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01 déc. 2018, 12:26
Una mattina  PV 
Samedi 17 octobre 2043
PV Solwen Estendle

Avant même que la lumière vienne chatouiller ses paupières ou que les clameurs des premières discussions arrivent à ses oreilles, la première chose qui réveilla Lyn, ce fut un truc humide déposé sur sa joue. Elle n'eut pas la force d'entrouvrir les yeux, mais entendit vaguement quelques pas qui s'éloignaient, et la porte qu'on ouvre puis ferme. Après ça, le flou l'emporta de nouveau.

Une demi-heure plus tard, l'aiglonne émergeait tout à fait. Ouverture des paupières, repoussage de couette, redressage en position accroupie. Frottage des yeux, descente du lit, mise des pantoufles. Dernières étapes : aplatir l'oreiller, remettre la couverture en place approximativement, et enfin remettre le doudou sur l'oreiller, bien droit. Voilà, tout en ordre !
Lyn s'habilla avec lenteur, l'esprit encore un peu pâteux. Sa montre indiquait presque dix heures. Okay, il était encore très tôt. Enfin, relativement tôt. Bon, d'accord, c'était un peu limite mais voilà, d'habitude elle se levait encore plus tard. Le week-end, quoi. Puis comme Solwen allait courir le samedi matin, Lyn la rejoignait à la grande salle pour le petit déjeuner. Pas besoin de se presser, donc.
Du coup, la fillette avait un tout petit peu d'avance. Elle sortit de son dortoir et débarqua dans la salle commune. Évidemment, certains aiglons étaient déjà penchés sur leurs parchemins. Non mais qu'est-ce qu'elle fichait là, Lyn, dans cette maison de fous ? QUI travaillait le premier matin du week-end, hein ? Pas elle. Le matin était dédié à la grasse matinée, c'était sa-cré. La petite italienne se dirigea vers la sortie en traînant des pieds, zyeutant avec envie vers les canapés. Manger ou dormir, il faut choisir... Pour le moment, l'appel de la bouffe était le plus fort. Adieu, lit, adieu, fauteuils, adieu, coussins moelleux. Mais ! Bonjour, pains au chocolat ! De quoi réchauffer le cœur de Lyn, dans sa mélancolie paresseuse. Son estomac criait famine, sûrement que se lever lui avait déjà demandé un bel effort. Et comme chacun sait : après l'effort, le réconfort.

La fillette sortit donc d'un pas énergique, et s'attacha les cheveux en une petite couette tout en marchant. Ça dura à peu près dix secondes, puis elle fit demi-tour. Direction salle commune, dortoir, prendre un gilet. Il faisait un froid de canard dans les couloirs, un coup à choper un rhume, ça. Lyn reprit sa marche vers le Saint Repas, mais s'arrêta bien vite, une nouvelle fois. Le hasard faisait parfois bien les choses (beh oui sinon y aurait pas d'histoire), de sorte que le chemin de l'aiglonne croisa celui d'une autre fillette, dont elle avait fait la connaissance près d'un an auparavant, et pour laquelle elle avait une certaine affection. C'est donc tout naturellement que Lyn adressa un petit signe de la main et un sourire à Emy, ainsi qu'un joyeux
"Salut !"
N'ayant ni carnet ni crayon sur elle pour dire quoi que ce soit d'autre à sa camarade, la petite italienne resta comme ça, avec l'impression de sourire bêtement. Elle tenta tout de même un petit "Ça va ?" (accompagné de son habituel haussement de sourcils) au bout d'une seconde de réflexion. Conversation bateau bonjour, mais difficile d'engager un débat sur la vie ou du moins poser une question plus précise, quand son interlocuteur est sourd.

À vrai dire, Lyn avait bien croisé la Poufsouffle de temps en temps dans les couloirs, mais n'avait jamais eu de réelle discussion avec celle-ci depuis leur rencontre. Du moins, elle n'en avait pas le souvenir. Mais depuis le temps, elle avait bien envie de prendre de ses nouvelles. La Troisième année replaça une mèche dans ses cheveux, guettant le moment où Emy sortirait son fameux carnet, réceptacle des écrits des autres, des siens, et surtout de ses dessins.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

24 déc. 2018, 18:18
Una mattina  PV 

Emy, Douze ans


Octobre 2043


La première chose que je pensai en me réveillant ce matin là fut qu'on était enfin vraiment samedi. J'avais l'impression de n'attendre que ça en ce moment, de passer mon temps à compter les jours qui me séparaient du jour J. Je consacrai cette entière journée au dessin, le reste du temps je travaillais d'arrache pied pour obtenir les meilleurs notes possibles -ce qui ne veut pas dire obtenir de bonnes notes-, délaissant bien trop à mon goût mon carnet.  

A peine mes yeux étaient-ils ouverts depuis quelques instants que j'étais déjà assise dans mon lit, prête à récupérer mon carnet et décoller vers la tour d'Astronomie. Tant pis pour le p'tit dej, de toute façon je n'avais pas faim. J'avais juste envie de dessiner, envie qui était tellement forte que c'était presque à la limite du besoin là. Je pourrais toujours manger plus tard, c'était pas le plus important. Je me levai, m'habillai en vitesse, avant de quitter le dortoir sur la pointe des pieds, en tentant d'avancer avec le plus de discrétion possible. Coup d’œil à mon poignet. *Neuf heures quarante-cinq* J'étais plus tard que d'habitude. Ma langue claqua contre mon palais. J'étais énervée contre moi-même d'avoir perdu autant de temps à cause du sommeil, j'étais beaucoup plus tôt d'habitude, c'était nul. Cependant, en grimpant les étages, ma frustration s'atténua peu à peu, laissant la place à la hâte. Mes pas se firent de plus en plus rapides, jusqu'à ce que je sois à la limite de courir. Mais à quelques minutes d'être arrivée, je m'arrêtai brusquement. Devant moi se tenait une autre jeune fille. Une Serdaigle. Lyn. Et elle me souriait en me gratifiant d'un signe de la main. *Wahou* C'était pas rare que quelqu'un fasse ce genre de signes dans un couloir, mais que quelqu'un me les fasse à moi, si, ça l'était. On s'était déjà recroisées dans les dédales du château quelques fois, mais on n'avait pas rediscuté depuis la fois où je l'avais rencontrée. Pourtant cette fois ci elle semblait bien décidée à lancer une discussion. Je m'approchai un peu d'elle pendant que je lus sur ses lèvres qu'elle me demandait si ça allait. Intérieurement, je la remerciai d'avoir pris la peine d'accentuer l'expression de son visage. Même si là il ne s'agissait que de deux mots que j'aurais pu comprendre sans ça, c'était plus agréable et plus facile pour moi de lire quand mes interlocuteurs prenaient la peine d'articuler et de se montrer expressifs. 

En réponse à son salut, j'agitai rapidement la main, langage universel pour dire bonjour. Je la vis remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille, puis je me décidai à sortir mon carnet. J'en tournai rapidement les pages pour arriver à la fin. Je trouvai facilement celle qui avait encore les marques de notre dernière discussion. J'avais passé un bon moment avec Lyn ce jour là, elle s'était montrée plus qu'adorable, et j'aimais bien de temps en temps me replonger dans nos mots. Ça me rappelait sa gentillesse et me prouvait que je n'étais pas toujours totalement invisible aux yeux de tout le monde, et que le château n'était pas empli de débiles profonds égoïstes, incapables de vivre sans cracher dans le dos des uns des autres.

Mon carnet posé en équilibre sur mon avant bras gauche, je traçais rapidement un "Très bien merci, et toi ?" formé de lettres bancales dont je n'étais pas très fière. Mais ma position n'était pas des plus confortable en même temps, c'était pas de ma faute. Je lui tendis rapidement le cahier pour qu'elle y inscrive à son tour sa réponse. En attendant, mon cerveau se mit à carburer pour trouver un sujet de discussion sur lequel nous pourrions nous lancer. Elle avait fait l'effort de venir me parler, ça m'arrivait tellement rarement que je n'avais pas envie qu'elle s'en aille tout de suite. Je voulais profiter encore un peu de sa présence. Mais peut-être avait-elle mieux à faire que de rester plantée là à discuter avec moi. Comme aller retrouver Solwen par exemple. Où était-elle d'ailleurs ? A chaque fois que j'avais croisé Lyn, j'avais croisé Solwen également, et j'en avais déduit que les deux étaient inséparables. J'aurais bien proposé à la Serdaigle de faire un bout de chemin avec moi, voire de venir me voir dessiner étant donné qu'elle avait semblé très intéressé par les dessins qu'elle avait vu la dernière fois. J'aurais bien aimé lui montrer mes progrès. Plus j'y pensais, plus je me disais qu'elle devait surement aller retrouver son amie, et donc qu'elle me dirait non. Mais plus j'avais envie qu'elle me dise oui, parce qu'on pourrait de nouveau passer un super moment, et que passer un super moment avec quelqu'un, ça me manquait.

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

28 déc. 2018, 02:28
Una mattina  PV 
Ça n'avait pas trainé. Un court instant, infime même, Lyn avait pensé que, peut-être, Emy ne l'avait pas reconnue ou ne se souvenait plus d'elle, mais aussitôt la Poufsouffle lui avait rendu son salut. Quant au carnet, l'attente ne fut pas longue. Tout de suite, la fillette gratta quelques mots sur le papier, et tendit ainsi sa réponse à la Troisième année. Celle-ci releva la tête après cette rapide lecture, et hocha vigoureusement la tête, sourire aux lèvres. Oui, elle allait bien, très bien même. Elle n'aurait su dire exactement pourquoi, mais il était des journées, comme ça, qui se révélaient être particulièrement belles sans pour autant qu'elles se démarquent énormément des autres. La plupart du temps, le week-end y était pour quelque chose.

La présence d'Emy en cet instant avait également quelque chose de spécial. Ce n'était rien d'habituel, et c'était assez perturbant temporellement, de sorte que, du temps, il ne restait que le concept. Dès ces premières secondes de conversation, il avait commencé à s'écouler autrement. Lyn secoua légèrement la tête, faisant glisser le crayon de la main de sa camarade. Pour écrire, le carnet ne suffisait pas.
Au début, elle voulut s'y prendre sans support, mais ses deux premières lettres donnèrent un truc atroce, et la troisième consista en un dérapage incontrôlé qui finit en un trait hideux. Du coup, la petite italienne s'accroupit, posa le calepin sur son genou droit et écrivit, de manière pas très belle mais au moins, lisible. Enfin, espérons-le.
"En pleine forme !" Elle fit gigoter le crayon entre ses doigts, puis son esprit dériva vers Solwen et le petit-déjeuner. Si elle passait un moment avec Emy – et ça semblait parti pour être le cas –, faudrait qu'elle prévienne son amie, afin d'éviter que celle-ci ne farfouille dans tout le château à sa recherche, et appelle des équipes d'Aurors pour la retrouver, inquiète et affolée. Vu la maman poule qu'elle était parfois, elle en était bien capable. "Je vais prévenir Sol que je suis avec toi, je reviens dans trente secondes"
Et puis elle tendit le carnet et le crayon à Emy, ne prenant pas la peine d'ajouter un point. Elle se releva comme un ressort, et avala rapidement les quelques mètres qui la séparaient de sa salle commune. Le compte à rebours était lancé, et elle ne manquerait pas de le respecter. Heureusement, à cette heure-ci il y avait quelques élèves qui circulaient, sortant eux aussi de leur grasse matinée pour certains, et l'aiglonne n'eut pas besoin d'écouter l'énigme du heurtoir pour rentrer dans sa salle commune, croisant un Serdaigle qui en venait. À grands pas, elle se dirigea vers son dortoir, comptant approximativement les secondes écoulées. Approximativement, car son décompte était assez irrégulier, et elle se permettait de répéter, quelques fois, le même chiffre, histoire de s'assurer d'être à l'heure.
Elle prit son propre carnet dans sa table de nuit, son critérium, appuya deux fois dessus pour faire sortir la mine, et griffonna le message qu'elle allait déposer sur son oreiller.
"Sol, je suis avec Emy, je te rejoins en bas, bisous. Lyn" Lui restaient huit secondes. Elle fonça, se dépêchant de faire le chemin inverse. Ladite Emy l'attendait. Peut-être même qu'elle lui avait écrit un message en patientant.

Aucune idée de l'état du compte à rebours, le véritable comme le modifié. Lyn se contenta juste d'arriver après avoir fait aussi vite que ses petites jambes et sa main gauche lui permettaient. Plantée devant Emy, l'aiglonne arbora un air de triomphe, et souleva les bras, écartés, en signe de victoire, et comme pour dire "Applaudissez !". Mission accomplie.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

13 janv. 2019, 12:31
Una mattina  PV 

Emy, Douze ans


Presque tout de suite après avoir hoché la tête, réponse positive à ma question, Lyn récupéra mon carnet, et me prit des mains le crayon que j'avais oublié de lui tendre. Je me frappai mentalement le front, et lui adressai un petit sourire gêné. Comme moi quelques secondes auparavant elle tenta d'écrire sans s'appuyer, mais au bout de quelques lettres elle laissa tomber et s'accroupit pour poser le cahier sur son genou. Je la regardai tracer ses mots, concentrée sur ce qu'elle faisait. Ses yeux couraient sur le papier, suivant la naissance des lettres que je ne pouvais pas lire. Un peu gênée de l'observer aussi fixement, je me concentrai sur le mur à ma droite, me balançant sur mes talons, les mains croisées dans le dos. Du coin de l’œil j'aperçus son mouvement lorsqu'elle me rendit mon carnet. A peine l'avais-je saisi en récupérant mon crayon de l'autre main qu'elle se redressai brusquement et filait vers sa salle commune. Je la regardai partir, interloquée, laissant mes bras retomber le long de mon corps. J'avais fait quelque chose de mal ? Mon cerveau mis quelques secondes à se rebrancher pour me signaler qu'elle avait écrit quelque chose et que je ne l'avais pas encore lu. Sans conviction, je m'adossai au mur, puis levai mon carnet. "Je vais prévenir Sol que je suis avec toi, je reviens dans trente secondes" *Oh !* C'était donc ça qu'elle était partie faire ? Je me sentis rassurée, mais surtout un peu bête, il fallait vraiment que j'apprenne à contrôler mes émotions, ça devenait embarrassant. Je soufflai brusquement par le nez, signe de mon agacement. 

En attendant le retour de Lyn -qui ne devait plus tarder- je rangeai mon crayon dans les spirales de mon carnet, puis jouai distraitement avec le coin des pages. Lorsque la jeune Serdaigle revint, j'étais occupée à observer une jeune fille de cinquième ou sixième année à Serpentard qui passait devant moi. Elle marchait la tête haute, un air important sur le visage, et me jetait des petits coup d’œil en coin du genre "Regarde-moi minus, je suis occupée, je n'ai pas de temps, parce que je suis grande moi contrairement à toi. Accorde-moi ton attention, et moi en retour je ne fais que te regarder du coin de l’œil parce que tu ne mérites pas plus." En tout cas c'était ce que j'imaginais, et rien dans son attitude ne me contredisait. Ce qu'ils pouvaient m'énerver ces grands là à toujours se croire supérieurs juste parce qu'ils étaient nés avec quelques années d'avance... C'était d'un ridicule, ils avaient juste l'air bête à se donner un air précieux comme ça devant les élèves plus jeunes. A croire qu'ils n'existaient que dans le regard des autres, qu'ils avaient besoin d'y voir du respect voire un peu de crainte pour aller bien, pour se sentir grands. Je pense que quand on l'est vraiment on n'a pas besoin de ce genre de futilités pour se sentir grand, on sait qu'on l'est et puis c'est tout, on n'a pas besoin des autres pour se le prouver. Je soupirai puis me tournai vers Lyn.

La jeune fille me regardait avec un air fier, puis écarta les bras comme le font les sportifs ou les artistes après une super performance. Je ne pus retenir un sourire, elle était amusante cette fille, très différente de Solwen sur ce point-là. Incapable de rabaisser les commissures de mes lèvres, je frappai quelques secondes mes mains l'une contre l'autre, mon carnet coincé sous mon bras droit.

J'avais l'impression d'avoir une petite bulle de bonheur qui s'était formée dans mon ventre à l'idée qu'elle s'était dépêchée pour moi. Et c'est cette bulle qui me poussa à faire un truc que je n'aurais pas osé faire d'habitude. Je récupérai mon carnet, l'ouvrit rapidement, puis écrivit en vitesse quelques mots sur le papier. Une fois fait, je les tournai vers elle, sans réfléchir. Si je l'avais fait, j'aurais été incapable de lui montrer ce que j'avais écrit, parce que c'était de la folie, je ne faisais jamais ça.

"Je vais dessiner à la tour d'Astronomie, ça te dirait de m'accompagner ?"

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16 janv. 2019, 12:38
Una mattina  PV 
Voir Emy applaudir à la zouaverie de Lyn, c'était particulièrement satisfaisant pour cette dernière, qui fit un mini-salut en guise de remerciement. Allons jusqu'au bout du spectacle. Après ce petit instant théâtral, Emy reprit son carnet en main et gribouilla dessus à toute vitesse. Oh, d'ailleurs, peut-être était-elle pressée ? Lyn lui avait même pas laissé le temps de re-répondre avant de se barrer pour revenir, mais si ça se trouvait, les plans de la Poufsouffle étaient autres. D'un autre côté... Emy n'avait manifesté aucun signe d'empressement jusque-là, donc les angoisses de l'aiglonne n'étaient probablement pas fondées.
D'ailleurs, voilà que sa cadette lui tendait le carnet, la laissant lire ce qu'elle venait de coucher sur le papier. Oh ! L'accompagner à la tour d'astronomie ? La voir dessiner ? Belle proposition, très plaisante et attrayante. Le regard pétillant, les sourcils levés, un grand sourire aux lèvres, Lyn releva la tête vers Emy, mais ne dit pas un mot. Toujours son regard planté dans celui de la Deuxième année, elle lui prit le crayon des mains tout doucement, comme si elle faisait durer le suspense.
Elle s'accroupit de nouveau – finit les fesses par terre – se plaça en tailleur – releva un genou – posa le carnet sur son genou – comme un pupitre – leva une nouvelle fois ses yeux vers Emy – désormais largement au-dessus d'elle – l'air malicieux – ainsi positionnée, sa camarade ne pouvait pas voir ce qu'elle écrivait.

Pourtant, elle n'avait rien à dire de vraiment surprenant. Sa réponse, elle l'avait déjà formulée par ses mimiques, en fait. Mais ça l'amusait de titiller la jeune fille (qui aime bien châtie bien, non ?), et puis elle voulait donner son verdict en bonne et due forme, par écrit. Elle fit traîner la mine, s'interrompant de temps à autre, l'air de réfléchir intensément, regard en l'air, mais toujours avec ce sourire narquois qui la trahissait probablement. "Avec plaisir, Miss." C'était tout.
Si c'était possible, son sourire s'agrandit donc encore (il devait désormais littéralement aller d'une oreille à l'autre) lorsqu'elle tendit sa réponse, après s'être relevée et époussetée avec application. Y avait-il quelque chose à ajouter ?

En route, donc. L'aiglonne fit un signe de tête vers le couloir qui s'étendait. Avec une allure nonchalante, elle prit la direction de la tour d'astronomie, accompagnée par sa jeune camarade. Allure nonchalante, mais à l'intérieur, elle bouillonnait d'excitation. Comment dire ? Elle avait beaucoup aimé les dessins d'Emy lorsqu'elle les avait découverts. Mais là, elle allait pouvoir carrément être spectatrice des prémices des esquisses de cette créatrice. Elle verrait toutes les étapes, et c'était... cool ? En tout cas, Lyn appréciait d'avoir cette occasion.
Un autre côté réjouissant c'était que la tour d'astronomie était un bel endroit, notamment pour la vue qu'elle offrait. En plus de la tranquillité.
Le chemin se fit en silence, ce qui n'avait rien d'étonnant, mais ça donnait lieu à une atmosphère un peu gênante (du moins pour Lyn) et à la fois reposante, apaisée. La Troisième année n'entendait que le bruit de leurs piétinements et parfois, son oreille surprenait une respiration. À leur arrivée en haut des escaliers, Lyn prit une grande inspiration – pas la meilleure des idées vu la fraîcheur de l'air, mais passée la violence du froid, ça faisait du bien. Elle aurait peut-être dû se couvrir un peu plus aussi ; elle eut un frisson et se frictionna les bras rapidement pour se réchauffer un peu.
Avec un grand sourire, l'aiglonne se tourna vers Emy, puis de nouveau vers le paysage qui s'étendait là. De quoi remplir des pages et des pages de dessin, probablement. Lyn s'approcha du rebord, posa ses bras croisés dessus, et jeta un coup d'œil plus bas – elle se souleva légèrement, ses pieds décolèrent du sol de quelques centimètres – ouh c'était haut ! Mais très beau.

Toujours dans cette position, Lyn se mit à siffloter (sifflotement qui pouvait aussi tenir du soufflement, d'ailleurs), battant alternativement de chaque pied en rythme. Pendant une seconde, elle se demanda si elle allait pas déranger la Poufsouffle, et puis l'évidence lui revint à l'esprit. Enfin, sourde ou pas, c'était peut-être pas très sympa de l'oublier comme ça ; joues rosies, la Troisième année mit les pieds sur terre (enfin sur pierre) et pivota, histoire de voir si – et où – Emy s'était installée. Peut-être même avait-elle déjà commencé à crayonner.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

18 janv. 2019, 19:19
Una mattina  PV 

Emy, Douze ans


Durant un court instant, ce que je lus dans ses yeux lorsqu'elle les plongea dans les miens me rassura, j'avais remarqué cette petite lueur de joie, elle allait accepter. J'en étais sûre et certaine. Mais elle ne fit rien pour préciser clairement sa réponse sur son visage ou dans son attitude comme elle le faisait généralement, c'était assez perturbant. J'eus un doute, d'abord minime, étouffé par mon assurance, puis grandissant au fur et à mesure qu'elle prenait tout son temps pour récupérer mon crayon de mes mains. Si ça se trouve c'était juste ma proposition qui lui mettait le cœur en joie, et si elle ne m'avait pas encore fait comprendre que c'était oui c'était parce que c'était non.
Elle s'agita dans tous les sens, changeant de position toutes les deux secondes et m'empêchant en même temps de voir ce qu'elle allait écrire. J'aurais voulu me pencher pour observer quand même, mais ça n'aurait pas été poli. La tentation était pourtant forte de la pousser à se dépêcher, je voyais bien qu'elle faisait exprès de traîner, et même si ça m'agaçait un peu, je devais avouer que quelque part c'était également assez amusant. 

Quand enfin elle me laissa voir sa réponse, après avoir encore bien traîné, je la connaissais déjà. Si j'avais eu un petit doute quelques instants, ils avaient vite disparus. Clairement, elle avait vu que j'espérais un oui, et elle en jouait, son sourire le prouvait. Je le lui rendis, puis la suivis dans le couloir. Le trajet jusqu'à la tour d'Astronomie n'était pas très long, et quelque part heureusement. Je faisais encore plus attention à mes pas, pour ne pas dévier légèrement vers elle et lui rentrer dedans, tout en regardant discrètement autour de nous pour être sûre de ne pas me manger quelqu'un qui arriverait un peu trop vite et que je ne pourrais logiquement pas entendre venir. Ça n'aurait pas été nouveau. Dans le même genre, je m'étais déjà fait un mur en marchant sur mon propre pied. Complètement ridicule, je vous l'accorde sans aucun souci. Sauf que cette fois ça serait sous les yeux de Lyn donc il fallait que je fasse gaffe, je ne tenais pas vraiment à ce qu'elle me prenne pour une fille ne sachant même pas marcher correctement.

De temps en temps je lui jetais un coup d’œil pour m'assurer qu'elle n'avait pas l'air de regretter sa décision. Je voyais bien en observant les autres qu'ils avaient besoin de combler le silence, tout le temps, à croire que cette absence de bruit leur faisait peur. Dès qu'ils passaient du temps ensemble et qu'ils ne parlaient pas, il fallait que quelqu'un sorte quelque chose, parce que sinon attention le vilain silence allait arriver accompagné de son ami le malaise. J'espérais très fortement que Lyn faisait partie des gens qui comme Solwen pouvait rester à tes côtés sans parler pendant plusieurs heures, avec juste le plaisir d'être là et de partager un moment avec toi. C'était elle qui m'avait fait remarquer ça d'ailleurs, que les gens ne savaient pas vivre dans le calme, et c'était elle aussi qui m'avait expliqué que les gens trouvaient ça malaisant de ne pas parler, mais elle n'avait pas trop réussi à m'expliquer pourquoi, étant donné que garder le silence ne la gênait pas. Avant je n'avais jamais fait gaffe, je m'en tapais un peu de savoir si les gens discutaient ou si ils la fermaient, c'était du pareil au même pour moi, mais depuis qu'elle me l'avait montré je ne voyais plus que ça. Ne pas en comprendre la raison ne me dérangeait pas vraiment, ça faisait un moment que je m'étais faite à l'idée que les gens étaient bizarres et qu'il valait parfois mieux ne pas faire attention, idée que mon amie ne partageait pas. 

Arrivée en haut de la Tour d'Astronomie, je fis un tour sur moi-même pour admirer le paysage qui s'étendait devant moi. C'était juste magnifique, et je restais béate à chaque fois que je venais. Même si la température n'était pas vraiment très chaude, c'était le moins qu'on puisse dire. A mes côtés, Lyn ne semblait pas très réchauffée non plus. Souriante, je la vis s'approcher du bord, et juger la hauteur. Lorsque ses pieds quittèrent le sol, je sentis mon cœur faire un bond dans ma poitrine, de peur qu'elle ne bascule dans le vide. Mais elle semblait bien stable sur ses bras, et une fois assurée qu'elle ne ferait pas de bêtise, je fis lentement un tour de la tour pour chercher mon prochain modèle en contrebas. *Là !* Je m'arrêtai net et posai mon carnet sur le rebord, après l'avoir ouvert à la première page encore vierge. Je ne savais pas vraiment ce qui m'avait poussée à choisir cet angle de vue plus qu'un autre, mais là tout de suite cet endroit du parc depuis ce point de vue là me plaisait. C'était impossible à expliquer, mais c'était quelque chose que j'aimais bien d'apprécier quelque chose sans forcément savoir définir pourquoi ça me plaisait. A mon avis c'était la preuve la plus parfaite que j'appréciais réellement la chose en question. Comme quand Solwen bouquinait et que tout d'un coup elle s'arrêtait pour noter à toute vitesse une phrase qu'elle venait de lire et qu'elle aimait bien. C'était rare qu'elle réussisse clairement à m'expliquer pourquoi celle-là et pas une autre, celle juste avant par exemple. Bah pour moi c'était pareil, c'était là et pas ailleurs, c'était comme ça et pas autrement.

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21 janv. 2019, 18:35
Una mattina  PV 
Lyn avait désormais une magnifique vue sur le dos d'Emy, qui elle-même devait avoir projeté son regard sur quelque chose d'encore plus superbe, vu qu'elle semblait avoir jeté son dévolu sur ce qu'il y avait là. Ce qu'il y avait là, l'aiglonne dut s'approcher du rebord pour le voir à son tour. Elle se posta à la droite de sa camarade, et, après un regard vers son visage – Emy avait un air hyper concentré –, détourna les yeux dans la même direction.
Bon, c'était juste le parc, quoi. Qu'est-ce qui pouvait bien avoir attiré son attention là en bas, devant elle ? Pour avoir vu de nombreux autres dessins de la fillette, Lyn se doutait qu'il n'y avait rien de particulier. Le parc en lui-même était cette chose particulière qui, inlassablement, se retrouvait sur le carnet à dessin (certes, il n'était pas le seul, mais il paraissait avoir une place d'honneur). Toutes les vues, toutes les saisons, toutes les techniques y passaient. Le parc était devenu comme le personnage d'une longue histoire, qui menait sa vie, et que l'on voyait vivre. Emy devait le connaître par cœur. Elle pouvait sûrement s'y promener les yeux fermés, comme si elle se baladait d'une esquisse à l'autre. C'était un peu un GPS fait main. Lyn sourit à cette image.

Les coudes sur le rebord, les mains soutenant sa tête, Lyn resta dans cette position quelques instants, observant tout ce qui était à portée de vue. Le paysage en lui-même ne lui parlait pas trop, peut-être parce qu'elle avait désormais trop l'habitude de le voir. D'un jour à l'autre, on constatait rarement une grande différence, sauf quand il neigeait. Ou qu'une tempête sacrement violente déracinait les arbres, ce qui n'était jamais arrivé pour le moment. En revanche, sur le papier, les dessins d'Emy, on ne se lassait pas. Le même parc était représenté de manières toutes différentes, c'était chaque fois une nouvelle découverte. Et une jolie découverte.
Pendant que la Poufsouffle commençait ses traits de crayon, Lyn se mit de profil, toujours accoudée au rebord, regardant le papier qui se couvrait de courbes grises, jusqu'au moment où elle ne regarda plus vraiment quoi que ce soit, rêvassant les yeux dans le vague.
Ce fut un souffle d'air froid dans son cou qui lui rappela en deux secondes où elle était. Elle se redressa brusquement, puis s'éloigna un peu d'Emy, préférant ne pas trop la mettre mal à l'aise en restant là à observer ses moindres faits et gestes.

Alors la Troisième année marcha en regardant ses pieds, les posant à rythme régulier. Pied droit, pied gauche, pas plus grand, jambes tendues, quart de tour, stop, pieds joints. Et puis elle reprit. Plus lentement, puis plus vite. Pas irrégulier, maintenant. En sautillant. Jambes croisées, décroisées, demi-tour. Elle n'allait pas très vite, par rapport à ce qu'elle avait l'habitude de faire au hip-hop. Mais elle sentait que ça venait tout seul, que ça accélérait sans qu'elle fasse d'effort. Puis elle s'arrêta subitement.
Elle avait déjà entendu dire que, lorsqu'on manquait de l'usage d'un sens, cela développait un autre, ou plusieurs autres. Emy, qui ne pouvait entendre le moindre son, ressentait-elle les vibrations de la pierre ? Est-ce que, sans s'en rendre compte, Lyn était en train de l'exaspérer par son espèce de... danse ? Si on pouvait appeler ça ainsi ? L'aiglonne était, décidément, incapable de tenir en place. Ou si : elle en était capable, si elle avait matière à réfléchir.
Elle commença donc un débat dans sa tête. Croissant ou pain au chocolat, pour son petit-déjeuner situé dans un futur proche ? Non, c'était débile. Elle ne prit même pas la peine de se répondre, secouant la tête. Lyn n'était pas vraiment douée pour les sujets de conversation, y compris avec elle-même. C'était assez risible.

La petite italienne s'étira, puis revint vers sa camarade, regarder si pendant ces courts instants, elle avait progressé. Est-ce que Emy était vraiment aussi concentrée sur son dessin qu'elle le laissait paraître, ou bien elle observait Lyn du coin de l’œil ? Mine de rien, le champ de vision humain était assez large. Enfin, relativement large. Lyn sourit, poussa un léger soupir, puis se retourna vers le parc qui s'étendait là.
Devant ses yeux se matérialisèrent des formes, qui circulaient en l'air. De grandes barres verticales s'élevèrent. Il y avait des cercles et des sphères, aussi. Des trucs plus informes dont le vol était imprévisible. Sauf si on y décelait une logique. Celui-ci n'allait-il pas s'approcher de la sphère ? Et ce machin, là, une descente en piqué ? Les formes se précisaient, les couleurs apparaissaient. Dès que les yeux de Lyn se concentraient sur un mouvement particulier, les autres disparaissaient. Ils revenaient lorsqu'il y avait besoin, créant un balai fantomatique. Et puis... Lyn se tendit. Se détendit. Se retendit. Serra les poings. Serra les dents. Une sphère, la plus grosse, était projetée à toute vitesse.
Lyn ferma les yeux, et l'illusion disparut. Un sourire de satisfaction s'étira sur son visage. Elle venait d'empêcher un but. Balle au centre. Après tout, c'était son imagination, elle avait bien le droit de faire ce qu'elle voulait de ce match.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

22 févr. 2019, 18:34
Una mattina  PV 

Emy, Douze ans


J'étais tellement absorbée par la caresse du papier sous mes doigts, et ma mine qui dansait sur mon carnet suivant exactement le tracé que je voulais que je ne vis pas tout de suite que Lyn n'était plus à mes côtés. La dernière fois que j'avais relevé la tête elle était là, et la fois d'après elle avait disparu. J'eus durant un très court instant l'impression que mon cœur chutait dans mes talons. 'Tain, je ne m'étais pas du tout occupée d'elle, je l'avais complètement ignorée après avoir commencé mon dessin, elle avait dû en avoir marre et se casser... Elle aurait fait ça sans me prévenir ? *Nan quand même pas, elle n'aurait pas osé...*

Je pivotai d'un coup sur mes talons, manquant de me casser la gueule en arrière sous l'énergie de mon geste.
Elle n'était pas partie, je m'en doutais.
Elle était toujours là, en haut de cette tour, avec moi. 
Occupée à virevolter, enchaînant les pas, perdue dans sa danse.
Je ne pus retenir un sourire. Elle était magnifique comme ça, son corps rayonnait d'une grâce et d'une souplesse que le mien n'aurait jamais. J'aurais pu la regarder comme ça un long moment, mais mon cerveau me tira de ma béatitude pour me coller une magistrale claque mentale. Ça ne se faisait pas d'observer les gens comme ça, à leur insu. Je me retournai à contrecœur, retournant à mon dessin. Rapidement, le glissement de ma peau sur le grain du papier m'apaisa, et j'en oubliai presque une nouvelle fois la petite danseuse dans mon dos. 

Quelques instants après que je me sois de nouveau plongée dans ma manière de m'exprimer à moi, Lyn s'approcha pour observer rapidement mon dessin. J'avais un peu l'impression d'être avec une toute jeune enfant, qui ne savait pas rester deux secondes à la même place. Mais contrairement à d'habitude où les bambins me tapaient sur le système à s'agiter dans tous les sens, courant les uns après les autres et me rentrant dedans au passage parce que sinon bah c'est pas drôle hein, là j'étais plus amusée qu'autre chose. Elle était attendrissante. A des années lumières de Solwen, dont j'adorais le calme, mais tout aussi attachante, dans un genre différent. Je l'aimais bien cette Serdaigle au final. Moi qui pensais ne jamais pouvoir dire ça de nouveau, et encore moins à Poudlard, j'avais finalement trouvé quelqu'un avec qui je me voyais vraiment bien devenir amie. C'était suffisamment exceptionnel pour être souligné. M'emballant carrément, je me voyais même déjà discuter avec elle en langue des signes, p'tit déjeuner dans la grande salle, rire dans le compartiment du Poudlard Express nous ramenant à ce que j'étais censée appeler "maison". 

Bam, grosse baffe mentale, pour la deuxième fois en quelques minutes. *Mais qu'est-ce que tu fous là concrètement ?*  Bah je me donnais de jolis faux espoirs pourquoi ? Plus sérieusement, mon dieu je n'en savais rien, c'était pas mon genre de commencer à imaginer ce genre de trucs, il fallait que je me calme, c'était urgent. Qu'est ce qui me faisait croire qu'elle elle avait envie de ma présence plus que la brève aléatoire que je lui offrais pour le moment ? Rien du tout, absolument rien, je m'enflammais toute seule comme une crétine. *Tss*

Je secouai la tête, resserrai rapidement mes couettes d'un geste machinal, mais je ne me reconcentrai pas tout de suite sur mon dessin. Mon regard dévia sur la Serdaigle. Qu'est ce qu'elle faisait de beau ? Je la trouvai concentrée, les yeux fermés, un joli sourire sur le visage. J'aimais bien la courbe de ses lèvres, là tout de suite elle était naturelle, resplendissante de joie, et même si un sourire ne pouvait diffuser aucune source de lumière, il était vraiment lumineux. Moi qui dessinais rarement du vivant, parce que je n'étais pas très douée, puis parce que c'était rare qu'un modèle de ce genre me tape dans l’œil, j'eus soudain envie d'immortaliser cette courbe qui fendait son visage. J'étais quasiment sûre de ne pas lui rendre justice, mais ça valait le coup de tenter. 

Je parcourus du regard ses lèvres pendant quelques secondes, pour en mémoriser le maximum de détails, puis je portai mon attention sur mon carnet qui m'attendait sagement, mon croquis inachevé à peine commencé sur la page restée ouverte qui s'agitait lentement sous le souffle du vent. Sans m'en préoccuper outre mesure, je tournai rapidement la feuille pour trouver une nouvelle surface blanche. J'avais en tête le résultat que je voulais obtenir, ne restait plus qu'à voir si j'arriverais à le retranscrire. Mais je me faisais confiance, j'avais juste à me laisser aller, je savais que ma main ferait le reste sans que j'ai besoin de réfléchir. Je n'avais qu'à garder ma vision bien en tête. 

Quelques minutes, de nombreux coups de crayon et quelques uns de gomme plus tard, j'avais déjà une jolie base dont j'étais plutôt fière. C'était très loin du résultat que je voulais, mais j'étais assez satisfaite de moi. J'avais bien envie de le montrer à Lyn pour lui demander ce qu'elle en pensait, mais deux pensées surgirent simultanément dans mon esprit. Primo c'était pas du tout abouti, est-ce que j'avais vraiment envie de lui montrer ça ? Bon oui, peut-être, j'avais un peu envie de partager ma fierté avec elle. Mais bon. Et secundo, qu'est-ce qu'elle allait dire si elle comprenait que c'étaient ses lèvres à elle que j'avais dessiné ? J'allais passer pour une psychopathe à coup sûr... Mais je n'avais pas du tout envie d'effacer mon croquis. *Tant pis, advienne que pourra*
Dernière modification par Solwen Estendle le 08 avr. 2019, 17:12, modifié 1 fois.

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

27 févr. 2019, 16:53
Una mattina  PV 
Le match continua quelque temps. Quelques minutes, peut-être. Tiens ? Pour une fois que Lyn restait concentrée sans se lasser, ça méritait qu'elle le souligne. Ce devait être parce que, indéniablement, elle aimait beaucoup le Quidditch. Ce bref moment de conscience suffit à lui faire oublier l'action en cours. De toute façon, l'équipe qu'elle soutenait en toute partialité avait largement l'avantage. Maintenant son sourire, Lyn plissa les yeux. Qu'est-ce qu'elle faisait, sa gardienne ? Non mais ! C'était quoi cette stratégie qu'ils sortaient tout d'un coup ? Ça n'allait pas-du-tout. Lyn fronça les sourcils une demi-seconde et les fit tous changer complètement de position. Voilà qui était mieux.

À côté, Emy continuait à faire bouger son crayon, presque frénétiquement. Lyn entendit également un froissement de feuille - la petite Poufsouffle venait de tourner une page, puis elle reprit. Du coin de l’œil (ou plutôt grâce aux petits bruits qu'elle percevait), la Troisième année sentait les quelques mouvements rapides, à défaut de voir ce qui était tracé. Finalement, il lui sembla que sa camarade se détendait, puis s'arrêtait.
Avait-elle fini ? Sûrement. Il aurait donc été bienvenu que Lyn tourne la tête vers elle, descende de son balai pour poser les pieds sur terre. La petite italienne, en une seconde, fit apparaître le vif d'or, qui fut capturé dans la foulée par les adversaires. Mais la victoire était à l'équipe qu'elle soutenait, bien évidemment. Elle avait juste été assez généreuse avec les autres pour leur accorder une petite victoire, une consolation dans leur défaite. Jeu, set et match, comme disaient les moldus dans euh... dans un sport, mais lequel, cela n'avait pas beaucoup d'importance. Lyn sourit encore plus fort, posa ses mains sur le rebord, et poussa pour se redresser complètement, le tout avec un léger soupir de satisfaction.

L'aiglonne pivota de quatre-vingt dix degrés pour se retrouver face à la dessinatrice, l'air curieux. Quelle était donc l’œuvre du jour ? Dans le même temps, Emy orienta justement le carnet vers Lyn, de manière à lui montrer son dessin. Cette dernière inclina la tête avec intérêt, yeux grands ouverts, un fin sourire sur les lèvres.
Wow. Ce n'était pas du tout le paysage qu'elle avait commencé à dessiner tout à l'heure. Où était passé le premier dessin ; disparu derrière la page ? Le sourire de Lyn s'effaça quelque peu, elle se concentra un peu plus, prit délicatement le carnet pour le tourner bien en face d'elle. Il n'y avait pas vraiment d'ambigüité, c'était le profil de la Serdaigle. Enfin, une partie de son profil, sa bouche, ses lèvres.
Pour le coup, Lyn était surprise. Ça ne ressemblait pas du tout à ce qu'elle avait pu voir des autres dessins de sa camarade. Habituellement, du moins le croyait-elle, du maigre aperçu qu'elle avait eu, c'étaient plutôt des paysages, pas des gens.
Mais passées ces deux, trois secondes de perplexité, Lyn laissa un grand sourire gagner son visage. Il n'y avait pas à dire, c'était plutôt bien dessiné. Elle avait l'impression de vraiment se voir sourire. Avait-elle vraiment souri comme ça pendant son illusion sportive ? Elle ne devait pas avoir l'air fine. À la fois c'était embarrassant de se dire qu'elle avait été observée et même dessinée pendant qu'elle était dans ses pensées, sans se douter de quoi que ce soit, et à la fois... ça lui faisait plaisir. C'était mignon de la part d'Emy de l'avoir prise comme sujet.

Lyn releva la tête vers sa cadette, une lueur pétillante dans les yeux, les joues peut-êtres légèrement rosies. "C'est beau !" Hum c'était peut-être pas comme ça qu'elle devait le formuler. Elle avait l'impression de parler d'elle-même à travers le dessin, ce n'était pas ce qu'elle voulait dire. La main hésitante, elle prit le crayon, le carnet. Avec un rapide coup d’œil interrogateur pour vérifier qu'elle en avait l'autorisation, elle prit le côté des écrits, retrouva la page où les deux fillettes avaient discuté plus tôt, et griffonna quelques mots.
"C'est moi ? C'est très bien fait en tout cas !" Avec un sourire, elle relut rapidement ce qu'elle avait écrit, et comme elle l'estimait satisfaisant, elle le tendit à Emy.

Lyn repensa au dessin qu'elle venait de voir. Peut-être n'avait-elle pas pris suffisamment de temps pour bien l'observer. Par réflexe, elle se passa la main sur les lèvres, essayant de déceler, de retrouver les similitudes avec le trait de crayon. Ne l'ayant plus sous les yeux, c'était pas si simple. Mais elle faisait comme elle pouvait. Elle imaginait, au fur et à mesure qu'elle changeait son sourire, relevait les commissures de ses lèvres, passait les doigts dessus, elle imaginait le trait de crayon qui bougeait lui aussi. Ça faisait un dessin qui remuait.
Ah. Son doigt buta sur une petite peau qui dépassait. Carabistouille ! Elle se passa la langue dessus mais forcément, le truc persistait. Hmpf. D'un rapide mouvement, elle enleva purement et simplement, à deux doigts, ce morceau de peau qui la titillait. Et hop, plus rien.

Après ces quelques instants l'esprit ailleurs, Lyn plongea de nouveau son regard dans celui d'Emy, et ne put résister. Elle lui tira la langue, puis ça partit en quelques grimaces, sûrement beaucoup moins faciles à dessiner qu'un simple sourire. La langue roulée, les lèvres retroussées, c'était un défilé de singeries. Pour finir, elle fit un ultime effort et sa langue toucha le bout de son nez. Elle n'en était pas peu fière.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

08 avr. 2019, 22:20
Una mattina  PV 

Emy, Douze ans


Tout le temps de mon dessin, l'aiglonne resta perdue dans ses pensées. Ce ne fut que quelques instants après que j'ai fini qu'elle revint vers moi en s'appuyant sur le rebord, avant de se tourner dans ma direction. Est-ce que c'était une coïncidence qu'elle arrive juste à ce moment-là, ou est-ce que je faisais tellement de bruit en dessinant qu'elle avait su quand je m'étais arrêtée ? J'espérais que ce ne soit pas cette seconde possibilité, ce serait gênant...

Sans hésiter plus longtemps, je tournai rapidement mon carnet dans sa direction. Après tout, il y avait peu de chances qu'elle comprenne que j'avais dessiné ses lèvres, non ? Et j'avais envie d'avoir son avis, parce que mine de rien ça me ferait super plaisir qu'elle me dise qu'elle aime mon croquis, même si il n'était pas très aboutit, et qu'il y avait encore plein de choses à revoir. 
Lorsque je vis ses lèvres perdre très légèrement leur sourire, le mien retomba. *Elle n'aime pas* Et ce constat me faisait mal. Jusqu'ici elle avait toujours eu l'air d'apprécier mes dessins, et je n'aurais jamais pensé que celui-là aurait été le premier qu'elle ne trouverait pas à son goût. Cependant, elle attrapa quand même mon cahier, et le tourna plus vers elle, comme pour mieux apprécier mon "œuvre". Je haussai légèrement un sourcil, et fixai toute mon attention sur son visage, pour décerner le moindre mouvement de ses traits.
Après quelques secondes d'attente qui me parurent bien plus longues, un grand sourire illumina son visage. Je ne pus m'empêcher de soupirer de soulagement. Au final, elle aimait bien. Ou sinon elle jouait très bien la comédie.

Elle finit enfin par me regarder, et je vis dans ses yeux qu'elle était émue. *Merde, elle a compris* En même temps, elle voyait sa bouche à peu près tous les jours dans le miroir, comment avais-je pu espérer qu'elle ne comprenne pas que je l'avais représentée ? Je la vis dire quelque chose, très probablement un "C'est beau" si j'avais bien lu. Ma supposition se confirma quand elle me reprit mon crayon et mon carnet pour tracer sur la feuille conservant les marques de notre première discussion un "C'est moi ? C'est très bien fait en tout cas !" *Oui c'est toi...* Mais je ne savais pas trop comment répondre à sa question. Elle n'avait pas l'air de prendre mal le fait qu'elle m'ait servie de modèle sans que je lui en demande sa permission, mais quand même, j'étais un peu gênée. 
Elle me rendit mon carnet, que je récupérai d'une main distraite. Je ne savais pas quoi lui dire. Evidemment je ne pouvais pas lui mentir, mais lui avouer la vérité... J'avais un peu peur de sa réaction. 
Du coin de l’œil, je la vis toucher ses lèvres, puis commencer à tirer une petite peau. Je détournai rapidement le regard, je détestais quand les gens faisaient ça. C'était juste douloureux et ça les faisait saigner. En plus ça ne faisait pas de jolies lèvres. Aucun intérêt en somme. Père le faisait beaucoup, ça m'énervait, mais je ne disais jamais rien. Si il aimait se faire du mal, tant pis pour lui, je n'en avais rien à cirer. 

Voyant que la Serdaigle enchaînait les pitreries, j'oubliai volontairement de répondre à sa question, préférant me concentrer sur ses grimaces. Elle en enchaîna plusieurs, visiblement fière de ses bêtises, et je ne pus m'empêcher de rigoler. Si je ne me sentais pas vraiment l'envie de les immortaliser sur le papier de mon carnet, je n'arrivais pas pour autant à cesser de la regarder. C'était presque hypnotisant de la voir enfiler les grimaces, comme si son imagination en débordait et que son visage n'allait pas assez vite pour reproduire le flot créé par son esprit. Cependant, elle termina son spectacle après avoir touché son nez avec sa langue, et je ne pus m'empêcher d'être déçue que ce soit la fin. Je fis semblant de taper dans mes mains, un grand sourire sur les lèvres, et un peu impressionnée au fond, je devais bien l'avouer. J'étais très clairement incapable de toucher mon nez avec ma langue, malgré tous mes efforts.

Une sensation bizarre me fit baisser la commissure de mes lèvres. J'avais mal aux joues. J'avais. Mal. Aux. Joues. A cause de mon sourire. Ça ne m'était pas arrivé depuis tellement longtemps que j'avais oublié cette sensation. C'était une douleur extrêmement satisfaisante, accompagnée d'un sentiment de béatitude. J'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir enfermer un peu de mon éphémère bonheur dans un bocal, pour pouvoir en prendre une dose quand ça n'irait plus, quand je n'aurais plus de raison de sourire comme ça. Parce qu'indubitablement Lyn allait devoir partir, à un moment ou à un autre. Et peut-être même dans pas si longtemps que ça... Depuis combien de temps étions-nous là-haut ? Quand je repassais le film de nos instants ensemble dans ma tête, je me rendais bien compte qu'on était montées depuis un bon moment. Un trop gros moment. Solwen était surement en bas, en train d'attendre Lyn pour son petit déjeuner, et moi je la retenais égoïstement avec moi. Connaissant la timidité de Sol, et le malaise qui s'emparait d'elle quand elle était coincée seule avec des inconnus, je m'en voulus de la forcer à patienter comme ça. Aussi attrapai-je brusquement mon carnet, avant d'écrire dedans précipitamment et de le tourner vers Lyn. 

"Solwen risque de s'inquiéter, tu devrais peut-être y aller non ?"

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince