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24 oct. 2020, 21:02
Dans mon coeur grandit un vide  Os 
Réaction à l'aventure [S3.Ep14] Par trois fois, tu mourras.


Dimanche 28 mai 2045 — Dîner
Grande Salle — Poudlard
4ème année



S’affolent dans mon corps les battements de mon coeur. Il bat si fort et si vite qu’il résonne dans mes oreilles, me coupant du monde, des discussions enflammées, des chuchotements effrayés et des instructions lointaines de l’infirmier. Il bat si fort et si vite qu’il se fracasse contre ma cage thoracique, comme s’il voulait s’échapper, se barrer loin de toute cette agitation.
Tout cela est trop, bien trop.
Tout s’est enchaîné si vite. Il y a quelques minutes, j’étais en train de savourer mon rôti et désormais, me voilà à faire des pieds et des mains pour me rapprocher de la foule qui s’est rassemblée là-bas, au loin. Mes jambes tremblantes peinent à me faire contourner les tables et les bancs, les corps, les badauds, les gamins aux bras ballant. Et mes oreilles, elles, ont du mal à croire ce qu’elles entendent. Le nom qui est sur toutes les lèvres est très certainement faux. C’est un mensonge, un terrible mensonge. C’est obligé, n’est-ce pas ? Parce que Dai Hong Dao ne peut pas se trouver là-bas sur le sol, blessée, comme les chuchotements veulent me le faire croire. Peut-être suis-je en train de rêver, c’est pour cela que j’ai cru voir tous les professeurs quitter la Grande Salle pour aller faire je ne sais quoi, que les élèves s’affolent et que Mason distribue des ordres étranges. C’est très certainement pour cela, oui.

Mais au fur et à mesure que je m’avance vers l'endroit de la salle où se trouve l’infirmier, la réalité me frappe de plein fouet, m’arrachant mon souffle, rendant mes mains moites et frissonnante ma peau.
*Dai Hong Dao* continuent de susurrer les murmures, parfaits reflets de mes pensées.
Impossible.
Je n’arrive pas à y croire.
La même femme qui m’a aidé en janvier, la même qui a menacé Erza, celle qui a voulu contracter un marché avec moi ?
Impossible. Je dois aller voir, être certaine.

Une ombre me surplombe soudainement. Je sursaute, trébuche en voulant reculer mais une main m’empêche de tomber. Je me dégage en reconnaissant mon frère. Il se dresse face à moi comme aurait pu le faire Papa, le visage dur, les sourcils froncés, comme si j’étais en tort. Sa peau est livide *comme quand l’autre est arrivée au pouvoir* et cette vision me détourne brièvement de mon objectif. Derrière mon frère, je remarque la présence discrète de sa petite-amie, Quétrilla. Ses traits sont crispés par une étrange détermination.

« Ça va ? grommelé-je à Aodren.
Ouais. »

*Super*.
Laisse-moi passer, maintenant. Je fais mine de le contourner. Les élèves se rassemblent autour de Mason, les discussions vont de bon train. Mais je me fous de tous les Autres, j’ai besoin de m’assurer que c’est elle, que c’est vraiment elle, là-bas. J’en ai besoin. C’est même plus important que de savoir où sont partis Loewy et tous les autres, beaucoup plus important. Mon coeur bat si violemment dans ma poitrine que j’ai l’impression de trembler.

Ao ne semble pas avoir le même objectif que moi. Alors que je le contourne, sa main s’enroule autour de mon bras. Il me tire derrière lui malgré mon cri de douleur. « Laisse-moi ! » lui dis-je, mais il ne m’écoute pas. J’essaie, en vain de me décrocher. « Qu’est-ce que tu fous, putain ! ». Mais il ne m’écoute toujours pas, il me tire, il me tire jusqu’à l’autre bout de la salle, m’éloignant toujours plus de Dai Hong Dao, jusqu’à ce que nous arrivions dans un coin où sont rassemblés des enfants geignant et des abrutis livides. Là, Aodren me lâche enfin.

« Reste là, dit-il.
Quoi ? Tu rêve, je vais… »

Aodren me repousse alors que j’essaie de le contourner.

« Tu restes là, répète-t-il. Y’a rien à voir, là-bas. »

Alors je comprends. Je comprends que ce gars-là, avec son visage tout fermé, son teint blafard et ses yeux écarquillés par la peur veut me protéger de ce que je pourrais voir. Je comprends qu’il est réellement déterminé et qu’il ne me laissera pas passer, même si je le supplie, ce que je pourrais être prête à faire. Et je me sens si mal, si perdue, si frustrée, si inquiète, si pleine de cette peur qui me fout en l’air que je ne trouve qu’une seule chose à faire : je m’approche de mon frère et de mes deux mains, je crochète sa robe pour approcher son visage du mien. Il se laisse faire, mais ses sourcils se froncent ; son regard est dur. Je n’ai même pas besoin de me mettre sur la pointe des pieds, je n’avais pas eu conscience d’avoir tant grandi, ces derniers mois. Mon regard dans le sien, j’essaie de lui insuffler ma détermination. Mon coeur bat comme un tambour dans ma poitrine.
*J’dois aller voir. J’le dois*.

« Laisse-moi passer, Aodren ! soufflé-je, les dents serrés. Je… J-je dois aller voir, je dois… »

C’est Dai Hong Dao, aimerais-je lui dire. Elle m’a aidé à aller au Japon, elle m’a certes effrayé, elle hante parfois mes cauchemars, mais c’est une femme à laquelle j’ai parlé, une femme qui m’a aidé — je ne peux pas rester loin d’elle alors qu’elle est en train de… *Non, elle meurt pas, c’est pas possible*. C’est impossible parce que les gens ne meurent pas comme ça, pas dans ce monde, pas dans mon monde. Mes doigts se resserrent sur la robe de mon frère.

« Aodren, laisse-moi…
Quoi ? grogne mon frère en se décrochant aisément de ma poigne. Tu veux que je te laisse aller voir quoi exactement ? »

Sa voix est tellement tremblante et pâle son visage. Mais ses poings sont serrés et ses traits déterminés. Il tient sa baguette comme si sa vie en dépendait. Moi-même je n’ai pas pensé à sortir la mienne. Je ramène mes bras contre moi et regarde Aodren du coin de l’oeil. Il a l’air en colère. S’il s’est dégagé de ma poigne, ce n’est pas pour autant qu’il s’est éloigné. Mais, comme pour le tester, je fais un pas sur le côté — si seulement je pouvais le contourner, il me suffirait ensuite de me diriger vers cet amas de personnes là-bas et d’aller voir ce qu’il se passe.
Aodren ne me laissera pas faire.
Un pas le ramène devant moi. Aussi puissante que la justice, sa Main s’impose sur mon épaule et ses doigts s’enfoncent dans ma peau. Je grimace, je gigote, mais rien y fait. J’ouvre la bouche pour le supplier de me laisser partir, pour lui dire que je ne suis plus une gamine, que j’ai déjà fait des choses qui l’aurait effrayé, que je suis assez grande pour décider de—

Aodren se penche vers moi. Je fronce le nez ; à cinq centimètres à peine de moi, il plonge son regard dans le mien.

« Bordel Aelle, tu veux la voir mourir, c’est ça ? Si j’te laisse aller là-bas, c’est un cadavre que tu vas voir, c’est c’que tu veux ?
Oui ! »

*Non*.

« Non, c’est pas c’que tu veux, rétorque mon frère. Et je m’en fous d’ailleurs, tu restes là, un point c’est tout. M’oblige pas à utiliser ma magie contre toi, je le ferais si nécessaire. Je… »

Il détourne le regard. C’est bref, mais je le remarque. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’il ne va pas réussir à terminer sa phrase, mais il prend une grande inspiration et se lance. Je crois que j’aurais préféré qu’il se la ferme.

« J’ai pas réussi à t’aider pendant l’bal d’Halloween, mais là c’est pas pareil. Je suis là, d’accord ? »

Je ne veux pas que tu sois là, je veux pouvoir agir. J’aimerais le lui dire, j’aimerais, mais les mots ne réussissent pas à sortir de ma bouche, ne peuvent pas s’exprimer dans le monde. Alors je me tais et Aodren doit prendre ça pour un oui puisque ses doigts se détachent légèrement de mon épaule.

« Je suis là, répète-il et ces paroles me donnent envie de pleurer.
Ok, » réponds-je simplement.

Et sans que je sache pourquoi, sans que je puisse comprendre une étrange chaleur se répand dans mon coeur, dans mes veines, dans mon corps. Mais c’est idiot, n’est-ce pas ? Je n’ai pas besoin de mon frère. Même à Halloween je n’ai pas eu besoin de lui. D’ailleurs ce n’était pas à lui d’être là pour moi, personne ne doit prendre ce rôle ; je veux me débrouiller seule, je n’ai besoin de personne ! Mais ses paroles résonnent dans ma tête *je suis là*, elles sonnent comme une promesse *je suis là*, une promesse qui me fait me dire que ce n’est peut-être pas utile que j’aille voir ce qu’il se passe là-bas *je suis là*, parce que mon grand frère est là et qu’il me force à rester loin de tout cela. Alors je dois lui obéir, n’est-ce pas ?
Et rester loin.

Mon coeur se calme. Lentement mais sûrement ses battements s’apaisent et la crainte qui faisait bouillir mon sang dans mes veines se fait moins ardente. Je hoche la tête à l’intention d’Ao pour qu’il me lâche, ce qu’il fait aussitôt. Il ne s’éloigne pour autant pas, mais il glisse sa main dans la mienne. Je grimace ; l’étreinte me gêne. Mais pour une fois, rien que pour une fois, je ne retire pas ma main — pourtant, la paume d’Ao est chaude et moite *dégoûtante*, mais avec ses doigts liés aux miens c’est comme si la Grande Salle était moins dangereuse ; *complètement con*.

Je croise le regard de Quétrilla qui se trouve derrière Ao. Merde, je l’avais complètement oublié celle-là. Elle nous suit depuis tout à l’heure, mais elle est devenue aussi invisible que les Autres depuis que mon frère m’a arraché à mon but pour m’amener ici. Elle est comme une porte ouverte sur le monde, cette grande fille sombre ; elle me sourit, mais je l’ignore pour me tourner vers les Autres — je les vois à présent. Petits et plus grands, visages en larmes ou visages graves. Certains levés sur la pointe des pieds pour regarder au loin, d’autres repliés sur eux-même pour échapper à la folie bruyante qui règne dans la Grande Salle.

Mon estomac se serre brusquement ; *Thalia*. Je ne la vois pas. Je me détourne des effrayés et des plus faibles *dont j’fais partie* pour regarder le reste de la salle, le reste des élèves. Là-bas, j’entrevoie Mason qui oeuvre avec certains élèves, mais la foule est trop épaisse pour me permettre de voir le corps. Et de toute façon, Aodren veille à ce que je ne le vois pas, je le remarque bien qui me surveille.

« Et Jace ? demandé-je pour l’occuper.
Il a voulu aider, » marmonne mon grand frère, les sourcils froncés par l’inquiétude.

S’il croit que je ne remarque pas le regard qu’il échange avec sa petite-amie, il se fourre le doigt dans l’oeil. Je comprends à demi-mot que si je n’étais pas là, Aodren aussi serait en train d’aider, et Quétrilla certainement. La seconde est là pour le premier et le premier est là pour moi. Cela devrait m’agacer, mais étrangement ce n’est pas le cas : c’est son choix, pas le mien. Son choix, son problème. Un dernier regard vers les deux sixième année et je retourne à mon observation de la salle.

*Où elle est ?*.
J’ai peur.
Qu’elle soit roulée en boule quelque part à faire une crise d’angoisse, qu’elle soit perdue au beau milieu de la foule, qu’elle voit le corps *elle est pas encore morte*. Ses paroles, les paroles qu’elle m’a offert il y a si longtemps, résonnent dans mon esprit : « Ma mère est morte. Assassinée. Devant moi. Et je l’ai vu morte. ». Sans que je puisse réellement l’empêcher, mon coeur se tord d’angoisse. Mais je ne peux pas bouger, hein ? Je ne peux pas bouger d’ici, je ne peux pas aller la chercher, Aodren l’empêchera.

« Ça va, Aelle ? »

Je croise le regard de Quétrilla. Celle-ci a l’air inquiète, mais je comprends très vite que c’est moi qui l’inquiète. Aussitôt, je comprends qu’elle a dû saisir la couleur de mon angoisse en me voyant grignoter le bout de mes ongles comme une gamine. Je cache ma main dans ma poches et hausse vaguement les épaules.

« Tu cherches quelqu’un ? insiste-t-elle.
C’est Thalia ? rajoute Ao. Elle était pas avec toi, sinon je l’aurais embarqué avec nous. »

Je grimace mais ne dis toujours rien. Je n’ai rien à dire, de toute façon.

« Tu veux que j’aille la chercher ? demande Quétrilla. Je peux aller faire un tour dans la salle et comme ça je regarderais si d’autres élèves ont besoin de moi. »

Ao et elle échangent un regard. Ce n’est pas qu’un simple regard. C’est un vrai regard, un long regard, le genre de regard que j’échange parfois avec Zikomo lorsque nous avons nos conversations silencieuses. Je me demande si Ao et Quétrilla sont en train de parler silencieusement en se regardant. Que se disent-ils ? Malgré mon inquiétude, mon angoisse et mon coeur battant, la piqûre de la jalousie est si forte que je suis obligée de me détourner de cette scène pour ne pas réveiller ma colère. *Putain d’Quétrilla*.

« Je vais y aller, décide finalement la Serpentard alors que je n’ai rien dit du tout. Si je vois Thalia, je la ramène par ici, d’accord ?
Fais attention, » murmure Ao avant qu’elle ne s’en aille — comme s’il y avait réellement un autre danger que la vision du corps blessé de Hong Dao.

Quétrilla s’éloigne rapidement, nous laissant seul, mon frère et moi. Aodren se rapproche et son épaule frôle la mienne. Ce contact, loin de me déranger, m’apaise. Finalement, ce n’est peut-être pas plus mal que je sois ici. J’essaie de ne pas penser à l’asiatique, mais c’est compliqué. J’espère sincèrement qu’elle restera en vie. Jusqu’ici, je n’avais jamais réellement songé que les gens pouvaient mourir. Je veux dire… Les gens ne meurent pas comme ça, non ? Et de toute façon, pourquoi est-ce que ça me dérange autant que la femme meurt ? Je ne la connais pas, elle a même voulu me faire marcher, elle a menacé Erza, elle est méchante et cynique et mauvaise, et terriblement passionnante, certes. Elle est doté de pouvoirs exceptionnels et sa magie est étouffante. Je crois que j’aimerais lui parler avant qu’elle ne meurt. Pour lui dire quoi exactement ? J’ai envie de l’approcher depuis ce jour où elle m’a permis d’aller au Japon, mais je n’ai jamais osé — question de prudence. Peut-être aurais-je dû… Et si elle meurt ? Je suis certainement la seule dans cette immense salle à manger à lui avoir parlé, la seule à avoir passé un peu de temps avec elle… Je devrais être à ses côtés, non ? Faire quelque chose pour elle ?

Ma respiration s’encombre, ma vision de floute. *Je vais pleurer*. Je prends une grande inspiration et me concentre sur la sensation de l’épaule d’Ao contre la mienne. Je dois me concentrer, me concentrer. Elle n’est pas encore morte, tout va bien, Mason va la sauver et je me fais la promesse que j’irais voir la sorcière dès qu’elle ira mieux.

*Je me le jure, me le jure*.

« Qu’est-ce que… »

Aodren s’éloigne, ôte sa main de la mienne. Sur la pointe des pieds, il essaie d’apercevoir ce qu’il se passe au loin. Il pose sa main sur mon épaule pour m’empêcher d’avancer. Son grand corps me cache la vue. Autour de moi, j’entends des voix :

« Mason s’est levé !
— Il a réussi ?
— Elle est sauvée ?
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
»

Je croise le regard d’un élève quelconque qui, comme moi, ne voit rien et ne comprend rien. Je me sens tout à fait idiote sur le coup, à regarder sans comprendre, à me dresser sur la pointe des pieds sans y voir.

« Ao…, gémis-je pour attirer son attention. Il se passe qu…
Attends, » ordonne-il.

Et les voix commentent.
Mais les voix mentent, n’est-ce pas ?

« Il… Il a recouvert sa tête.
— Ça veut dire quoi ?
— À ton avis, idiot ? On recouvre pas le visage des gens vivants.
»

Les voix ont tort, c’est certain.

« Elle est morte.
— Elle est morte.
— Elle est morte,
» chuchotent les voix.

Mon coeur s’emballe.
D’un coup d’épaule, je repousse Ao et lui passe devant. Je l’entends crier mon prénom, mais ne l’écoute pas. Je n’ai pas besoin de m’éloigner davantage de toute façon. Là, au bout de la salle, je vois Mason, debout, esseulé. Certainement dois-je imaginer le désespoir sur son visage ?
Il ouvre la bouche.
*Il va dire qu’elle est…*.
Il n’a pas le temps de parler. Un Gong ! énorme retentit dans la Grande Salle. Je sursaute si fort que je percute le corps d’Aodren qui s’est rapproché derrière moi. Ses bras m’entourent ; je les ignore, tétanisée comme je le suis.

Un portail se dessine, je sais déjà ce qu’il va se passer. Je remarque vaguement que l’infirmier se met en position de défense. Je ne réagis pas. Même quand les professeurs reviennent un à un dans la salle, je ne réagis pas. Je n’entends plus les voix autour de moi, je ne comprends pas que si les professeurs tirent tous une sale tronche, ça doit être parce que leur mission s’est mal passée.

Je ne réagis pas.
Et Aodren serre ses bras autour de moi dans une étreinte comme il ne m’en a pas donné depuis qu’il est en âge d’aller à Poudlard. Je me laisse aller contre lui, les yeux fermés, pour ne pas sentir sur mes joues la morsure de mes larmes. Si je me concentre assez sur les bras d’Aodren, peut-être que je ne ressentirais plus l’immense douleur qui me grignote le coeur. Et alors, je n’aurais plus la sensation d’avoir perdu quelque chose que je n’ai pourtant jamais eu.

*


Une semaine après les événements


Je n’avais pas eu conscience durant tous ces mois que je portais dans mon coeur une chose qui ressemblait à s’y méprendre à un trésor. Maintenant que je l’ai perdu, je ressens son absence avec plus de force que j’ai ressenti sa présence. Je me rends compte que depuis que je l’ai rencontré, je me sentais un peu plus forte, un peu plus importante, un peu plus exceptionnelle. Comme si ma rencontre avec Hong Dao me rendait plus riche que je ne l’étais. Je n’avais jamais eu conscience de cela avant de savoir que plus jamais je ne pourrais la regarder, plus jamais je ne pourrais lui parler et lui poser mes questions. Dai Hong Dao a longtemps été pour moi synonyme de peur et de danger. J’avais conscience que ce n’était pas une femme à emmerder. Et d’ailleurs, le marché qu’elle m’aurait fait passer si Erza n’avait pas été avec moi aurait pu m’être fatal, j’en ai conscience, tout comme je sais que mon pouvoir ne peut certainement pas rivaliser avec le sien. Pourtant, j’ai toujours été intriguée par elle. Par sa magie, évidemment, mais aussi par son tempérament et sa façon d’agir avec le monde. J’aurais aimé en savoir davantage sur elle et ces derniers mois j’ai songé plusieurs fois à aller lui rendre visite — sans ne jamais oser, évidemment.

*Je pourrais plus jamais aller la voir*.

Désormais, dans mon coeur grandit un vide que je n’arrive pas à comprendre. Si l’on oublie mon intérêt pour cette femme, cette dernière n’était rien pour moi. Je ne l’appréciais même pas. Alors pourquoi ? Pourquoi ai-je si mal au coeur depuis plusieurs jours ? Pourquoi ne parviens-je pas à trouver le sommeil ? Pourquoi ai-je envie de pleurer, pleurer toutes les larmes de mon coeur pour essayer de combler le vide qu’a laissé la perte d’un trésor que je n’avais même pas conscience de porter ?

Aodren dit que le deuil fait mal, même si on ne connaît pas la personne qui est morte. Lui aussi a mal, m’a-t-il dit, il a du mal à dormir et il a l’impression de voir l’asiatique à chaque coin de couloir. Mais le pire, c’est que moi je ne la vois même pas. Elle a tout simplement disparu, et je n’ai rien fait. Elle a disparu, est morte sur le sol de la putain de Grande Salle ! *C’est n’importe quoi*. Ce n’est pas possible.

*Ce n’est pas possible*.
Je me répète ça à tout bout de champ. *C’est faux*, me dis-je, *c’est pas arrivé*. Et je m’en persuade, je m’en persuade jusqu’à ce que je tombe sur le visage blafard d’une élève ou sur les pleurs d’un gamin qui braille qu’il l’a vu mourir de ses propres yeux, m’obligeant à croire que si, c’est possible. Qu’elle est morte. Assassinée. Et c’est tellement injuste, tellement injuste ! Je suis tellement en colère qu’elle ait disparu de cette manière, que tout cela se soit passé à Poudlard, que quelqu’un ait réussi à la tuer alors qu’elle était censé être si forte, si bonne sorcière ! *Bonne sorcière, c’est ça ouais !*. Si elle était si bonne que ça, elle n’aurait pas disparu aussi simplement.
Peut-être.

Mais en attendant, dans mon coeur grandit un vide et j’ai peur qu’il prenne toute la place.

- Fin -