C'était une jolie soirée de printemps, et Nausicaä avait décidé de profiter du coucher de soleil au sommet de la Tour d'Astronomie. Elle avait quitté sa salle commune discrètement, traversant les couloirs telle une petite souris, sa robe ondulant dans son dos. Malgré la lourdeur de l'air, la jeune fille avait enroulé son nez dans l'écharpe rouge et or à l'effigie de sa maison, dans la crainte de frissonner si uniquement vêtue de sa robe.
Elle monta l'escalier en colimaçon en sautillant les marches, et arriva enfin au sommet. Cet endroit était paisible, et bien que Poudlard en était rempli, la Tour d'Astronomie était particulière. La "pièce" circulaire était ouverte sur le ciel, ce soir particulièrement dégagé. Il faisait frais, tout juste suffisamment pour que l'atmosphère soit agréable.
Nausicaä s'accouda sur l'un des rebords, et baissa les yeux. Cette tour était la plus haute du château. En regardant vers le sol, la jeune Gryffondor avait l'impression d'y voir un vide sans fin, dans lequel elle pourrait tomber sans jamais toucher le sol.
Puis, elle leva les yeux. La surface violacée et bleutée au-dessus d'elle laissait à peine apercevoir ses ressources, sauf pour le moment la fameuse étoile du berger. Vénus était la seule planète que Nausicaä avait étudié en Astronomie, et elle ne pouvait attendre d'en apprendre plus.
Le regard perdu dans l'infinité de l'espace, ses pensées commencèrent à faire de même. Elle pensait à sa mère, se demandant où elle se trouvait, ou si elle était devenue une étoile à son tour.

Le printemps était enfin arrivée, mais Solenn ne pouvait s'en réjouir. La fatigue peinte au dessous de ses yeux attestait que quelque chose ne tournait pas rond, mais impossible pour les autres élèves de connaître la raison. C'était entre elle, la folle, Larrissa, et la directrice de Serpentard. Pourtant, malgré son corps épuisé, elle avait encore plus envie d'être seule que de se reposer. Car les cauchemars lui faisaient trop mal. Alors, elle avait décidé de monter tout en haut de la Tour d'Astronomie, un endroit peu prisé par les élèves d'après elle, pensant que les escaliers dérangeaient toute personne. Doucement, pour ne pas faire de crise d'asthme, elle monta les marches de la tour, laissant ses mains caresser la pierre froide. Lorsqu'elle fût arrivé en haut, elle se permit de fermer les yeux et de souffler longuement. Sa petite maladie lui faisait mal. Elle remit machinalement ses cheveux, et mit sa main droite dans sa poche, pour sentir la lettre de sa mère, qui, dorénavant ne la quittait plus. Soudain, alors qu'elle était perdue dans ses pensées, elle aperçut un truc rouge qui bougeait. C'était l'écharpe d'une Gryffondor, qui se trouvait dos à Solenn. La rousse se tourna alors doucement, mais se tapa le pied contre le mur de la sortie. La jeune fille jura dans sa langue natale.

-M*rde !

Elle entendit du bruit derrière elle, et sût qu'elle s'était fait reconnaître. Mince, c'était trop tard pour partir telle un vagabond, surtout qu'elle était facilement reconnaissable avec ses cheveux de feu. Son corps se retourna une seconde fois, et Solenn dit :

-Excuse-moi, je ne voulais pas t'embêter.

Son ton paraissait presque froid, mais c'était surtout son coeur qui l'était. Ce qu'elle avait dit était une formule de politesse, mais la jeune fille ne le pensait pas. Au contraire, elle aurait bien voulu embêter la fille pour que celle-ci parte et que Solenn puisse être seule.

- M*rde !
Nausicaä se retourna d'un bond, prête, comme toujours, à se défendre s'il le fallait. La main fourrée dans la poche de sa robe, elle serrait étroitement le manche en bois de châtaignier de sa baguette. Cependant, elle se trouva simplement face à une jeune fille vêtue des couleurs de Serpentard.
Malgré ses longs et épais cheveux roux qui contrastaient étonnamment avec la couleur sombre du ciel, on apercevait son visage et décelait aussi facilement les tâches de rousseur parsemant son visage.
Nausicaä planta ses yeux vairons dans les yeux bleus de la jeune fille, alors qu'un lourd silence planait sur les deux élèves. La Gryffondor ne voulait pas être dérangée, elle aurait de loin préférée rester seule à observer les étoiles. Après tout, ce n'est pas pour rien qu'il lui arrivait de fuir la salle commune, désireuse de s'éloigner du bruit et de l'agitation de ses camarades.
- Excuse-moi, je ne voulais pas t'embêter, ajouta-t-elle d'un ton glacial.
Nausicaä continuait de la fixer, le visage neutre. On entendait simplement quelques oiseaux, ainsi que le crissement lointain des feuilles des arbres de la Forêt Interdite.
- Tu... Tu ne m'embêtes pas, répondit Nausicaä après avoir poussé un long soupir.Tant que tu n'es pas bruyante.
Puis, elle se retourna, et de dos, lui fit signe de s'assoir non loin d'elle. A nouveau, son regard se perdit dans l'infinité du ciel.

Les quatre yeux se scrutaient, cherchant sûrement à déceler quelque chose. La fille en face de Solenn avait les cheveux blancs, une couleur de teinture que Solenn n'avait jamais compris, mais c'était presque la seule chose que la rousse pouvait apercevoir, la nuit jouant sur les couleurs. Après un long soupir, qui trahissait une sorte d'ennui, la fille répondit :

-Tu... Tu ne m'embêtes pas. Tant que tu n'es pas bruyante.

Solenn ne voulait pas s'énerver. De toute façon, elle n'en avait pas la force. Donc même si cette réponse l'irrita quelque peu, elle n'en tint pas compte. Elle voulait juste être seule, et commencer une dispute était la pire des solutions. La Gryffondor se retourna, et fit un signe à Solenn. *Elle me prend pour son chien ou c'est comment ?* Elle préféra aller s'accouder à un rebord, de l'autre côté de l'endroit que lui avait assigné la blanche, mais assez près d'elle pour pouvoir l'observer discrètement. La fille était assez jolie, et paraissait presque triste. Ou plutôt mélancolique. Oui, c'était le mot qui convenait. Solenn trouvait cela étrange de rester en silence ensemble, mais ne savait pas quoi dire et n'avait pas vraiment envie de parler. La seule chose qui aurait pu la pousser à le faire, c'était sa mère, qui l'avait conseillé de ne pas s'enfermer sur elle-même et de parler aux autres. Sans s'en rendre compte, elle ricana à voix haute. Plus facile à dire qu'à faire...

De dos, Nausicaä ne pouvait voir mais seulement entendre les mouvements de la jeune fille. Après qu'elle lui ait proposé - proposé était un bien grand mot, elle avait été assez hostile à son égard - de rester, la Serpentard n'avait pas bougé. D'un geste de la main, la Gryffonne lui avait suggéré de s'assoir non loin d'elle, mais d'un pas décidé, l'inconnue était partie du côté complètement opposé. Discrètement, Nausicaä jeta un regard par-dessus son épaule. La Serpentard s'était accoudée à un rebord, et regardait droit devant elle, sans dire quoi que ce soit.
C'était très étrange de rester là, dos à dos, sans s'adresser ne serait-ce qu'un petit mot. On n'entendait qu'au loin le bruissement des arbres de la Forêt Interdite, légèrement secoué par ce qui était sûrement d'étranges créatures qui y rôdaient. Leurs respirations ponctuaient ce silence, tandis qu'elles étaient presque coordonnées.
Sans cesse, la jeune Gryffondor jetait des coups d'oeil par-dessus son épaule, curieuse de savoir ce que la Serpentard pouvait bien faire. Soudain, un ricanement brisa le silence. Nausicaä se retourna pleinement vers l'autre fille, et la fixa du regard, les sourcils légèrement froncés, sans pour autant que son expression ne soit menaçante. Après tout, elles étaient là, toutes les deux, alors pourquoi ne pas engager la conversation? Elles voulaient toutes deux être seules, alors peut-être le mélange pourrait-il être bon?
- Écoute... se décida enfin Nausicaä. Désolée si j'ai paru un peu hostile. Comment tu t'appelles? Je voulais être seule, aussi, je t'avoue. Mais on ne va pas rester là, sans dire un mot, tu ne penses pas?

Solenn ne se retournait pas, mais arrivait presque à sentir le regard de la blanche sur elle, ce qui était très dérangeant. Solenn avait cru comprendre qu'elle souhaitait être seule, et, maintenant, la fixait comme si elle voulait que la rousse se retourne. Au bout d'un long moment, la Gryffondor prit la parole. On aurait presque pu dire qu'elle se sentait obligé de parler, vu son ton.

-Écoute... Désolée si j'ai paru un peu hostile. Comment tu t'appelles? Je voulais être seule, aussi, je t'avoue. Mais on ne va pas rester là, sans dire un mot, tu ne penses pas?

Les sourcils de Solenn se froncèrent. Elle avait réussi presque à oublier la présence de la jeune fille, et maintenant, celle-ci souhaitait engager la conversation. Si elle voulait se sentir mieux, il fallait oublier la folle, et donc pour cela, occuper son esprit. Mais c'était tellement tentant de prendre la voie de la facilité et de continuer à ruminer ses pensées dans son coin...Après un soupir presque inaudible, elle répondit d'une voix morne, ce qui faisait ressortir son accent :

-Tu as sûrement raison. Solenn. Et toi ?

Elle était restée de dos pendant qu'elle parlait, mais décida quand même de se retourner. L'autre n'allait sûrement pas apprécié. Et elle devait parler avec elle le temps d'oublier un peu sa douleur. D'un geste machinal, elle remit ses cheveux d'un côté, pour les empêcher de cacher son visage, au moins pendant quelques minutes. Solenn observa plus attentivement la fille en face d'elle, qui avait l'air presque aussi heureuse de vivre que la Serpentard. 

Nausicaä observa les sourcils de la jeune Serpentard se froncer. C'était quoi, son problème, à celle-ci. Comme dans un défi, la Gryffondor assombrit à nouveau son visage, tout en plissant les yeux, comme pour lui montrer qu'elle aussi pouvait afficher un air méchant. Le vent souffla quelques secondes, ponctuant le silence de ses légères et douces brises. Nausicaä commençait à regretter de lui avoir adresser la parole, alors qu'elles auraient très bien pu rester chacune dans leur coin, à simplement contempler les étoiles. Mais après tout, ni l'une ni l'autre n'étaient des animaux asociales, autant se servir du don de parole dont elles étaient dotées.
- Tu as sûrement raison. Solenn. Et toi ? répondit finalement la jeune Serpentard.
Son ton ne laissait transparaître aucune envie quelconque de répondre à Nausicaä. Mais elle l'avait fait, et la jeune Gryffondor n'allait pas se laissait démonter maintenant. Son sourcil droit se haussa. *Tu aurais pu te retourner, quand même.* grogna-t-elle intérieurement.
Au moment où elle pensa ça, Solenn fit face à Nausicaä. Ses cheveux roux et bouclés cachaient presque entièrement son visage, et elle les dégagea d'un geste monotone, tout en fixant son interlocutrice d'un regard neutre. La Gryffondor, en face d'elle, laissait ses mèches blanches tomber flegmatiquement devant ses yeux et sur son nez.
- Nausicaä, répondit-elle, les mains dans les poches de sa robe. Qu'est-ce que tu fais là, tu viens souvent ici?

Solenn faisait face à la blanche. Ses mèches claires jouaient devant ses yeux, et à cause de l'obscurité, ne pouvait apercevoir l'iris. Nausicaä. Comme l'héroïne d'un film japonais que Solenn avait adoré. Mince. Une question. Solenn s'empêcha au dernier moment de soupirer une énième fois, et répondit :

-Non. Mais aujourd'hui...j'en avais besoin.

Ce ne pouvait pas être plus vrai. Elle avait besoin de regarder le vide, de se demander si cela servait réellement de vivre, lorsqu'on avait ces cauchemars qui t'empêchaient de vivre. Solenn se tourna légèrement, pour pouvoir admirer le soir en même temps que la Gryffondor. Enfin. "admirer". Alors, la Serpentard se souvint des règles de la sociabilité, et demanda, le regard fatigué et perdu dans les arbres de la Forêt Interdite :

-Et toi ?

Si l'autre voulait parler, il fallait bien que Solenn y mette du sien. De plus, occuper son esprit était une bonne idée. Cela ne marcherait pas, mais le cerveau déprimé de Solenn était prêt à tout. A tout. Alors, Solenn fit un pas. Pas plus, elle ne voulait pas faire peur à l'autre. Comme cela, au moins, ça montrerait qu'elle n'était pas méchante. Enfin, pas trop. Car il était vrai qu'être méchante lui faisait du bien. Elle avait l'impression qu'elle n'était plus la seule à se sentir pas bien. Comme cela, les autres la regardaient mal, et elle savait qu'au fond d'eux, ils se demandaient pourquoi.

Dans la pénombre de la nuit, Nausicaä ne pouvait voir de Solenn que sa chevelure rousse étincelante, et ses yeux brillants dont elle ne pouvait distinguer la couleur. Toutes deux se faisaient face, la Gryffondor les mains dans les poches, son poids appuyée sur l'une de ses hanches.
- Non. Mais aujourd'hui...j'en avais besoin, répondit la jeune Serpentard.
La tête légèrement penchée, Nausicaä n'en avait pas l'air, mais elle écoutait attentivement les mots de son interlocutrice. Son regard se perdait derrière la rousse, dans l'infinité du ciel, sûrement. Elle ne fixait rien.
- Et toi ?
La jeune Gryffondor ne s'était pas attendu à ce que Solenn lui retourne la question, considérant son hostilité depuis le début de la soirée. Il faut dire que Nausicaä n'avait pas été très accueillante non plus.
- Les Gryffondor sont très agités, rétorqua-t-elle. Je n'aime pas les gens bruyants. Du coup, je cherche des endroits tranquilles pour pouvoir m'isoler.
C'était à moitié vrai. Certes, elle aimait être seule de temps à autre, mais elle venait aussi ici pour penser à sa mère. Quel cliché, pensa-t-elle. Encore une fois, son regard se perdit dans le vide. Elle leva le tête, sans rien ajouter de plus.
Puis elle pensa un moment que peut-être, Solenn aussi venait ici car elle se sentait un peu triste, parfois. Nausicaä n'avait pas particulièrement envie de parler de sa mère, mais après réflexion, la présence de cette jeune Serpentard ne la dérangeait plus.
- On est pas obligées de parler, tu sais. ajouta la petite Gryffondor. Mais on peut aussi parler. Si tu veux.

Nausicaä continuait la conversation, et Solenn hésitait. Au fond d'elle, une question tourbillonnait. Devait-elle continuer, ou paraître méchante et s'enfuir ? Mais cela semblait trop lointain, le moment où elle aurait pu s'enfuir. Maintenant, elle était résignée à parler. Enfin, résigner n'était pas le bon verbe, car c'était elle qui s'obligeait cette conversation qui tournait déjà en rond. La blanche parla des lionceaux, et Solenn ne put s'empêcher de ricaner. Oh, un tout petit et minuscule ricanement. En temps normal, Solenn aimait plutôt le bruit. C'était peut-être pour cela qu'elle n'allait plus en Salle Commune. Les Serpentard, contrairement à ce que l'on croyait, aimait rire et s'amuser. De façon particulière certes, en se lançant des défis gênants, mais comme l'expression française le disait, "qui aime bien châtie bien".
Le fait que Nausicaä se retrouve à Gryffondor alors qu'elle n'aimait pas le bruit devait être un handicap pour elle. Ils étaient connus pour brailler. Les pensées de Solenn furent interrompus par une autre phrase de la blanche qui fit lever les yeux de la rousse au ciel. Quelle question stupide. C'était bien une question de Gryffondor. Elle se rappela alors qu'elle n'avait pas le droit de penser cela, car d'après sa mère, les clichés étaient factices. Mais Solenn aimait bien critiquer les gens dans sa tête, elle se sentait un peu mieux lorsqu'elle le faisait.

-Quelle question... 

Elle ne pouvait s'empêcher de faire la remarque. De plus, ces paroles fermaient toute la conversation, et, pour trouver quelque chose qui relancerait tout cela, Solenn n'avait jamais été douée. Et c'est à ce moment que son cerveau décida de partir en vacances, et qu'elle lança sans réfléchir :

-Si j'te parle, c'est p't-être que j'en ai besoin.

Et le bonhomme rose en short de plage revint en catastrophe. Mais c'était trop tard. Elle n'aimait pas parler de ses problèmes et se plaindre, et elle était en train de le faire. La fatigue lui jouait réellement des tours, et c'était très désagréable.