Elle avait suivi une élève. C’était un peu étrange en vérité parce que cela ne la tentait guère habituellement. Mais il y avait dans l’esprit de la jeune fille quelques envies d’échappatoire et de liberté. Alors elle s’était sournoisement mise à prendre en filature une jeune fille – de la maison Gryffondor si elle en croyait son uniforme. Elle ne la connaissait pas, pas du tout même. Et peut-être que suivre quelqu’un de la sorte allait lui porter préjudice : mais elle était simplement trop jeune pour y penser.

Mais cela faisait brûler ses veines d’adrénaline. Oh, la filature ce n’était clairement pas son truc et il est fort probable que la jeune fille fasse tellement de bruit que la Gryffondor la repère avant même d’être arrivée là où elle voulait aller. Un instant, la brune marqua une petite pause, se demandant si cela valait le coup de suivre ainsi la jeune fille de la sorte. Regard vers l’arrière, regard vers l’avant. Non, il était trop tard pour faire demi-tour. L’enfant presque adolescente voulait continuer. Même si cela serait probablement synonyme de punition.

Ses joues normalement blanches se teintaient en rouge à mesure qu’elle pensait à enfreindre le règlement. Elle n’était pas comme ça habituellement mais l’absence de ses parents et son éloignement du domicile familial, ça avait quelque chose de galvanisant. Alors elle marchait à pas de loup sur les traces de la jeune fille qu’elle suivait, sans trop savoir où allait cette dernière cependant. Il était encore tôt le matin et il était probable que peu d’élèves soient sortis.

La Gryffondor qu’elle suivait entra avec difficulté dans la serre. Alors la jeune fille la suivit également. Mais sa maladresse légendaire la rattrapa bien trop vite et elle manqua de se vautrer de toute sa hauteur en entrant dans la serre de botanique. Forcément, en se rattrapant, Elly avait fait tomber quelques objets qui ne manquèrent pas de faire un vacarme d’enfer, révélant sans doute sa présence à la jeune fille qu’elle suivait depuis de nombreuses minutes déjà.

L’enfant ferma les yeux bien forts, comme si ce simple geste pouvait annihiler sa présence. Forcément ce n’était pas le cas et bien vite la réalité la rattrapa. Quelqu’un lui parlait. Ou plutôt quelqu’un lui demandait qui était là. Si elle avait été courageuse, cela ne fait nul doute qu’elle aurait répondu « Moi voyons », mais pour l’instant elle était tétanisée par la peur. Et son sang qui glaçait ses veines ne venait pas l’aider.

Pourtant, après de longues secondes d’hésitation mêlées à l’angoisse, la brune finit enfin par sortir de sa cachette, main levée – symbole de paix non ? – et par s’exprimer simplement « Euh désolée … je voulais pas te faire peur ». En fait, c’était un peu elle qui avait peur avec cette baguette que la Gryffondor tenait face à elle, bien pointée. Comme si elle allait lui lancer un sortilège. Elly ne savait rien fait avec sa baguette encore. Elle était assidue mais elle avait toujours peur des ravages que pouvait faire sa magie.

Et face à l’élève de Gryffondor, elle ne savait pas trop quoi faire. Elle se sentait même un peu idiote. Alors elle ajouta simplement « J’avais juste envie de sortir du château ». Comme si elle se justifiait auprès d’un professeur alors qu’il s’agissait juste d’une élève. Comme elle.

La baguette s’abaisse et il faut bien avouer que la jeune Elly ne retient pas un soupir de soulagement. Car elle doit bien admettre qu’elle est particulièrement soulagée de voir que la jeune fille n’a pas l’intention de l’agresser de quelque manière que ce soit. C’est presque que la situation s’inverse même quand la Gryffondor demande « On est d’accord, tu gardes ça pour toi ? ». La brune hoche la tête avec force et vigueur. Quel intérêt aurait-elle à dénoncer sa camarade ? Après tout elle aussi était en faute alors elle n’allait certainement pas compromettre son avenir au sein du château juste pour dénoncer l’élève qu’elle avait voulu suivre.

Elle n’a pas le temps de répondre que la jeune Gryffondor lui montre les feuilles qui se sont étalées à ses pieds, lui demandant au passage « Tiens, tant que tu es là, peux-tu me les ramasser s’il te plait ? ». Comme un robot animé d’un automatisme régulier, la Poufsouffle s’accroupit et ramassa en toute hâte les feuillets dispersés de l’étudiante. Le regard un peu hagard, elle ne prend guère le temps de lire ce qu’elle ramasse. Elle agit plutôt par automatisme, comme si son esprit n’était pas encore sorti du mode survie qui s’était activé quelques instants plutôt lorsqu’elle avait été surprise.

Tendant les feuilles à sa compère d’escapade, la jeune sorcière secoue sa tête avant d’indiquer – comme si cela avait une quelconque importance désormais « Je ne compte pas te dénoncer tu sais. Enfin, j’avais juste envie de prendre l’air et j’ai pensé que … enfin … je suis désolée. Je voulais pas te faire peur en tout cas ». Elles s’étaient sans aucun doute fait peur réciproquement alors la Poufsouffle prenait les devants. Pour une fois. Chose assez surprenante pour être souligné. En tout cas son cœur battait toujours la chamade et elle espérait bien que ses frayeurs ne reviendraient pas de sitôt.

C’était quelque peu étrange que la jeune élève s’excuse de la sorte. Qu’elle s’exprime presque lisiblement. C’était peu habituel pour elle mais il était probable que Poudlard offre des possibilités d’ouverture que la brune n’avait pas osé imaginer jusqu’à présent. Elle en était certaine. Et il suffisait de constater sa présence dans la serre botanique pour s’en assurer. La Gryffondor lui répond qu’elle aussi, elle ne la trahira pas. Elle ne la dénoncera pas. Elly aurait dû en être soulagée mais étonnamment elle n’arrivait pas à faire redescendre la pression. Loin de là même. Elle hocha donc simplement la tête, avec un mince sourire qui n’arrivait pas à avoir l’air satisfait. Qu’est-ce que c’était compliqué que d’être en dehors du règlement, vraiment, elle n’appréciait pas spécialement d’entendre son cœur battre la mesure à ses tempes.

Mais la sensation s’oublia bien vite alors que la Gryffondor tendit sa main encore libre vers la jeune fille. Salutation des plus cordiales à laquelle la brune ne pouvait que répondre avec sincérité « Elly … Wildsmith, de Poufsouffle ». Elle triture sa robe de sorcière après les salutations. Comme si elle ne savait pas trop où se mettre. Comme si sa présence était à telle point gênante qu’elle venait à en être elle-même gênée. Drôle de cercle vicieux dans lequel la Poufsouffle semblait se morfondre.

Pourtant, elle était certaine que Poudlard allait la libérer. Qu’elle allait enfin pouvoir être elle-même sans se soucier de ce que pouvait bien penser les autres. En était-elle capable ? Bien sûr que oui, il suffisait de voir comment elle avait enfreint le règlement pour suivre la jeune Davies. Pouvait-elle allait au bout de ses envies ? Savoir réellement ce qu’elle avait au fond des entrailles ? La question était posée même s’il était peu probable que la jeune fille dispose de la réponse actuellement : beaucoup trop jeune pour avoir ce genre d’interrogation existentielle.

Aussi, elle se contenta de se rapprocher de Nina, un air un peu désolé sur le visage. Partagée entre l’excitation de la rencontre, de la fuite du château et inquiète à l’idée qu’elles puissent être suivies. « Tu sais, je voulais juste … sortir un peu. Mais je savais pas trop comment m’y prendre alors … bah je t’ai suivi ». Elle arqua ses sourcils, pour elle c’était aussi simple que cela mais son interlocutrice ne la trouverait-elle pas un brin foldingue pour avoir eu ce genre d’idée ? Les prunelles ébène de la jeune fille la scrutaient, attendant un quelconque mouvement de fuite ou de repli. Après tout, elle le comprendrait aisément.

La jeune fille qui lui fait face ne semble pas mal prendre les explications de la jeune Poufsouffle. Et celui provoque chez elle un soulagement quasi immédiat. Après tout elle aurait pu comprendre que la Gryffondor se mette en colère, la repousse ou la rejette. Qui supporterait d’avoir été suivi pour une escapade hors du château ? Sans doute pas elle, mais vu qu’elle était dans la position de la fautive elle se contenta d’être simplement soulagée. Les paroles suivantes de la jeune fille tirèrent Elly de sa rêverie : pouvait-elle vraiment être d’une quelconque aide à sa consœur rouge et or ? Elle n’en était pas certaine mais pourtant elle s’approcha d’elle.

Elle masqua sa fascination quand la jeune fille fit l’usage de sa baguette pour un sortilège. Elle, elle n’y arrivait pas encore. Elle ne connaissait pas assez les formules et incantations des divers enchantements qui pourraient lui être utiles au quotidien. La brune pensa, en un instant, qu’il serait peut-être plus intéressant de se concentrer sur les vieux grimoires de l’école plutôt que sur les escapades nocturnes comme elle le faisait actuellement.

Pourtant, quand Nina tourna l’ouvrage vers elle, elle se concentra davantage sur la demande de la jeune fille plutôt que sur ses pensées pas vraiment existentielles. En élève attentive et appliquée, l’adolescente suivit le doigt de la Gryffondor, qui lui montrait une espèce de plante un peu bizarre. On ne pouvait pas dire que cela lui donnait envie d’en trouver. Très honnêtement. Alors quand la jeune Davies lui indiqua très sobrement que c’était ce qu’elle recherchait, la jaune et noire ne retenue pas le frisson d’effroi qui lui longea l’échine. En plus, l’adolescente qui lui faisait face réclamait qu’elle ne pose aucune question. Ce qui était compliquée pour Elly.

Pourtant, alors même que l’inquiétude reprenait place dans les entrailles de la jeune fille. Elle hocha la tête pour marquer son accord, ajoutant un simple «Bah, pendant que je suis là autant être utile ». C’était pas un véritable accord mais c’était toujours mieux que rien. Surtout lorsque l’on connaissait un peu Elly, qui n’était pas vraiment du genre à s’ouvrir aux autres. Elle se laissait convaincre par les yeux pétillant de malice de sa consœur. Un regard pouvait tellement dire plus que des mots. Elly ne le savait que trop bien, elle qui n’avait pas pour habitude de communiquer beaucoup trouvait souvent plus d’informations dans les gestuelles que dans les propos.

Alors quand une rapide grimace passa sur le visage de sa nouvelle coéquipière de fuite, elle arqua un sourcil de surprise. Elle aurait voulu lui poser quelques questions mais qui était-elle pour le faire après tout ? Ne devait-elle pas s’estimer heureuse que la jeune fille ne lui cherche pas des poux et qu’elle l’accepte dans sa virée nocturne ? Sans doute que si. Pourtant, elle se risqua à un simple « Tu vas bien hein ? » comme si elle ne voulait pas se risquer à ramasser la jeune fille d’ici quelques minutes. Puis, revenant à la raison de sa présence ici, elle demanda d’une voix pas franchement assurée « T’es sûre que tu vas trouver ce que tu cherches ici ? ». On repassera pour l’optimisme de la jeune fille.