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03 sept. 2020, 16:10
Sous le regard du soleil
1er mars 2045 — Milieu d’après-midi
Tour d’astronomie — Poudlard
4ème année



C’est apaisant de regarder la cime des arbres se balancer dans l’horizon. Les mouvements me bercent. Le vent a l’air doux contre leur pelage vert ; comme une caresse. Les bourrasques aussi me caressent. Elles frôlent ma peau, font s’envoler mes cheveux et soulèvent timidement les pans de ma cape. Elles ne me dérangent pas. Le ciel est lisse comme un assiette, sans nuage, sans obscurité, sans oiseau. Le soleil est également de la partie. Il me regarde de son gros œil jaune et réchauffe timidement ma peau. Si je ferme les yeux assez longtemps, je peux m’imaginer que la chaleur du soleil est celle de la cheminée à la Maison et que la caresse du vent est celle des doigts de Papa qui parcourent mon front lorsqu’il croit que je dors. Et comme à la Maison, je n’ouvre pas les yeux afin de faire croire au vent que je dors réellement.

A moitié affalée sur le créneau, il me serait aisé de me jeter en avant et de sombrer dans le vide, mais cette idée ne me traverse même pas l’esprit. J’ai beau être debout, avoir les jambes lourdes et un léger mal de crâne qui pointe, je n’ai pas envie de bouger. Ni pour ramasser mes notes de cours que le vent commence à éparpiller, ni même pour retrouver place assise. Ce n’est pourtant pas l’envie qui m’en manque. Je pourrais me laisser aller contre le sol, tête sur la pierre, bras étendus autour de moi et perdre mon regard dans le ciel. Le soleil serait comme une couverture toute chaude et je suis certaine que je pourrais répondre à l’appel du sommeil qui veut me faire fermer les yeux. Qu’il serait bon de s’allonger et de dormir ici. Mais je n’ai pas la force de bouger, de trouver une position plus confortable. Cela me parait insurmontable. Alors, rester ici à regarder ce que l’horizon me réserve, c’est une bonne idée. Les montagnes autour de Poudlard sont magnifiques et le paysage est assez varié pour m’occuper. Le lac, les collines, les montagnes, l’immensité du ciel et la nature à perte de vue, comme si le château était le seul lieux de vie de l’Écosse ; comme si j’étais le seul être vivant des environs. Moi, au sommet de mon château, je suis la Solitude même et j’adore cela.

La tour d’astronomie n’est pas un lieu que je privilégie habituellement. S’y trouve toujours des gens, des observateurs, des couples ou pire encore, des rêveurs. Comme endroit pour travailler, il y a mieux. La bibliothèque par exemple, la salle d’étude ou mon dortoir ; il y ferait d'ailleurs plus chaud, mais pour le moment je me contente de ma cape d'hiver et du timide soleil pour me préserver du froid. Je ne sais pas ce qui m’a poussé à venir ici. Je crois que je voulais avoir la sensation d’être seule, pour une fois. Complètement seule. Sans mes camarades de dortoir, sans les Autres qui m’accompagnent en cours, sans tous ces gens qui hantent les couloirs. Seule avec la connaissance, le savoir, seule avec mes recherches, seule avec ma compréhension. C’est agréable. Et pourtant, à force de regarder l’horizon et la danse des arbres dans le vent, j’en oublie la raison pour laquelle je suis venue ici.

Je suis tellement fatiguée. Fermer les yeux, rien qu’un instant, me laisser aller dans les bras du sommeil qui m’appelle à lui. Peu importe que je sois debout, affalée contre un créneau, les bras abandonnés sur la pierre, mes précieuses feuilles glissant dans le vent. Peu importe, tant que je m’endors. Peut-être que les rêves qui me berceront seront agréables.

Sans que je ne puisse savoir exactement à quel moment, je sombre. Pas bien loin, pas bien fort, mais suffisamment pour que mes pensées s’éparpillent, pour que ma nuque se relâche, pour que mon visage s’écrase contre mon bras, pour que mes yeux se ferment et que ma respiration se fasse profonde. Et dans ma tête, il fait tout noir. Le vent me chuchote des mots doux à l’oreille. Le soleil là-haut est le seul à savoir que je suis en train de sourire.

Plume d' @Elowen Livingstone, m'accompagnes-tu ?
Dernière modification par Aelle Bristyle le 07 sept. 2020, 21:40, modifié 1 fois.

07 sept. 2020, 18:38
Sous le regard du soleil
Mercredi 1er Mars 2045
RP Privé avec @Aelle Bristyle
3ème année RP


Cela fait des mois que je ne t'ai pas vue, et je t'avoue avoir réussi à t'oublier depuis. Bien sur, il m'est arrivé de repenser à toi, à ta façon de parler, toujours si agressive, à la violence de tes gestes et à la sècheresse de ton cœur, je me dois d'être honnête, je me suis pendant plusieurs semaines demandé qui tu étais. Et puis, aussi vite que tu es apparue, tu as quitté mon esprit, bientôt envahi de mille merveilles plus heureuses les unes que les autres. Je ne connais toujours pas ton nom, mais connaître ton identité ne m'a jamais obsédé. Je n'ai pas besoin de te chercher, j'ai l'impression que si nous devons nous trouver, cela se fera sans notre aide. Je n'ai pas besoin de ton nom, de la même façon que tu n'aurais jamais du connaître le mien. Fort heureusement, je crois que tu ne t'en es jamais servi. Je l'aurais su, n'est-ce pas ?

Alma, tu m'es sortie de la tête depuis bien longtemps déjà. Je n'espère plus te croiser, je ne veux plus savoir à quoi tu penses, à vrai dire je m'en fous. Je crois ressentir de l'indifférence, mais ne le prend pas mal, ce n'est pas que je te trouve banale, au contraire, tu m'as intéressée, intriguée, mais cela fait si longtemps... Comprend-moi, je suis passée à autre chose. J'ai retrouvé une vie normale, comme si tu n'en avais jamais fait partie, je ne sais si je devrais m'en réjouir ou pleurer mais c'est ainsi. Il faut croire que je m'étais trompée lorsque je t'ai rencontrée, tu ne m'as pas tant marquée. J'en suis désolée.

Quelles traces gardé-je de ton passage, quelles preuves ? L'eau ? Je n'en ai plus peur, mieux encore je la contemple. Tu m'as aidée à constater sa beauté, son éclat, et je ne me lasse pas de la contempler, à n'importe quelle heure, de jour comme de nuit. Il m'arrive fréquemment de me rendre sur les berges, et de passer ma main au travers des vaguelettes translucides et glacées qui viennent s'échouer contre notre île. Je reste alors là, de longues minutes, à savourer seule ce contact vivant et à songer à toutes sortes de choses. Sais-tu que c'est là que ma pétition m'est venue à l'esprit. J'étais à son bord, songeuse, en train de me dire que l'eau serait tout de même bien plus accueillante en violette, lorsque j'ai eu cette révélation. Elle n'a pas fait l'unanimité tu me diras, mais vois-tu, j'espère que mon idée finira par faire son bout de chemin dans les esprits et que de nombreuses personnes viendront m'aider à convaincre la directrice.

Aujourd'hui, je n'ai pas cours. Comme tous les mercredi, certes, mais aujourd'hui j'ai beaucoup de travail, plus que d'ordinaire. Sauf qu'en contrepartie, j'ai encore moins de motivation que d'habitude. Depuis ce matin, je ne fais que repousser l'heure à laquelle je devrais me mettre à travailler, je vagabonde. Je me suis même convaincue de faire un jogging, pour me donner bonne conscience alors que je ne suis pas sportive, du tout. Résultat, au bout de cinq minutes, j'étais en nages, et il m'a fallu une heure pour récupérer après cet effort. Cela n'a fait que décaler l'heure à laquelle je me suis mise à travailler, et j'ai à peine fait un quart de mes devoirs alors que l'après-midi est déjà bien entamée. J'ai trouvé une énième raison de fuir à nouveau mes responsabilités, en proposant à une camarade d'aller porter son courrier à la volière. J'ai donc monté les escaliers, me laissant griser par cette sensation de hauteur, ce vertige qui me prend aux tripes, et j'ai laissé mon regard se perdre dans l'immensité du décor. J'en ai totalement oublié mes exercices, et ai alors décidé d'aller observer le paysage depuis mon poste favori : la tour d'astronomie.

Alma, je te promets, je ne pensais pas t'y trouver, je ne sais même pas moi même si j'avais envie de t'y voir. Je ne sais pas ce que je ressens, si je veux te voir, t'oublier, te haïr, t'aimer, je ne te connais sûrement pas assez. Je déteste ce trouble que tu laisses en moi. Pourquoi tout est si compliqué avec toi ? Ne peux-tu pas simplement agir, laisser une bonne ou une mauvaise impression, comme tout le monde, non, c'est trop compliqué ?

Je t'aperçois donc, seule, en haut de cette tour, des feuilles éparpillées autour de toi, tu fixes je ne sais quoi, et moi je te fixe. Je reste là, immobile, comme choquée par ta présence. Mon cerveau bouillonne, je voudrais faire demi-tour, j'ai peur que la colère ne revienne t'habiter et que tu me jettes du haut de la tour. Et pourtant, de nous deux, tu es la plus vulnérable, assise là. Il suffirait d'une bourrasque pour que tu t'envoles et que ton corps vienne s'échouer des dizaines de mètres plus bas, te laissant pour morte. Je songe alors à la façon dont je t'ai connue, et mon premier réflexe est de me dire que tu veux à nouveau sauter pour en finir. Mais non, tu as l'air trop paisible pour souhaiter cela. Mon cerveau pense toujours, devrais-je me précipiter, t'attraper et te tirer à l'intérieur ? Ce serait trop risqué, sous le coup de la peur tu pourrais tomber. Purée, mais tombe je m'en fous ! C'est faux. Il ne faut pas que cela arrive. Surtout pas.

Je fais donc doucement demi-tour et descend cinq marches. Je me retourne, et entreprend de les remonter plus bruyamment, pour ne pas que ma présence t'inquiète. Tu devrais forcément m'entendre approcher, non ? Une fois en haut, je me dirige vers la balustrade pour regarder le paysage, ayant choisi délibérément de t'ignorer. Puis, je tourne la tête et aperçois ton visage. C'en est trop, je t'ai menti, je n'ai pas oublié ce que tu me fais. Je ne comprends rien, alors je ne trouve rien de mieux à dire que cela.

« Alma... »

Ma respiration se fait saccadée, et des tonnes de souvenirs me reviennent en pleine face. La noyade. Les mots. Les gestes. La magie. Tout ça, je m'en souviens. Ma voix se brise lorsque je répète à nouveau ton nom, incapable de bouger.

« Alma... »

Soudain, tout redevient comme avant, je peux bouger à nouveau, alors je détourne le regard et mets toute mon énergie dans ce simple effort : fixer l'horizon avec indifférence.
Dernière modification par Elowen Livingstone le 16 nov. 2020, 20:34, modifié 1 fois.

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

15 sept. 2020, 13:32
Sous le regard du soleil
Le vent m’emporte. Il souffle paisiblement contre mes oreilles et ses chuchotements m’envoient loin de ma propre conscience. Je rêve, ou peut-être m’imaginé-je, que je vogue sous le ciel, aussi fluide et invisible que le vent, aussi forte et douce que lui, et je vogue, je vogue des kilomètres durant. Je traverse des plaines, des lacs, je côtoie des pics écartelés et retombe abruptement le long des falaises. Je me cogne contre la cime des arbres et je repars aussitôt, volant, voguant, comme le vent, comme le vent…

Si rien ne m’avait dérangée, je pense que je serais tombée. Pas bien haut, pas bien douloureusement, mais suffisamment pour me réveiller en sursaut, le coeur battant, les mains moites et le regard affolé. Mais je ne tombe pas puisque je suis dérangée. Tout d’abord, ce n’est qu’une impression, qu’un appel lointain de ma conscience qui veut que je revienne à moi. Mais ma conscience, je l’étouffe sans culpabiliser. Je me fous de mes devoirs, du vent qui éparpille mes fiches ou même du monde entier. Moi, je suis bien. Moi, je dors, je sombre. Merlin, y a-t-il une seule sensation plus agréable que celle de sombrer dans un sommeil paisible et souhaité ? Je ne crois pas, alors je ne veux pas m’arracher à mon sommeil. Je bouge faiblement, m’installe plus confortablement et je ferme les yeux avec davantage de force pour résister à l’appel de l’éveil.
Mais c’est trop tard, désormais.

Je reconnais le bruit du vent qui siffle et mes jambes me font mal. Je ne sombre plus ; j’essaie de sombrer. Essayer de sombrer, c’est très désagréable. C’est insupportable. C’est comme se forcer à regarder le soleil : ça fait mal et c’est frustrant. Mais je persiste, je reste insensible aux bruits du monde, me concentre sur mon souffle, sur le souvenir de mon rêve et…

« Alma... »

Ça, ce n’est certainement pas le bruit du vent. La voix m’arrache si vivement à ma torpeur que je sursaute. Violemment, ridiculement. Je m’écarte des créneaux, le coeur battant à tout rompre, les yeux agrandis par la peur et la surprise. Je dois avoir l’air bien bête ainsi, plantée au milieu de la tour, le souffle court et l’air effaré d’un Veaudelune ébahi sur la tronche. Ma peur s’apaise lorsque je vois qui m’a dérangé. Je comprends que c’est une fille ; une élève. Rien de bien effrayant, juste une Autre. *Mais…* elle a quelque chose sur le visage, sur les cheveux peut-être, ou alors dans sa silhouette, quelque chose qui me rappelle quelqu’un. Un vague souvenir. Lointain, éparpillé. Un souvenir au bord d’un lac, sous une pluie battante ; un souvenir dans le lac. Un baiser *déposé sur un doigt puis* sur la joue. Et alors son prénom me revient. Elowen. La gamine pire que Grewger. La gamine insupportable. La furie.

Je l’avais complètement oublié. Ce n’est pas comme si je n’avais pas songé à elle les jours qui ont suivi notre rencontre, certes. Mon esprit se tournait souvent dans sa direction. Je me demandais ce qu’elle faisait, où elle était, ce qu’elle me voulait, si elle allait me chercher, me trouver. Mais finalement, rien de tout cela n’est arrivé. Et il y a eu le bal. Et après le bal, il n’y avait plus rien. Plus de souvenirs, plus d’envies ; je n’ai jamais repensé à Elowen depuis ce moment-là. Je ne sais même pas si je l’ai déjà croisé dans les couloirs, si j’ai croisé son regard ou quoi que ce soit d’autre. Pourtant aujourd’hui, elle apparaît comme si elle n’avait jamais quitté mon esprit. Comme si notre rencontre ne datait que d’hier. Elle est là, près de moi, à chuchoter ce putain de surnom qu’elle m’a donné, et j’ai un souvenir très vivace de ce que nous avons vécu, elle et moi.
Cela m’agace.
J’aurai préféré ne pas me souvenir d’elle. J’aurais préféré qu’elle ne soit qu’une Autre indiscrète qui vient se pointer sur le lieu que j’ai choisis pour me ressourcer. J’aurais préféré ne pas me sentir honteuse en me rappelant mon sursaut. J’aurais préféré ne pas me sentir honteuse tout court ; la dernière fois aussi, j’étais honteuse, et mal à l’aise, et en colère. Exactement comme aujourd’hui. Je me sens pitoyable d'avoir été surprise de la sorte. Pitoyable et misérable. Je me sens trahie, comme si cette fille avait fait exprès de me surprendre en état de faiblesse. C'est certain qu'elle l'a fait exprès. Comme la dernière fois, quand elle m'a sauté dessus dans le lac. Elle est incapable d'apprendre de ses erreurs, n'est-ce pas ?

La colère dévaste tout. La honte, la fatigue, la surprise ; annihilés. Mes sourcils se froncent, mes poings se serrent, je remplis mes poumons d’air et :

« Putain mais t’arrives jamais quand il faut, hein ! » Et ma voix geint plus qu’elle ne crie. Je gonfle les joues et expulse l’air par la bouche. « C’est quoi ton soucis à toujours surprendre les gens ? Si c’est parce que t’as peur de pas être la bienvenue, t’as raison : t’es pas la bienvenue ! »

Un regard noir pour soigner mes belles paroles et je me détourne. Un regard circulaire me confirme que mes fiches se sont bel et bien envolées avec le vent. J’en ai peut-être perdu une ou deux. Je les connais par coeur, cela ne devrait pas me déranger, mais pourtant ça me dérange. Je déteste lorsqu’il y a des trous dans mes cours, ce que je peux détester cela ! C’est de la faute de cette fille. Si elle n’avait pas été là… Si elle ne s’était pas pointée… *’Fait chier !*. Je me penche pour farfouiller dans mon sac et en sors ma baguette magique.

« Failamalle, » marmonné-je.

Sous mon autorité et ma concentration, mes feuilles de cours se rassemblent dans mes mains.

15 sept. 2020, 15:39
Sous le regard du soleil
@Aelle Bristyle


Je refuse de te regarder, c'est plus fort que moi, même si je le voulais je ne le pourrais pas. Je regrette rapidement mes mots, souhaitant disparaître, et que tu ne m'aies pas entendue prononcer ton nom. Non, je t'assure, je ne t'appelais pas, je ne savais juste pas quoi dire. Ne va pas penser que je suis une folle qui m'approche de toi pour crier ton nom, pas du tout, j'ai juste perdu mes moyens le temps d'un instant. Alors je regarde l'horizon, mes yeux se plissent, je t'entends bouger mais ma tête refuse de pivoter. J'aimerais savoir quelle a été ta réaction, mais j'en suis incapable. Je ne veux pas te voir.

Avec personne d'autre je ne suis si contradictoire. Je ne sais quel effet tu as sur moi, je passe du coq à l'âne sans moi même comprendre ce qui les lie. Je me doute que si déjà mes propres actes me perdent, tu ne peux les comprendre non plus... Tu vois, si j'avais la possibilité de faire quelque chose là, tout de suite, j'aimerais que nous allions dans la forêt interdite à la nuit tombée, toutes les deux, j'allumerais un feu et nous parlerions calmement, de nous, de nos vies, de qui nous sommes, tout en maintenant une distance de sécurité entre nous, tu me terrifies toujours un peu, sache-le. Imaginer tout cela fait dériver mon esprit, et bientôt j'en oublie ta présence. Je fixe le Lac, tout en songeant au goût des chamallows qui grillent et brûlent la langue des hâtifs, tout en respirant l'air humide de la rosée. Et puis je t'entends.

Tu sembles avoir bougé, je parierais que tu es au centre de la pièce. Ma tête reste immobile, alors que le vent se fait plus fort et qu'il fait voler mes cheveux. J'éclate de rire et écarte les bras, pour que les bourrasques s'engouffrent dans les moindres plis de ma robe, qu'elle vole à son tour. Et puis, tu viens tout gâcher.

Je devrais avoir l'habitude maintenant, et pourtant, au fond de moi je garde l'espoir que tu changes, un peu au moins. Que tu t'adoucisses, que la bête qui est en toi se taise et que le temps d'une heure tu te livres, que tu sois toi-même, pas cet être de violence. Mais c'est trop te demander, je le sais bien. Je suis prête à te pardonner cela, car je veux continuer à creuser qui tu es.

Tu sais Alma, je pense que comme d'habitude je suis arrivée pile au bon moment, au contraire. Je suis plutôt de bonne humeur, tu as l'air calme, cette rencontre devrait être moins mouvementée que la précédente, alors je pense être arrivée quand il faut, où il faut et avec qui il faut. Nous sommes seules, tu ne peux fuir, nous allons pouvoir parler. Faire connaissance, dans les règles.

Je ne t'ai pas encore répondu que ton ton monte déjà, et avec violence tu déverses ta haine sur moi. Tu ne peux le savoir, mais tu viens de me blesser d'une façon abominable... J'ai l'air d'être une personne ayant confiance en elle, sociable, ouverte, mais en réalité il suffit que l'on me rejette une fois pour que je remette tout en question, pour que je ne me sente pas à ma place et pour avoir l'impression constante de déranger. Tes mots ont l'effet d'un poignard sur moi, si bien que mes yeux s'ouvrent et que des larmes silencieuses en sortent. Si le fait de ne rien te faire te dérange, qu'en est-il des gens que j'apprécie et avec qui je passe du temps ? Est-ce que je les dérange aussi, est-ce qu'ils en ont marre, me trouvent bizarre, veulent se débarrasser de moi mais ne savent seulement pas comment me le faire comprendre ? C'est bien ce qui est arrivé avec Mike, il a lui aussi retourné sa veste alors que je le voyais comme un ami très proche.

Donc je ne suis pas la bienvenue, c'est ce que tu me dis ? Que ma présence est de trop, que le simple fait d'être là, à t'ignorer te dérange ? C'est ça que tu me dis, Alma ? Que je t'emmerde à ce point ? Toi aussi tu penses comme ça ? Tu as au moins eu le courage de me le dire, toi, et pourtant alors que j'aurais été prête à te pardonner tes mots durs il y a quelques minutes, là j'en suis bien incapable. Du courage, c'est bien la seule chose que tu as pour toi. Pourquoi ne comprends-tu pas que les gens avec qui tu interagis sont sensibles eux aussi, et que tes mots... Tes mots me blessent. Plus que de raison. Mes épaules s'affaissent, mon visage se baisse, quelques larmes courent toujours le long de mes joues et je me sens terriblement vide. J'ai l'impression de douter de tout. Je doute de Will et de sa sincérité en ce moment. J'ai l'impression qu'il me cache quelque chose, que notre bonheur n'est plus que temporaire. Je doute d'Eileen aussi, qui va si mal et que ne manquera pas de me rejeter quand elle n'aura plus besoin de mon aide. Je doute de toi, que je croyais authentique alors que tu n'es qu'un vipère. Pis encore, je doute de moi. Et je déteste ça. Cela remet en cause toutes mes certitudes, je ne sais plus rien, et je déteste ne pas savoir.

Je n'ai qu'une envie, te fuir, descendre de cette tour et partir, abandonner la lutte. Pleurer. Pleurer jusqu'à ce que l'on vienne me rassurer, comme si j'étais une gamine. Je suis terriblement mal à l'aise, je déteste cette impression d'être de trop, de déranger, je déteste que l'on ne m'aime pas. Alors je fais tout pour, pour les autres, pour les aider, pour qu'ils m'apprécient. Du moins j'essaie, puisque tu viens de me prouver que malgré mes efforts, ça ne fonctionne pas. Que je n'y arriverai jamais. Que je serai toujours cette petite fille arrogante, bizarre, étrange et qui dérange, comme on me l'a bien fait comprendre lorsque j'ai fièrement présenté ma pétition. 'Serdaigle=Weirdo' avait écrit quelqu'un. Il ne pouvait pas me faire plus de mal qu'en écrivant cela. Weirdo. Je suis donc la folle qui dérange. Et cela me fait drôlement mal...

Du revers de la manche, je sèche mes larmes d'un geste sec et rapide, pour masquer mes émotions. Je me retourne, furibonde, et te fais face. Mes yeux bleu sont durs, ils pourraient être en train de lancer des éclairs que ça ne m'étonnerait pas. Tu sais Alma, je crois que j'ai été assez patiente avec toi, trop gentille sans aucun doute, et que tu ne me mérites pas. Tu ne mérites pas ces larmes. Alors, même si je veux fuir, me planquer sous une couette et pleurer, je m'approche de toi, déterminée à te donner une bonne leçon avant de disparaître. Tu as détourné le visage et es en train de rassembler tes affaires, tu comptes donc partir... Comme ça ? Pas si vite, Alma, on a des choses à se dire.

« Bloclang »

Voilà, à présent tu pourras m'écouter sans me hurler dessus. Je sais que je prends des risques en faisant ça, mais j'ai vraiment besoin que tu entendes ce que j'ai à te dire. 'T’es pas la bienvenue'. Ces mots résonnent en boucle dans ma tête.

« De quel droit tu te permets d'être odieuse comme ça avec moi ? Je t'ai fait quoi, pourquoi tu me hais ? Pourquoi tu veux toujours me faire du mal, on dirait que ça t'amuse de me blesser à chaque fois que tu me croises. La première fois déjà, je voulais juste éviter de tu te suicides. A présent, je n'ai rien fait de plus que de dire ton nom. Où est le problème ? T'es quoi, une sociopathe qui aime infliger de la douleur ? Ce que tu viens de dire m'a fait énormément de peine, on dirait pas mais j'ai pas totalement confiance en moi, alors me dire ça c'est comme me poignarder par derrière. »

Alors je lâche tout.

« Je sais pas qui t'es, je sais pas ce que tu veux, et je ne te le redemanderai plus, la première fois déjà tu m'as dit que je ne demandais que des choses non intéressantes et que je posais trop de questions. J'ai compris le message, t'en fais pas. Mais t'as pas le droit de me traiter comme tu le fais, j'ai jamais été mauvaise avec toi, je t'ai jamais fait de mal, alors m'attaquer comme ça sur un point sensible, je dis non. Tu sais, j'ai mes secrets aussi, il m'est arrivé des choses vraiment pas drôles - cette fois je hurle- alors je te serais gré de ne pas te mêler de ce qui ne te regarde pas et de rester à ta place. Je t'interdis de me reparler de cette façon ! »

J'ai à peine fini ma tirade que, sans avoir pris le temps de reprendre ma respiration, je recule de plusieurs pas en direction de la sortie.

« Oublie la veillée Chamallows. Finite Incantatem. »

Mes yeux te déteste, si tu les regardes avec suffisamment d'attention tu constateras qu'ils ont changé. Avant, une lueur malicieuse brillait en eux, tu m'interpelais positivement, je voulais apprendre à te connaître. Maintenant, je ne veux plus que tu m'approches. Jamais plus tu ne me verras te coller un bisou sur la joue, tu ne le mériterais pas.
Dernière modification par Elowen Livingstone le 16 nov. 2020, 20:36, modifié 1 fois.

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

16 sept. 2020, 20:53
Sous le regard du soleil
Le sortilège me frappe de plein fouet sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour me défendre. Mais comment aurais-je pu, hein ? Comment aurais-je pu savoir que cette furie allait m’attaquer ? Comment aurais-je pu détourner ma baguette des feuilles qui sont en train de se rassembler pour la pointer sur cette fille ? Je ne pouvais pas me défendre alors que je ne l’ai même pas vu dégainer son arme, je n’aurais pas pu me défendre alors que je ne l’ai même pas entendu parler. Comment aurais-je pu, sachant que je la sous-estimais ? Je pensais qu’elle allait râler, ou faire sa Grewger, partir dans un discours sans queue ni tête en me parlant de tout et de rien, un peu comme le faisait Rosenberg durant nos quelques rencontres. Mais un sortilège ? Elle ? Cette fille pas très impressionnante ? Bordel, mais qui es-tu !

Sous le coup de la surprise, je lâche mon paquet de feuilles. Je ne baisse pas la tête pour les regarder, mais je suis certaine qu’elles se dispersent déjà dans le vent. Une boule d’émotions me frappe de plein fouet. Un mélange de colère, de déception, de désespoir. C’est exactement comme pendant le bal ! Je ne peux plus parler malgré mes efforts, je ne peux plus rien faire, je ne peux pas me défendre, je ne peux pas annihiler les effets de ce sortilège, je ne peux faire que cela, attendre, attendre encore sans pouvoir l’ouvrir. Sans pouvoir parler ! Je ne peux rien dire, pas même ouvrir la bouche et j’ai l’impression d’étouffer dans mon propre corps, étouffer encore. Tout au bout de mes bras, mes poings se serrent. Pourquoi ne m’a-t-elle pas enlevé l’ouïe au lieu de la parole ? Je suis obligée de l’écouter, je n’arrive même pas à bouger pour m’enfuir loin d’elle. Les larmes grimpent le long de mon corps. Je sais qu’elles vont couler, elles représentent toute ma frustration et ma rage. Alors je ferme les yeux, m’enferme dans un monde noir et sombre, bercée par le bruit du vent et par le son de la voix de la Furie.

Je le jure. Je le jure devant Merlin ; je vais te tuer, Elowen.

Et elle déblatère, elle déblatère ! Elle se plaint, elle se fait passer pour la victime. Pendant quelques secondes, je me demande sérieusement si cette fille n’a pas un grain. Comme la Fraw. Ouais, elle doit avoir un grain, c’est certain. Quelque chose ne doit pas tourner rond dans sa tête, cela expliquerait pourquoi elle me crie dessus de la sorte alors que je n’ai absolument rien fait pour mériter cela. Enfin ! J’étais paisiblement endormie en haut d’une tour ! Qui de moi ou d’elle est en tort ? Celle qui dort paisiblement ou celle qui dérange celle qui dort paisiblement. Ah ! moi, j’ai la réponse et je ne vais pas me gêner pour le lui… *J’peux pas parler, j’peux pas parler, j’peux pas parler*.

« J'ai compris le message, t'en fais pas. »

Oh, mais il serait temps ! J’étouffe à l’intérieur de moi-même. J’ouvre les yeux, mais les garde baissés sur le sol. Je suis incapable de supporter le regard de l’Autre. Je tremble de tous mes membres. Merde ! J’étais paisible il y a moins d’une minute, et désormais ça ? Mais comment puis-je passer d’une émotion à une autre aussi rapidement ? Terminé la paix, terminé de sombrer. Désormais, j’ai envie de frapper ; comme en janvier avec Thalia. J’ai envie de frapper, parce que c’est tellement plus simple d’évacuer tout ce qui grouille en moi de cette manière. Frapper pour la faire taire, frapper pour l’obliger à me rendre la parole, frapper pour lui faire comprendre Qui je suis — Aelle Bristyle. Et personne n’attaque Aelle Bristyle. Personne, mais tout le monde le fait tout le temps. Personne ne me comprends jamais.

« Mais t'as pas le droit de me traiter comme tu le fais, j'ai jamais été mauvaise avec toi, je t'ai jamais fait de mal, alors m'attaquer comme ça sur un point sensible, je dis non. »

Mais s’entend-elle seulement ? A-t-elle conscience des mots qui sortent de sa bouche ? Je ne comprends pas comment elle peut penser de telles choses. Comment peut-elle se placer aussi facilement dans la position de la victime alors qu’elle… Elle n’est que… C’est tellement injuste ! A ce moment-là, je crois que si j’étais capable de parler aucun mot ne sortirait de ma bouche. J’en serais physiquement incapable tant j’ai l’impression de bouillir, d’être prête à exploser. Je me serais mélangé dans les mots, j’aurais bégayé, j’aurais utilisé un mot à la place de l’autre, je me serais retrouvée sans voix, étouffée par la colère et la frustration. Je le sais. Mais cela ne m’empêche pas de frémir de rage. Je me sens tellement pitoyable, actuellement. Je ne suis que cela, finalement. Incapable de me défendre, incapable de me débrouiller toute seule.

« Tu sais, j'ai mes secrets aussi, il m'est arrivé des choses vraiment pas drôles. Alors je te serais gré de ne pas te mêler de ce qui ne te regarde pas et de rester à ta place. Je t'interdis de me reparler de cette façon ! »

Je crispe les mâchoires. Une inspiration, pitié, une seule. Elle me défracte les poumons et n’apaise en rien ma colère. Mais je trouve la force de lever les yeux pour les déposer dans les siens. Ce que j’y vois me force à afficher une moue moqueuse et rancunière sur le visage. Des pleurs ! Des larmes ! Et quoi d’autre, après ? Hein, qu’as-tu prévu de plus pour m’emmerder ? Parce que c’est ce que tu fais. Je ne comprends pas pourquoi, je ne comprends pas ton but, mais c’est ce que tu fais, tu m’emmerdes parce que tu es une putain de malade.

« Oublie la veillée Chamallows. Finite Incantatem. »

Le sursaut que fait mon coeur me déstabilise. J’en oublie presque ma peine et ma frustration et ma colère. Je prends une grande inspiration, j’ouvre la bouche, me goinfre d’air, fait bouger ma langue. Je suis libre !
Complètement libre.
Oh, et j’ai des mots qui frémissent au coin de ma bouche. Je ne compte pas les retenir.

« T’es qu’une putain-de-malade. »

Pas de cris. Pas de hurlements. Des mots acides, des mots douloureux, des mots que je pense si fort qu’ils se sont exprimés dans le monde. En parlant tout à l’heure, je n’avais aucune envie de blesser cette malade. Je me suis contentée de dire ce que je pensais, d’exprimer ma surprise d’être dérangée de la sorte. Il n’y avait aucun but derrière mes paroles. Pourquoi en aurait-il eu ? Je me fous de cette fille, je n’ai même pas envie de me fatiguer à faire quoi que ce soit pour elle, que ce soit en bien ou en mal.
Je n’en avais pas envie.

Si j’ai l’air calme de l’extérieur, c’est bien un foutu mensonge. Je ne suis pas calme. A l’intérieur de ma tête, c’est un grand bazar. Mes pensées se croisent et s’entrecroisent. Il n’y a qu’un seul carrefour auquel elles se retrouvent : celui de la vengeance.

« Te blesser ? sifflé-je d’une voix hachée en plantant mon regard dans le sien. T’attaquer sur un point sensible ? T’entends ce que tu dis ? Sérieux, tu t’écoutes parfois quand tu parles ? J’ai jamais fait ça, moi. Faudrait encore que j’en ai quelque chose à foutre de toi pour faire ça. »

Je ne la connais pas. C’est vrai. Qui est-ce, cette gamine aux cheveux de feu qui me fait face ? Seulement une Autre que j’ai un jour eu le malheur de croiser. Seulement une Autre comme les autres, une tâche dans le paysage. Je ne sais pas qui elle est, je ne sais pas comment la blesser, je ne sais pas comment lui faire du mal, je ne sais pas ce qu’elle aime, ce qu’elle déteste, ce qui est important ou ce qui ne l’est pas. Je ne sais rien du tout, moi. Je ne sais même pas pourquoi j’ai envie de lui faire du mal. Je sais juste que j’en ai le pouvoir, l'envie, et parce qu'elle m'attaque sans raison et que c'est injuste, et que je suis fatiguée et que j'en ai marre de me battre tout le temps pour que l'on me comprenne. Comme quoi, je ne suis pas si misérable, hein ? Elle a blessé ma fierté, mais la blessure est déjà en train de se panser. Une image de Zakary apparaît dans mon esprit. Il a toujours été doué avec les mots, Zakary. Il a toujours su appuyer où ça fait mal. Pour la première fois de ma vie, moi aussi je m’en sens capable.

« Tu peux rien m’interdire. Tu sais pourquoi ? Parce que tout ça… » Je lève les bras autour de moi, comme pour désigner le monde entier, mais en fait je ne désigne qu’elle. « … c’est n’importe quoi. Tu sais même pas ce que tu fais et la seule chose que t’arrives à faire, c’est d’être… Mauvaise et de faire du mal. »

Ces mots ont le goût du mensonge. C’est étrange. Je ne sais pas si elle fait du mal à tout le monde. Mais personne n’aime entendre cela. Même moi je serais blessée si l’on me disait cela, j’en ai parfaitement conscience. Alors si ça marche avec moi, ça devrait marcher avec elle…

« Il t’est arrivé des choses pas drôles ? » singé-je. Un rictus moqueur étire mes lèvres. « T’as un peu souffert, c’est ça ? Putain, c’est pour ça que t’es dérangée, alors. Et qu’tu crois que tu… Que t’as… » Merde, reprends-toi ! Je détourne brièvement le regard, ignore le sursaut de mon coeur et force ma concentration. « Tu crois que tout le monde veut se suicider, t’être parce que t’en as toi-même envie. Je comprendrais ça. »

J’ai déjà été méchante. J’ai déjà frappé des Autres, blessé des Autres. Mais en utilisant les mots de cette manière ? En énonçant des choses auxquelles je ne crois pas ? Jamais. Mais, Merlin ! ce que c’est libérateur.

« Fais gaffe à toi, timbrée… Si j’ai vraiment envie de t-t-te faire du mal, je sais comment faire. »

Sincèrement, cette Aelle-là me dégoûte. Certaines de ses paroles me font honte.

16 sept. 2020, 22:18
Sous le regard du soleil
@Aelle Bristyle


Lecteurs sensibles, s'abstenir.



Tout du long de ma tirade, je te regarde, mes yeux ne te lâchent pas. Comment le pourraient-ils, tu es captivante à essayer de lutter pour respirer, à batailler contre une force invisible pour retrouver l'usage de la parole, à me fixer avec cet air de... tueuse ? Tu sembles agoniser, comme si la parole était la chose à laquelle tu tenais le plus et que je venais de te l'arracher. Je ne m'en veux pas, bien au contraire, j'aime te voir impuissante, pour une fois. De plus, je n'ai pas besoin de tes mots pour te comprendre, la violence de tes gestes, la noirceur de tes pupilles, les crispations de ta mâchoire me suffisent à te comprendre. Tu veux ma peau, et si je ne pars pas maintenant tu finiras par l'avoir. Il est hors de question que je me défile, je ressens bien trop de choses pour t'abandonner là, il me faut continuer. Au risque d'y perdre beaucoup. Mais je ne te laisserai pas gagner, pas cette fois, si je tombe tu perds avec moi. C'est comme ça que l'on fonctionne Alma, en équipe. Malgré nos différents, nous sommes et resterons une équipe. Crois-moi, ça me répugne autant que toi.

Lorsqu'enfin je recule de quelques pas, que je te libère de ce terrible fardeau qu'est le mutisme, je suis prête. Je t'ai gardée sous silence assez longtemps, je suis prête à en recevoir plein dans la figure. Je suis dans ma position fermée, de carapace, et rien de ce que tu t'apprêtes à dire ne pourra m'atteindre. J'ai le cou baissé, les pieds fermés, le dos courbé, les jambes écartées et bien implantées dans le sol. Par-delà les quelques mèches qui me retombent sur le visage, je te regarde, d'un regard vide et froid, que je ne me connais pas.

Tes premiers mots sont peu violents, peu profonds, simplement vulgaires, ils ne m'atteignent absolument pas. Je ressens toute la rage qu'ils contiennent, et pourtant, dans cette position, je les sens ricocher sur mon dos et s'éloigner de moi, m'ayant à peine frôlé. J'attends la suite, je sais que tu peux mieux faire. Instinctivement, je redresse la tête pour te faire un peu mieux face, tout en restant à une distance raisonnable de toi. Je ne suis pas malade, encore moins une putain, et tu le sais très bien. Je me doute que si tu prenais un peu de recul sur la situation, tu penserais différemment. Tu sembles juste hystérique et désabusée.

Et puis, tu envoies la suite. Plus piquante, comme je m'y attendais. Mes larmes ont cessé de couler, j'ai craché tout ce que j'avais à te dire, cela ne m'atteint presque plus. Tes vociférations me passent au-dessus de la tête, je sais que tu es hors de toi et que tu ne les penses pas vraiment. Pour l'instant, tu restes bien douce dans tes mots, rien à voir avec ce que j'avais pu apercevoir de toi l'autre fois. 'J'ai jamais fait ça, moi.' Entends-tu seulement ce que tu dis ? Même toi tu sembles t'embrouiller, la colère t'emporte et tu ne fais plus que raconter des âneries pour garder un semblant de crédibilité. Tu t'enfonces Alma, et je meurs d'envie de rire tant la situation est comique. Tu ressembles à une petite sauterelle en train de frapper un rhinocéros, oui, c'est l'image qui me vient en tête à cet instant. Je suis le rhinocéros, fort, distant, violent, qui frappe comme il faut, et tu n'es que la sauterelle, ridicule, sans défense, qui attaque pour le principe mais qui est consciente d'être incapable de l'emporter. Il s'en faudrait peu pour que je te trouve adorable.

Tu te perds dans tes accusations. Même si je sais que mes mots s'adressent plus à toi qu'à moi lorsque tu dis 'La seule chose que t’arrives à faire, c’est d’être… Mauvaise et de faire du mal.', au fond, je ne peux m'empêcher de songer. Je déteste que l'on me traite de méchante, surtout lorsque je suis innocente dans l'affaire. Je n'essaie pas de me victimiser, comme ce que tu tentes de me laisser croire, non, je t'explique ce que tu m'as fait, je te dis en quoi tu m'as blessée. Et je te ferme la bouche pour qu'enfin tu me laisses m'exprimer. Rien de bien méchant là-dedans. Cependant, une part de moi se questionne. Tu es en train de saper la confiance en moi que je me construis depuis des années, en quelques minutes seulement, et je déteste cela. J'ai envie de ne pas te croire, de continuer à penser que le monde est rose, que tout le monde m'aime, que je reste la bienvenue, que je ne gêne pas, que je suis gentille, que tout le monde m'aime, que tout le monde m'aime... Pourquoi me hais-tu ? J'ai envie de hurler cela. Tout le monde m'aime, sauf toi. Tout le monde ne m'aime donc pas. Je me serais donc trompée sur toute la ligne ? Je ne peux y croire... Je refuse de penser à cela, et pourtant alors que je réfléchis, cette part en moi se brise, comme beaucoup de choses depuis que je te connais. Tu es mauvaise pour moi, comme un poison toxique, une drogue. Sauf que, dans une drogue, il y a un plaisir, une addiction... Et rien de me rattache à toi. Ma jambe gauche se plie, la droite tangue et menace de trembler. Je garde la tête haute et emplis mon regard de colère.

Et tu vas trop loin.

Tu dépasses les bornes, comme jamais personne ne l'a fait avant toi. J'ai envie de te sauter dessus et de t'arracher la gorge, de te piétiner, je ressens enfin cette haine si forte que tu me voues, et que je ne partageais jusqu'alors pas. Je te hais, mais à ce stade c'est encore plus fort que de la haine. Je suis incapable de mettre de mots dessus, peut-être est-ce de l'exécration ? Et durant tout ce temps, je reste silencieuse. Comme pour honorer ma part d'un contrat invisible. Tu m'as laissé parler, je te laisse ce droit à ton tour.

Tu me dis des choses affreuses Alma, affreuses, je ne t'en pensais pas capable. Je n'aurais même pas pensé Bellatrix capable de dire de telles atrocités. Tu as le don d'éveiller en moi ce qu'il y a de plus sombre, et je te hais pour ça. Tu ramènes à la surface des colères, des crises qui avaient depuis longtemps disparu. Tu me pousses à dire le pire, à commettre l'impossible à ma petite échelle, à devenir si sombre, si violente, je ne me reconnais plus, et je te hais. Pis encore, cela fait deux fois que tu m'obliges à revivre des atrocités qui m'ont été faites il y a des années. Je m'efforce de les faire disparaitre en moi, de ne plus m'en souvenir, de ne plus les revivre, je les nie en bloc, j'y étais presque tu sais, la nuit je ne rêvais plus de cet homme, de cette ruelle sombre, de Londres... J'y étais presque. Et tu me refais vivre ce jour à chaque fois que je te croise. Tu es malsaine, mauvaise, empoisonnée, tu n'apportes que le malheur et la mort. Cela fait des années que je réfute ce cauchemar, ce douloureux souvenir, pour ne prendre que le positif de la vie, me forçant à croire qu'il ne s'agit que d'un mauvais rêve non avéré, que rien de tout ceci n'a jamais été réel. Cela fait des années que je lutte pour rester heureuse, souriante, pour que personne ne se doute de rien, pour garder l'envie de vivre, je veux faire disparaître ce douloureux traumatisme. Je veux essayer de vivre. Pas de mourir. Je me bats pour, alors pourquoi m'enfonces-tu ?

J'implore silencieusement le ciel, alors que je sens mes forces me quitter. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour qu'une idiote comme toi me demande d'en finir, et qu'en plus de cela je l'écoute. Je veux vivre ! Est-ce trop demander ? Si tu as envie de me faire du mal tu dis ? Mais tu m'en as déjà tant fait. M'obliger à revivre cette chose sur laquelle je ne mettrai pas de nom, c'est déjà trop. Je n'en ai jamais parlé, et il n'y a qu'avec toi que cet évènement vient me hanter au beau milieu du jour. Tu me fais du mal, Alma, et oui, à cet instant je veux mourir. Je veux baisser les bras, abandonner, te laisser gagner, je ne veux plus jouer car j'ai trop mal. Je me souviens de tout.

Ses mains rugueuses et carrées, avec ses ongles mal taillés qui me déchiraient la chair. Ses yeux perçants et mauvais, pleins d'envie qui me répugnaient. La veine de son front sortie, qui battait et gonflait au rythme où il me... Je n'ai jamais mis de mot sur cela, jamais. Il ne s'est jamais rien passé. C'était un homme comme les autres, tout ce qu'il y a de plus banal, jean, tee-shirt café, les cheveux en bataille, les dents jaunies par la cigarette. Un beau sourire. Très beau. C'est pour cela que je ne me suis pas méfiée. C'était il y a environ trois ans. J'allais faire des courses au chemin de Traverse. Mes parents et ma sœur m'attendaient au Chaudron Baveur. Il m'a fallu quinze minutes pour traverser la route. Quinze minutes pendant lesquelles j'ai été poussée dans une allée sombre par le monsieur souriant à qui j'avais dit bonjour. Il a dû prendre cela pour une invitation. Il n'a pas attendu que les présentations soient terminées, il m'a jetée au sol, contre un mur mal lavé qui sentait l'urine, et a baissé mes vêtements. J'étais tétanisée. *NON. Je ne veux pas m'en souvenir, rien de tout ceci n'est jamais arrivé !* Il a ri, et m'a regardée alors que j'étais au sol, tremblante. Il a ri, mais pas longtemps. Après, il a fait ce qu'il avait à faire avant de partir, me laissant agonisant de douleur. Tout ceci, en cinq minutes. Dix minutes plus tard, j'étais avec ma sœur, à jouer. Rien de tout ceci n'était arrivé. Jamais. Jamais.

« Ca fait des années que je me force à sourire, à vivre, pour que tu m'envoies ça à la tronche ? Tu ne sais rien de moi, Alma, RIEN ! Tu sais pas ce que ça fait de se faire... D'être... D'avoir un souvenir qui te hante et qui t'empêche d'avancer. De garder la tête haute, de prétendre que tout va bien, de ne rien dire, à personne, jamais. De t'accrocher à la vie comme toi à la parole. D'avoir des projets, d'aller bien ou du moins de t'en convaincre, alors qu'une partie de toi est morte. De rire, de rire toute la journée, tout le temps, avec tout le monde. Mais tu peux pas comprendre, t'as jamais eu la chance d'être... De t'être fait... Violer. »

Je mets pour la première fois un mot dessus.

« T'as raison, je vais arrêter de lutter, ce sera plus simple pour tout le monde. J'ai plus la force de faire comme si tout allait bien... »

Je suis livide. Mes jambes tremblent, et je te regarde une dernière fois avec un air de défi, avant que mes yeux ne deviennent blancs, que ma tête ne parte en arrière, et que je m'effondre par terre. Personne n'en sait autant de moi que toi, alors aussi mauvaise que tu sois, tu as intérêt à me laisser pour morte ici et à te barrer. Et à oublier. Fais comme moi, ça marche. Oublie. Rien de tout cela n'est arrivé. Laisse-moi, je t'en prie, et ne reviens jamais me voir.

Je pars.
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7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

17 sept. 2020, 21:48
Sous le regard du soleil
C’est vrai, je sais comment faire. Je sais exactement comment te faire du mal, à présent.

Du pouvoir que je pensais avoir glané ne subsiste plus rien. Pas plus que de la colère qui s’est soulevée durant son discours, pas plus que mon rictus moqueur. Il n’a suffit que d’un mot pour me vider de toutes mes émotions, pour me faire perdre pied, pour que je comprennes pour la première fois de ma vie que je suis allée trop loin, que j’en ai trop fait. Pour la toute première fois, je subis sans attendre les conséquences de mes actes. Ce n’est pas pareil qu’avec Thalia. Thalia, je lui ai gueulé des choses horribles et je n’ai même pas eu le temps de les regretter parce que la colère me bouffait toute entière. Je ressentais tellement de choses, si fort, si violemment, c’est à peine si j’ai repensé à ces mots par la suite, préférant les oublier, faire comme si. Aujourd’hui, c’est différent. Je viens d’énoncer des paroles qui auraient fait pâlir Papa et rugir Narym, je les ai énoncé il y a moins d’une minute, et déjà elles me reviennent en pleine gueule. Elles me frappent au visage, me déchirent la gorge et s’installent là, au milieu de mon corps, grosse boule de regrets, de culpabilité et d’un petit quelque chose de gémissant.

Je ne sens plus mon corps. Oh, je ressens bien le vent qui me bouscule et derrière le corps de la chose qui me fait face je devine les montagnes, le ciel d’hiver, l’éternité du paysage. Mais le reste ne m’est plus accessible. Ni mes pensées, ni mes émotions, ni même mes mains que j’aimerais serrer en poings pour résister à ce qui m’attaque de part en part.

Je ne te comprends pas, Elowen. *Je comprends pas*. Ces paroles gémissent et se tordent dans ma tête tandis que mon regard danse avec les perles de la fille. Je ne comprends pas, je ne comprends pas ce que tu viens de me dire. Est-ce que c’est pour rire ? Est-ce que c’est un mensonge ? Est-ce une image ? Une façon de… De me dire quelque chose ? Est-ce que tu utilises des mots de grands pour te faire passer pour une adulte, Elowen ? C’est ça, que tu es en train de faire, hein ? Ce n’est pas possible autrement. Sinon, je ne comprends pas ce que tu veux dire, je ne comprends pas où tu veux en venir, je ne comprends pas ce que tu sous-entends. Dans mon monde à moi, ce que tu racontes n’existe pas. J’ai envie de ricaner, tout à coup. Ricaner pour diminuer la pression dans ma tête et dans mon coeur. Non, cela n’existe que dans les livres, dans les histoires qui font peur, dans les discussions des adultes, dans la presse à scandale. Cela n’existe pas ici, à Poudlard, en haut de cette tour. Comment cela pourrait-il exister dans un lieu où je suis présentement ? Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible parce que je n’arrive pas… Je ne sais pas comment…
Je ne comprends pas.

J’ai du mal à respirer. Pourquoi ai-je du mal à respirer ? J’ai quelque chose de coincé dans le corps. Des paroles ? Des pensées ? Des peurs ? Je n’en sais rien. Je n’arrive même pas à comprendre ce que j’ai sous les yeux. Une fille voûtée au regard hanté par les images qui me traversent la tête, une fille tremblante aux cheveux de feu qui raconte des choses bien trop sombres pour qu’elles soient réelles.

Et moi, je ne comprends toujours pas comment nous en sommes arrivé à ça.

Quelques derniers mots s’échappent de la bouche d’Elowen. C’est comme si j’étais hors de mon corps, comme si ce n’était pas moi qui vivait cette scène. Moi, je suis ailleurs. Dans un monde dans lequel il se passe des choses que je comprends, des choses normales. Dans un monde où la pire chose qu’il puisse arriver est de me faire renvoyer de Poudlard pour faute grave. Ça, c’est une peur que je connais, ça c’est une douleur que je comprends.
Mais la Furie est décidé à ne rien m’épargner.
Mon coeur sursaute lorsque mon regard rencontre ses prunelles vides. Je comprends aussitôt ce qu’il va se passer. Je ne vis peut-être pas dans le même monde qu’elle, mais je ne suis pas pour autant débile. Je comprends ce qui arrive, mais pourtant je ne réagis pas. Elle se transforme en poupée de chiffon et son corps tombe à la renverse.

Le voilà de retour, mon coeur ! Il tambourine à la porte de mes oreilles. Il s’engouffre dans ma gorge, bat à tout rompre dans ma tête et fait s’accélérer le rythme de ma respiration. Mais pour autant, je ne bouge pas. Je reste là, le regard braqué sur ce corps inanimé, écoutant le silence bruyant qui m’entoure. C’est comme si elle avait fait ce que j’avais prévu qu’elle fasse dans mon mensonge. Tu crois que tout le monde veut se suicider, t’être parce que t’en as toi-même envie. C’est presque pareil, non ? Elle est là, mais c’est comme si elle n’était plus là. C’est comme si elle avait sauté de la tour, c’est tout pareil et le résultat est le même : c’est de ma faute. J’en ai parfaitement conscience. Parce que j’ai eu le pouvoir et que je l’ai utilisé. Celui d’appuyer là où ça fait mal. Mais je ne savais pas, moi. Je ne savais pas ce que je faisais, je ne croyais même pas vraiment à ce pouvoir. J’avais l’impression de jouer, de m’amuser, d’essayer, peut-être. C’est la première fois que j’utilisais le mensonge comme une arme, mais ce n’était pas des mensonges. C’était la vérité et je ne le savais même pas. C’est peut-être pour cela que mes mots ont eu tant d’impact, c’est peut-être pour cela qu’on en est là actuellement, elle morte et moi vivante, elle morte et moi ballante, elle morte et moi hésitante.

*Elle est pas morte !*.

La pensée m’explose la tête. Reprends-toi, Aelle. Reprends-toi. Elle n’est pas morte, tu le sais qu’elle n’est pas morte. Même si elle est là, le visage livide et les yeux à demi-ouverts, qu’elle a l’air de ne plus respirer, que ses cheveux forment comme une flaque de sang autour d’elle, qu’elle ne bouge plus, qu’elle n’a plus l’air en vie, qu’elle a l’air d’être ce qu’elle est, complètement morte, achevée par les souvenirs que je lui ai rappelé. Non ! Ces souvenirs, c’est n’importe quoi, hein ? Comment peuvent-ils être autre chose que n’importe quoi ?

*Elle est pas morte !*.

Allez, bouge-toi, je t’en prie, Aelle. Je force mes pensées à se rassembler, balaye un regard perdu sur la surface de la tour. Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je peux faire ? Pendant une seconde, une terrible idée s’installe dans ma tête : et si je partais ? Si je pars maintenant en apportant toutes mes affaires, personne ne saura jamais que je me trouvais ici, personne. Personne ne pourra me pointer du doigt, m’en vouloir, et moi je pourrais éviter cette fille, ne plus jamais croiser son regard, ne plus jamais penser à ce qu’elle m’a dit que je ne comprends pas. Mais la seconde d’après, cette idée disparaît. Maman a passé des heures et des heures à nous raconter comment venir en aide à des gens mal en point. Ah ! ça, elle adorait. Elle nous racontait comment soigner des petits blessures, comment aider, comment soutenir. Bordel de merde, je me suis toujours emmerdée pendant ces leçons que j’ai toujours jugé inutiles — sauf quand il était question de magie. « Jamais j’rencontrerais quelqu’un d’blessé, c’est pas possible ! » que je disais en râlant. « C’est pas pour moi ces histoires horribles, ça arrive que dans la vie des autres. »

Sans en avoir conscience, je m’avance. Quelques pas discrets, quelques pas hésitants m’amènent jusqu’à la fille près de laquelle je m’accroupie. J’ignore mon coeur battant, j’ignore ma répulsion, j’ignore ma honte et mon envie de vomir pour déposer un doigt, simple doigt, sur la tête de la créature pour la tourner vers moi.

17 oct. 2020, 20:43
Sous le regard du soleil
@Aelle Bristyle


Petite chose, tu t'approches et je le sais. Je le sais car je le sens, c'est viscéral, je suis capable de deviner avec précision où tu te trouves par rapport à moi. Pourtant, si je voulais ouvrir la bouche et te le dire, je ne le pourrais pas. Premièrement car je n'en ai pas l'idée, je n'ai pas l'idée de parler, de faire travailler un seul de mes muscles, aussi petit soit-il. Ensuite, car j'en serais bien incapable. Je suis là, étalée, plongée dans cet état second, je ne vis plus, je ne pense plus, et mes souvenirs ont disparu. Je ne fais plus que *ressentir*.

La logique des choses fait que je devrais me demander ce que je fais ici, pourquoi je suis allongée - je le sais car j'ai la sensation que des frissons de froids parcourent ma colonne vertébrale, elle même appuyée contre une surface dure et irrégulière, un sol de pierre sans doute -, pourquoi j'entends le hurlement du vent me passer juste au dessus de la tête alors que j'ai l'impression d'avoir chaud, comme si un rayon de chaleur me traversait le corps, et pourquoi il y a une lumière si forte face à moi alors que je ne distingue absolument rien. J'ai tous mes sens en éveil et pourtant, seul mon sixième, le seul à ne pas exister d'après les savants, semble tourner à plein régime.

Ce sens, c'est l'intuition, le ressenti, l'impression, celui qui fait que les aveugles parviennent à s'y retrouver. Bien sûr, les réflexes acquis et les autres sens jouent un rôle énorme dans la perception du monde, pourtant les personnes malvoyantes n'ont d'autre choix que se fier à leur intuition. Bon, cela n'a rien à voir avec ma situation à vrai dire, puisque je n'ai même pas conscience de pouvoir voir le monde, je ne me fie pas à mon intuition à défaut d'autre chose, non, je n'ai qu'elle.

Ce sixième sens, je l'écoute très souvent, et malheureusement il me trahit beaucoup. Quand je dors mal la nuit, que la santé de Mamie me tracasse, que j'ai un mauvais présage, j'envoie toujours un hibou à Papa pour avoir de ses nouvelles, lui demandant de passer urgemment voir sa mère, car *je ne le sens pas*. Cela a dû arriver cinq ou six fois, et je me suis toujours plantée - heureusement j'ai envie de dire. Ce mauvais sens m'embarque en permanence dans des situations pas croyables, il me laisse croire que j'ai toujours mon mot à dire, que je peux m'exprimer, répondre, me faisant bien souvent passer pour une insolente, certainement pas à juste titre. Je suis incapable de lui faire confiance... Et à présent que je n'ai que lui, je suis perdue.

J'ai l'impression que tu t'es approchée, Alma, mais peut-être n'est-ce qu'une illusion trompeuse, à nouveau. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, une minute, une heure, une semaine, confortablement installée dans un lit de l'infirmerie ? Pourtant j'ai l'intime sensation que tu es toujours là, et que tu n'as pas bougé. M'aurais-tu attendue ? Cela ne te ressemble guère...

Quelque chose me touche le front. J'en suis tétanisée, toujours dans mon état second, mes membres se crispent, je suis à la fois dans le monde et hors de lui. Cela m'inquiète. Alors qu'une minute plus tôt j'étais bien, paisiblement allongée, consciente de rien, je suis ramenée à la réalité et ma tête commence à me faire mal. Je me souviens d'une chute - et quelle chute !- mais je n'en retrouve pas la raison. Ce quelque chose commence à doucement me secouer, c'est à n'y rien comprendre. Ça recommence. Encore. A nouveau. Ca ressemble étrangement à une main humaine, une main forte, rugueuse, travailleuse, grosse, velue, cette main, sa main, j'ouvre les yeux et je hurle.

Mais ce n'est que toi. Tu te prends mon cri en plein visage, et la seconde suivante tout a déjà changé. Je soupire, soulagée, je respire à nouveau, je vois les choses, elles sont telles que je les imaginais, à un détail près. Ton visage, Alma. Il semble... différent ? Tu as l'air préoccupé, très inquiet si je ne m'abuse, tu es presque terrifiée. Dégoutée, aussi. C'est moins gentil, mais je feins de n'avoir rien remarqué. Et moi, je calme peu à peu ma panique, le rouge au joues, en tentant de respirer le plus lentement possible. *Inspire, expire* Une petite voix me conseille d'appuyer fort sur mon diaphragme au même rythme que je respire, ce que je fais sans me poser la moindre question.

À mesure que ma respiration s'apaise, mes yeux se relèvent et tentent désespérément de croiser les tiens. 'Tu me fais un câlin ?' Par Merlin, quelle est cette pensée ? Non mais ça va pas la tête Elo - je songe.

J'écarte un petit peu les bras, toujours allongée à même le sol.

« Tu me fais un câlin ? »

C'est sorti tout seul. Pourquoi faut-il toujours que je me fiche dans des situations pas croyable ? *C'est l'audace des Gryffondor* me souffle une petite voix. J'ai les yeux humides, mais je ne pleure pas.
Dernière modification par Elowen Livingstone le 16 nov. 2020, 20:38, modifié 1 fois.

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

24 oct. 2020, 00:37
Sous le regard du soleil
L’avoir sous les yeux tout en étant aussi proche d’elle, ce n’est pas du tout pareil que de la regarder de loin. Son corps est tellement près, abandonné sur les pierres, à la merci des éléments ; à ma merci, si je le souhaitais. Son visage exempt de toutes émotions, ses membres mous, ses yeux fermés, ses cheveux éparpillés autour de son visage. Elle ne bouge plus, respire encore, mais ne frémit même pas. Et moi je suis là près d’elle, seul être aux alentours et pour la première fois de ma vie je me sens responsable de quelqu’un d’autre. Cette gamine que j’ai haï une minute auparavant, cette gamine que je me suis promis de tuer, cette gamine que je trouvais si agaçante, si insupportablement bavarde, si fatigante avec ses paroles sans queue ni tête et le délire dont elle semblait être la victime. Cette fille que j’ai insulté de timbrée et de malade, que j’ai malmené avec mes mots mensongers.
La même qui m’a avoué, juste avant de sombrer, qu’elle s’était faite… *C’pas possible*. Et pourtant, je ne doute pas qu’elle ait dit la vérité et ça me glace le coeur et me donne envie de vomir parce que *ça arrive pas dans mon monde, c’genre de choses*.

J’ai l’impression qu’il se passe un mois entier, une année, une décennie, une éternité pendant laquelle nous restons dans cette position ; moi le doigt posé sur elle et elle, Ailleurs. Une éternité. Une vie entière. Réduite en éclat par un cri. Un hurlement. Elowen bouge si vite et si fort, si brutalement, et son cri me fait tellement peur, m’arrache le coeur et me défracte la cervelle, que je tombe en arrière, sur les fesses, en poussant moi aussi un cri d’effroi. Les mains autour de moi, posées à plat contre la pierre, je me redresse légèrement, le coeur battant si vite que je pourrais croire qu’il souhaite s’enfuir de son emplacement. Mes yeux écarquillés tombent sur les perles d’Elowen — posées sur moi. *Putain…*. Je la regarde apaiser sa respiration, une main contre son torse — ses joues sont rouges, ses cheveux en bataille — Merlin, a-t-elle cru que je l’agressais ? Une part de moi voudrait se mettre en colère parce qu’elle m’a fait peur, mais une autre partie me susurre : en même temps, tu étais au-dessus d’elle et tu l’as touché, évidemment qu’elle a eu peur. A sa place, je l’aurais repoussé avec force et pas seulement avec mes mains. Elle aurait regretté de m’avoir touché. Mais elle n’est pas moi.

Je déglutis péniblement. Son regard est difficile à supporter. J’essaie, en vain, de ne pas détourner les yeux. J’ai du mal à la regarder parce que si je le fais ses précédentes paroles me reviendront en tête et je ne veux pas que cela arrive. Je ne sais pas quoi faire, dans mon esprit mes pensées se taisent, je suis figée, incapable de me relever, incapable de partir, incapable de rester. Et si je suis rassurée qu’elle ne soit pas *morte*, je ne peux m’empêcher de me dire que—

« Tu me fais un câlin ? »

*Que…*.
Elle ouvre ses bras.
M’appelle avec son regard.
Tu me fais un câlin.
Un câlin ? Comme m’approcher d’elle, passer mes bras autour de son cou et la serrer contre moi ? Sentir ses cheveux dans mon cou et sur mon visage, respirer son odeur, sentir sa chaleur, sa peau contre la mienne, son corps ? Étouffer dans son étreinte, ses bras se resserrant autour de moi, se resserrant comme me serre Papa ?

Un mélange de désespoir et de dégoût passe sur mes traits. Mes sourcils se dressent sur mon front, ma bouche s’ouvre sans laisser échapper le moindre son et mon nez se fronce. Mes yeux dégringolent des yeux d’Elowen à sa bouche, à ses bras ouverts, à son torse offert. Et la réponse s’impose dans ma tête et sur mes lèvres, réponse sincère qui provient du plus profond de mon coeur :

« Non ! »

Ce n’est pas un cri, seulement une réponse lancée sur le ton de l’évidence. Non, je ne vais pas te faire de câlin, Furie ! Mais bordel, pour qui me prend-elle ? Je me pose la question sincèrement, sans aucune once de colère. Croit-elle réellement que moi, Aelle Bristyle, je vais la prendre dans mes bras, la réconforter d’un câlin, la serrer contre moi ? Si la situation était différente, je crois que je me serais moquée : « Ahahah, tu crois réellement que je pourrais te serrer contre moi ? Sérieux, t’y crois réellement ? » et j’aurais ri, Merlin, j’aurais ri avec beaucoup de franchise parce que cette situation est tout simplement invraisemblable — même Krissel Grewger, cette gamine insupportable, ne m’a jamais, jamais approché pour me faire un câlin et n’a encore moins osé m’en demander un.

Je pourrais dire plein de choses, me moquer, peut-être même me mettre en colère, partir, l’aider à se relever, qu’en sais-je ! Mais je ne fais rien parce que je ne sais absolument pas comment faire. J’ai conscience que je ne peux pas la laisser seule dans cette situation, mais je sais également que je ne sais pas quoi faire. Refuser son étreinte me fige déjà bien assez : après ce qu’elle m’a avoué, ne devrais-je pas faire tout ce qu’elle me dit juste parce qu’il faut faire attention à comment elle se sent ? Je ne sais pas, je n’ai jamais fait face à une telle situation. Papa resterait près d’elle et la réconforterait ; Narym lui proposerait de parler ; Zakary foutrait les pieds dans le plat ; Natanaël ne saurait que dire, comme moi ; et Aodren, il aurait sorti une blague pour détendre l’atmosphère — mais moi, je ne sais pas quoi faire, pas du tout, et pour la première fois de toute ma vie j’ai peur de faire *encore* quelque chose qu’il ne faut pas.
Alors je ne fais rien.

Cul contre le sol, les paumes abîmées par les pierres, le regard halluciné et le souffle tremblant. Mes yeux la fuient et se posent quelque part derrière elle, sur le parapet. Si je ne bouge plus du tout, peut-être m’oubliera-t-elle et partira-t-elle ?

16 nov. 2020, 21:16
Sous le regard du soleil
@Aelle Bristyle


La réponse tombe comme une sentence inéluctable à laquelle j'aurais dû m'attendre. Pourtant, au fond de moi, j'avais une petite lueur d'espoir, une toute petite, et j'aurais aimé que tu... Non, je te comprends, j'ai envie de m'énerver contre toi pour m'avoir refusé cela, dans cette situation, dans le besoin. Malgré cela, et je ne sais si c'est parce que les forces me manquent ou si c'est parce que je ne veux pas t'en vouloir, te haïr, je ne ressens rien, pas même une once de colère à ton égard. Nous avons longtemps été en tensions toi et moi, et je commence à comprendre que jamais nous ne serons compatibles. On pourra tenter ce qu'on voudra, jamais l'une de nous ne verra l'autre agir comme elle l'avait prédit, comme elle l'aurait souhaité. Alors non, je décide de ne pas t'en vouloir, et de considérer que tu as juste été toi, tout simplement. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est très bien comme ça, ce serait mentir, je veux simplement signifier que le temps d'un instant, j'ai envie d'enterrer la hache de guerre.

C'est vrai, je suis prête à faire cet effort. Je ne me suis jamais ouvert à personne comme je viens de le faire, tu as cette capacité de me faire sortir de mes gongs, de me pousser dans mes retranchements, de me mettre hors de moi, je ne me reconnais plus quand je suis avec toi. Pourtant, j'ai conscience que cela est en moi, et que je suis moi-même avec toi. J'ai l'impression d'être deux personnes, d'avoir un visage tourné vers le monde, lumineux, et un visage plus obscur qu'inconsciemment je te réserve. Tu n'as rien fait pour mériter ça, je le sais bien... et pourtant je te l'impose. Je t'impose mon terrible visage, dans toute sa noirceur et son impureté, plein de vices et de troubles, comme je l'aurais fait à un psychologue. Pourtant, tu n'es pas ce psy, tu ne m'aides pas, tu n'aimes sûrement pas ce rôle. Et tu n'as pas le choix. Enfin si, on a toujours le choix. Tu n'as qu'à m'éviter, ce que tu fais d'ailleurs à merveille.

Mais je n'ai plus envie que l'on se fâche, je veux que cette guéguerre s'achève, ça m'épuise. Tu m'épuises Alma. Et Alma, c'est quoi ce nom encore, je ne connais même pas le tien !? J'aimerais que l'on apprenne à se connaître d'une autre façon, peut-être pourrions-nous même nous trouver certains points communs, qui sait ? Je ne pense pas que nous devenions un jour amies, je dois l'avouer. Cependant, nous pourrions au moins essayer de nous entendre ? On va devoir faire des efforts, chacune, pour que ça marche. Et puis surtout, il va falloir que tu t'ouvres et te livres un peu plus, car pour l'instant je fais tout le boulot. Tu me connais déjà bien trop, sans doute mieux que je ne me connais.

Je réfrène mon envie de me rapprocher de toi, décidant pour une fois de respecter ton intimité. Toujours posée sur le sol, je sèche mes larmes, remue mes membres pour les dégourdir, et regarde l'horizon au loin. Tout semble figé. Lorsque je tourne la tête un peu plus à droite, je te vois, et toi aussi tu es figée ! Tu fais partie du décor, j'ai l'impression d'avoir un tableau face à moi, que je ne peux m'empêcher de contempler. Bien vite, cette image disparaît de mon esprit lorsque tu clignes des yeux.

« Je comprends pour le câlin... Ca me fait de la peine mais je vais passer l'éponge là dessus, car j'en ai marre de nous. On est épuisantes, je nous comprend pas. »

Un frisson parcourt mon corps, sans crier gare. Je me redresse alors, et une fois debout, j'enchaîne.

« On fait la paix ? On oublie nos début chaotiques, et on se demande pardon ? -dis-je en te tendant la main, en gage de paix. Alma, je te demande pardon pour la façon dont je me comporte avec toi, pour t'avoir fait apercevoir mon enfer que tu n'avais pas à connaître, et je promets de respecter plus ton intimité à l'avenir. J'aimerais qu'on se calme toutes les deux et qu'on parle, sans chercher à se tuer du regard, parce que ça me met très mal à l'aise. »

Un ange passe.

« Tu veux bien arrêter de me détester, dis ? »

Tu es ce genre de personne qui peut tuer un individu rien qu'avec les yeux, c'est à la fois fascinant et terriblement inquiétant. En attendant ta réponse, je me tourne les pouces et me ronge le dos de la main, laissant visibles les os de mes doigts. Ma main gauche rougit tandis ce que la droite est encore tendue vers toi, elle attend que tu la serres.

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME