ? Malya n'avait pas de cousins, aux dernières nouvelles. Quelle drôle d'affaire que celle-là. À élucider.

Des ressemblances. Cela ne prouvait rien. Mais Malya avait bien eu cette impression de déjà vu, elle aussi. Il fallait l'admettre.
Une photo d'elle et de ses parents ? Là, par contre, il n'y avait pas de réciprocité. Aucune photo d'aucune famille chez les Crown. Juste eux-mêmes. Mais, cette photo, était-on certain qu'il s'agissait de la leur ?

Ah oui, pour être étrange, cela paraissait étrange. Affolant, même. Alarmant.

Mais quel intérêt une fille aussi rayonnante que Joy aurait-elle à mentir à Malya, à inventer une telle histoire à dormir debout ?

Admettons que tout cela était vrai. Il fallait explorer toutes les hypothèses. Des parents qui ne se parlaient plus, ce n'était pas sans raison.
Les querelles de familles rappelaient de mauvais souvenirs à Malya. Le visage de son oncle moldu s'afficha dans son esprit. Un frisson parcourut son échine. Pourquoi lui, maintenant ? De quoi il se mêlait ? Oui, bon, là, Malya partait loin, très loin. Il fallait revenir au présent, de toute urgence, et laisser les moldus chez eux. Revenir chez les sorciers, c'était beaucoup plus confortable.

- Excuse-moi, j'ai mis quelques secondes à analyser tout ce que tu venais de me dire. Je veux bien essayer de te croire, mais c'est difficile. Pour résumer, tu dis que nous sommes parentes ? As-tu entendu parler de Crown, dans ta famille ? Parce que je n'avais jamais entendu le nom Stewart. Mes parents ne m'ont jamais parlé d'une cousine, non plus. Qui es-tu, Joy ? Qu'est-ce qui te fait penser que nous partageons le même sang ?

Comment persuader Malya qu'elle disait la vérité? Elle en était désormais sûre et certaine. Cette photo, elle la revoyait comme si c’était hier. Petite, Joy était très curieuse, et elle avait essayé en vain de savoir qui était la famille sur cette photo, mais, jamais ses parents ne lui avaient donné de détails et lui avaient dit pourquoi ils ne se parlaient plus.
Un jour que Joy n’arrivait pas à dormir, elle était retournée voir la photo, et l’avait sortie, puis retournée. Un nom, écrit en petit, dans un coin, CROWN. La famille Crown... Si seulement Joy pouvait montrer la photo à Malya, pour lui prouver qu’elles faisaient partie d’une seule et même famille...

- Je comprends que tu es du mal à y croire. J’étais très étonnée aussi quand je m’en suis souvenue. Mais, j’ai une preuve, et, même si je ne peux pas te la montrer, crois moi. Derrière la photo, il était écrit CROWN. Crown, c’est ton nom n’est pas ? Mais je te jure que nous allons tout faire pour découvrir la vérité et comprendre quel lien nous uni. Et, qui sait, peut-être alors pourrons-nous réconcilier nos parents? Je l’espère tellement! S’il te faut du temps pour digérer tout ça, je comprendrais... Avant tout, sache que je suis contente de te rencontrer, et j’ai hâte que l’on fasse plus ample connaissance!

Qu-qu-qu... quoi ? Comment ça, Crown derrière la photo ?
Oui, oui, oui, elle la croyait. C'était incroyable, mais elle la croyait quand même. Elle paniquait, seulement.
Comment c'était possible ?
Enfin, bon. Des cousines, c'était possible, naturellement. Mais… elle l'aurait su, non ? Pourquoi ses parents ne lui en auraient-ils pas parlé ?

Que de questions qui se bousculaient dans une tête qui ne contrôlait plus rien. Et qui resteraient sans réponse.

Découvrir la vérité… Mais avec plaisir ! Où se trouvait le mode d'emploi ?
Sérieusement. La vérité, volontiers. Mais les secrets de famille avaient toujours été bien gardés, surtout chez les sorciers. Un secret restait secret. On ne laissait pas les enfants mettre leur nez là-dedans.
Un peu comme la famille de Malya et la politique, en fait. Malya était trop jeune, d'après ses parents. Elle devait découvrir le monde par elle-même, par ses propres moyens. Petit à petit, chaque chose en son temps.
Cependant, sa courte vie avait pour l'instant été loin du Carpe diem, vraiment. Peut-être qu'un avertissement sur la cruauté de l'univers lui aurait épargné quelques inutiles et dispensables souffrances.

Zut, répondre à Joy. De toute urgence. Mais, c'était bien beau de répondre, mais pour répondre quoi, dans cette histoire ?

- Je veux bien te croire, Joy. Ce n'est pas la volonté qui me manque, et tu n'as aucune raison de ne pas être sincère. Mais je cherche toujours à tout comprendre : pourquoi ? Comment ? Pourquoi ne suis-je au courant de rien, et toi de pas grand chose ? Comment pourrons-nous découvrir la vérité ?