T'as stressé pour rien avec le thé. Parce qu'elle voulait juste te servir un thé. Mais faut dire aussi que c'est bizarre de proposer une infusion dans de telles circonstances. Tu finis par attraper la tasse qu'elle te tend en lâchant un remerciement à peine audible. Elle t'indique alors que le sucre est dans la boîte à côté de toi, et tu laisses tomber trois morceaux dans ta tasse avant de mélanger avec précaution, en prenant garde de ne pas en renverser. Tu laisses alors la tasse au bord du bureau, attendant qu'elle refroidisse légèrement, parce que tu détestes te brûler la langue et l’œsophage. Toujours incapable de la regarder dans les yeux, tu te contentes d'attendre la suite des événements, et tu retiens un soupir de soulagement lorsqu'elle annonce que tu auras uniquement des heures de retenue.

- Azaël Liderick, Miss.

Il faut croire que ton respect habituel envers le corps professoral est revenu en même temps que le calme. A présent que tu maîtrises un peu mieux cette colère qui t'a saisi précédemment, tu admets que tu es allé bien trop loin en détruisant la serre de la sorte. La professeure se rhabille d'une vielle robe de travail, et sans t'en rendre compte, tu te détends un peu plus. Peut-être que sa tenue légère t'empêchait un peu de la regarder, par pudeur. Tu l'observes alors gratter sa plume sur un parchemin, jusqu'à ce qu'elle annonce sa sentence exacte. Tu écarquilles les yeux en entendant que tu devras passer dix vendredis soirs d'affilée en retenue. L'horreur... Encore pire que l'année dernière quand tu t'es retrouvé chez Miss Holloway avec Blaze Rosenberg. Elle te précise que tu n'as pas intérêt à manquer l'une des retenues et tu hoches la tête docilement.

- Oui Madame.

Tu attrapes alors ta tasse de thé pour en boire quelques gorgées avant de la garder entre tes mains afin de les réchauffer tout en faisant légèrement tourner le liquide dans la tasse. Elle te demande alors pourquoi tu étais énervé. Et tu grimaces légèrement, sachant pertinemment que tu es totalement incapable d'expliquer les choses telles qu'elles sont. Mettre des mots dessus est bien trop compliqué. Et surtout, ce n'est pas un exercice que tu as l'habitude de faire. Tu préfères tout garder en toi pour toujours. C'est bien plus simple. Du moins jusqu'à ce que tu laisses tout exploser. Le problème, c'est que ça arrive de plus en plus souvent. Tu hausses alors les épaules.

- Je sais pas... Rien en particulier. C'est juste... C'est comme si j'étais toujours en colère et... Et puis des fois je sais plus quoi en faire alors... J'suis désolé pour votre serre Miss. Mais vous direz rien à mes parents hein ?

Le changement de sujet est total. Mais il faut dire que c'est ce qui t'angoisse le plus : le fait que tes parents pourraient être au courant. S'ils apprennent ce que tu viens de faire, les choses ne risquent pas de s'arranger avec eux, bien au contraire. A croire que tu fais tout pour leur donner raison avec ton comportement d'imbécile.

Toujours en colère... Finalement elle le comprenait un peu le gosse. La colère c'était comme ça, ça vous prenait aux tripes sans prévenir et vous aviez pas vraiment le choix de la laisser vous ronger. Elle se souvint qu'elle-même avait parfois des réactions assez excessives quand elle était en colère. Pas plus tard que la veille, elle avait mis le feu à un râteau après avoir marché dessus. Il fallait dire que les objets mal rangés ça l'énervait. Et si on se faisait mal dessus encore plus.

Mais le fait qu'elle le comprenne n'enlevait rien à sa faute et elle ne réduit pas le nombre d'heures de retenues pour autant. D'ailleurs c'était bien beau de discuter à minuit passé dans les serres de poudlard, mais il leur fallait à tous les deux aller dormir. Naomi surveilla donc la tasse de son interlocuteur, attendant patiemment que celle-ci se vide de son contenu. Pour que l'attente paraisse moins longue pour lui comme pour elle, elle tenta de faire la discussion : "Je comprends que tu puisses être en colère comme ça sans raison... Si ça t'arrives souvent peut-être que tu devrais demander à l'infirmier de t'aider. Il te donnerait surement des tisanes pour que tu dormes mieux..."

Elle même se préparait ses tisanes elle-même, mais elle n'avait pas le droit de les administrer aux élèves. Du moins elle estimait que ce n'était pas son job et qu'il valait mieux laisser un professionnel gérer les diagnostics. *peut-être que je devrais aller lui demander conseil quand même...*

Après quelques secondes de silence elle se souvint qu'elle avait oublié de réprimander l'élève pour une chose plus spécifiquement. Elle n'était plus d'humeur à crier mais il fallait tout de même qu'elle lui explique : "Ah et je dois te dire... si tu es puni c'est pas vraiment parce que tu as tout cassé dans ma serre. C'est plutôt parce qu'il faut que tu retiennes qu'en violant la règle qui t'obliges à être dans les appartements de ta maison à partir de 20h30, tu t'es mis toi-même en danger. Il aurait pu t'arriver quelque chose de grave. Imagine un peu qu'un adulte surgisse et te pende au plafond par les pieds puis te crie dessus ?"

Elle te répond qu'elle comprend que tu puisses être en colère sans raison particulière. Tu ne t'y attendais pas vraiment, les adultes ont tendance à vouloir toujours tout savoir, et détester qu'on leur réponde qu'on ne sait pas quelque chose. Elle, pourtant, elle ne semble pas être comme les autres. Elle était très énervée lorsqu'elle t'a trouvé, et finalement, maintenant, elle est plutôt gentille, même si elle reste bizarre. Tu bois à nouveau quelques gorgées de thé au citron, te réchauffant ainsi tranquillement malgré la fraîcheur de la nuit. Cependant, lorsqu'elle te parle de l'infirmier et de potions qui pourraient t'aider à dormir, tu secoues la tête de gauche à droite. T'as pas besoin d'un infirmier. T'as besoin de personne, et encore moins de tisane. Suspicieux, tu te demandes vaguement si elle aurait pu mettre quelque chose pour te faire dormir dans ton thé au citron. Mais tu écartes bien vite cette éventualité. Il a un goût de thé au citron, et c'est tout.

- J'ai pas besoin de tisane, ni d'infirmier !

T'es même un peu vexé qu'elle te parle de ça. Comme si demander de l'aide, ou tout simplement accepter celle qu'on pourrait t'apporter était quelque chose de rabaissant. Voire même d'humiliant. C'est les faibles qui ont besoin de parler, et de trucs pour dormir. Toi, tu n'es pas faible, bien au contraire. Alors il est hors de question que tu passes par l'infirmerie pour quelque chose d'aussi futile. Tandis que tu vides ta tasse de thé pour la reposer sur le bureau, elle te dit que t'es puni pour avoir violé le couvre-feu, et non pour avoir détruit la serre. Que tu t'es mis en danger en faisant ça. T'as envie de hausser les épaules, parce que tu t'en fiches un peu à dire vrai. Mais elle enchaîne en disant que t'aurais pu te faire gronder par un adulte qui te pend au plafond. Tu fronces les sourcils, ne comprenant pas l'emploi du conditionnel alors que c'était exactement ce qu'il venait de se passer. Et en plus, ce n'est pas vraiment grave, juste un peu embêtant.

- Pas besoin d'imaginer, c'est ce qu'il s'est passé.

Tu ne comprends pas vraiment ce qu'il lui a pris de dire une bêtise pareille. Peut-être qu'elle a des problèmes de mémoire ? Ce serait dommage à son âge, mais après tout, elle a bien déjà besoin d'une canne pour marcher alors tout est possible. Cependant, ce n'est pas le plus important ici. Le plus important, c'est tes parents, et elle n'a pas répondu à ta question.

- Mais, pour mes parents... S'il vous plaît, il faut rien leur dire.

Et pour la première fois depuis le début de cet entretien, tu cherches de toi-même le regard de la professeure. L'idée qu'ils puissent être au courant t'angoisse au plus haut point.

L'élève rejette immédiatement les conseils donnés par sa professeure. Celle-ci hausse un sourcil un peu surpris par son comportement. Lui qui semblait s’être calmé a retrouvé son attitude d'énervé. *Oh je sens qu'elles vont être longues, les retenues.* Elle soupira et finit définitivement de vider sa tasse.

La réponse qui la surprit le plus fît la suivante. Elle fronça les sourcils et le regarda un peu de travers. *Mais il comprend pas l'humour ?*. Visiblement le petit voyait la vie au premier degré. Naomi hésita à expliquer les choses plus clairement... Après-tout il fallait tout de même qu'il comprenne où était le problème : "Ce que je veux dire c'est qu'il aurait pu t'arriver quelque chose de vraiment très mauvais. J’espère qu'il n'y aura pas de prochaine fois."

Le garçon revint sur le sujet des parents, sujet que Naomi avait volontairement esquivé. Elle ne savait pas encore si elle allait les joindre ou non et se posait sincèrement la question. Mais si elle en parlait aux parents il faudrait sans doute aussi qu'elle en parle à la direction, et elle n'en avait pas envie du tout. *Oh j'vais pas en faire tout un foin pour deux ou trois pots cassés hein...*

Malgré tout elle répondit sans sincérité. Elle pensa que cet élément pouvait lui servir à maintenir l'élève plus docile : "Pour l'instant non... Mais si tu récidives ou que tu ne te tiens pas bien en retenues, je n'hésiterais pas. Prends cela comme un avertissement."

La professeure t'explique à nouveau qu'il aurait pu se passer quelque chose de grave lors de ta sortie nocturne. Elle ne veut visiblement pas que tu recommences. Le problème, c'est que si tes insomnies perdurent, tu ne pourras pas rester enfermé dans ton dortoir ou ta salle commune durant toute la nuit. T'aimes pouvoir voir le ciel étoilé, et prendre un peu l'air. Surtout que tu ne vois pas bien ce qu'il pourrait t'arriver à toi. Les adultes sont inquiets à cause des Manteaux Noirs et du Conseil des Sorciers. Mais toi, ton père travaille pour eux, alors tu ne risques rien du tout, d'autant plus que tu es un Sang-Pur à présent. Mais tu ne dis rien, tu te contentes de hocher légèrement la tête pour lui donner raison avant de répondre en prenant bien soin de ne pas mentir.

- C'est compris, Miss.

Tu as compris, oui. Tu as entendu ses inquiétudes et son avertissement. Mais, même si t'es de bonne volonté, tu sais bien que tu risques de recommencer les sorties nocturnes dès que tu auras trop de pensées néfastes dans ta tête, ou dès que tu auras besoin d'être seul avec tes amies étoilées. Et lorsque tu remets tes parents sur le tapis, elle finit par te répondre qu'elle n'a pas l'intention de les mettre au courant pour le moment. Te voilà rassuré. Tu pousses un soupir de soulagement avant d'esquisser un sourire en lui répondant.

- Oui Madame, je serai sage !

Comme quoi, il t'en faut peu pour te comporter correctement. Il faut dire que, vu ta relation avec tes parents, moins tu as besoin d'entendre parler d'eux et mieux tu te portes. Surtout lorsque c'est à cause de tes bêtises. Après toutes les bagarres dont ils ont eu écho, tu doutes fort qu'ils apprécient que tu viennes saccager une serre alors même que la rentrée vient tout juste de se faire. Baillant soudainement en mettant ta main devant ta bouche, tu te rends compte que le sommeil qui te fuyait jusqu'ici se rappelle à toi.

- Je peux y aller ?

Tu ne sais pas trop si elle doit te raccompagner. Tu espères que non quand même, tu préfères profiter du chemin jusqu'à la tour des Serdaigle seul. Mais t'es pas franchement en position de demander quoi que ce soit, alors tu te contentes d'attendre son autorisation.

L'enfant semble avoir compris quelle attitude prendre pour avoir finalement la paix. La professeure a même le droit à un sourire un peu timide. *Il est plutôt mignon le gamin en fait...* Elle est contente qu'il se plie aussi facilement et ne fasse pas trop d'histoires. Tout ce qu'elle espère désormais c'est qu'il ne séchera pas la retenue qui lui est imposé.

Soudain l'enfant lui rappelle l'heure qu'il est. * Ah mince, c'est vrai qu'il va falloir que je le ramène !* Aussi elle se lève et attrape sa canne d'une main et sa baguette de l'autre. "Bien, je vais t'accompagner jusqu'à ton dortoir."

Elle laissa le garçon lui emboîter le pas appréhendant déjà la marche qui l'attendait. *Pourquoi a-t-il fallu que ce soit un serdaigle ?*. Elle traversa les couloirs en vérifiant régulièrement qu'il la suivait toujours et sans parler. Il valait mieux éviter de réveiller tout le château et elle n'avait pas encore trouvé un moyen pour que sa canne ne fasse pas de bruit en rencontrant la pierre qui constituait le sol. Ainsi leurs pas entrecoupés de bruits de bois résonnaient dans les couloirs, réveillant quelques tableaux au passage.

Arrivée au pied de la tour ouest elle s'arrêta et chuchota : "Bien, je te laisse grimper les marches tout seul. A vendredi !"

L'incident était enfin clos, et rien ne la rendait plus heureuse que de savoir qu'elle allait pouvoir dormir profondément après tant d'agitation. *Mais ! Je suis toujours pied nus...*