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11 avr. 2020, 16:48
« Bonjour Monsieur Oliver »  Solo 

Samedi 15 avril 2045,
Bureau du professeur Briggs


Installé confortablement dans le fauteuil devant son bureau, le professeur Briggs ouvrait inlassablement le courrier qu’il n’avait pas eu le temps de traiter. La plus ancienne lettre datait de la semaine passée, il s’agissait de son père qui le tenait au courant des nouvelles. Tout se passait bien pour le moment, il ne sortait que très rarement de chez eux, ne voulant pas laisser Diana (la mère d’Oliver) toute seule trop longtemps, même si leur appartement était désormais protégé par le sortilège de Fidelitas, et que le directeur de Gryffondor en était le Gardien. La seule personne de sa famille dont il n’avait pas de nouvelles était Ruby. Sa cadette vivait quelque part en Angleterre, et avait fait savoir depuis presque un an désormais qu’elle ne souhaitait plus garder contact avec ses parents et son frère. Elle avait donné la raison qu’elle « ne voulait pas mettre en danger qui que ce soit en maintenant les liens. » S’en était suivi une dispute à travers des beuglantes, et elle n’avait plus répondu ensuite. Oliver espérait simplement qu’elle n’avait subi aucun problème.

Finissant de rédiger sa réponse à ses parents, il signa, cacheta l’enveloppe et se leva pour se rendre à la volière. Le professeur d’Astronomie avait bien de la chance, il n’avait pas à parcourir tout le château pour envoyer ses lettres.

Lorsqu’il y arriva, il chercha son hibou des yeux pendant de longues secondes. Alors qu’il se dirigeait vers lui, une chouette lâcha tout juste devant son visage une lettre qui lui était apparemment destinée. Elle était étrangement adressée de cette manière : « Monsieur Oliver ». La chouette qui l’avait livrée ne quittait pas des yeux le professeur. Celui-ci donna sa propre lettre à son hibou, lui indiqua le destinataire, puis porta un nouveau coup d’œil à la chouette. Il sortit de la volière et retourna à son bureau, la nouvelle lettre à la main. Il fut surpris de constater que la chouette pénétra à l’intérieur par la fenêtre laissée ouverte, qui alla se poser sur son bureau.

« Tu attends une réponse, pas vrai ? »

Intrigué par la façon dont cette lettre était adressée, Oliver ne perdit pas de temps à l’ouvrir.
Bonjour Monsieur Oliver,
Je m’appelle Jens et j’ai 7 ans. J’aimerais bien te rencontrer parce que j’ai envie de rencontrer mon papa. J’espère que tu voudras me voir.

Jens
Les noms de professeur d’Astronomie et directeur de Gryffondor, noms très formels que lui procuraient ses positions au sein de Poudlard, étaient tout à fait à l’opposé de celui qu’on venait de lui donner.

Mais l’étonnement laissa rapidement la place à une toute autre sensation. Oliver sentait une chaleur particulière s’immiscer entre les pores de sa peau. Il sentait les poils se dresser sur ses bras, un à un. À l’intérieur de son corps, il sentait cette même chaleur, qui parcourait chaque organe avec une vivacité non mesurée. Cette chaleur faisait naître en lui une forme d’impuissance. Et Merlin savait que lorsqu’Oliver se sentait impuissant, il développait une forme de rage. Une rage brûlante et piquante prenait possession de sa tête et de son corps.

Cette lettre avait ramené dans sa vie une affaire sur laquelle il avait décidé de tirer un trait. Il avait sciemment choisi de laisser cet enfant qu’il n’assumait pas entre les mains d’une mère irresponsable. Cette idée à la fois toute simple et écœurante, qu’il regrettait aujourd’hui amèrement, laissait Oliver totalement démuni. Puis sa tête se mit à vaciller, la chaleur envahissait sa trachée, empêchant l’air de passer correctement. Il essaya de se lever pour se rapprocher de l’encadrement de la fenêtre, mais tituba aussitôt. Le sang battait fort à ses tempes. Et tout devint noir, sa tension chuta, et Oliver chuta avec elle.

« Tu crois qu'on invente les gens qu'on aime ? »
« Elle pirate ton cœur pour entrer dans ta tête ! »
12 avr. 2020, 01:50
« Bonjour Monsieur Oliver »  Solo 
Cigarettes et chocolat


Assis dans son fauteuil depuis plusieurs heures maintenant, Oliver ne lâchait pas des yeux la lettre qui lui était parvenue en début d’après-midi. Il était vingt-deux heures, et la chouette attendait toujours là, dans la cage qu’occupait habituellement son propre hibou, puisque Oliver n’avait toujours pas répondu. Dans ce genre de situations, on avait généralement beaucoup de questions sans réponses. Mais très étrangement ce soir-là, Oliver ne se posait aucune question. Ou plutôt, il avait les réponses à toutes ses questions. Tout était limpide dans sa tête, absolument tout. Cela avait été difficile d’oublier, mais il avait suffi d’un seul petit mot, et tout était remonté dans son esprit, comme par magie.
La seule chose qu’il ressentait en ce moment était un profond regret. Ce regret le poursuivrait où qu’il aille. Si son fils revenait dans sa vie aujourd’hui, il ne pourrait pas y échapper pour l’éternité. Mais le chemin allait être dur pour l’accepter véritablement. Oliver n’avait pas l’âme d’un père. Oliver avait besoin d’indépendance, il n’avait pas besoin de qui que ce soit dans ses pieds. Malgré tout, il n’allait pas s’en sortir tout seul, il aurait besoin d’aide et de soutien.

Mais il y avait une chose qu’il avait peur d’admettre, une chose qui changeait réellement la donne dans cette histoire.

***

Image

3 septembre 2036,
Copenhague, Danemark


La fumée d’une cigarette à moitié consommée s’élevait avec légèreté vers le plafond du séjour. Les doigts qui la portaient étaient délicats et finement dessinés. De temps en temps, ces doigts se rapprochaient de lèvres abîmées par toutes sortes de substances. Le visage qui arborait ces lèvres était au contraire lisse, et semblait même doux au toucher. Les yeux bleu clair maquillés au crayon noir s’accordaient parfaitement à la couleur gris clair de la chevelure emmêlée. C’était en vérité un beau visage, presque angélique.
En cette rare matinée ensoleillée de septembre, les rayons du soleil traversaient la baie vitrée pour venir éclairer la femme qui était assise sur le canapé, rendant sa peau plus blanche qu’elle ne l’était déjà. Simplement vêtue d’une chemise bleu ciel à rayures blanches trop large pour elle, son regard était dirigé vers l’extérieur, observant le lointain : une mer froide et agitée par le vent.

Un homme débarqua dans le séjour, torse nu, portant simplement un vieux jean délavé. Lorsqu’il se pencha pour embrasser la jeune femme dans le cou, une odeur de cigarette et de parfum citronné s’emparèrent aussitôt de son esprit.

« Oliver, peux-tu m’apporter du chocolat s’il te plaît ? »

Oliver prit la cigarette des mains de la femme et en tira une bouffée. Il attendit plusieurs secondes avant relâcher la fumée prisonnière de ses poumons. Puis il rendit la cigarette et sortit de la pièce.

Il revint avec une petite tablette emballée de papier d’aluminium et tendit le chocolat. Il s’assit ensuite sur le canapé à côté d’elle et un silence s’installa entre eux pendant de longues minutes.

« Tu pars quand ?
- Dans trois jours.
- Tu ne préfères pas rester ? »

Oliver était arrivé au Danemark depuis trois semaines, et il ne pouvait pas rester plus longtemps.

« Tu n’as qu’à venir avec moi à Amsterdam, Karen ? »

La dénommée Karen tourna son visage vers Oliver et l’observa consciencieusement, puis elle esquissa un sourire dans le coin de sa bouche. Le jeune homme était loin d’imaginer toutes les choses qui défilaient dans l’esprit de la femme qu’il avait face à lui. Il était loin d’imaginer les mois qu’il allait vivre. Loin de se douter de quoi que ce soit, notre Oliver.

« C’est d’accord, répondit-elle sans hésiter. »

***

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06 mai 2020, 16:14
« Bonjour Monsieur Oliver »  Solo 
Les hontes et les faiblesses

Dimanche 16 avril 2045,
03h00


Oliver faisait les cent pas dans son bureau, réfléchissant à ce qu’il pouvait écrire à cet enfant qu’il ne considérait pas comme sien. Le hibou qui avait fait parvenir cette lettre était toujours là, attendant patiemment que le professeur d’astronomie lui donne une réponse manuscrite. L’enfant souhaitait le rencontrer, mais était-ce réellement l’enfant qui le voulait ? Oliver envisageait sans mal la mère vouloir se débarrasser de lui. Il s’en mordait les doigts. Priver ce gamin d’une enfance normale était aujourd’hui un sentiment atroce pour le professeur. Il n’avait pas réfléchi à ce qu’il avait fait à l’époque, et voilà que la vie frappait à nouveau à sa porte : « Eh, n’oublies pas que tu as un fils quelque part ! ».

Il s’assit alors devant un parchemin totalement vierge. Dubitatif, le directeur de Gryffondor sentit une larme rouler sur une de ses joues, puis une deuxième. Malgré l’heure, la fatigue ne l’habitait pas du tout. Il n’aurait pas pu dormir dans tous les cas, même s’il avait voulu. Tout ce qu’il ressentait en ce moment était un mélange complexe de tristesse, de haine, mais surtout de peur. La peur était un sentiment qu’il détestait en tout point : elle contrôlait toutes vos autres émotions dans les moments fatidiques, elle vous faisait faire des choses inexplicables, et plus que tout cela, elle mettait à découvert tout ce que vous aviez construit pour cacher, dans un vain espoir, les hontes et les faiblesses. Oliver cultivait chaque jour une allure impassible, imperturbable, de sorte que seuls les plus perspicaces pouvaient deviner ce que dissimulait son regard. S’il n’avait pas eu l’occasion de se former à l’occlumancie, c’était une idée qu’il commençait à considérer.
Jens,
Sais-tu que des centaines de kilomètres nous séparent, et qu’il m’est difficile de quitter Poudlard en ce moment ? Je ne crois pas que cela sera faisable, malheureusement.

Oliver
Un goût amer le prenait à la gorge en écrivant ces mots. Oliver n’était pas prêt, pas prêt à voir cet enfant surgir dans sa vie après sept ans d’absence.

Fin.

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