- Novembre 2043 -
- RPG+ -
Privé avec @Alaska Cross -

La nuit était noire, mais moi je faisais une nuit blanche. Allongé sur le dos, je fixais le haut de mon lit. Le rideau rouge sang était légèrement ouvert, et laissait passé un filet de lumière blanche, produit par la lune. Je n'arrivais pas à dormir, me tournant et me retournant dans ce fichu lit. Depuis au moins deux heures que j'étais couché, aucun de mes deux yeux n'avaient daigner se fermer. Serrant les poings, je me levais sur la pointe des pieds et, doucement, attrapais ma robe de chambre posé à mes pieds. Les doux ronflements de mes camarades qui partageaient mon Dortoir m'indiquaient qu'ils dormaient à poings fermés, ce qui m'arrangeait. Je pourrais sortir en toute tranquillité, sans que personne ne me force à me recoucher. Et, toujours aussi discrètement, je sortis de la salle Commune.

La Grosse Dame grogna car je la réveillais en pleine nuit par la lumière émise par ma baguette, mais je me dépêchais de sortir dans

   Elle monta les escaliers en tapant des pieds au maximum, mais ça ne faisait pas assez de bruit, ça ne lui satisfaisait pas. Le château ne tremblait pas. Les tableaux ne tombaient pas des murs. Les lustres ne dégringolaient pas du plafond pour venir s'écraser sur elle. Alaska se planta au milieu de la tour d'astronomie et examina "sa tanière". Elle n'y arrivait plus. Elle ne supportait plus la moindre remarque, la moindre réflexion. Elle ne supportait plus rien. 

  Demain, ce sera le dernier jour de novembre, et ensuite ce sera Noël. Elle devrait être enthousiaste. Elle devrait avoir prévu quelque chose. Elle essaya de penser à l'avenir, mais elle ne voyait qu'un grand vide inutile. Sans Elfia. Sans Will. Dans un monde où il n'y a plus rien ni personne d'important. 
L'écossaise en avait tellement marre de tout, marre de soi-même. Il fallait que quelque chose change. 

  La respiration haletante, elle tenta de reprendre ses esprits. Elle était beaucoup trop impulsive. Elle prenait les choses beaucoup trop à cœur. Et tout ce retournait contre elle, le sort finissait par s'abattre sur son âme. Elle étouffait. Inspire. Expire. Alaska croyait au destin, ainsi qu'aux signes de la vie, et si tout l'acharnement qu'elle a vécu s'est produit, c'est qu'elle l'avait bien cherché. Certains dirons bien fait pour elle. D'autres diront tant mieux. Au fon, elle n'a reçu que ce qu'elle mérite. Ressaisis toi. Pèse tes mots. Réfléchis aux conséquences. Mais surtout... Calme toi. Calmer quoi ? La bête qui est en elle. Celle qui a explosé tant de fois, qui a blessé tant de personnes, et qui ne lui a rapporté que des ennuis. 

  Mais non. Elle ne voulait pas à ce genre de personnes... Si elle avait le choix entre être invisible ou invincible, que choisira t-elle ? 
Marre. Ras le bol général. Cumul de problèmes, d'embrouilles, et de mauvaises ondes. Elle devait échapper à tout ça, et pour cela, elle ne voulait qu'une solution : brandir du poing sur la table et l'ouvrir. Ouvrir sa gueule, ouvrir ce qu'elle a sur le cœur, qu'elle remette les points sur les "i" et les barres sur les "T". Qu'elle s'affirme. La Serpentard préférait largement s'exprimer, mettre les choses au clair, que d'être dans un système où tout le monde parle sur tout le monde. Un cercle vicieux. Les canards sont bons qu'à faire deux choses : cancaner et suivre le troupeau. Et en aucun cas Alaska voulait faire partie de ces gens là. A quoi bon rester dans son coin à se lamenter ? Pourquoi ne pas exprimer ses convictions, ni sa façon de penser ? Pourquoi faire les hypocrites ? Evidemment, cela est plus facile de suivre le mouvement, de faire comme tout le monde, mais quand il s'agit de s'exprimer et de dire ce que l'on pense... là, tout d'un coup, il n'y a plus personne. 

  La voûte céleste s'était emparée de tous ses "on dit", de tous les regards qui ne trompent pas, des messes basses qu'elle pouvait entendre sur elle. Mais surtout... de toutes ses ondes négatives qui flottaient autour d'elle. Elle avait retrouvée la paix. Elle se sentait d'avantages en osmose avec le ciel nocturne. Ce ciel nocturne, peuplés de points lumineux, de roches, d'étoiles. La lune était là aussi. Ce fameux satellite naturel. Ce soir, pleine lune. La jeune fille profita de cet éclairage écrue pour s'extasier une fois de plus sous ce climat divin. Les quelques nuages présents valser sous son regard hypnotique, et les étoiles scintillaient de manière étonnement fascinante. Ici, c'était son sanctuaire, son antre. 

  L'accalmie fut de courte durée. Son idylle ne dura que quelques bonnes minutes. Pas assez selon elle. On venait de rompre son confort. De chambouler sa tranquillité. Qui venait là ? A cette heure-ci ? Ici ? Dans son refuge, à elle seule. Persuadée qu'il s'agissait d'une mauvaise langue, ou d'un de ses nombreux ennemis qui l'avait suivie, elle s'éclipsa derrière un rempart, et attendit là, recroquevillée sur elle-même. Mais merde. Où était passée la Alaska ? La vraie ? Celle qui ne se cache pas telle un faible, celle qui ne fuit pas comme une lâche. 

  L'invincible. Oui, elle avait fait son choix. Elle voulait être celle là, celle qui fait face à ses actes, à ses responsabilités. Elle allait enfin se prendre en main,  être elle... être Alaska Nikita Cross. Elle s'était tapie dans l'ombre trop longtemps, elle allait faire son grand retour, digne d'une Cross, - et tout cela bien sûr - pour le plus grand malheur de certains. Elle ne s'inclinera plus devant la peur, ni devant le moindre tracas, elle allait être Invincible. 

  La jeune fille sortie enfin de sa misérable cachette, de manière conquérante, comme si elle avait déjà gagné cette guère. Puis, prête à répliquer devant l'un de ses  adversaires, elle manqua de peu d'écraser un jeune Gryffondor, étendue sur le sol, les yeux clos. Alaska était presque déçue. Tout ça pour ça. A choisir, elle aurait préféré tomber nez à nez avec un Troll géant, que sur le jeune garçon. Que faisait-il là ? Dormait-il ? Qui est-ce ? Alaska allait bientôt avoir une réponse à toutes ses questions, et sans même réfléchir elle lui tapota sur l'épaule. 

  Idiote. Qu'est-ce qu'elle avait bien pouvoir lui dire ? Associable, individualiste, froide, isolée. Tous ces mots lui revenaient en tête. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait, car à vrai dire, c'était bien la première fois que la jeune fille réagissait de la sorte. Mais après tout, il avait aussi cette part de curiosité, cette envie de changement, de renouveau. Qu'avait-elle à perdre ? 

  Alaska observa le garçon qui revenait peu à peu à lui, et se demanda même si il s'agissait bel et bien d'un jeune homme. Même si la lune faisait office d'un bon éclairage, elle ne suffisait pas à distinguer les traits de celui-ci, ou de celle-ci. Elle arrivait seulement à observer sa silhouette, ainsi que ses contours,  et elle parvint à différencier chaque partie de son corps : sa tête, son buste, et ses jambes. Mais de ce qui était du reste, elle avait peu d'informations à travers son observation plus ou moins abstraite. Si, les couleurs de Gryffondor ressortait dans l'obscurité, portées en guise d'uniforme ou de pyjama ? Elle ne saurait dire. Des cheveux longs, bruns, et ébouriffés par les quelques bourrasques de vent qui sifflaient à travers les tuiles. Alaska avait beau trouver d'autres indices, elle était incapable d'en découvrir d'avantages, et d'une certaine matière ce côté mystérieux et énigmatique commençait à éveiller tout son être. 

  Le silence avait reprit place, le vent ne comblait plus le calme qui commençait à peser sur les deux jeunes gens. Il fallait intervenir, dire quelque chose, n'importe quoi, et vite. 
La Serpentard aurait pu s'excuser de l'avoir déranger et de l'avoir réveiller en plein sommeil, mais non, à la place, elle lui adressa ces quelques mots. 

- T'es une fille ou un garçon ? 

  Subtile, fin. Du Alaska tout craché. La question était stupide, le ton était nonchalant, morose. Il fallait briser la glace, et même si elle n'était pas à l'aise, elle fit quelques efforts de plus, et accentua sur un côté un peu plus enthousiaste :

- Tu rêvais de quoi ? questionna t-elle, intriguée par sa question mais également par l'attente de la réponse. 

  Milles questions trottaient dans sa tête. Peut-être rêvais-t-il/elle d'un voyage au bout du monde ? De lui/ D'elle sur une autre planète, chevauchant des Hippogriffes radioactifs ? D'une baignade dans une piscine de Gallions ? 

Malmené par le vent, je m'avançais vers le centre de la tour, le regard toujours levé vers le ciel. Je regrettais de ne pas avoir attachés mes cheveux avec mon élastique, qui était pourtant posé sur ma table de nuit. Je grognais un peu, le regard perdu dans le blanc éclatant de la Lune. J'avais l'impression de rêver les yeux ouverts. Je pris alors une décision. Je m'assis par terre, puis m'allongeais. Ma tête se posa sur le sol de pierre rugueux de la tour, et je m’égratignais les mains. Mais rien, même cette petite douleur que je ressentais aux doigts et à la tête, ne pouvait éteindre ma joie. Cette fois-ci, pas besoin de lever la tête vers le ciel, car l'espace s'offrait à moi sans le moindre effort. Lune et étoiles, rien n'échappait à ma vue acérée. J'étais émerveillé par la beauté du ciel nocturne. En plus, le vent était arrêté par les remparts et, allongé par terre, je me sentais à l'abri de tout, au chaud. Et déjà des rêves emplissaient mon esprit. Je pensais à papa et maman, à ce grand frère génial qu'était Achille, et à une certaine petite Taylor.

On aurait put croire que j'allais dormir ici, car déjà mes yeux se fermaient, et l'image de la voûte céleste était imprimée sur ma rétine, mais une voix rompit le silence qui s'était installé. Cette voix me tira de mon début de sommeil, tel un coup de tonnerre après le calme. Mais cette voix n'était pas brutale, elle était douce à mes oreilles. Si douce... J'entrouvris mes yeux, mais je n'aperçus qu'une ombre floutée qui me cachait une partie du ciel étoilé. D'abords énervé par ce réveil, je serrais les poings en me relevant. Je dis d'une voix agacé :

"Je suis un garçon, ça se voit pas ? Et puis, t'es qui toi, d'abords ? Pourquoi t'es là, il est tard !"

Il était trop tard pour que je me rendes compte que moi aussi, j'étais ici et qu'il était bien trop tard. La personne devait me prendre pour un débile. Tant pis, je m'en fichais en fait. Mais ma colère se calma quand l'ombre poursuivit d'une voix plus entrainante. Elle me demanda de quoi je rêvais. Assez surpris, je restais sans voix quelques instants avant de m'éclaircir la gorge. De quoi avais-je rêver ? de rien, en fait, elle m'avait tiré du sommeil bien trop tôt pour que je puisse rêver de quoi que ce soit. En plus, la seule chose à laquelle j'avais penser était assez personnelle. Je marmonnais d'une voix bougonne :

"Je me souviens jamais de mes rêves. Mais... toi tu dors pas ?"

Je détestais mentir, pourtant je venais de le faire. Heureusement que l'on était dans le noir, sinon l'ombre aurait vu mes joues rosirent sous l'effet du mensonge. Je m'installais confortablement en face de la silhouette, les mains derrière moi pour m'empêcher de tomber en arrière. Mon regard bleu rivé sur la personne dont je ne connaissais rien. Je voyais juste ses longs cheveux cascader autour de sa tête. Avec sa voix plutôt aiguë et sa longue chevelure, c'était facile de reconnaitre en elle une fille. Je distinguais à peine une lueur verte émanée de ses présumés yeux. Je plantais mon regard dans celui de la silhouette, seule lumières à laquelle accrochait mes yeux.

"Je suis un garçon, ça se voit pas ?" Elle fit un pas en arrière. Cette réponse ne lui avait pas semblée évidente, avec de tels cheveux longs, la confusion était vite arrivée. "Et puis, t'es qui toi, d'abords ? Pourquoi t'es là, il est tard !" T'es qui toi, Alaska Cross ? Il fallait répondre, et vite. Le malaise commençait déjà à se faire ressentir. 

- Heuu... Moi, moi c'est. Enfin. Je suis... Depuis quand elle bégayait ? 

  Des gouttes de sueur émanèrent sur son front. Chaud ? Froid ? Stress ? Sûrement les trois d'un coup. La jeune fille se ressaisit. Elle déglutit difficilement sa salive, épongea la moiteur de son visage avec sa manche et reprit :

- Alaska Cross, de Serpentard. Elle fut surprise. C'était la première fois qu'elle le disait, du moins à voix haute, et il fallait avouer que ça sonnait bien. C'était "la classe". Une fois qu'elle avait prit un peu plus d'assurance, elle renchérit, sur le même ton condescendant de son interlocuteur. 

- Et toi, t'es qui ? 

  Ça lui plaisait bien ce petit côté arrogant. Elle avait l'impression de se redécouvrir sous un autre angle. Un angle qu'elle n'avait pas encore descellé. Une nouvelle personnalité qui n'attendait que d'être démasquée. Auparavant, elle ne se saurait jamais permise de répondre avec une telle provocation, ni même avec ces mots. Elle avait peur. Peur de cette curiosité qui la poussait à en savoir d'avantage sur cet étrange changement. 

"Je me souviens jamais de mes rêves. Mais... toi tu dors pas ?" C'était possible ça ? De ne plus se souvenir de ses rêves ? Quelle tristesse. Alaska elle, avait pour habitude de noter tous les siens dans un carnet, lorsqu'elle se réveillait le matin. Ce carnet était posée sur sa table de chevet, et lui servait de lecture, avant qu'elle ne s'endorme. Il y avait plusieurs catégories : "cauchemars", où elle s'y rendait rarement,"rêves implicites", "rêves explicites", et pour finir "à classer". La jeune fille était très organisée, et cela même lorsqu'il s'agissait de ses illusions durant la nuit. 

- Non. Pas sommeil. dit-elle en haussant les épaules. Pas cette fois du moins. Fallait que je m’aère l'esprit. Toi aussi j'imagine ? On m'a dit que les lions ronflaient beaucoup la nuit, ça t'empêche de dormir ? 

  Sur ces mots, l'écossaise leva sa tête vers les cieux nocturnes et son cœur s'emballa. La beauté de cette atmosphère ne cessait de l'émerveiller. C'était digne du jardin d'éden, ou encore d'un oasis en plein milieu du désert. C'était l'extase. Cette nuit là était plus belle que toutes les autres. Le ciel était dégagé, pas un nuage à l'horizon, et la voûte céleste fourmillait de divers astres. Alaska ne revenait pas. Et si elle ne revenait pas, c'était par choix. A nouveau, elle laissa succomber son regard dans la lueur scintillantes des constellations. Ses pupilles luisaient,  elle ne clignait plus des yeux depuis un bon moment. Elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas manquer l'apparition d'une étoile filante. Elle s'interdit de fermer ne serait-ce qu'un cil, tant qu'elle n'en voyait pas une. 

Après ma dernière question, il y eut un gros blanc. Un gros blanc qui me permit de me redresser complètement et de lâcher les yeux de l'Inconnue du regard. Un gros blanc qui me permit de regarder une fois de plus le ciel, qui m'hypnotisait. Depuis tout petit, j'avais une passion pour la voûte céleste de nuit. Toutes ces étoiles et ces astres me donnaient le tournis et l'étrange envie de m'envoler vers eux. Plus jeune, je rêvais de devenir astronaute et de vivre sur la Lune. Maintenant, je préférais rester les deux pieds sur terre, mais observer le ciel était toujours une de mes hobby. La voix de l'Inconnue me sortit de mes rêveries. Elle bégayait, et je peinais à reconnaitre le ton sec qu'elle avait employé pour me réveiller. Que lui arrivait-il ? Mes yeux se reposèrent sur les siens et je n'arrivais de nouveau plus à les quitter. Puis elle reprit d'une voix plus ferme :

"Alaska Cross, de Serpentard. Et toi, t'es qui ?"

La fille, du nom d'Alaska, avait reprit sa voix arrogante et sèche que je trouvais pourtant si douce à l'oreille, tout comme son nom... Par contre, elle était dans une maison ennemie de la mienne, ce qui me déplut fortement. Je comprenais soudain cette voix hautaine qu'elle prenait pour me parler. Elle était une parfaite Verte et Argent, et j'avais peur de lui dire ma Maison. ne me prendrait-elle pas encore plus pour un moins que rien ? Je savais que les Serpentard et les Gryffondor s'étaient toujours détestés, et ce depuis des millénaires. Un peu énervé par mon constat, je dis d'une voix que je voulais tout aussi arrogante :

"Moi, c'est Ulysse. Ulysse Mage."

Ile ne manquait plus qu'attendre sa réponse. Et si elle me demandait de quelle maison je faisais partie et que je lui répondait être un Gryffondor ? Fuirait-elle ? Ce serait dommage, je commençais à bien l'aimer malgré sa voix hautaine et pénible. Le sommeil commençait à me quitter, peut-être à cause du froid ambiant ou du plaisir à converser avec Alaska ? J'aimerais tellement savoir à quoi elle ressemblait. Dans ma tête, je l'imaginais en belle et grande blonde, aux yeux d'un vert profond dans lesquels mes yeux étaient en train de se perdre. Je l'imaginais avec un port de tête fier et une démarche élégante et soutenue. Quel dommage d'être à l'extérieur dans le sombre, et de ne pas voir pris ma baguette afin de lancer le sortilège Lumos !

Alaska répondit alors qu'elle n'avait pas sommeil et qu'elle imaginait que moi non plus. Mais ce fut la fin de sa phrase qui me surprit le plus :

"On m'a dit que les lions ronflaient beaucoup la nuit, ça t'empêche de dormir ? "

A peine eut-elle prononcés ces mots que je m'étouffais avec ma salive. Comment avait-elle put deviner que j'étais un Gryffondor ? Je n'avais pas encore dit le nom de ma Maison ! M'ébouriffant les cheveux, qui étaient déjà très mal coiffés, je marmonnais des mots en cherchant un indice qui aurait put la conduire à ma Maison. Soudain mon regard tomba sur mon écharpe rouge et or et je compris que c'était grâce à cela qu'elle avait découvert mon appartenance aux lions. Plus que gêné, je murmurais :

"Non, pas du tout... Les Lions ne ronflent pas, je suis juste insomniaque."

C'était mon second mensonge en l'espace de quelques minutes. Je n'étais pas très fier, mais je ne voulais pas confier à cet inconnue qui détestait ma maison que j'étais gêné par mon rhume qui m'empêchait de dormir. Laissant quelques secondes de silence, je décidais d'attaquer les Serpentard comme Alaska avait fait avec les Gryffondor :

"Toi, les sifflements des Serpents ne te gênent pas trop pour dormir ?"

   Le phénomène lumineux se produisit. Là, juste devant ses yeux. Les grains de poussières pénétrèrent l’atmosphère, provoquant alors une brillante et brève traînée de lumière qui zébra le ciel. Alaska ferma les yeux. Il était de coutume de faire un vœux lorsqu'on avait la chance d'apercevoir une étoile filante, et c'est ce que fut cette dernière. Elle pensa très fort alors à un en particulier, puis rouvrit ses paupières. 

   "Ulysse Mage." Enchantée ? Elle l'était. Son prénom tournoyait en boucle dans sa tête, elle tenta de poser un visage sur son nom pour l'identifier, mais dans son entourage restreint, le prénom d'Ulysse ne lui disait rien.  La jeune fille élargit ses horizons, en pensant à toutes les personnes qu'elle aurait pu croiser dans le château, et même si elle avait plutôt une bonne mémoire visuelle, elle abandonna ses recherches face à son interlocuteur qui articula : "Non, pas du tout... Les Lions ne ronflent pas, je suis juste insomniaque."

   - La rumeur est donc fausse ? reprit-elle presque déçue. C'était dans ces moments là qu'elle avait envie d'être une petite souris, afin de pouvoir détaler dans les moindres recoins pour observer l'activité des autres maisons. Elles les fascinaient toutes. Toutes, sauf une. Une qui arbore fièrement les couleurs bleu et argent. Lors de sa rentrée en première année, la brune avait idéalisé cette maison, tellement idéalisé qu'elle l'avait presque dégoutté. Ses parents, et son frère aussi, ont été à Serdaigle, qu'elle était tout aussi persuadée de rejoindre les rangs des érudits. Mais quand le choixpeau annonça "Serpentard", Alaska était tombée de trois étages. Elle voulu à tout prix changer de maison, remettant en question la parole du choixpeau pour qu'il revienne sur sa décision. Mais grâce à l'aide d'une Gryffondor répondant au nom de Jeanie, elle sut acceptée sa vrai nature, ses convictions, et son caractère qui était en accord avec tout, sauf Serdaigle. Toute cette idéalisation fut donc réduit en miettes, renforçant alors son intérêt pour Serpentard. Alaska ne détestait pas non plus les bleus, mais préférait largement les autres maisons. 

   "Toi, les sifflements des Serpents ne te gênent pas trop pour dormir ?" La mauvaise blague. Pas touche aux verts et argents. 

   - Pff, c'est qu'une légende. souffla la brune en levant les yeux au ciel. Le visage crispé, elle le fixa longuement, comme si elle espérait entrevoir une réaction de sa part, mais dans le noir presque total, la Serpentard distinguait à peine ses traits. En face d'elle, une silhouette aux cheveux ébouriffés, qui de loin, pouvait l'effrayer. 

   Les mains enfoncées dans les poches étroites de son pyjama, Alaska tourna la tête, plus se releva pour se rapprocher des remparts de la tour où elle prit appui. Les coudes au contact de la pierre froide lui arrachèrent un léger frisson, qui se répandit jusqu'au bout de ses orteils. 

Je crois que j'ai une véritable passion pour les étoiles. Chaque fois que mon regard se pose sur la voûte céleste, je sens mon coeur s'envoler vers elle. Et cette sensation, je la ressens aussi quand mes yeux translucides croisent ceux, couleur émeraude, d'Alaska. Cette fille devait descendre de la Lune, elle était aussi hypnotisante qu'elle. Je dégageais l'une de mes mèches brunes me cachant mon visage, rêveur. A quoi pouvait bien ressembler la Serpentard ? Etait-elle blonde ? Ou brune ? Ou rousse, peut-être ? Le roux irait très bien avec le vert de ses yeux. Ou alors châtain clair... Non, ce serait trop moche. Je visualisais mentalement une fille assez grande, fine et aux visage pâle et constellé de tâches de rousseur, encadré par une magnifique chevelure couleur carotte. Et surtout, deux émeraudes à la place des yeux. Mon coeur fit une galipette en m'imaginant cette fille de mes rêves.

Alaska parla alors de sa douce voix enivrante qui rompit ma vision de la jeune fille que je pensais qu'elle était. Elle dit d'une voix déçue que ce n'était qu'une rumeur. Cela m'énerva quelque peu, car c'était agaçant de savoir que les autres maisons pensaient que nous, fiers Gryffondor, ronflions. Je ne répondis rien, ne souhaitant pas me disputer avec une si jolie fille. La Serpentard enchaina en disant que les sifflements des élèves de sa maison n'étaient qu'une légende, et je sentis dans sa voix qu'elle aussi était agacée. Nous étions quittes. Je fus presque content de savoir que moi et Alaska étions énervés par la même chose : les préjugés sur notre maison. J'esquissais un sourire, qui oscillait entre la fierté et la joie.

Soudain la fille se leva en silence, mais je ne m'en rendis pas compte tout de suite car perdu dans mes pensées. Ce ne fut qu'au bruit de ses pas sur le sol de pierre ainsi qu'à la disparition des émeraudes qui lui servaient d'yeux que que je vis qu'elle était appuyée contre les remparts. Alors je me levais avec tout autant de silence qu'elle pour la rejoindre. Le vent me prit d'assaut avec force de sifflements, faisant voler et claquer cheveux et robe de chambre. Je poussais un petit grognement en rejetant ma tignasse en arrière avant de m'appuyer tout comme Alaska contre les remparts, les avants-bras posés sur la pierre rugueuse. Je ne savais quoi dire, quoi faire. Cet instant était étrange, si réel et pourtant si digne d'être sorti d'un rêve. Mon bras frôlait celui de la Serpentard, et ce contact faisait battre bêtement mon coeur. Que m'arrivait-il ? Etais-je soudain devenu débile ?

Je levais une nouvelle fois mes yeux vers la voûte céleste avant de demander :

"J'aime beaucoup les étoiles, et toi ? C'est comme si je les comprenais."

   Elle était en panique. Tout était si calme, Alaska avait l'impression d'être ici par effraction. Le silence était assourdissant autour d'elle, alors que dans son crâne tout résonnait, tout se bousculait, s'emballait. Elle détestait cette sensation. Elle avait l'impression d'être au bord d'un précipice et qu'un simple coup de vent suffirait à la faire tomber. Fébrile, elle n'osait pourtant plus parler. 

   Le contact de sa peau contre la sienne lui arracha à nouveau un frisson. A présent, elle ferma les yeux. Une grosse boule se forma dans sa gorge. L'air lui manquait, elle n'arrivait plus à respirer. Elle se sentait prise dans un étau, et n'avait jamais ressenti ça auparavant. Cette sensation d'être prisonnière d'un étau qui se resserrait peu à peu, lacérant et broyant sa peau, ses os, ses organes. Comment rester stoïque après ça ? Par pur réflexe, la jeune fille se décala légèrement de quelques centimètres, presque gênée. Puis, elle fronça les sourcils, intriguée. L'écossaise avait l'impression qu'il essayait de lui donner des indices de taille, mais tout était trouble, et elle ne parvenue pas à comprendre où il voulait en venir. Alaska ne préféra pas se faire des films, et passa finalement outre. 

   "J'aime beaucoup les étoiles, et toi ? C'est comme si je les comprenais." Sa voix coupa l'air et la percuta en plein fouet. C'était comme si il n'avait pas pu pas s'empêcher de poser cette question, c'était comme si ça avait été plus fort que lui. Il avait sans doute besoin de savoir ce qu'elle allait répondre, presque comme si c'était vital pour lui. Les étoiles. Ses yeux s'arrêtèrent sur l'une d'entre elles, et pour elle ne savait quelle raison son cœur se mit à palpiter follement. 

   - J'aime bien les regarder oui. avoua-t-elle en pointant sa paire d'iris vers lui. Oh, tu les comprends ? Et qu'est-ce qu'elles peuvent bien dire là haut ? Son rire cristallin s'éleva au-dessus d'eux. La Serpentard était amusée, pour elle, il n'y avait rien à comprendre des étoiles. Elle obtempéra son rire pour ne pas qu'il lui paraisse trop moqueur et lui sourit gentiment, comme pour le mettre en confiance. Loin d'elle l'idée de se moquer de lui, elle ne comprenais juste pas... ce qu'il y avait à comprendre. 

   Ulysse se campait à peine à une dizaine de centimètres de son corps tremblant. Plus elle le regardait, plus elle arrivait à discerner certains de ses traits. Alaska avait même remarqué ses cheveux bruns, ses joues légèrement rosées et sa respiration plus rauque, plus saccadée. Son cœur à présent s'emballait  comme jamais, une sensation agréable se rependit dans son ventre. Elle était à deux doigts de défaillir, et la chair de poule hérissa son épiderme. 

La Lune était bien plus grosse que toutes les étoiles présentes dans le ciel noir, telle une tâche de peinture blanche sur une feuille recouverte d'encre. Elle brillait, blanche comme la neige, parmi tous ces petits points blancs étincelants. De là où je me trouvais - c'est à dire au sommet de la plus haute tour de Poudlard - je pouvais distinguer les creux qui la formaient, des tâches sombres dans tout ce blanc. J'appréciais beaucoup l'astre lunaire, moi, fan d'Astronomie et d'étoiles. Je trouvais que c'était la chose la plus belle qui existait, et, à mes yeux, la plus intéressante. Comme si c'était une princesse, une déesse, qui regardait de ses yeux blancs et vides, les activités terrestres. Enfin, il y a encore une heure, je pensais cela. Maintenant, j'avais rencontré une chose plus belle encore que la Lune : des yeux. Les yeux verts qui scrutaient eux aussi la Lune. Des yeux verts qui appartenaient à une certaine Serpentard. Ceux d'Alaska. A cette pensée, mon coeur battit frénétiquement. Comment de simples yeux verts pouvaient avoir une telle emprise sur moi ? Alaska était-elle hypnotiseuse, ou quelque chose dans ce genre-là ? Ce n'était pas nouveau pour moi de trouver des filles gentilles ou belles, mais c'était quelque chose d'étrange de sentir son coeur faire "boum-boum" dans sa poitrine chaque fois que je pensais à elle.

Lorsque mon bras frôla celui de la jeune Serpentard, je la sentis frissonner puis se décaler. Dès que ma peau n'entra en contact qu'avec l'air et le vent qui me fouettait, mon coeur s'arrêta immédiatement de faire "boum-boum" et la déception s'empara de moi. Mes doigts se contractèrent sur le rebord de pierre de la tour à m'en faire blanchir les jointures. Les yeux toujours rivés sur la Lune éclatante, mes pensées que j'essayais tant bien que mal d'organiser, revenaient toujours vers Alaska. Lorsque sa voix déchira le silence, tel un ciseau coupant net une feuille, je sentis mon coeur s'accélérer et mon regard sur tourner vers l'ombre de profil qui se tenait à mes côtés. Je distinguais à peine les formes de son visage, son nez, sa bouche, et surtout ses yeux. Elle me répondit de sa voix rauque et douce à la fois :

"J'aime bien les regarder oui." - ses yeux se posèrent sur moi, et nos regards se croisèrent pendant un millième de seconde avant que je ne détourne le mien - "Oh, tu les comprends ? Et qu'est-ce qu'elles peuvent bien dire là haut ?"

Elle accompagna sa dernière phrase d'un rire cristallin qui me donna l'impression qu'elle se moquait. Rougissant dans la nuit, je croisais les bras. Elle ne me croyait donc pas ? Pourtant je me sentais si proche des étoiles et de la Lune... Préférant ne pas m'énerver après une si jolie jeune fille, je me retins de répondre qu'elle n'avait pas à se moquer. Je jetais un coup d'oeil à la voute céleste avant de murmurer :

"Elles disent qu'elles s'ennuient, à ne rien faire. Elles veulent partir en vacances."

Je ne savais pas si les étoiles connaissaient le mot "vacance" ni même si elles réfléchissaient et parlaient, mais tant pis. J'aimais bien m'inventer des histoires, et celle-ci était toute mignonne. Je ne savais même pas si Alaska me prenait au sérieux. Haussant les épaules, je frémis en croisant les yeux verts de la Serpentard. Mais que m'arrivait-il, enfin ? J'étais devenu fou, complètement fou... Et j'étais fou d'Alaska.

"Et elles disent aussi que tes yeux sont magnifiques."

Je n'avais pas prévu dire cela. Mais que m'arrivait-il ?

   "Elles disent qu'elles s'ennuient, à ne rien faire. Elles veulent partir en vacances." Sa voix grave et voluptueuse l'envahit de tout son être. Alaska aimait sa voix. Elle l'adorait même. Elle lui donnait immédiatement le sentiment d'être en sécurité, et l'intime conviction que, si elle était dans ses bras, rien ne pourrait lui arriver. 

   "Et elles disent aussi que tes yeux sont magnifiques." Son sang se figea. Alaska pouvait sentir une boule se former dans son ventre et ses mains devenir aussi moites que tremblantes. Elle n'était pas à l'aise, c'était évident. Attends, quoi ? Une sueur froide lui parcourut l'échine tandis que l'angoisse l'envahit. Mais merde, c'est quoi encore cette histoire ? Ses yeux... Elle resta paralysée un instant. L'écossaise avait besoin d'air et s'écroula sur les remparts. Aucune méthode de respiration n'arrivait à la calmer. Elle était en proie à une vraie crise de panique. Pourquoi sa réaction était-elle si violente, si intense ? Sûrement parce qu'elle ne pouvait pas se résoudre à penser que quelqu'un pouvait bien l'apprécier pour ce qu'elle est vraiment, alors que cette personne ne l'avait pas encore vue réellement. 

   Un main sur la poitrine , la Serpentard essayait tant bien que mal de réguler sa respiration. Que répondre ? Elle était plus perdue que jamais. Elle n'en savait foutrement rien, elle voulait juste s'enfuir... Et c'est ce qu'elle fut : comme un animal traqué, la brune se dirigea à reculons vers les escaliers, sans prendre le temps de lui répondre. Quand elle y repensa, c'était totalement absurde. Mais ça ne lui suffit pas à s'arrêter, et elle continua de battre en retraite pour lui échapper. Ulysse lui, n'était pas de cet avis : il se posta en face d'elle et l'a retenu fermement son poignet pour l'empêcher de partir. Pas moyen de l'éviter, il faisait maintenant barrage. C'était une mauvaise idée de venir ici. 

   - Laisse-moi partir. suffoqua-t-elle en essayant de rester ferme. Un mensonge, il lui en fallait un, et vite. Qu'est-ce qu'elle pourrait inventer ? Alaska humecta ses lèvres et elle laissa son regard rencontrer celui du Gryffondor. Ses yeux bruns la cloua aux dalles de le tour. Son regard était si expressif, si fougueux, qu'elle en perdit tout ses moyens. Tout la désarmait chez lui. A commencer par sa proximité. 

   - Je... Hum... Je... dois y aller. Il ce fait tard. Une lueur vivace passa dans ses prunelles, et la brune se sentit incroyablement mal à l'aise. Il était juste là, à quelques centimètres d'elle, si près que cela la troublait presque. Demain est une grosse journée. J'ai un contrôle en plus. Elle ne savait décidément pas mentir, mais la personne dont elle voulait le plus convaincre ce n'était pas lui, mais  plutôt elle-même. 

   Ulysse détaillait son visage du regard de manière si intense qu'elle avait l'impression d'être mise à nu. Elle avait l'impression qu'il arrivait à lire ce qu'il se passait dans sa tête. Et cette pensée lui glaça le sang. Puis, le garçon lui replaça une mèche de cheveux et la jeune fille frissonna, doutant que ce soit passé inaperçu. Mais à quoi joue-t-il ? Il ne semblait pas vouloir s'écarter d'un centimètre, au contraire, il s'avança encore. Alaska avait l'impression qu'elle allait se mettre à s'étouffer si il s'approchait encore plus. Il était si près maintenant qu'elle pouvait sentir le souffle de sa respiration saccadée sur son front. Elle était même obligée de lever considérablement les yeux pour rétablir un contact visuel avec lui tant ils étaient proches. Ulysse posa une main sur le mur à côté de sa tête, et elle se sentit vraiment prisonnière. Elle était à sa merci. Il approchait légèrement son visage du sien et l'écossaise avait envie de lui hurler de s'éloigner, mais cette dernière était incapable de prononcer un seul mot... La Serpentard avalait difficilement sa salive. Putain, non. Elle n'allait pas se laisser faire, pas cette fois.

   - Dégage ! Sa voix explosa, et elle se mit à trembler comme une feuille d'automne. Il lui faisait peur, car il pouvait lire en elle, avec son visage implacable baissé vers elle, et son regard qui la transperçait. Alors, terrorisée, elle décida de lui assigner un coup de genou dans la côte. Ce n'était pas vraiment voulu, mais la jeune fille y avait vraiment mit toute sa force, car c'était pour elle le seul moyen d'échapper à son emprise. Elle profita donc que le garçon se torde de douleur pour finalement prendre la fuite et détaler dans les escaliers à toute vitesse. 

   Une fois dans son dortoir, Alaska eut un sentiment de culpabilité. Elle l'avait laissé là-bas. Seul. Recroquevillé sur lui-même. Elle voulait y retourner, de peur d'être rongée par les remords. Elle devait aller l'aider à se relever, ou bien juste aller lui présenter ses excuses, mais la terreur dans ses yeux ne s'était toujours pas dissipée, elle n'en avait clairement pas la force. Épuisée, elle succomba dans les bras de Morphée avant de prendre son carnet à rêve et d'y noter les initiales suivantes : "U.M".