Un peu faim ? La mine de la Poufsouffle se renfrogna. Parce que la grimace qui était furtivement passé sur le visage de la rouge et or ne ressemblait pas à une expression de faim, mais plutôt de douleur. Toutefois Elly n’était pas du genre à se mêler de ce qui ne la regardait pas. Déjà qu’elle avait enfreint ses plus grands principes en la suivant … alors elle n’allait certainement pas lui arracher les vers du nez. Non non et encore non.

Fort heureusement, Nina semblait vouloir décider à aller de l’avant. Elle expliqua à Elly qu’elle avait entendu le professeur en parlait dans les couloirs. Mentalement, la Poufsouffle notait plusieurs informations sur sa consœur : déjà elle avait un don pour s’extirper du château sans être vue, ni surprise. Et ensuite, il semblait qu’elle ait des oreilles à rallonge qui écoute … un peu trop souvent ses professeurs. L’exact opposé d’Elly en quelque sorte. Jusqu’à présent elle faisait surtout tout pour ne pas être repérée, ni par ses camarades, ni par les enseignants : se fondre dans la masse, c’était vraiment son truc. La petite Elly était … impressionnée. D’une part par le comportement de la Gryffondor, d’autre part par son propre comportement … car elle suivait Nina comme si c’était son amie depuis toujours. Elle se contenta par ailleurs de répondre un « Ok si tu le dis », un peu sceptique, mais maintenant qu’elle était là elle n’allait certainement pas reculer.

La jeune fille reporta son attention sur le livre, aidé par la lumière de sa baguette. Il était probable que sans magie, ni l’une ni l’autre n’arrive à lire le moindre mot du grimoire. La brune semblait s’être perdue dans ses pensées puisque Nina, qui avait fait quelque pas, l’avait alpagué par la voix d’un « Tu me suis ? » qui ne laissait que peu de place au doute. Interrogation à valeur d’affirmation : il était hors de question pour Elly de faire demi-tour. « J’suis là », comme pour la rassurer ou se rassure elle-même. C’était difficile à dire.

Et tandis qu’elles s’enfonçaient dans l’atmosphère un peu lugubre de la serre – c’était en tout cas l’avis d’Elly – cette dernière se demanda s’il était normale qu’une élève comme elle se mette à chercher une plante … alors avec la spontanéité qui caractérise la plupart des enfants de 11 ans, la brune demanda « Mais au fait, pourquoi tu veux d’cette plante un peu louche ? ». Non parce que, quitte à prendre des risques, elle aurait aimé savoir pourquoi. Et alors qu’elle attendait la réponse de sa coéquipière, elle ne put s’empêcher de regarder les diverses plantes, aux diverses formes plus ou moins sympathiques qu’elles croisaient en chemin.

La question de la jeune Poufsouffle semblait avoir trouvé un écho dans l’esprit de la Gryffondor. Pourtant elle ne s’était pas retournée, elle continuait d’avancer dans la serre tout en ayant la franchise de répondre à sa consœur. Enfin Elly pensait qu’elle était franche, mais sans voir son regard il aurait été difficile de dire si c’était la vérité ou non. C’est pour cela qu’elle choisit de lui faire confiance. Parce que, de toute façon, les bases d’une quelconque relation ne se basait pas sur la défiance ou la méfiance, non. Loin de là. Et puis il fallait dire que la brune ne voyait pas pourquoi la rouge et or lui mentirait après tout, elle avait bien accepté de la suivre sans rien dire à personne, alors oui, elle lui faisait un peu aveuglement confiance. Parce qu’elle aussi lui avait fait confiance.

La brune hocha donc la tête sans mot dire : il était inutile pour elle de savoir comment ou pourquoi la jeune fille s’était blessée. Elle lui avait fait confiance en lui confiant son secret, ne devait-elle pas lui en être reconnaissante ? Si, bien sûr que si. Ses parents le lui disaient toujours : parfois, il n’y a pas besoin de tout savoir, l’on peut se contenter du strict minimum. Dès lors qu’il y a un peu de confiance alors le reste allait de lui-même.

Mais les pensées de la jeune fille s’arrêtèrent bien vite. En effet la Gryffondor semblait avoir trouvé ce qu’elle était venue chercher. La brune ne pouvait qu’être contente pour elle, même si l’aspect de la plante la rebutait quelque peu. Et un peu de temps qu’il n’en faut pour le voir, la brune se rendit compte que quelque chose clochait : sa nouvelle amie se retrouvait aux prises avec une plante – visiblement carnivore – qui avait décidé de faire de la jeune sorcière son petit déjeuner. La brune paniqua véritablement. Elle eut envie d’hurler, de crier, de vider tout l’air dans ses poumons mais malheureusement rien ne sortit.

Fort heureusement pour elle, il semblait que sa coéquipière – celle-là même qui semblait en proie à la plante dévoreuse d’homme – soit beaucoup plus douée qu’elle. Un murmure presque inaudible s’extirpa de ses lèvres et Elly dut réfléchir à toute vitesse pour savoir de quoi la jeune fille parlait. Quelques secondes qui défilent alors que la brune – enfin – saisit sa baguette et vise la plante. Un faible « Reducto » qui s’extirpe mais aucun effet : pas assez de vigueur ni de concentration. Elle ferme les yeux pour essayer d’oublier le visage de Nina en souffrance. Non. Une inspiration, une expiration, et elle lance avec force à destination de la plante « REDUCTO ! ».

Son sortilège touche la plante carnivore qui réduit, réduit. A n’en être plus qu’une plante carnivore dévoreuse de doigt. Beaucoup moins dangereux que l’étouffement qu’elle faisait subir à Nina quelques secondes auparavant. Elly est catastrophée, ne sait pas vraiment quoi faire pour s’assurer que sa nouvelle amie va bien, alors elle demande, simplement « Tu vas bien ? ». La mine est soucieuse et pas forcément sereine. Un peu plus et il était probable que la brune aurait ramassé son cadavre sur le sol. L’adrénaline coule encore dans ses veines. Elle ne sait pas vraiment si elle aime cette sensation ou non.

Elle était impressionnée, choquée, troublée, et plein d’autres mots en é. Parce qu’elle avait réussi. Oui oui. Aussi impressionnant que cela puisse paraitre, elle avait réussi à lancer un sacré sortilège sur cette satanée plante. Nina semblait avoir un peu de mal à se remettre de l’attaque de la plante : après tout, Elly serait probablement dans le même état qu’elle. Mais la jeune fille donnait le change, elle dit que ça va mieux, et comble des choses : elle remercie la Poufsouffle et la félicite. Voilà qui en est beaucoup trop pour Elly qui s’apprêterait presque à fondre dans les bras de sa coéquipière. Parce que pour elle aussi c’était surprenant. N’était-ce pas l’un des premiers sortilèges qu’elle lançait ? Sans doute que si. C’était terriblement stupéfiant. Et enivrant aussi.

Mais la jeune adolescente ne se posa pas plus de question que ça. Déjà parce que la jeune Gryffondor semblait aller bien mais surtout parce qu’elle semblait prendre en sympathie Elly. Et cette dernière était on-ne-peut-plus contente. Peut-être parce qu’elle osait penser à une éventuelle amitié ? Peut-être oui. Pour l’instant, ce n’était pas à ça que la jeune fille devait penser, non. Nina se massait le cou – c’est que ça devait être douloureux pour elle, Elly se l’imaginait. Elle ne pouvait pas vraiment savoir, après tout ce n’était pas elle que la plante avait failli étouffer.

Le soulagement était bien présent mais ne dura pas. La Gryffondor semblait être décidée à récupérer ce qu’elle était venue chercher. Elle pose son sac au sol et le fouille de long en large pour en ressortir une paire de gant qu’elle enfile aussi sec. La brune est interloquée mais se contente d’observer. Le temps n’était pas au questionnement : sans doute qu’elle aurait du temps après pour lui poser les questions qui lui venait à l’esprit. La Poufsouffle regarda sa consœur se saisir de la plante avec un air de dégout sur le visage. Dégoût qui se propagea sur le visage d’Elly qui réprima un frisson de répulsion. Cette plante était tout sauf amusante à regarder. Elle était plutôt laide même, en vérité.

Mais la contemplation de la plante ne dura pas. C’est Nina qui réclamait l’aide de la jeune sorcière et cette dernière sortir de sa torpeur sans le moindre remord. Répétant au passage les propos de la jeune fille « Le sac, un petit sac, okay ». Et sans l’ombre d’un doute elle fouina dans le sac de la jeune fille. D’abord des livres, puis enfin l’objet convoité. Elle l’extirpe, et le tend à la jeune fille, sans trop savoir quoi faire. D’ailleurs, elle demande « Tu vas faire quoi avec ce truc-là ? » un nouvel air de dégoût sur le visage.

Il y a dans l’air une espèce d’incompréhension que la brune ne saisit pas : pourquoi venir chercher cette chose immonde, prendre des risques qu’elle estimait inconsidérée juste pour … une petite larve ? La mine de dégout affichée par Elly ne partait pas : vraiment, la botanique ce n’était pas son truc et ça n’allait certainement pas s’améliorer avec cet épisode malheureux. Et que dire des propos de Nina quand elle lui indique qu’elle fera ça au château. Mais faire quoi au juste ? Non, vraiment la Gryffondor avait des attitudes étranges que la Poufsouffle avait du mal à capter. Mais après tout elle se garderait bien de tous commentaires.

Sans perdre un instant, la jeune fille prit son sac et y fourra sans un mot la larve. Elle referma le sachet, retira ses gants et remit son sac comme il était lors de son arrivée sur la serre. Mais quelque chose du parvenir à ses oreilles puisqu’elle posa rapidement un doigt sur sa bouche. Symbole d’un « Chut » qu’aucune d’elles ne devaient murmurer. Regard et sens en alerte alors qu’elle pense entendre des bruits de pas. Mais ne serait-ce pas son cerveau trop fatigué, trop épuisé par cette rencontre ?

Sans qu’elle n’ait le temps de comprendre quoique ce soit, Nina était déjà agenouillée au sol alors qu’Elly la regardait avec un regard incrédule. Le pire, c’est que la Poufsouffle ne bougeait vraiment pas comme si elle n’avait pas saisi qu’une punition et une retenue lui pendait au nez si on la trouvait ici. Étrange comme l’angoisse la rendait encore plus incapable que d’habitude. Finalement, c’est la main de Nina qui agrippe son bras qui la ramène à la réalité. Le regard empli d’inquiétude de sa complice qui lui fait dire que là, y’a urgence.

Alors sans même y réfléchir réellement, la jeune Poufsouffle se penche aussi. S’accroupit. Fais des signes de la tête à Nina pour qu’elles avancent. Pour qu’elles ressortent de là rapidement. Mais est-ce que sortir ne serait pas se mettre en danger ? Peu importe, la brune veut sortir. Et partir. Loin. Alors mue par un courage qui ne sort d’elle-ne-sais-où, elle se relève et s’extirpe de la serre, amenant Nina sur ses traces. Au pire, si elles croisaient un professeur, elle trouverait bien quelque chose à dire, non ? Et puis, elle ne pouvait pas continuer à attendre indéfiniment. « Faut qu’on sorte, on peut pas rester là » comme si elle venait d'avoir une illumination.

L’illumination dans l’esprit de la jeune fille semblait porter ses fruits : elle s’était accroupie, semblait vouloir se sortir de la serre en un seul morceau – et si possible sans retenue. Il y avait quelqu’un dans la serre, avec elles. Et cela troublait beaucoup trop la jeune fille. Elle voulait sortir, elle se sentait étouffer dans cette serre dans laquelle elle ne voulait plus être. Avec la délicatesse d’un éléphant, la jeune Poufsouffle suivait sa consœur. Mais il fallait dire qu’elle n’était pas vraiment à l’aise.

Pourtant, Nina avait les choses bien en main, elle ouvrit une porte arrière de la serre et c’était la libération. La Gryffondor n’eut pas besoin de répéter plusieurs fois les choses à la jeune Elly puisque cette dernière s’était rapidement élancée. Courir pour survivre. Oui, à 11 ans les choses paraissent aussi simples que cela. Pas vraiment nuancées.

Il faut attendre un certain nombre de minutes, que les jeunes filles atteignent Poudlard et ses murs presque rassurants pour qu’elles s’arrêtent de courir. Elly avait souvent jeté un œil par-dessus son épaule pour s’assurer qu’elles n’étaient pas suivies. Et si elles étaient reconnues ? Non, c’était impossible. En tout cas la brune espérait qu’elle avait raison.

En tout cas, elle interrogea Nina du regard avant de lui demander, d’une voix inquiète « J’espère que ça en valait le coup ». Parce qu’elle, clairement, ne voyait pas ce qui pouvait pousser une jeune fille à s’immiscer dans une serre de botanique. Si elle exceptait qu’elle-même s’était rendue coupable et complice de la chose en vérité. C’est vrai que cela n’avait ni queue ni tête. « Je crois qu’il faudrait que j’aille en cours ». Non, c’était une réalité.