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01 sept. 2019, 13:58
Lueur de Ténèbres  Libre 
1ER SEPTEMBRE 2044, 23h56
Tour d’Astronomie, Poudlard

Thalia, 13 ans
3ème année


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Aujourd’hui, nous sommes le jeudi 1er septembre 2044. Dans quelques minutes, nous serons vendredi, si j’en crois ma montre sorcière qui affiche vingt-trois heures, cinquante-six minutes et dix-neuf secondes. Il va donc être minuit et le Château entier dort. Par ces mots, je ne veux pas dire que ses habitants, élèves comme professeurs, sont assoupis — bien que ce soit le cas. Je veux dire que la pierre elle-même semble sommeiller. Si je me concentre, je peux presque entendre la respiration calme du lieu. En posant ma main sur le sol, je sens la Magie y pulser régulièrement, comme un cœur battant dans la poitrine de pierre de Poudlard. Je devrais être dans mon lit mais je m’en suis extirpée péniblement il y a quelques dizaines de minutes. Après tant de temps passé à tenter de m’endormir en vain, j’ai ôté ma couette et tiré mon rideau, et je me suis levée sans un bruit. Le bruissement de la longue cape noire que j’ai enfilé au-dessus de mon long pyjama blanc n’a réveillé personne, et je suis partie sans un bruit du dortoir, avec un dernier regard pour l’alcôve d’Aelle. L’envie de la réveiller m’a prise, mais j’y ai résisté ; et bien vite, les flammes du petit salon des filles ont laissé la place aux pierres froides des couloirs. J’ai couru dans les étages déserts, volant à moitié, laissant mes plantes de pieds effleurer quelques fractions de secondes le sol avant de s’élever dans les airs. Alors, la pensée m’a traversée que retrouver la sensation de sortir de mon dortoir la nuit était extraordinaire. Pourtant, je n’ai jamais abandonnée cette sensation. Puisque je n’ai pas abandonné le Château, cet été. J’ai continué, la nuit, à m’évader de la prison de mon alcôve pour trouver la quiétude du soir. Mais aujourd’hui, tout est différent. Comme si je n’avais pas fait la même chose hier, comme si un gouffre immense séparait ce que j’ai fait la nuit dernière et ce que je fais aujourd’hui. Alors qu’il n’y a aucune différence. Absolument aucune différence. À part le fait que je sois passée en troisième année, peut-être. À part, également, le fait que le Choixpeau ait chanté au dîner. À part, aussi, que les nés-moldus sont arrivés avec des Plumes Noires cette année, privés du plaisir enivrant que procure le Poudlard Express. À part, enfin, qu’une nouvelle année vient de débuter. Alors que l’ancienne ne me semble même pas achevée. Alors que le monde continue de s’écrouler.
Que je sois dans le M.E.R.L.IN., cette foutue association pleine d’Autres, n’y change rien. Que Shaina se soit engagée dans la véritable résistance, le « Réseau de Résistance des Sorciers Libres » avec le stupide et pourtant subtile pseudonyme d’Altaïr, dans l’espoir de créer un monde nouveau, n’y change rien non plus. Que je ne comprenne rien à tout ce qui se passe n’annihile pas la vérité du nouveau monde. Le déni ne change rien. Mais je ne plonge pas dans le déni : je voudrais juste comprendre. La seule chose agréable, aujourd’hui, a été qu’au milieu de ces premières années tremblants de stress et de ces années supérieures tremblants de peur, Emily est revenue. Un grand sourire aux lèvres, elle m’a regardée et m’a fait un clin d’œil. Assise à la table des jaunes, j’ai dû attendre la fin du repas pour me jeter sur elle — mais qu’est-ce que ça faisait du bien ! S’écrire par parchemins interposés avait compensé légèrement le manque que créait son absence dans mon ventre, mais deux bouts de papier soumis au sortilège protéiforme n’avaient en rien remplacé son sourire et son regard pétillant. Après une étreinte et quelques mots, nous étions parties dans nos salles communes respectives. Et le trou dans mon estomac s’était enfin comblé.
Maintenant, je suis allongée sur le dos et le vent me caresse la peau. Une douce brise souffle dans les hauteurs et balaye le sol froid de la Tour d’Astronomie ; ma Tour aux Étoiles. L’air est frais, mais le sol l’est encore plus. Au Château, la pierre semble en permanence glaciale, sauf au plein cœur de l’été. Comme si les vents froids hivernaux prenaient possession des sols et des murs, afin de garder leur emprise sur le lieu. Mais le froid permanent ne m’a jamais dérangé. Seule la chaleur étouffante me donne la tête qui tourne et une furieuse enfin de vomir mes repas. La simple cape fine qui me couvre les épaules est largement suffisante pour me protéger de la fraicheur nocturne. Mon haut de pyjama tend à se soulever à cause du vent léger, et je sens l’air s’engouffrer en dessous pour chatouiller mon ventre et effleurer doucement ma poitrine, avant que je ne plaque à nouveau mon pyjama contre mon corps et ne le glisse sous l’élastique de mon pantalon. Après ce dernier mouvement, je laisse mes bras retomber le long de mon corps et dirige de nouveau mon regard vers les cieux.

Les étoiles ont envahi la nuit. Elles brillent si fort que tout me semble possible. Sous leur halo lumineux, il est possible que le monde ne s’écroule pas, il est possible que je revois très bientôt Éole, Shaina et Papa, il est possible que tout se passe bien. Même les pensées les plus improbables — mais pas forcément les plus désagréables — sont possibles, comme celle qui me murmure que dans très exactement dix-sept jours, cela fera un an que j’aurais embrassé Aelle dans cette salle-de-bains sombre. Un an ! J’ai l’impression que cela fait quelques jours, ou peut-être des dizaines d’années. Entre temps, il s’est passé tant de choses. Je me suis réconciliée avec Emy, je me suis légèrement rapprochée de Shaina, les chinois sont revenus, Poudlard s’est fait attaquer, Parkinson a pris le pouvoir, je me suis engagée dans ce semblant de résistance pour faire comme Altaïr, et puis... le monde s’est écroulé. Et ma Bulle avec lui. Et pourtant, j’ai l’impression que ce Baiser s’est déroulé hier — même si ça fera bientôt douze mois. Car sous la douce clarté des étoiles scintillantes, tous ces évènements prennent une teinte transparente, une couleur de rêve. Comme si rien de tout cela ne s’était réellement déroulé. Comme si j’avais tout rêvé. J’aimerais tant avoir tout rêvé. *J’aimerais tant...*.

Mes paupières se rabattent sur mes yeux, tels des volets sombres me dissimulant une réalité trop dure. Je ferme très fort les yeux, quitte à me faire mal ; dans ce monde d’obscurité, des feux follets lumineux dansent une valse colorée. Le noir s’illumine des myriades de couleurs que l’on voit en pressant trop nos paupières contre nos Orbes. Un instant, je me plonge à corps perdu dans ses couleurs. Je tends des mains mentales vers ces gerbes de peinture imaginaires, plonge des doigts fantomatiques à l’intérieur, m’imprègne de toutes ces teintes multicolores. Une envie de rire me prend, je sens les prémices d’un rire véritablement sincère naitre dans ma gorge, mais il s’étouffe dès qu’il atteint mes lèvres ; il ne peut sortir vers l’Extérieur, car il n’est dirigé que vers mon Imaginaire. Dehors, je sens que la nuit est toujours aussi réelle. Seules mes paupières closes me protègent et m’enferment dans ce monde de couleurs. J’aimerais y rester pour toujours. Mais je sais que je n’ai pas le droit de dissimuler mes Vérités derrière des illusions ; le souvenir de ma première année ne me le rappelle que trop bien. Alors je prends une grande inspiration, comme pour me donner du courage, *respirer ne me donnera pas de courage*, et je me force à ouvrir les paupières.

La nuit est toujours aussi sombre. Les étoiles brillent toujours aussi fort. La Lune est toujours cachée par... une masse sombre que je ne veux pas nommer.
L’ombre d’un arbre se dessine toujours dans le ciel.
*Merlin*. Le mot — la prière ? — se dessine lentement dans mon esprit et je sais ce qu’elle signifie. Merlin, je peux bien rêver autant que je veux, tout a changé. Le ciel, ici, ne sera plus jamais aussi dégagé qu’avant. Cet arbre — ces arbres —, obstruent la moitié de mon champ de vision. En lieu et place de la moitié des cieux se dresse un immense feuillage sombre et deux troncs entrelacés. En réalité, c’est les feuilles qui me dissimulent la Lune. L’Orbe Blanc se cache derrière les arbres. L’Orbre Blanc. Aussi blanc que les yeux de ces chevaux du malheur. Une Lune si pâle est-elle également un présage de malheur ? Le Yin... l’obscurité, la nuit, le mal... Mais je n’y crois pas. Je ne crois pas que cela puisse avoir une signification aussi facile. Et puis, la Lune, comme les étoiles et les miroirs, a été une de mes plus proches amis. Ma confidente, quand j’étais petite. Mes amis imaginaires, qui me répondaient, parfois. Ou, plus généralement, qui se contentait de briller toujours aussi doucement dans le ciel noir. La Lune est belle et douce. Elle me calme. Même aujourd’hui, elle me calme. Une douce quiétude s’étend dans mon corps, son foyer prenant naissance au creux de mon ventre.

Je me lève doucement, déplie mes jambes et m’approche du rebord. D’un habile mouvement du bras, j’ôte ma cape et la dépose sur la pierre. Mon regard se tourne vers la Lune à moitié enfoncée dans l’obscurité, et je prends appui sur le rebord à l’aide de mes deux mains, avant d’exercer une forte pression sur la pierre. Agilement, je me hisse jusqu’en haut du rebord et m’y assois. Mes jambes pendent dans le vide ; rien ne me retient. Si je me penche un peu trop en avant, je tombe. Longtemps. Et puis mon corps s’écrase par terre, mes bras et mes jambes dans des directions improbables... la lueur dans mes yeux s’éteindrait. Et ma dernière vision serait les étoiles. *Pfff*, ricane ma conscience. *Tu sais très bien qu’tu n’tomberas pas*. Et elle a raison. Le poids de mon corps est parfaitement équilibré sur mon perchoir, et je lève imprudemment mon bras gauche vers le ciel, pour le tendre vers les feuillages — et vers la Lune. Écartant mon pouce et mon index, je tente de la saisir fictivement, de m’agripper à sa vision pour m’échapper de la Réalité. Mais je ne parviens qu’à lever une main semi-désespérée vers l’Astre flamboyant. Aussitôt, pour palier à la faiblesse que j’imagine m’envahir, j’amène ma main jusqu’à la pointe du Triange d’Été, jusqu’à la constellation de l’Aigle, jusqu’à cette étoile. Altaïr. Shaina a eu l’audace de prendre pour nom de code une des étoiles favorites de Maman. Arcturus, Aldebaran, Sirius, les Pléiades, Altaïr, Vega... Deneb. Deneb... non, Altaïr. Lentement, je ferme mon poing et replis un à un tous les doigts de ma main. Seul mon majeur trône encore, dans un beau doigt d’honneur adressé à l’étoile de l’Aigle. À Shaina. Un doigt d’honneur moqueur mais pas méchant, plutôt amusé. La nuit rend tout cela superficiel. Ou peut-être justement me montre-t-elle que tout cela est si profond et si important que je ne peux plus m’en moquer. Que je risque d’y sombrer...

Un bruissement retentit, troublant le silence. Je me demande si le Paon Noir, cette créature faite de magie sombre, me regarde de là-haut. Aucun mouvement ne perce l’harmonie des feuilles, uniquement secouées par le doux vent qui souffle. Une larme glaciale s’échappe de mon œil et débute sa course lente sur ma joue illuminée de la lumière lunaire.

Premier post réservé. La suite est libre à tous.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

01 sept. 2019, 16:45
Lueur de Ténèbres  Libre 
Y a eu la barque. Puis la foule. Puis les cris. Y a eu la peur qui a serré ses mains autour de ta gorge, qui t’a donné des coup dans le ventre, qui t’a murmuré que t’allais crever. Y a eu tous ces corps transpirant de joie qui te collaient, ces pieds qui piétinaient d’impatience, les noms qu’on prononçait tout haut et les acclamations. Y a eu ta tête qui tournait, comme si tu sentais le mouvement infernale de la terre qui tourne sur elle-même, qui tourne à t’en filer la gerbe. Y a eu ta respiration haletante, les bouffées que tu essayais d’avaler, sans qu’aucun souffle ne passe tes lèvre et se glisse dans tes poumons pour faire redémarrer ton cœur. Y a eu la rencontre, avec ceux en rouges, avec les griffes et les crocs.


Et y a eu la porte qui se referme.


Sûrement qu’les Autres t’on entendu. Sûrement qu’les Autres t’on vu. Quand t’es partie. Mais tu t’en fou, leur fête d’arrivé te donne l’envie de vomir. Pourquoi se réjouir d’être enfermé pendant des mois dans un château, de pas pouvoir s’en aller, bouger ? De rester seul, loin des familles, loin de nos repères, perdu.
Non, en fait. Pas seule. Y a Ambre, hein ? Il est là, quelque part. Ils est là si tu te sens perdue. Hein ? Si tu sais plus. Si tu oublie.



Et y a les « Et Si ». Et si tu t’évanouis encore ? Que les Autres se moquent ? Et si tu t’perds ? Et si ils te détestent ? Et si t’as mal ? Et si Ambre… ? Et si eux… ? Et si toi… ?

Encore un Et Si. Tout de suite. Maintenant. Tu te tournes vers le tableau. Il te regarde. Tu le regardes. Il plisse les yeux. Tu prends peur. Il ouvre la bouche. Tu murmures.

- Ferme-là, la Grosse !

Il ouvre des yeux. Énormes, les yeux. Et tu détales.



T’sais pas l’heure. Mais il est tard. Très tard. Y en avait qui dormaient déjà depuis quelques heures, quand t’es partie. *Mais merde ! Pourquoi ?* Pour retrouver Ambre. Tu t’es promis. Il t’a dit qu’il était à Poufsouffle. *C’est quoi encore ce truc ?* T’sais pas. Mais tu vas trouver. Alors tu grimpes les marches. Tu te mets à les compter. Tu montes encore. Tu montes plus haut. Tu montes en courant. Pour rejoindre Ambre.
Et bientôt t’en a marre de monter toutes ces marches. Et les escaliers qui complique tout. Alors tu t’assois par terre. A bout de souffle. T’es en haut. Et y a rien. Sauf une porte. Et dans ta tête.




Vas-y ! Ouvre !
T’es sûr ?
Mais oui bordel ! Il t’arrivera rien. Promis.





Et derrière. Le Noir. Les ténèbres. Et des petits points. Tout jolie. Tout lumineux.




Fermes-moi cette bouche ! T’as l’air stupide !
Pardon…
T’as vu ? T’as vu c’est beau ? Hein ? C’est beau. On dirait comme des lucioles.




Les Lucioles nagent dans l’océan de goudron. Elles te regardent de haut, rigolent et dansent. Et toi tu les observes, la tête rejetée en arrière à t’en faire un torticolis. Et y a l’Astre. Peint en blanc, comme un îlot sur l’océan. Comme un phare qui guide les marins. Mais lui, il te fait la gueule, préfère regarder l’Autre.



L’Autre ?



Tu baisses les yeux, et y a une Autre. Elle t’a pas vu, pas entendu. Elle s’en fou, préfère faire des doigts d’honneur à l’Astre qui l’embrasse. Elle le regarde, assise sur le muret, les jambes dans le vide.

Et d’un coup la colère te prends. Elle arrive d’un coup, chargeant contre ton cœur, un élan de haine et de jalousie. Elle te dit que l’Autre est si près du vide, que ce serait si simple de tendre tes bras, de la pousser violemment, d’entendre son cris de panique, quand Elle comprendra qu’Elle ne peut plus s’en sortir. D’entendre son corps heurter le sol, tout en bas, de l’entendre s’écraser, que ses os se brisent, que le sang coule, que son cœur s’arrête. Ce serait si simple, tellement simple…




Non ! Connerie !




Alors tu t’assois par terre, et tu la regardes, Elle.


- T'es qui ?

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.

01 sept. 2019, 21:18
Lueur de Ténèbres  Libre 
La larme est froide et me ramène à la réalité. Là-haut, aucune feuille ne s’est agitée : le Paon Noir est bien caché. Ce n’est certainement pas lui qui a provoqué le bruissement. Ici, je sais que je suis trop dans les Hauteurs pour pouvoir entendre les bruits du reste du Château. Et je n’ai pas bougé. Ce n’est ni moi, ni le vent, ni le Paon. Alors ça ne peut être que... *la porte !*. Peut-être l’ai-je mal fermée, et dans ce cas une simple brise l’aurait fait remuer. Mais je suis certaine d’avoir actionné la poignée derrière moi, comme toujours. Alors un abruti d’Autre vient de se ramener. Pourquoi ne fait-il pas de bruit ? Les Autres font toujours du bruit, un bruit immense. Chacun de leurs pas est un tonnerre à lui tout seul ; chacun de leur mouvement provoque un boucan insupportable. Je le sais parfaitement. Mais l’Autre qui est ici — il est forcément ici —, n’a provoqué aucun autre son que ce bruissement à peine perceptible. Comme un coup de vent. Je sais me déplacer sans bruit, bien sûr ; mais les Autres ne savent pas, eux. Ils ne comprennent rien. Ils se trouvent minuscules et insignifiants, et ils pensent que pour cesser de l’être, ils doivent faire le plus de bruits possibles. Moi aussi, je me trouve minuscule et insignifiante. Mais je sais que faire du bruit de changera rien. Savoir Être en silence, en revanche, est un bien meilleur moyen de trouver sa place dans le monde.

Doucement, je rouvre mon poing et baisse mon bras. Toujours en regardant la Lune, je laisse échapper un sourire. Pas de joie ; de calme. Mes pensées s’entrechoquent et mon cœur bat toujours aussi vite, mais l’Astre me calme. La nuit a toujours su comment me parler. Ou peut-être est-ce moi qui ai toujours su comment parler à la nuit. Au fond, ça revient au même, bien que ce soit très différent.

« T’es qui ? » dégueule l’Autre.

Mon cœur loupe un battement. *Merlin, elle est bien là !* s’exclament mes pensées. J’avais beau savoir que je partageais ce moment avec un Autre, la réalité de sa présence ne s’impose que maintenant que l’Autre en question a pris la parole. Ce n’est même pas doux. Ce n’est même pas harmonieux. Ça n’accompagne même pas la douceur de Nyx. Ce sont juste des mots qui tranchent. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de songer que cette Autre aussi sait parler à la nuit. Il n’y a pas forcément besoin d’être doux pour cela. Même si les murmures ne brisent rien, et que je les préfère.

Je regarde l’Orbe brillante. *Salut beauté*. Elle me sourit. Elle me sourit toujours. *Tu brilles bien, là haut ?*. Je ne suis même pas en colère contre l’Autre. Je l’ai un peu oublié, même si je sais qu’elle est là. *J’continuerai à t’parler tu sais, moi j’m’en fous qu’tu n’répondes pas*. Dans le feuillage, une branche s’agite et attire mon attention. Peut-être bien qu’Il est là-haut, ce soir. Va-t-Il s’envoler ? J’aimerais bien le voir dominer le Château, prendre sa place dans l’harmonie de Nyx.

« J’suis une ombre, murmuré-je doucement. Un fantôme. » *Une ombre*. Ton ombre. « Le jour où j’suis morte, la Lune brillait très fort. » C’est vrai. Le corps de Maman était illuminé par les rayons de l’Orbe, son sang rayonnait sous la lumière pâle. « Elle était si belle... j’ai cru qu’elle allait m’arrêter. » Que ses rayons serait un bouclier. « Mais la nuit est beaucoup trop belle pour faire attention aux hommes... alors j’suis tombée. » Mon corps s’est effondré sur le sol de la maison. « Je n’sais pas vraiment d’où j’suis tombée... p’t’être des étoiles. » Peut-être. L’Orbe illumine ma face de ses rayons de nacre. « Maintenant je vais regarder la Lune chaque soir. Je suis à ma place sous le regard de Nyx. » Je me lève précautionneusement. Debout sur le fin muret, je sens le vent s’engouffrer dans mes habits. Le halo lunaire fait briller ma peau pâle, et mon pyjama blanc me donne des allures de réel fantôme. « Je sais que je ne peux pas tomber. » Je lève mon pied droit et je fais un pas. Je ne peux pas tomber puisque je suis déjà morte. « Personne fait attention aux fantômes. » Ni aux ombres. « Les morts ne reviennent jamais ! Vivre dans le cœur des vivants ça ne veut rien dire. » Maman ne reviendra pas. « Il n’y a que la Lune qui sait m’écouter pleurer. » Et c’est terriblement vrai.

J’avance encore d’un pas.
Le vent me fait vaciller.
Je tends les bras à l’horizontale autour de mon corps, pour trouver l’équilibre.

*Funambule*.
J’avance sur le muret... sur le fil de la vie.
Un pas de travers et je tombe. Le funambule s’effondre. Le fil se coupe.
Est-ce que je veux tomber ?

Peut-être.
Peut-être pas.

Pas maintenant.

Je reste debout, bras tendus, mais je m’immobilise. Je ne marche plus. En bas, le parc me nargue. Le lac aussi. Je pourrais les rejoindre. M’écraser sur eux, les voir arriver, et me fondre dans la nuit. Pour toujours. *Pas maintenant*.
Le Paon Noir continue de faire des siennes : des feuilles remuent et je jurerais avoir aperçu une ou deux plumes dans un coin.

« Mh. Tu n’sais pas d’où Il vient, n’est-ce pas ? » Je n’ai pas jeté un seul coup d’œil à l’Autre mais je suis sûre que c’est une petite nouvelle. « Tu n’as pas vu l’ombre naitre..., » terminé-je doucement. Tous mes mots respectent l’Harmonie de Nyx ; il m’a fallu du temps pour trouver sa mélodie, ses notes exactes, mais maintenant je Sais. Je sais que la nuit décide de tout. Qu’elle régit mes rêves.

Je laisse échapper d’autres larmes silencieuses. Les fantômes savent-ils pleurer ? Oui. *Dans l’ombre*. Et personne ne les entend jamais. Parce qu’ils sont transparents... des souvenirs oubliés. Les fantômes de rêves jamais réalisés.

« Et toi, t’es qui, petite fille ? »

Petite fille. En temps normal, j’aurais dit « gamine ». Ou mieux, je n’aurais rien dit. Mais la nuit est hors du temps — elle l’a toujours été. Je peux me permettre d’être ce que je ne suis pas ; ou peut-être ce que je suis.
Un fantôme.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

23 févr. 2020, 17:03
Lueur de Ténèbres  Libre 
La Nuit avait englouti le parc, le plongeant dans une ombre léthargique qui avait empoisonné même le plus fort des êtres peuplant cette Terre. Elle s’était insinuée discrètement en eux, passant par leurs oreilles et leur nez, anesthésiant les tympans, ralentissant les battements du cœur sur une onde plane et berçant les corps d’une illusion bienheureuse.
Les yeux s’étaient alors fermés, les êtres ramollis sous les tissus chaud. Pourtant, deux pantins restaient encore, immobile en haut de cette Tour Noire. Ils luttaient contre le sommeil, refusant l’embrassement de ses bras avec aucun regret.
En tailleur près de la porte, tu ne la quittais pas des yeux. Comme un rêve qui s’envole, il était hors de question qu’Elle ne t’échappe. Elle ne bougeait pas. Restant là, à fixer l’œil blanc unique du ciel, qui brillait avec douceur au milieu du Néant.
Et quand tu souffles les mots, Elle ne bouge toujours pas. Comme si Elle ignorait ta présence, ne voulant pas que tu viennes importuner la Nuit. Mais trop tard, Gamine, t’as encore ouvert ta bouche.


Une légère brise vient soulever l’une des mèches de ta cascade sombre, mais tu la ramènes bien vite derrière ton oreille. En bas, le bruissement des branches se fait entendre, secouées gracieusement, alors qu’un battement d’aile résonne au loin. Silence.
Et Elle Parle. Le murmure te parviens comme le sifflement discret du vent. Une âme errante qui raconte sa Fin, et tu écoutes, sans bouger, la respiration défaillante. Et Elle se lève, alors que la Vision qui s’offre à Toi absorbes ton être. La Silhouette Sans Visage rayonne maintenant, devant le disque d’argent qui forme une couronne au dessus de sa tête. Étrangement, la Vision te calme, t’apaise, et bientôt, emporté par la douce musique de sa Voix, plus aucune Colère ne vient mordre ton cœur. La Crainte disparaît, plus de haine, plus de douleur.


*‘Peut pas tomber… T’es sûr, Fantôme ?*



Frisson. Une goutte glacé qui s’écoule le long de ton échine. L’âme est si légère qu’Elle manque de passer de l’autre côté. La respiration te revient, plus douce cette fois, calme et reposante. Aucune pensées ne vient envenimer l’espace. Le Temps s’écoule avait lenteur, profitant de ce court échange. Mais il n’est pas l’heure encore, pour Toi, de lâcher les quelques mots. Elle regarde le Vide, et semble s’arrêter sur un détail. Le murmure revient en douceur, parlant de chose qui te dépasses. Et puis enfin, Elle retourne la Question. Hein, Petite ? Et alors, répond. T’es qui, Toi ?


- J’aurais voulu être quelqu’un. J’aurais voulu être comme les Autres. J’aurais voulu être Normale. Mais j’crois, j’y arrive pas.


Tu murmures, à ton tour, recopiant la Grande, et baissant les yeux vers tes mains. Tu les serres fort autour de tes bras, alors qu’un violent frisson te prends d’un coup. Le sursaut n’a duré qu’un dixième de seconde, mais il te secoue encore et te fais revenir à l’esprit les paroles de l’Autre. Elles se répètent, reviennent dans une boucle que tu ne peux plus briser. Le son de sa Voix s’encre dans ta tête, murmure les mots dans le creux de ton oreille et danse autour de toi.


- Moi j’fais attention aux Fantômes. Ils me murmurent des Choses et me réconfortent. Les Vivants sont des Monstres qui hurlent et griffent. Les Fantômes écoutent et les Vivants jugent. Les Vivants sont trop stupide pour Comprendre...Est-ce que tu comprend ça, Toi ?


Tu lèves de nouveau les yeux vers la silhouette irréelle qui te tourne le dos. Le Temps s’est définitivement arrêté, la Nuit retient son souffle, alors que la Lune attend la réponse de l’Autre, se délectant d’avance de sa Voix.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.

01 avr. 2020, 18:29
Lueur de Ténèbres  Libre 
« J’aurais voulu être quelqu’un. »

Gémissement enfoui.

« J’aurais voulu être comme les Autres. »

*Pu...*. Suffoquement réprimé. *... tain*.

« J’aurais voulu être Normale. »

Craquement d’os.

« Mais j’crois, j’y arrive pas. »

Estocade ultime.



Figée, une jambe levée à quelques centimètres du muret. L’autre tendue, bien droite. L’équilibre est conservé, tout le long du mouvement qui part d’un point indiscernable de mon corps. Le poids est confié au Commandement du talon gauche, en arrière, pour basculer tout le corps vers mon dos. Ainsi penchée, jambe droite horizontale et vacillant sous le vent qui la frappe, je laisse ses paroles se mêler au bruissement des feuilles. Des tremblements s’emparent de mes jambes, frémissent. En n’opposant aucune résistance, je ne gaspille pas d’énergie. Ma concentration virevolte autour de deux points opposés. Une semi-attention adressée à la petite fille *dangereuse*, le reste s’emparant de tout ce qui émane des Arbres. Etash et Ojayit. La Lumière, et la vie. Entremêlées par nos pouvoirs, par mon pouvoir, cette vague de Magie qui fluctue en moi. J’ai toujours eu une sensibilité exacerbée. Pour tout. La Magie ne fait pas exception. Certains disent qu’ils ne ressentent pas leur magie ; certains disent qu’ils doivent se concentrer pour passer l’étape du ressenti lors du lancer d’un sort. Je ne comprends pas ces gens. Ils me semblent si éloignés de toute forme de Magie. C’est un ressenti, par excellence ; une émotion impassible et immuable. Une mer calme ou déchainée, au creux de mon être, et ses vagues qui se brisent contre l’extérieur. Ce jour-là, mon courant s’est mélangé à celui des Autres. Ma vague a heurté celles des Autres. Et le souvenir est désagréable. Puissant mais désagréable. Désagréable de me voir mélangée, souillée par la marque des Autres. Et je contemple les Arbres, et je vois que de cela a naquit une beauté toute particulière. D’eux émane quelque chose. D’eux, ou de ce qu’ils abritent. En haut, il se fait calme ;

« Moi j’fais attention aux Fantômes. »

*Merlin !*
L’Autre.
C’est vrai, elle.
La petite fille.
Je l’avais presque oublié.

Merlin, je sentais les bruissements infimes, là-haut ! Je distinguais presque ses plumes, ses contours de ténèbres. Maintenant, je n’y arrive plus du tout. Mes perceptions des arbres sont affaiblies, alors que l’enfant m’achève. Encore et encore.

Elle est *dangereuse*.
Dangereuse.

« Est-ce que tu comprends ça, Toi ? »

*Arrête d’frapper !*. Je frémis. *Arrête d’me frapper !*. Ma jambe tremble si fort qu’elle me déporte vers la droite. Le vide. Un bras tendu complètement vers le sol, le corps penchant vers ma Chute, je suis incapable de rétablir mon équilibre. En une fraction de seconde, je compte le nombre de fois où je me suis tenue ici. En équilibre, au bord de la mort, à tourner les mêmes mots en boucle dans mon esprit. À me poser la même question, des myriades et des myriades de fois depuis le début de ma seconde année ; et avant, c’était depuis la cime du chêne de la Maison, ou du toit. Toujours, la même chose ; *est c’que j’saute ?*. Ça ne devait pas se passer comme ça. Loin, sous moi, je vois le sol. Je n’ai pas le vertige. Je n’ai jamais eu peur des hauteurs. Je bascule un peu plus vers le vide, entrainée par mon poids.
Si je ne fais rien, je vais tomber.
Dans une fraction de seconde.
Je vais tomber.

Comme si j’émergeais d’un plongeon qui aurait duré trop longtemps, que je n’avais plus d’air et que je crevais la surface de l’eau, j’inspire un grand coup, suffoquant. Du même coup, mon corps lutte pour retrouver l’équilibre, et je me redresse. Une sueur glaciale glisse dans ma nuque, et j’inspire doucement en plantant mon regard vers l’horizon. Ciel et terre confondus sous les ténèbres. Mais j’crois, *ta gueule, petite fille, ta gueule !* j’y arrive pas. Moi non plus. Moi non plus, je n’y arrive pas. Mais arrête, c’est pas nécessaire. Y’a pas besoin. *M’frappe pas, d’accord ?*. Tes mots sont brûlants, et dans la froideur du vent, je n’aime pas la chaleur. Arrête.

Sans un regard pour elle — ne surtout pas la regarder, ne surtout pas la regarder —, je tente de m’immerger de nouveau dans mon Rêve. Je suis un rêve, un fantôme inconsistant ; le bord de la chute a failli brisé cette douceur onirique, mais pas pour longtemps. Ce que je suis au cœur de la Nuit n’est qu’un reflet de ma perdition. Une réalité rêveuse. Alors, délicatement, comme le fantôme de mon cœur battant, je m’assois sur le rebord. Cessant de faire la funambule pour laisser mes jambes pendre dans le ciel, comme assise sur un nuage. Mon regard se perd encore et toujours dans le feuillage : il ne bouge pas. Immobile comme un songe qu’on ne peut plus attraper une fois éveillé ; mais je ne suis pas éveillée. Je le saisirai, cette fois. J’agripperai de mes yeux son Esquisse, pour la graver dans ma mémoire, dans mes songes, sur mon papier aussi. En toutes les formes, je transformerai l’Ombre du Paon. Mots, traits, souvenirs. Je ne peux pas laisser cette Connaissance si près de moi, sans aller la chercher.
Mais pour l’heure, la petite fille me frappe sans relâche. Mes pensées sont assaillies par ses mots, et c’en est presque douloureux.

D’une caresse de la main, presque sans bruit, je tapote le rebord de pierre. Trois fois, en silence. La zone que je désigne est à quelques dizaines de centimètres de moi ; trop proche sous la lumière d’Hélios, encore assez éloigné sous le halo de Nyx.

« Viens. » D’un murmure ferme.

*Viens,* je vais te montrer le Fantôme qui danse dans les feuilles.
*Viens,* bien sûr que je comprends.
*Viens,* je ne suis pas vivante, mais je suis tout de même un Monstre.
*Viens,* j’ai des songes à t’expliquer.
*Viens,* et arrête de me frapper.
*Viens,* t’as pas besoin d’être quelqu’un.
*Viens,* t’as pas besoin d’être comme les Autres.
*Viens,* t’as pas besoin d’être normale.
*Viens,* bien sûr que je mens, on en a tous besoin.
*Viens,* c’est sûr t’y arrives pas, mais t’en fais pas, moi non plus.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

15 avr. 2020, 20:21
Lueur de Ténèbres  Libre 
Tu n’as jamais su, tout cela. La vie, peut-être, est-ce trop compliqué pour toi. Peut-être bien que ça n’en vaut pas la peine. Peut-être qu’au final, il serait mieux pour tous que tu fasses tes adieux. Peut-être, oui, peut-être, que c’est Trop Tard. Tout simplement irréparable, irremplaçable, irréel, inhumain… Inutile. Peut-être que devenir un Fantôme, comme la Grande, te libérerait de ce poids qui te trahit. Se sentir libre, peut-être, voler loin des problèmes de la Terre. Peut-être bien… Ou peut-être pas.
Tu ne sais pas sourire. Sûrement, est-ce cela, le secret du bonheur ? Sourire à ceux qui se moquent ? Peut-être bien qu’étirer les lèvres te transformera en Autre. Peut-être même que rire fera disparaître les sanglots. Peut-être que ton visage s’illuminera, et de tes yeux brillant, éclatant de vie, tu étaleras ton regard de Soleil sur ce monde froid. Et tu pourras enfin voir la beauté de l’être. La beauté… Comment devient-on beau ? Comment réussir à plaire, aux Autres ? Faut-il être comme eux ? Sourire, rire… Faut-il Parler ? Savoir dire comme eux tous, bouger les lèvres comme un Autre, remuer la langue comme un Autre, faire de grands gestes avec les bras comme un Autre. Montrer du doigt comme un Autre, aimer comme un Autre, s’aimer comme un Autre, vivre comme un Autre. Être un Autre. Mais cela signifierait devenir un Monstre. Ou peut-être… Peut-être qu’en devenant Monstre, on ne te considérera plus comme tel, tu deviendras Normale. Et le dégoût de ton être se tournera vers ceux qui sont encore différents, des êtres comme… Toi ? *Comme moi ? Ça n’existe pas !* Et la Grande ? *Elle est Elle.*

Tu n’as jamais vraiment compris pourquoi, mais à chaque fois que tu parlais à d’Autres, cela semblait mal. Quand tu les regardais, cela semblait mal. Quand tu étais toi, et que tu ne pouvais t’en empêcher, c’était Mal, tout était Mal, affreux, injuste, ignoble. Cela a toujours été le cas. Tes regards les transpercent, leur font monter les larmes aux yeux. Tes Mots les blessent, créent une atmosphère malsaine. Pourquoi ? Est-ce toi le Monstre au final ? Tu as seulement voulu devenir comme eux. Mais ils n’ont jamais apprécié, alors ils t’ont rejeté.




Le sol froid et dur commence à te faire mal aux fesses. Tes yeux sont comme incrustés dans le dos de la Grande, qui ne daigne pas tourner le visage vers toi. *Elle n’en a peut-être pas, de visage.* Peut-être que si tu la regardes de face, tu ne verras que du vide, un Trou Noir, qui t’avalera dans un roulement infini de Tristesse et de Peur. Oui, c’est sans doute cela. Écoute-t-elle, au moins ? A-t-elle entendu tes paroles, sont-elles arrivées jusqu’au Fantôme ? Ou les a-t-elle laissé tomber dans le Vide, noyées dans la nuit noire ?
Et comme dans un Cauchemar, son corps valse. Le funambule a brisé le fil. Mais comme dans un Cauchemar, tu ne peux plus bouger, paralysée face à la Chute. *Ce sont mes Mots ? Mes Mots l’ont poussé dans le Vide ?* Tu es ignoble. Et Elle meurt, tombe, si paisiblement te semble-t-il. Ton cœur bat fort, ta respiration reste bloquée au fond de ta gorge, comme ce hurlement de Désespoir.
Les secondes passent, à une lenteur irréelle, voyant la Chute imminente, avec une trace de Révolte. Oui, de la Révolte. Le funambule ne veut pas sombrer, ne veut pas tomber dans la Nuit. Et Elle se redresse, reprend le contrôle, alors que tu n’as pas eu le temps du moindre petit mouvement.



Et tout redevient Normal.

Alors que l’Orbe dévore de nouveau la Grande, alors que l’air s’engouffre de nouveau dans tes poumons, alors que la Nuit reprend son chant mélancolique, Elle s’assoit. Avec une douceur irréelle, dévorant ses moindres faits et gestes. Et Elle t’invite, d’un mot, d’un seul. Sans un regard.
Tu ne résistes pas à l’appel. Tu ne peux pas dire non. Dans le silence, tu te relèves enfin, t’approches à petits pas et tends ton visage vers le Vide. C’est si sombre que tu n’aperçois pas le sol. Ton cœur bat, mais ce n’est pas la hauteur. C’est la Mort, la Mort qui sûrement te guette, au pied de la Tour. *Oserais-je ?* Craintivement, tu passes une jambe de l’autre côté, puis l’autre. Tu les laisses pendre, assises à quelques centimètres de la Grande. Tu détailles la Nuit devant toi, n’osant pas tourner la tête vers Elle.



- Dis-moi.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.