Le temps était plutôt maussade cet après-midi. Les nuages s’accumulaient au-dessus du château ce qui représentait bien l’humeur des élèves après une semaine déjà de cours. L’excitation et l’émerveillement des premiers jours avaient laissé place à une routine bien huilée. Mais ce n’était pas le temps qui allait enfermer Aliénor au château. Elle en avait eu sa dose durant l’été et même si enfermée sur cette île, elle se sentait plus libre en dehors. Mais alors qu’elle s’éloignait du château, un bruit significatif d’une grosse pluie qui arrive déchira la paix alentour. Aliénor soupira en laissant tomber ses épaules avant de lever la tête vers le ciel. C’est alors qu’une goutte d’eau atterrit à quelques millimètres de son œil. Elle ferma les yeux comme réflexe alors que les gouttes de pluie se faisaient de plus en plus nombreuses.

-Génial…

Aliénor se tourna pour retourner vers le château, mais en quelques secondes, la pluie devint torrentielle. Elle se mit à courir à la recherche du premier abri trouvable. Elle fonça vers les serres manquant de glisser dans la boue. Une fois à l’intérieur de la serre numéro 1, Aliénor fit un tour d’horizon du regard sans vraiment faire attention à ce qui pouvait s’y trouver, trop heureuse d’avoir un endroit au sec. Il ne manquait plus qu’elle tombe sur quelqu’un. Trempée jusqu’aux os et le moral pas vraiment au point depuis la rentrée. L’adolescence faisant des siennes en plus de ses questionnements vis-à-vis de sa mère. Aliénor souffla dégageant son front de quelques mèches de cheveux collés sur celui-ci par la pluie. Peut-être qu’elle l’aura quand même son moment tranquille. Elle en avait besoin même si elle en prenait beaucoup depuis la rentrée. Mais elle gardait la face souriant quand c’était nécessaire et profitant des cours pour ne pas avoir à discuter plus que nécessaire. Le pardon était une chose bien complexe pour la fillette. Elle n’avait jamais eu à pardonner à quelqu’un qu’elle aimait tant et qui l’avait touché à ce point. En était-elle seulement capable ?

Elle leva les yeux vers les vitres de la serre au-dessus de sa tête. L’eau s’écrasait bruyamment sur celle-ci. C’était assez captivant comme vision, être en sécurité et pourtant tout voir au dehors. Voilà un temps qui te rappelle bien que les vacances sont terminées et que le blues des cours est bien là. Merci météo de la piqure de rappel. Elle croisa les bras sur sa poitrine pour se tenir chaud. Rien que de voir toute cette pluie autour d’elle lui donnait des frissons. Puis elle se détourna de cette contemplation de chaos pour se tourner vers les plantes présentes dans la serre. Son regard traina sur quelques champignons et plantes qu’elle avait déjà étudier. Quand un bruit se fit entendre. Un bruit différent que le vacarme que faisait la pluie sur les vitres. Elle pencha la tête, pas vraiment sûre de ce qu’elle avait entendu.

-Il y a quelqu’un ?

Espérant que le silence lui réponde, elle avança avec précaution dans l’allée s’essuyant les yeux d’un revers de manche. Elle ferait mieux de faire plus attention à son environnement.

La pluie tambourine sur la serre tandis que je suis assis par terre, adossé contre la vitre froide. Je me dis qu'il ne sert à rien de pleurer puisque le ciel le fait pour moi. Pourtant, pourtant j'en ai envie. J'ai envie de pleuvoir moi aussi. 

Me dire que c'est reparti pour une année me met dans un tel état de tristesse que je n'ai plus le cœur à rien.  Ces quelques jours que j'ai passés à Poudlard m'ont semblé aussi long que l'été entier. Qu'est-ce que j'ai été stupide de ne pas plus savourer ces instants passés en famille, avec Charles. Chaque seconde d’août, chaque seconde de juillet, j'aurais dû me répéter cette phrase dans ma tête: "Profite William, parce que ça ne va pas durer." 

Et Charles, j'aurais dû passer tout mon temps avec lui, chaque heure, chaque minute. Mais non, Herschel m'a dit que ce n'était pas bien, je ne dois pas y penser. Surtout pas. 
D'autant plus que Maman m'a demandé d'être fort. Et si je suis dépendant de Charles, alors je ne suis pas fort. Je dois réussir à m'en détacher. Cette année, je vais travailler encore plus que l'année dernière, je vais me faire encore plus discret que l'année dernière. Je vais tellement avoir la tête fourrée dans les devoirs que je n'aurais pas le loisir de penser à quoi que ce soit d'autres. Excepté le Quidditch... Peut-être. Ce sport a été salvateur l'année précédente, je pense que j'en aurais encore besoin.

Je laisse ma tête tomber en arrière et elle cogne contre la vitre faisant résonner la serre entière. Je ferme les yeux pour apprécier le bruit berçant de la pluie, espérant m'endormir peut-être. J'ai sûrement fait une erreur puisque quelque temps après j'entends une voix demander s'il y a quelqu'un.

Je soupire longuement. Combien de fois je me suis déjà retrouvé dans cette situation? Moi tout seul, et en fait je ne le suis pas. Ce château est immense, pourtant il n'y a aucun foutu endroit où je peux être seul. Quand je suis chez moi, je rêve de rester en famille pour toujours, quand je suis ici, je rêve d'être seul. Aucun de ces rêves ne se réalis jamais. 
Tant pis.
Je vais faire avec.

-"Oui y'a quelqu'un, quand quelqu'un pose la question c'est toujours moi qui réponds." 

Je l'ai dit d'une façon un peu agressive. Il faut dire que je n'ai même pas vu mon interlocutrice. 
C'est reparti pour un tour.

En avançant dans l’allée, elle eut la réponse qu’elle ne voulait pas avoir. Il y avait bien quelqu’un et au vu de sa réponse, quelqu’un qui était au moins aussi ravi qu’elle d’être accompagné dans cette serre.

-Ok…

Elle prit une grande inspiration, continuant d’avancer à pas de loup, n’ayant absolument pas reconnu la voix de celui qui lui avait répondu. Elle était tout de même curieuse de savoir avec qui elle était enfermée dans ce bocal de verre. C’était peut-être quelqu’un qu’elle connaissait, et ce en bien ? Quoi, c’est beau de rêver. Elle fronça les sourcils ne voyant toujours personne, pourtant il n’y avait pas moult espace pour se cacher dans cette serre. Ce n’est pas comme s’il y avait de gros arbres dans la serre numéro 1. C’est alors qu’assis par terre, le dos contre la vitre, la fillette reconnut celui qui fut son adversaire lors du dernier match. Est-ce qu’on pouvait faire pire ? Non pas vraiment… Elle l’observa l’air blasée puis s’appuya contre l’espèce d’atelier ou présentoir central ou étaient posés les plantes. En soi elle ne le connaissait pas, mais on va dire que tomber face à un adversaire n’est pas vraiment la rencontre la plus engageante.

-Ah.

Aliénor soupira en laissant son regard remonter vers la vitre le long de laquelle coulaient les gouttes d’eau avec plus ou moins de vitesse. La pluie avait un certain aspect apaisant quand on n’était pas pris d’assaut par elle. C’était fluide et régulier tout en semant un chaos sans nom. Rester en silence, sachant qu’il y avait quelqu’un avec elle, la mettait quelque peu mal à l’aise. Alors elle ne laissa pas le silence s’installer trop longtemps.

-T’as l’air ravi d’être là.

Bon, fallait bien commencer par quelque chose. Même si ce n’était pas la manière la plus douce ou la plus engageante pour commencer une conversation, c’était l’impression qu’il donnait. Ce n’est pas comme s’il l’avait accueilli avec une danse de la pluie en lui disant de se joindre à lui pour faire arrêter cette averse de malheur. En même temps, elle aurait été accueillie par ça, elle aurait certainement préférer retourner sous la pluie pour s’enfuir le plus loin possible. Non pas que tout faire pour que cette pluie s’arrête l’embête, mais elle n’avait pas le cœur à faire n’importe quoi. Elle posa ses mains de chaque côté de ses hanches pour les appuyer sur le bois de la table derrière elle. Son regard retomba sur le garçon qu’elle détailla avec plus t’attention. En match, il dégageait bien autre chose… Ou alors peut-être que ses vacances n’avaient pas été assez ressourçantes ? Qui sait, elle n’était certainement pas la seule à avoir passé des vacances en demi-teintes.

Ravi est peut-être le mot qui convient le moins à mon ressenti actuel face à la situation, je pense que c'est précisemment pourquoi elle l'a choisit. L'ironie.
Je n'ai pas beaucoup de mal à reconnaître mon interlocutrice. Je l'ai déjà croisié sur un terrain de Quidditch. Delphillia. Je ne me souviens plus de son prénom en revanche. Drôle de tradition que d'appeler les joueurs par leurs seuls noms, je ne m'étais jamais fait la réflexion auparavant. Le dernier match, elle a été redoutable, et bien que mon équipe et moi l'ayons gagné, il me reste un goût amer dans la bouche de cette rencontre avec Poufsouffle. J'ai raté trop d'actions, je n'étais pas au meilleur de ma forme.

N'étant pas seul, je réponds:

-"Effectivement, c'est la grande joie. Je peux rayer cet endroit de la liste des endroits où je peux être seul.

Faisant mine de d'avoir un carnet entre mes mains, je laisse défiler mon doigt le long d'une page fictive.

-Si j'en crois mes notes, c'était le dernier lieu à vérifier. C'est maintenant une certitude: on peut pas être seul à Poudlard. Il doit y avoir une sorte d'enchantement dans ce château rendant impossible la solitude.

Toujours dans mon jeu, je referme le carnet en claquant des mains avant de balancer l'invisible derrière mon épaule. Las de mes propres sarcasmes et n'ayant pas envie de passer un moment plus désagréable qu'il ne l'est déjà, je m'autorise un léger rire qui, bien qu'il sonne faux, teinte d'une certaine bonne volonté.
J'avoue avoir un peu de mal à différencier la joueuse de Quidditch de la personne qu'il y a derrière car je n'arrive pas à ressentir autre chose que de l'animosité pour elle. Je dois essayer de faire un effort. Je pense que la force se trouve aussi dans le contrôle de ses propres perceptions alors je dois tout faire pour en devenir maître. Ce sera mon exercice du jour, tenter d'être sympathique avec une personne qu'il m'ai difficile d'apprécier à priori.

C'est donc non sans difficulté qu'un sourire se dessine lentement -presque en grinçant- sur mon visage. je regarde Delphillia dans les yeux.

-Je suppose que t'es pas là pour étudier la botanique. Tu t'es laissée surprendre par la pluie?"

Je fais craquer mes doigts. Quand Maman reçoit une personne qu'elle juge importante à la maison, elle échange toujours des banalités avec elles avant de passer aux choses sérieuses. Ce doit être important afin de mettre l'interlocuteur à l'aise je suppose. Il y a beaucoup de conventions sociales dont je ne dois aps être au courant. Je devrais m'en informer.
La vraie force est dans l'esprit.

Vraiment navré pour ce retard.

Aliénor arqua un sourcil aux premières réponses de son camarade. Sa première impression se démontrait ici, il n’avait aucune envie de partager ce moment avec quelqu’un. Mais elle n’osa pas vraiment l’interrompre. Elle resta donc silencieuse le regardant mimer un carnet barrant visiblement le dernier espoir d’être tranquille dans le château. La fillette ne put s’empêcher de secouer la tête devant cette mise en scène. Elle aussi aurait bien aimé être seule, mais la vie et le hasard fait généralement bien les choses même si sur l’instant elle avait quelques doutes.

Se retrouver face à un joueur d’un équipe adverse n’est jamais très agréable, mais au moins ce n’était pas Chronos… ça aurait pu être pire non ?

La surprise de la fillette était clairement lisible sur son visage suite à la question finale du garçon. N’importe qui la voyant dans cet état aurait fait cette conclusion des plus simples, elle s’était fait surprendre par la pluie. C’était clair pourtant, les cheveux et les vêtements mouillés les éclaboussures de boue sur le bas de sa tenue, preuves d’une course freinée. Elle esquissa un sourire avant de répondre avec un ton on ne peut plus sarcastique.

-C’est évident pourtant je prenait une douche, l’eau de pluie à de grandes vertus…

Elle ne savait pas vraiment à quoi il jouait et elle ne comprenait pas le pourquoi de cette question. Mais bon elle n’avait rien d’autre à faire mis à part lui parler et se regarder en chien de faïence jusqu’à ce que la pluie cesse ? Sans façon. Après tout, elle n’avait rien contre lui, affronter des gens au Quidditch n’est pas les connaitre réellement.

-Tu sais je te laisserais bien seul si la pluie ne me cloitrait pas ici comme une nonne.

Le tambour de la pluie résonnait toujours dans la serre et la verrière au plafond donnait cette impression de vulnérabilité mais aussi d’hypnotisme. Voir les gouttes d’eau s’écraser au-dessus de sa tête est un spectacle assez sympathique. Mais elle ne voulait pas s’éterniser dans la contemplation de ce spectacle, elle avait une créature bien plus intéressante devant elle. Mystérieux batteur de Serpentard qui ne désirait pas la présence de la fillette. Être qu’elle ne connaissait pas et qu’elle avait réussi à emprisonner dans un endroit fermé. Ce garçon l’intriguait quelque peu. Elle pencha la tête sur le côté afin de mieux détailler son interlocuteur. C’était la première fois qu’elle était intriguée comme cela par quelqu’un qui la rejetait à ce point. Peut-être parce qu’elle l’avait côtoyé dans un tout autre environnement auparavant. Même s son plan de base était d’être seul, elle était maintenant piquée par la curiosité.

-Tu sais la plus part du temps, pour être seul, il vaut mieux faire confiance aux horaires qu’aux lieux.

Certains endroits pouvaient être bondés par moments et vides à d’autres. C’était comme ça qu’Aliénor faisait pour se retrouver seule, aller dans des endroits déserts aux heures où elle souhaitait être tranquille. Même si ça ne marchait pas toujours, elle s’en sortait plutôt bien. Même si depuis la rentrée et après avoir passé l’été ici, le château lui parait étrangement plein et actif. Il était bien plus calme cet été.

Ne t'en fais pas!

Je tique à la première réponse. C'est visiblement une fille qui a le sens de la répartie et la maîtrise du sarcasme. C'est quelque chose de plutôt rare chez les enfants de mon âge, d'ailleurs ils comprennent très peu quand moi même j'utilise le sarcasme, c'est pourtant une arme d'auto-défense redoutable.
Je m'autorise donc à pouffer un peu, afin de lui signifier que ce genre d'humour est le bienvenue avec moi, si ça peut éviter la situation de devenir aussi gênante que toutes les autres, alors c'est le bienvenue.

Deuxième point fort pour Delphillia, elle n'est pas un de ses gamins qui veut à tout pris faire la conversation pour paraître sympathique ou je ne sais quoi. Non, si elle est là en ma compagnie c'est que, comme moi, elle n'a pas le choix. C'est que c'est quelque chose de très abstrait le choix, j'ai rarement la sensation de l'avoir. Par exemple, si j'avais le choix, je ne serais pas ici en ce moment. 
Non pas dans les serres de botaniques en particulier, mais à Poudlard tout simplement. Non, moi je serais dans le canapé en train de jouer avec Charles. 

Enfin jouer, je n'ai plus vraiment l'âge pour, même si je le regrette un peu. J'ai treize ans maintenant, je suis rentré dans mes teens et donc je ne suis plus tout à fait un enfant. Je crois que si je suis si attaché à mon enfance, c'est parce que je l'ai passée en compagnie de ma famille. 

Je réfléchis à la dernière affirmation de la batteuse adverse. Elle n'a pas tord, mais en même temps, et malgré le fait que j'ai beaucoup expérimenté, je n'ai pas encore trouver d'horaires où le château est complètement silencieux ou vide. 
C'est comme si ce château était allergique au calme, à l'absence de choses extravagantes.

-"Oui, je suppose que t'as raison. T'as l'air bien au courant non ?

Je me rends compte à quel point je ne connais pas mes adversaires de Quidditch. Ni mes coéquipiers tout compte fait. Je me suis fait une image d'eux certes, par exemple Eider me paraît sympathique, Eileen est quelque peu impressionnante, Kingson n'est qu'un vantard au sang impur et Carry une exubérante Traître-à-son-Sang.
Quand je pense à Delphillia quant à elle, je ne vois qu'une enquiquineuse de première qui s'amuse à dévier tous mes cognard. Quand je pense à toutes les fois où elle m'a fait jurer en haut de mon balais...

Mais finalement elle ne semble pas être aussi horrible que ça, cela me montre encore une fois à quel points les a priori sont dangereux. 

Je me décide à lui demander ce que je n'ose pas faire depuis l'instant où elle est arrivée.

-Ça va te paraître idiot, mais je ne connais même pas ton prénom. Je t'ai toujours mentionné par ton nom alors qu'on a déjà joué sur le terrain ensemble."

Bien que ce match fut une victoire, je l'ai personnellement encore en travers de la gorge, et ce justement parce que Delphillia m'a contré maintes et maintes fois.

Elle leva simplement une épaule lorsqu’il lui demanda si elle était particulièrement au courant des lieux peu fréquentés du château. Certes elle l’était mais sans plus, elle ne connaissait même pas tous les recoins de celui-ci au combien Peeves l’a fait gambader avec Kévin, mais ce n’était que de la surface. Poudlard regorge de secrets et le château est comme un être vivant que ne se dévoile qu’à celui qui le mérite. C’était sa conclusion de l’été. Mais sinon il y avait des choses logiques, comme la volière à midi, les salles de cours après les cours, la tour d’astronomie tôt le matin… Des instants de paix qui faisait grand bien dans cette fourmilière.

Mais la seconde question eut le mérite de faire sourire la petite Delphillia. Ah les joueurs de Quidditch et l’art de ne retenir que leurs noms de famille. C’était le cas pour presque tout ceux qui suivaient le château les commentateurs les appelant généralement pas leurs noms de famille, il fallait connaitre la personne ou creuser pour connaitre son prénom.

-Aliénor.

Elle se retint d’ajouter « comme Aliénor d’Aquitaine », mais ne sachant que le nom de cette femme figurant sur les livres d’histoire elle se retint. Elle ne voulait pas montrer son absence de culture à quelqu’un qu’elle ne connaissait qu’à peine.

-Et toi William non ? Finalement je doute avec cette fichue manie de nous appeler par notre nom de famille.

Aliénor se demanda intérieurement si certaines personnes appelaient son père par son nom de famille, si le nom Delphillia résonnait déjà dans ses couloirs. Mais il n’avait pas été joueur de Quidditch lui, alors c’était peu probable. Il lui manquait, plus que ce qu’elle ne pouvait le montrer. Même elle se voilait la face par moments, il aurait été de si bon conseil pour le choix de filière de la fillette. Même s’il avait validé par lettre, elle aurait aimé en discuter avec lui. Aliénor passa le bout des ses doigts sur la plante à côté d’elle, dessinant avec douceur les contours de la feuille qui se présentait à elle.

-Pourquoi tu joues au Quidditch ?

Elle n’avait même pas relevé la tête continuant son observation de la feuille. Mais elle voulait vraiment savoir la réponse à cette question, ça en disait beaucoup sur quelqu’un. Pour certains ce n’était qu’une question de tradition familiale, mais pour les autres, c’était là que ça devenait intéressant et révélateur. Après tout, vouloir jouer au Quidditch révèle une certaine folie pour qui n’est pas connu du monde sorcier. Se passer une balle à 15m du sol pour marquer des but en évitant une balle de fer enchantée pour qui le seul but est de te faire du mal… Fallait vraiment pas être net.

"C'est ça. William.

J'ai légèrement honte parce qu'elle s'est rappelé de mon prénom et pas moi. En tout cas elle partage mon opinion sur le fait d'appeler ses adversaires de Quidditch par le nom. J'imagine que ce doit être pour les déshumaniser et ainsi ne pas avoir de peine pour eux quand on leur envoie un cognard dans les côtes. Je souris à cette idée, personnellement, ce pourrait être un bébé à qui j’enverrai le cognard que ce ne me ferait aucune peine. Le sport c'est le sport.

Sa question est étonnante car il serait aisé de lui répondre: "Bah pour les mêmes raisons que toi pardis". Mais j'imagine que ce ne sont pas exactement pour les mêmes raisons que nous avons fait du sport.
La réponse est tout de même très personnelle, et j'hésite un instant à mentir et à lui sortir une réponse bateau pour la contenter, mais bon, tant que je ne rentre pas dans les détails ça devrait aller.

-"Pour me changer les idées, je suis pas du genre à être très joyeux, alors quand je fais du Quidditch au moins ça me vide l'esprit. Je réfléchis un instant. Et puis aussi parce que je veux être au meilleur de moi même au niveau physique comme mental, et je pense que le Quidditch ça aide.

Finalement c'est assez bateau, mais tant pis, comme ça ça m'évite de trop me dévoiler. Aliénor me fait un peu peur. Elle a l'air assez futée, mais je ne la connais pas tant que ça. Elle pourrait être dangereuse si je me laisse un peu trop aller. Je me demande quel est son statut de sang. J'imagine que pour être aussi bon au Quidditch c'est qu'elle doit être au minimum Sang-Mêlée.
L'humiliation que ce serait pour moi d'apprendre qu'elle est née-moldue alors qu'elle m'a mit la pâté au dernier match.

Lui demander son statut de sang comme ça risque de me mettre dans une situation désagréable, alors je vais éviter. Je ferais mieux de simplement lui retourner la question.

-Et toi alors? Tu vas jouer le prochain match en fait? T'as été sacrément chiante si je peux me permettre la dernière fois que j'ai joué contre toi."

Pour ne pas me prendre une mandragore dans la tête dans les prochaines secondes je ricane histoire de déguiser ce reproche en compliment, lui faire croire que je souligne seulement le fait qu'elle ait bien joué. 

Le prochain match, je me le promet, je ne me laisserais pas faire de la même façon.

Encore navré pour le retard et pour cette réponse peu inspirée de piètre qualité.

Aliénor releva les yeux de sa plante la gardant tout de même entre son pouce et son indexe. Elle observa le garçon qu’elle avait affronté il y a quelques temps. Sur le terrain, ils étaient des inconnus et elle ne cherchait pas à les connaitre avant de les classer dans la case ennemie. Mais en dehors, elle ne les connaissait pas. Presque aucun, alors qu’ils avaient tous quelque chose en commun avec elle, ils prenaient des risques pour un sport douteux adoré par les sorciers. On dit que c’est en connaissant son adversaire qu’on triomphe, mais Aliénor ne savait pas faire ça, elle était bien trop vraie pour essayer de soutirer des informations aux gens.

Se changer les idées hein ? Devenir fort ? Aliénor eut un léger rictus aux coins des lèvres. Elle comprenait ses motivations même si elle à la base elle était rentrée dans l’équipe de Quidditch par amour pour le vol. Se vider la tête, c’était comme avec n’importe quel sport et enfin être le meilleur…

Elle retira ses doigts de la plante pour être bien face à son adversaire. Elle le regarda de haut en bas comme pour le jauger.

-Chiante…

Elle arqua un sourcil, étrangement ce n’était pas la première personne à lui dire ça. Mais le contexte n’était pas vraiment le même, par habitude, c’était son capitaine qui lui disait ça, ou ses coéquipiers, ou même en dehors du Quidditch. Visiblement c’était une caractéristique notable chez elle, comme une partie de la définition d’Aliénor Delphillia. Elle le vivait plutôt bien.

-T’imagine même pas à quel point.

Un sourire fendit son visage, elle le prenait plutôt bien, après tout, sur le terrain, c’était son but de faire chier les autres. C’est qu’elle était douée dans ce qu’elle faisait.

-Bien évidement que je serais là au prochain match, ne crois pas te débarrasser si vite de moi. Et tu verras encore une fois que tu dois t’accrocher avant d’être le meilleur.

Aliénor aimait les défis et William pouvait devenir un défi de taille. Après tout, que serait le sport sans la compétition et que serait la compétition sans un adversaire remonté comme une pendule ?
La pluie redoubla de force sur la paroi vitrée des serres de botanique. Aliénor fronça les sourcils instantanément en observant le parc au travers des vitres.

-J’espère que ça va s’arrêter vraiment…. Je ne tiens pas à rester là toute la journée. Non pas que tu sois de très mauvaise compagnie hein, mais… Voilà quoi.

La délicatesse et le tact ne faisait pas des grandes qualités de la fillette, mais il y en avait assez qui savaient s’occuper des autres dans sa maison, elle, elle le faisait à sa manière à elle. Rentre dedans on va dire.

Son insolence me laisse perplexe et quelque peu désorienté. Alors qu'en tant normal je lui aurais presque envoyé mon poing dans la figure, là je me surprends à sourire en coin. Il est clair qu'elle ne manque pas d'audace, elle parle comme si c'était une joueuse bien plus expérimenté que moi alors qu'elle n'a qu'un an de plus et qu'elle n'a joué qu'un match supplémentaire par rapport à moi si j'me souviens bien.

J'aime pas qu'on me prenne de haut, mais avec elle c'est pareil, je n'arrive pas à déterminer si elle est réellement sérieuse. Elle enchaîne ensuite en sous-entendant qu'elle s'ennuie avec moi et qu'elle aimerait bien partir. Décidément, elle n'a pas grand chose à voir avec les autres gamines que j'ai rencontrer, ce n'est pas la Miss Parfaite et Bourgeoise qui pullule dans le château.
J'ai un rictus.

-"Alors c'est ça que les gens ressentent quand ils parlent avec moi? Intéressant...

Je reviens tout de même sur le Quidditch histoire de ne pas laisser cet affront invengé.

-Et pis je pense que t'as un peu trop pris la confiance. Ok t'es enquiquinante mais tu n'es pas encore au niveau des frères et sœurs Dunn.

Je me souviens de cette finale le 31 juillet 2042 même si j'étais un peu plus jeune. Je suis très déçu de ne pas avoir pu aller à la coupe de cet été, d'autant plus qu'il était aisé pour Maman d'obtenir de bonne place. Elle avait des choses à faire avec Ursula avait elle dit, et Pépé et Mémé n'ont pas pu m'y emmener. En plus Charles n'aime pas le Quidditch, c'est bien une des seules choses que nous n'avons pas en commun.

Je soupire et sans méchanceté aucune je rajoute:

-Et tu sais, c'est de la pluie, de l'eau, ça va pas te tuer, au pire t'es mouillée en rentrant dans le château  et t'utilise un Sortilège de Séchage.

Commençant à avoir mal au dos, je me lève et m'étire sentant quelques vertèbres craquer. Je vais moi aussi jouer avec les feuilles d'une plante qui ne se trouve pas très loin de moi, sans lever les yeux vers Aliénor.