Naomi venait de terminer de s'occuper de ses bubobulbs qui lui donnaient en ce moment du fil à retordre en raison de la proximité de l'automne. En effet en cette période si on les laissait trop produire de pus, les poches qui le gardaient se dilataient jusqu'à exploser, c'est pourquoi elle devait régulièrement le récolter pour s'assurer que sa serre restait relativement propre.

Elle retira ses gants en peau de dragon et les posa le long des peaux pour s'assurer de les retrouver au même endroit le lendemain quand elle recommencerait cette tâche ingrate. *Vivement que vendredi arrive, que je le fasse faire au p'tit gars en retenue* Mais ce qui venait ensuite lui remonta rapidement le moral : Les œufs de Jonquerre. Ces champignons, appelés ainsi en raison de leur forme , avaient été découverts très récemment ce qui lui laissait l'occasion de faire des recherches à leur sujet. Cette plante était ce que l'on appelait une plante "adaptative", c'est à dire que pour chaque difficulté rencontrée elle inventait un stratagème pour y survivre.

Naomi avait donc quatre plants de ces œufs de Jonquerre qu'elle entretenait avec un soin très particulier. Le premier, elle ne l'arrosait qu'une fois par semaine et ne le nourrissait que de chairs. Elle déposa d'ailleurs dans son pot un morceau finement coupé de viande fraîche et observa ce qu'il se produisait. Après quelques secondes, surgirent lentement de la terre deux fines racines qui s'enroulèrent autour du morceau de viande puis s'immobilisèrent. Naomi notait en détail tous ces résultats dans l'un de ses carnets personnels. "Contrairement à hier, la plante n'est pas restée de marbre. Il s'avère qu'elle a acquis une nouvelle capacité, celle de mouvoir ses racines jusqu'au morceau de viande proposé."

Mais alors qu'elle finissait d'écrire, elle entendit qu'on pénétrait dans sa serre. *Tiens, c'est la prof de runes...*

Elle avait besoin d’une plante particulière. De dahlia orange pour être précise. Elle en avait besoin pour colorer le bois d’un jeu de rune. Elle n’avait plus sa précieuse mixture et elle n’avait très clairement pas envie d’aller sur le Chemin de Traverse. Elle avait alors pensé aux serres botaniques, et surtout à la prof de bota qui pourrait sans doute l’aider. D’une part la jeune femme n’avait aucune idée de la période de pousse des dahlias, si ce n’était pas la saison, elle espérait que sa collègue en botanique dispose d’une réserve de graine, de poudre ou de … trucs ? pouvant lui être utiles.

Quand la jeune femme arriva face aux serres, elle se dirigea vers la numéro trois. Art divinatoire ? Non, simple silhouette – pouvant être la silhouette d’un adulte – qu’elle entraperçoit et vers laquelle elle se dirige. Entrant simplement dans la serre désignée comme la numéro trois, la jeune femme se fait accueillir – ou plutôt cueillir – par une plume ensorcelée qui a tôt fait d’inscrire son nom dans ce qu’elle suppose être un registre. Sa collègue de botanique serait-elle un peu parano ? La jeune femme hausse un sourcil, peu importe après tout. Elle marche sur la petite allée bordée de plantes en tout genre. Elle prend grand soin à ne pas laisser dépasser son pied sur la terre, sait-on jamais qu’une plante décide de lui agripper la cheville et l’avaler toute entière.

« Bonjour Miss … » elle avait mangé son nom. Ça commençait bien. Vraiment, très sympathique la collègue ! « Je me permets de vous déranger car j’aurais besoin de votre expertise[/i] ». De là où elle était, la jeune femme ne voyait pas le visage de sa consœur professeure. Aussi elle préféra lancer l’objet de sa demande de suite, les courbettes en tous genres n’étaient pas sa spécialité. « Je ne sais pas si vous pourrez m’aider mais il me faudrait de la mixture de dalhia orange ». Oui, une plante moldue mais qu’importe.

Naomi empoigna sa canne et de sa main libre épousseta rapidement le haut de sa robe pour se donner contenance. Elle regarda sa collègue avec attention pour vérifier que celle-ci ne mettait pas de désordre. Elle sourit en remarquant que celle-ci esquivait sagement les bandes de terres, ce que la plupart des élèves ne pensaient pas à faire. Son visage se tordit en une grimace ridicule lorsqu'un géranium dentu s'éveilla au passage de la femme qui venait vers elle. Pas chance il n'eut que le temps de claquer des dents dans le vide.

Bien vite la professeure s'adressa à elle en la saluant, ce à quoi elle répondit en laissant un semblant de sourire apparaître un instant sur ses lèvres : "Bonjour."
Elle écouta ensuite ce que pouvait bien lui vouloir l'intrus. *Tiens, on se vouvoie entre collègues ? Bon... elle doit être un peu coincée, pas mon problème.*

Naomi se tourna complètement pour bien faire face à la nouvelle arrivante et marcha jusqu'à n'être plus qu'à quelques dizaines de centimètres d'elle non sans loucher de la jambe. "Mmh... désolé de te décevoir mais j'ai pas pensé à planter de Dalhia pour l'instant..."

La professeure se saisit d'un carnet -différent de celui dans lequel elle notait le comportement de ces plantes- et fit un premier tiret à côté duquel elle écrivit "Dahlia orange". Réalisant soudainement qu'elle n'allait pas discuter sans rien faire elle fit demi-tour et continua de parler en rejoignant ces œufs de Jonquerre : "Faudrait me faire une liste de toutes les plantes dont t'as besoin pour ta matière. J'pense que j'essaierais de voir avec tout le monde mais c'est que j'ai pas trop le temps pour l'instant. En tout cas je sais qu'il faut demander à la directrice ou à l'adjoint pour commander des trucs. Tu permets qu'en discutant je continue mon taff ?.... "

Après les salutations d’usage, un silence passe entre les deux femmes, avant que la professeure de botanique se retourne et claudique jusqu’à sa consœur. Le regard de la sorcière passe du visage à la canne de sa collègue mais aucun mot ne s’extirpe. Finalement et alors qu’elle est arrivé à la hauteur de Joanne, l’enseignante indique qu’elle n’a pas de dahlia pour l’instant. Provoquant instinctivement un soupir nasal de la part de l’héritière Taylor. Elle n’aime pas quand les choses ne se déroulent pas comme prévu, mais après tout, peut-elle réellement en vouloir à la professeure de botanique ? Bien sûr que non.

Un carnet et quelques écritures plus tard, la professeure de botanique se détourna et continua ses affaires. Elle indiqua à Joanne qu’il lui faudrait toute une liste de plantes dont elle pourrait avoir besoin – la professeure de rune n’en avait aucune idée pour l’instant mais elle y penserait. Ce qui l’interpella fut la relative proximité que Miss Bergsturm mettait avec elle. Aux souvenirs de Joanne, elles n’avaient pas élevés de moldus ensemble. Peut-être qu’il y avait un souci d’éducation. Trop d’un côté, pas assez de l’autre. L’équilibre n’était clairement pas au rendez-vous.

Joanne, elle, ne laissa pas tomber le vouvoiement « Faites-donc je vous prie » qu’elle indique à sa collègue. Après tout, elle ne va pas l’empêcher de travailler, ce serait un comble tout de même. « Je n’ai pas de demande particulière à faire » qu’elle indique en regardant les œufs de Jonquerre. « Je cherche juste des colorants naturels pour la fabrication des jeux de runes des étudiants. Peut-être pourriez-vous m’aider là-dessus ? ». A mesure qu’elle posait sa question, Joanne n’était plus tout à fait certaine de vouloir l’aide de sa consœur, mais maintenant qu’elle l’avait dit elle ne pouvait plus revenir en arrière. Son regard passe des mains de la femme à sa canne, la question brûlait toujours les lèvres mais l’éducation voulait qu’on ne pose pas ce genre de question à voix haute. Pas encore en tout cas.

Naomi se saisit de quelques sachets de billes colorées. Elle lâche sa canne pour pouvoir se servir de ses deux mains et déposa à l'aide d'une pelle quelques billes sur chaque plant en veillant à ne pas mélanger les nourritures. Certains aliments contenant des produits anti-limaces, ou encore des désherbants, elle espérait provoquer chez la plante une réaction au moins de repli. Dans l'instant T elle ne pût rien observer, mais elle savait qu'en revenant plus tard elle pourrait noter des progrès. Si elle n'était pas sûre que ces plantes craignent les produits contre les limaces elle était sûr en revanche que certains poisons les mettraient suffisamment en danger pour les faire réagir.

Sa collègue, elle, continuait de chercher du colorant pour son jeu de rûnes. "Orange en plus, et à la toute fin des périodes de floraisons, elle est pas chiée. pensa Naomi"
Elle chercha rapidement quelque chose qui pouvait convenir dans les tréfonds de sa mémoire et s'exclama : "Ah je sais ! On ne va pas utiliser des fleurs, on va utiliser mieux, de la sève ! Je connais un arbre de la forêt interdite dont la sève est couleur tangerine, vous allez voir sur le bois ça va très bien rendre !"

La professeure réfléchit un instant à la manière dont elle allait s'y prendre pour récupérer sa sève si elle devait aller dans la forêt... Elle savait qu'elle allait devoir sortir les grands moyens magiques, mais elle refusait de paraître incompétente à sa collègue. Néanmoins elle précisa : "Bon j'aurais besoin de quelques jours avant de vous l'apporter... ça risque de pas être facile. Je planterais quelques fleurs de couleurs pour éviter ce genre de méthodes la prochaine fois !"

Le regard de la professeure de rune est irrémédiablement attiré par les mains de sa consœur de botanique. Les gestes exécutés avec une précision quasi chirurgicale la fascine. Mais son attention fut bien vite ramenée à l’objet de sa venue : la couleur orange qu’il lui manquait pour la fabrication des runes. Face aux savoirs de Naomi, la sorcière se contenta d’hocher la tête. De la sève couleur tangerine ? Après tout, pourquoi pas. Il fallait bien qu’elle fasse la colorisation des runes alors autant essayer.

Naomi continua en indique qu’il lui faudrait quelques jours pour lui apporter la couleur dont Joanne avait besoin. Cette dernière haussa vaguement les épaules, avant d’ajouter « Je vous remercie déjà de vous occuper de cette demande un peu tardive ». Elle n’était pas folle. La couleur orange est plus facile à trouver et à fabriquer lorsqu’on nous sommes en plein printemps. Les fleurs sont alors au meilleur de leurs formes et offrent leurs plus beaux camaïeux de couleurs.

La professeure de rune s’apprêtait à prendre congé, à faire demi-tour. Quand la curiosité la rattrapa. Quand la boiterie de sa collègue lui sembla un excellent sujet pour continuer à faire la conversation. Alors qu’il s’agissait sans doute d’une indiscrétion, d’un sujet délicat qu’il n’était pas utile d’amener entre collègue. Pourtant, à mesure que l’idée gonflait dans son cerveau, elle ne put se retenir plus longtemps et laissa alors une ultime question à Naomi, saupoudrée de quelques précautions, pour le cas où la professeure ne supporte que très peu l’évocation du sujet. « Au risque de paraître indiscrète, pourrais-je savoir ce qui vous est arrivé pour que cette canne ne vous quitte plus ? ».

Le regard de la sorcière passa dès lors de l’objet mentionné au visage de sa collègue. Espérant sans doute y voir autre chose que du mépris face à la question posée. Même si, au fond, elle devait bien admettre qu’en situation inversée, il était sans doute peu probable qu’elle réponde à la curiosité d’un collègue.

Lorsque sa collègue la remercia, Naomi pensa que l'affaire était close et qu'elle allait repartir sans le château. Elle ne s'attendait certainement pas à ce que cette femme plutôt froide et qui mettait une certaine distance entre elles poursuive la conversation. Et ce à quoi Naomi s'attendait encore moins, c'était à cette question. Celle-là même qu'on ne lui posait plus, parce qu'on présumait le sujet sensible. L'était-il ? Oui, certainement. Mais pas au point que Naomi ne se braque à la moindre mention de celui-ci.

La question était plutôt directe et ramena immédiatement la professeure loin en arrière, dans de lointains souvenirs. A l'époque elle était jeune et fringuante, se promenant d'un bout à l'autre d'une superbe réserve naturelle avec une aisance insolente. Mais il n'y avait pas que des plantes dans la réserve en question. Il y avait aussi des animaux, de gros animaux. Le souvenir de l'un d'entre eux lui apparut clairement. Une beauté indéfinissable émanait de lui à l'époque. Jusqu'au moment où la curiosité et l'imprudence firent faire à Naomi un pas de trop. Combien avait-elle regretté ce jour ?

Elle réfléchit à choisir ses mots pour omettre de dire que c'était entièrement de sa faute... Elle ne voulait pas non plus exhiber sa jambe comme une blessure de guerre. Elle finit par opter dans la simplicité : "Mon ancien travail était plutôt physique. J'ai eu le malheur de me trouver trop proche de l'un des... spécimens de la réserve. J'ai très certainement eu de la chance d'avoir pu transplaner avant de subir plus de dommages."

Elle s’était attendue à un regard froid, à une distance inatteignable, à quelque chose de différent de ce qui se passait en tout cas. Car sa collègue en botanique semblait plongée dans ses pensées, comme si elle se remémorait les événements qui l’avait conduite à cette canne. Ou peut-être cherchait-elle simplement le moyen d’éconduire l’indiscrétion de Joanne ? C’était légitimement une issue acceptable. Après tout, Joanne accepterait-elle qu’on lui pose des questions sur sa vie, sur son passé, sur ses blessures ? Rien n’était moins sûr.

Mais Naomi se dévoile avec une simplicité enfantine. Quelque chose de perturbant pour Joanne et ses démons. Elle parle d’un ancien travail physique, d’un spécimen de la réserve. L’enseignante de runes note mentalement toutes ses informations, pour éviter d’avoir à refaire le même genre d’indiscrétion dans le passé. Mais là que la conversation est lancée, elle ne peut plus faire demi-tour, alors elle continue, doucement. « Dois-je comprendre que la botanique n’était pas votre domaine de prédilection à l’époque ou était-ce une fascination quelque peu dangereuse à un instant donné ? ». Elle aurait pu se concentrer sur le spécimen en question, demandé de quelle réserve parlait sa collègue. Mais elle estimait avoir clairement abusé niveau indiscrétion, alors autant remettre les choses dans un contexte un peu plus professionnel. Libre pour Naomi d’en dire plus si elle le souhaite, ou de remettre à sa place Joanne – et ce serait mérité.

Au fond et au-delà de l’indélicatesse manifeste de Joanne, il y avait une sorte de fascination pour Naomi. Elle avait l’air d’être, au sens propre comme au figuré, une éclopée de la vie. Quelqu’un à qui il manquait une partie de soi et qui ne l’empêchait pas – selon toute vraisemblance – à être elle-même. Joanne était fascinée par l’être humain dans sa complexité, il fallait admettre qu’elle n’avait pas vraiment eu la possibilité d’étudier ses pairs lorsqu’elle était encore au manoir familial. Alors elle se rattrapait – sans doute maladroitement – à présent qu’elle était revenue à Poudlard.

La botanique avait toujours été son domaine de prédilection. Elle n'avait jamais cessé de nourrir la passion qui l'animait depuis qu'elle l'avait découverte. Ce que lui offrait la botanique, elle savait que rien d'autre ne pourrait le lui offrir. C'était une passion, quelque chose qui pouvait la garder en vie face à n'importe quoi. Même à la rupture la plus douloureuse de sa vie elle avait survécu grâce à cela. Et même si survivre était un grand mot, ses plantes lui apportait beaucoup. D'ailleurs elles lui apportaient tant et faisant tant d'elle la femme qu'elle était qu'elle se demandait si elle n'avait pas un petit côté légume... Pas qu'elle ne brillait pas d'intelligences, mais certains moments d'absence laissaient penser à l'absence de cerveau chez la jeune femme.

Elle pensa que tout de même, sa collègue était sacrément curieuse pour voir qu'elle s'était montré froide et distante dès le début. Pas que ce soit inquiétant, mais c'était un drôle de caractère. Toujours assez désinvolte, Naomi se trouvait plus gênée par le vouvoiement que par les questions indiscrètes de toute manière. Elle n'hésita pas à répondre sincèrement : " Je travaillais bien comme botaniste ! Naturaliste plus précisément. Et en effet c'était une sorte de fascination... je ne sais pas pourquoi quand je suis tombé dessus j'ai... Ce ne sont pas des créatures banales, ça je vous le dit. Se trouver en leur présence c'est...indescriptible. N'en avez-vous jamais fait l'experience ?"

Elle était botaniste et parlait de créatures fascinantes – mais surtout dangereuses, de ce qu’en comprenait Joanne. Elle ne voyait pas vraiment le rapport mais elle se garderait bien de le lui faire remarquer : après tout, ne s’était-elle pas déjà montré suffisamment curieuse pour une inconnue ? Sans doute que si. Toutefois, la politesse voulait qu’elle réponde à la question qu’on lui posait, aussi hocha-t-elle simplement la tête « Non, jamais ». Et c’était vrai. Elle n’avait aucune idée de l’adrénaline que pouvait créer une créature comme en avait croisé sa collègue de botanique.

« J’ai beaucoup abusé de votre temps », délicate manière pour la professeure de rune de dire qu’elle se congédiait elle-même. « Je vous remercie pour vos réponses et vos recherches ». Car après tout, sa demande n’était pas forcément facile. S’obligeant à une légère inclinaison de tête, la jeune femme prit congé de sa consœur. Elle avait beaucoup de mal à sociabiliser, et il fallait croire que son retour à Poudlard ne changeait pas sa nature profonde. Elle était encore à l’écart, dénotant sur le reste de ce qu’elle pouvait voir.

Comme lors de sa scolarité à Poudlard, où elle n’était qu’une élève effacée. Discrète. Il était sans doute temps que les choses changent et peut-être pouvait-elle se servir de Poudlard comme un tremplin sur sa nouvelle vie qui s’offrait à elle et prendre exemple sur cette collègue qui vivait par delà son traumatisme.

Fin du RP pour moi, merci beaucoup