T'as pas eu cours de l'après-midi. T'aurais pu être en week-end super tôt. Enfin, ça, c'était si t'avais pas fait l'imbécile la semaine précédente dans les serres de botanique. Avec tes dix vendredis de retenue, tu peux dire adieu à tes week-end prolongés jusqu'au mois de novembre. C'est bien ta chance. Tu te décides tout de même à profiter des derniers beaux jours, allant t'installer dans le parc dans un rayon de soleil pour griffonner quelques esquisses de devoirs. De simples brouillons, des idées qui te viennent sur les sujets demandés par les professeurs, ou simplement des mots dont tu veux débarrasser ton esprit. Rien de bien concluant, mais ça reste un début. Il faut dire que tu n'as pas tellement la tête à travailler.

Tu ne peux t'empêcher de songer à cette retenue qui approche au fur et à mesure que défilent les minutes. T'as pas envie d'y aller, t'as pas envie de découvrir quelle sera ta punition, et surtout, t'as pas envie de revoir cette prof. Tu ne sais pas comment elle va réagir avec toi, et les réactions des autres te font toujours peur, surtout celles des adultes. Elle t'a dit qu'elle ne dirait rien à tes parents si tu te comportais correctement, mais peux-tu réellement avoir confiance en elle ? Plus important encore... Peux-tu avoir confiance en toi pour ne pas péter les plombs à la moindre contrariété ? T'es à cran, sous pression, prêt à exploser à tout moment sans même savoir pourquoi. Alors pour ce qu'il est de désamorcer tout ça, tu peux toujours courir.

Voyant qu'il te reste encore deux bonnes heures avant la retenue, tu décides d'aller les passer à la bibliothèque. Au moins, tu seras réellement en condition de travail, et tu pourras essayer d'user de ce temps pour quelque chose de plus constructif que de te morfondre sur ce qu'il va se passer ensuite. Perdu dans un ouvrage sur les sortilèges d'attaque, tu ne vois plus l'heure qui tourne. T'es bien hors programme avec ce livre, et c'est sans doute pour cela qu'il t'intéresse tellement. Seulement, lorsque tu te décides à sortir ta montre de poche pour voir l'heure, tu te rends compte que tu devrais déjà te trouver dans les serres, avec Miss Bergsturm.

La pression remonte d'un coup, et tu as vite fait de reposer l'ouvrage où il était pour récupérer tes parchemins dans tes bras et partir en courant vers les serres, sans même prendre le temps de ranger tes notes. Tu arrives tout essoufflé dans la serre n°1, avec dix bonnes minutes de retard malgré toute ta bonne volonté. Essayant tant bien que mal de reprendre ta respiration, tu appelles timidement :

- Miss Bergsturm ? J'suis désolé pour le retard...

Sans même regarder si tu la voyais, tu te décides enfin à poser tous tes parchemins au sol, le temps de retirer ton sac à dos pour les ranger soigneusement dedans, de peur de les abîmer en les gardant dans un tel endroit.

La soirée approchait et Naomi ne se lassait toujours pas d'aller voir chacune de ses plantes pour veiller à leur bon développement. Elle jetait de réguliers coups d’œil à sa montre, signe qu'elle était un peu stressée, pour s'assurer de bien retourner dans la serre n°1 lorsque viendrait l'heure. En effet, elle devait aujourd'hui accueillir un élève dans ses serres, et pas pour l'une des plus belles raisons puisqu'il venait à contre cœur subir une retenue.

Enfin l'heure arriva et la professeure pu claudiquer jusqu'à leur lieu de rendez-vous. Elle se dirigea vers ses plants et les observa en attendant l'élève. Elle ne stressait pas vraiment parce qu'elle avait peur de ne pas gérer une retenue mais plutôt parce qu'elle avait peur que le cancre soit un nul en botanique qui abîmerait ses plantes. Après tout il n'avait eu aucun scrupule à le faire une première fois... Fracasser des pots au sol, faire du mal à des êtres vivants qui n'avaient rien demandé, mettre du bazar... Mais maintenant tout était en ordre et il ne restait plus au jeune homme qu'à assumer les conséquences de ses actes.

Naomi fixait la menthe poivrée depuis deux bonnes minutes quand les coups d’œils donnés à sa montre devinrent agacés. *Qu'est-ce qu'il fait ? Il va quand même pas me poser un lapin!* Elle ne supportait pas qu'on ne soit pas ponctuel et d'autant plus lorsqu'on était là pour une punition. Mais finalement l'élève arriva après douze minutes exactement et présenta ses excuses.

La jeune femme se tourna vers l'entrée pour voir son élève puni entrain de ranger son sac. *Au moins il s'est excusé et il a l'air essoufflé.* Décidant de ne pas lui tenir rigueur de ce léger retard Naomi rentra immédiatement dans le vif du sujet : "Bon. Aujourd'hui je vais t'apprendre à t'occuper de l'Asphodèle. Tu vas voir ce n'est pas compliqué, c'est juste un peu long. Commence par enfiler une paire de gants s'il te plait." elle lui pointa du doigt une caisse ouverte pleine de gants de toutes tailles et de toutes apparences puis lui tourna le dos pour rejoindre les asphodèles en question.

La Professeure ne dit rien quant à ton retard. Tu ne sais pas si ça te rassure ou pas, si ça se trouve, elle va directement prévenir tes parents juste après ta retenue parce que tu n'as pas été ponctuel. Posant ton sac à dos dans un coin, tu ne poses cependant pas la question, de peur de la mettre de mauvaise humeur, et donc dans de mauvaises dispositions te concernant. Elle te dit alors que ta retenue va consister à t'occuper de l'Asphodèle, et que ça risque d'être un peu long. Retenant une grimace, tu te contentes de simplement hocher la tête avant de t'approcher de la caisse de gants qu'elle t'a désigné, toujours un peu essoufflé, mais reprenant peu à peu contenance.

Une fois devant la caisse, tu regardes les gants mis à disposition avec dégoût. T'aurais dû ramener les tiens. Là, niveau hygiène, c'est absolument répugnant. Des tas de gens ont mis leurs mains sans doute sale dans ces gants qui n'ont probablement pas été lavés après usage. Certains sont troués, d'autres couverts de terre ou de traces vertes laissées par les différentes plantes. Tu risques sans doute d'attraper tout un tas de maladie en enfilant ça. Tu jettes un regard en coin à la professeure, hésitant un instant à lui dévoiler le fond de ta pensée, et puis tu te rappelles qu'elle s'en fiche probablement, et que t'es en retenue, donc t'as pas franchement le droit de te plaindre. Prenant sur toi, tu finis par saisir une paire de gants, probablement un peu trop grande, mais qui paraît être plutôt propre.

Tu la rejoins alors en enfilant les dits gants, essayant de passer outre le fait que certains élèves ont au minimum transpirer dedans avant toi, et tu rejoins Miss Bergsturm devant les plans d'Asphodèle qui vous attendent sagement. Tu ne t'es jamais occupé de ces plantes. Si la botanique n'est pas franchement ton truc, t'es quand même content d'apprendre quelque chose durant cette retenue. Au moins, tu ne perds pas totalement ton temps si ça te permet de prendre un peu d'avance sur tes camarades. Même si t'aurais préféré prendre de l'avance en Défense contre les Forces du Mal par exemple, au moins, tu ne te retrouves pas juste à faire du ménage ou toute autre tâche dégradante. Finalement, cette retenue risque de s'apparenter davantage à un cours particulier, et ce n'est pas pour te déplaire. Décidant d'y mettre de la bonne volonté pour que les choses se passent au mieux, tu essaies de t'intéresser au sujet.

- Alors... Faut faire quoi ?

Naomi ne perdit pas plus de temps avant de se plonger dans ses explications : "L'asphodèle tu le sais déjà peut-être est un ingrédient de potion. On l'utilise pour le philtre de mort vivant par exemple..."

Elle s'approcha de ses plans d'asphodèles. N'étant pas fleuris ils se présentaient sous forme de tiges parsemées de quelques petites feuilles épaisses et brunes. De chaque tige partaient plusieurs longs filins argentés qui étincelaient de temps à autre selon l'inclinaison des flammes de la lanterne la plus proche :
" ...Mais le truc c'est que c'est une plante très sensitive et qu'elle demande un entretien très complet. Tu vois les fin fils argentés qui partent des tiges ? Ce sont eux qui rendent la plante aussi sensible à son environnement et les nutriments passent par eux. Ses nutriments elle les trouve dans l'air. Il y en a une grande quantité là où elle vit normalement c'est à dire dans les marécages de Louisiane. Seulement l'air de la serre n'est pas aussi riche, et il faut donc la nourrir nous même."

Naomi s'appuya sur sa canne et chercha sa baguette dans sa poche. D'un geste et d'un mot répété ("accio") elle fit venir à elle un sac d'une dizaine de kilos, un arrosoir plein d'eau, un vaporisateur de grande contenance, une cuillère à soupe et un récipient jaugé de deux litres.
"Voilà donc première étape tu me mélanges quatre cuillères à soupe de cette poudre à deux litres d'eau, tu remplis le vaporisateur et puis... ben faut le vider en vaporisant tout son contenu..."

Naomi savait que même en essayant de se dépêcher l'élève mettrait au moins quarante minutes à vider les deux litres de son vaporisateur. Celui-ci était particulièrement lent en raison de sa délicatesse, puisqu'il fallait humidifier l'air et non arroser directement les plantes.

Les explications de la professeure ne tardent pas à venir. Tu hoches légèrement la tête lorsqu'elle dit que la plante est utilisée en potions. T'en as déjà vaguement entendu parler, mais tu n'y as jamais vraiment prêté attention. Tout comme la botanique, les potions ne sont pas du tout ton truc. Tu sais pourtant te montrer rigoureux pour peu que tu en aies envie, mais la matière en elle même t'intéresse trop peu pour que tu fasses des efforts hors des examens. Elle t'explique alors que la plante en question est très sensible à son environnement, notamment grâce aux fils argentés qui partent des tiges. Tu observes alors les plantes d'un peu plus près, un peu plus intéressé qu'au début. Les choses nouvelles ont toujours un attrait certain à tes yeux, curiosité oblige.

Tu hoches encore une fois la tête pour lui montrer que tu suis ses explications et que tu comprends ses propos. Tu veux bien croire que l'air de la serre ne reproduise pas l'air des marécages de Louisiane, bonjour la chaleur et l'humidité ambiante sinon. Et t'oses même pas imaginer l'odeur qui va avec. Elle te dit donc que, pour s'occuper de cette plante comme il le faut, il faut lui donner les nutriments nécessaires à son développement. Et c'est visiblement ici que ta retenue entre en jeu. Miss Bergsturm fait venir tout le matériel nécessaire pour nourrir les Asphodèle et t'explique le mode d'emploi. Rien de plus simple. Et surtout, rien de plus barbant. Jusqu'ici, t'étais prêt à y mettre de la bonne volonté, appréciant le faire d'apprendre quelque chose. Mais là... Vaporiser deux litres de flotte et de poudre sur des plantes, c'est carrément nul.

T'as pas envie de le faire. T'as envie de renverser son arrosoir et d'éparpiller sa poudre aux quatre coins de la serre pour lui montrer que tu t'en fous de tout ça. Et tu ne peux même pas. Parce que sinon, elle le dirait probablement à tes parents, et t'as pas du tout envie qu'ils sachent que tu as si mal commencer l'année. Tu attrapes donc l'arrosoir avec une mauvaise volonté visible, pour le vider dans le récipient jusqu'à atteindre plus ou moins la jauge des deux litres. Tu ajoutes quatre énormes cuillères à soupe de poudre avant de verser le tout dans le vaporisateur, renversant au passage un bon cinquante centilitres sur le sol durant le processus. Mais d'un autre côté, tu le fais, faudrait pas t'en demander beaucoup plus.

Tu refermes le vaporisateur et appuie sur la gâchette plusieurs fois, comprenant rapidement que tu risques de ne pas le vider de si tôt. Tu pousses un profond soupir face à l'étendue du travail qui t'attend. En plus, tu vas finir par avoir mal à la main à force de vaporiser comme ça. Voilà pourquoi tu hais la botanique. C'est nul. Nul, nul, nul, nul. Et même quand on pense au début que ça peut être bien, et bah on se rend vite compte que non. Tu lances un regard assassin à Bergsturm. Tu la détestes autant que sa fichue matière.

Naomi regarde l'élève s’exécuter sans rien dire. Elle ne peut empêcher un frisson d'horreur la parcourir en constatant que de l'eau tombe au sol et viens entacher sa parfaite propreté. *pourquoi je continue à m'échiner à garder cet endroit propre ?* Elle donne un discret coup de baguette en direction de la flaque et marmonne un "récurvite" en priant pour que l'élève ne se vexe pas. La saleté disparaît et l’inquiétude de la professeure avec.

*Ah voilà, il commence à vaporiser, on va rire !* Dès que l'élève entreprend d'arroser les plantes, les filins argentés des asphodèles se mettent en mouvement et s'élèvent pour venir caresser son poignet avec reconnaissance. Certaines essaient de lui attraper les doigts, comme pour le tirer à elles : "Tu feras attention, elles sont bien élevées mais si par mégarde tu coupes un fil elles vont toutes se rétracter et avoir peur de toi."

Sûre que l'élève à bien compris, Naomi s'éloigne de quelques pas et attrape une petite table à roulette sur laquelle est posé un tourne disque bleu ciel plutôt moderne. Emprunte de paresse, elle refuse d'aller jusqu'à son bureau pour trouver ses vinyles et se contente d'utiliser sa baguette : "Accio Never Boring"

Après deux essais un fracas se fait entendre dans le bureau et la porte de celui-ci daigne s'ouvrir laissant passer un vieux vinyle encore dans sa pochette d'origine. Naomi l'attrape au vol et le place soigneusement sur la platine. Une fois son installation terminée la serre s'emplit d'une musique entraînante . La professeure choisit de baisser un peu le son afin d'en faire un bruit de fond et explique au petit Azaël : "Je suis convaincue que les plantes sont sensibles à la musique. Et ça tombe bien, j'adore ça , alors je leur fais essayer plein d'artistes pour voir ce qu'elles aiment ! Tu veux écouter quelque chose en particulier ?"

Si deux secondes après avoir commencé à vaporiser le produit tu en as déjà assez, les Asphodèles ne te rendent pas la tâche plus aisée. Leurs filaments argentés se déploient davantage, formant des vaguelettes qui attrapent ce dont elles ont besoin dans l'air, mais s'approchant également dangereusement de toi en des caresses chatouilleuses. Un frisson de dégoût te parcourt l'échine. Les plantes, c'est sale, t'as pas envie qu'elles te touchent. On ne sait jamais, elles pourraient être vecteur de maladies totalement inconnues et très dangereuses. Mais alors que tu t'apprêtes à récupérer ton poignet d'un mouvement brusque, la professeure te prévient qu'elles risquent d'avoir peur de toi et de se rétracter si jamais tu coupais un de leur fil.

Tu lui lances un regard qui se situe entre le désespoir et la résignation avant de reprendre ta vaporisation en essayant de passer outre cette étrange sensation à chaque fois qu'un filament se sent obligé de venir s'enrouler autour de ton poignet ou de tes doigts. Tu continues ton travail, consciencieusement, espérant pouvoir en finir au plus vite avec cette tâche des plus ennuyeuses. Dire que tu pourrais être en weekend, et que tu te retrouves à t'occuper de plantes tactiles à la place. Tu vas vraiment devoir apprendre à contrôler ta colère, ça devient très contraignant toute cette histoire. Surtout que t'es persuadé que t'en as pour au moins une heure à appuyer sur cette fichue gâchette avant que le récipient ne soit vide.

Perdu dans tes pensées, le son d'une musique qui t'est inconnue t'en tire. C'est un son entraînant, qui te tire un petit sourire. Tu aimes la musique. Tu détestes le bruit, mais tu aimes la musique. Chez toi, tes parents n'écoutent que de la musique classique, de grands orchestres, des trucs d'adultes. C'est pas ce que tu préfères. Stolas, lui, écoute les Bizarr'Sisters en boucle. Et toi, t'aimes pas du tout, juste parce que lui aime bien. C'est comme ça que ça marche. Toi, t'y connais pas grand chose. Tout ce que tu sais, c'est que t'aimes bien les mélodies au piano. C'est doux, c'est joli, c'est harmonieux. C'est ton instrument préféré. Tu en joues un peu, quand tu as le temps, mais par rapport à ce que Miss Bergsturm a mis, ça manque de rythme. T'as presque envie de bouger tellement tu apprécies le morceau.

- Non, j'aime bien ça, vous pouvez laisser.

Moins tu parles, mieux tu te portes. Comme d'habitude. Mais tu te rends compte qu'elle t'a proposé, probablement pour te faire plaisir, pour que cette retenue soit moins embêtante pour elle, mais aussi pour toi. Tu peux sans doute lui en être reconnaissant, même s'il faudra un peu plus qu'une musique pour te rendre ta bonne humeur. Alors tu essaies de t'intéresser un peu.

- Et y'a des musiques qu'elles aiment pas du tout ? J'suis sûr qu'elles aiment pas les Bizarr'Sisters, c'est nul.

Ou alors, comme les plantes c'est nul, la botanique c'est nul, bah elles aiment la musique de nul.

Non loin de l'élève Naomi commence à veiller sur d'autres plantes, ne perdant pas une seule minute. Elle tire un gros sac de terreau de sous la table centrale et y plonge une pelle tout en écoutant la réponse d'Azaël. *Encore heureux qu'il aime.* Et comme pour confirmer qu'elle m'aime affectionnait cette musique, la professeure balança ses hanches de droite à gauche tandis qu'elle travaillait. Fût un temps où elle avait adoré danser, mais maintenant elle se contentait de quelques mouvements peu éprouvants pour sa jambe.

La jeune femme est agréablement surprise que l'élève finisse par s'intéresser aux plantes. Elle ne pensait pas qu'il puisse s'intéresser à la botanique avec son attitude dévastatrice sur les serres. *Finalement on va peut-être en faire quelque chose.* Elle ne tarda pas à répondre, réfléchissant à là ce qu'elle avait pu observer en une dizaine de jours : "Je n'ai pas encore eu trop le temps d'apprendre à connaitre les plantes de poudlard. Mais je leur ai déjà fait écouter du Bizarr'sisters et les avis sont plutôt mitigés. L'Hortensia morveux par exemple, adore ça. Par contre les petites plantes que tu es en train d'arroser, n'aiment pas du tout. Quand on en met leurs filaments s'enroulent autour d'eux même, ce qui est un signe de mécontentement. Et les jonquilles klaxonnantes qui sont dans la serre n°2 se mettent à faire deux fois plus de boucan. Mais je ne sais pas si c'est une manière d'exprimer leur joie ou une manière de protester…"

Tu notes dans un coin de ta tête les noms des plantes qu'elle te donne. Tu retiens que les Hortensias morveux aiment la musique de nul. Tu décides immédiatement de détester ces plantes au plus haut point. Uniquement parce qu'elles ont les mêmes goûts musicaux que ton frère. Tu te dis qu'il doit beaucoup aimer ces fleurs là, lui. Après tout, ça leur fait un point commun. Un petit sourire en coin prend place sur tes lèvres lorsque Miss Bergsturm t'apprend que les Asphodèles n'aiment pas du tout le groupe sorcier. Si, jusqu'ici, ces plantes t'étaient plutôt antipathiques avec leurs longs filaments répugnants, elles viennent à présent de grimper en flèche dans ton estime pour cette preuve de bon goût totalement irréfutable.

Tu prends donc soin de vaporiser avec un peu plus d'application l'eau mélangée à la poudre sur les filaments qui continuent de s'agiter autour de toi pour te remercier. Finalement, tu te dis que ces plantes ne sont pas si terribles que ça. Peut-être même que tu en viens à les apprécier un peu. Mais elles restent plutôt inintéressantes à tes yeux malgré tout. Elles parlent de plantes qui font du bruit dans la serre deux, et, instinctivement, tu rentres un peu ta tête dans tes épaules. Tu détestes le bruit. Le boucan infernal comme le brouhaha qui reste en bruit de fond. Tout ça t'angoisse au plus haut point, et t'as tendance à être drôlement sur les nerfs dès lors que t'angoisses. Sauf que tu risques de devoir un jour entrer dans cette fameuse serre numéro deux.

- Elles font toujours du bruit les jonquilles klaxonnantes ? Elles s'arrêtent jamais ?

Question faussement innocente. Si elle te répond qu'elles ne s'arrêtent jamais, tu sauras que tu dois absolument éviter tout cours prenant place dans cette serre. Après tout, tu pourras toujours te faire porter pâle et rester à l'infirmerie. Et soudain, tu imagines qu'elle va peut-être t'emmener dans cette serre lors d'une prochaine retenue, et tu sens ton estomac se serrer à cette simple idée. Non, tu ne veux pas y mettre les pieds. Tu trouveras un moyen. Peu importe lequel.

Naomi observa l'élève quelques instants. En constatant qu'il travaillait bien et s'appliquait convenablement elle décida qu'elle pouvait relâcher son attention de lui et se préoccuper de ses autres plantes auxquelles elle devait donner tout autant d'attention. Elle s’avança vers les champifleurs qui aujourd'hui exhalaient une odeur de sous-bois. Ces plantes demandaient des capacités olfactives attentives puisque l'odeur qu'elles dégageaient était indicatrice à la fois de leur humeur mais aussi de leur bonne santé.

La professeure s'appliqua à réfléchir avant de répondre à l'élève. Les souvenirs concernant chacune des plantes présentes dans ses serres ne revenaient pas toujours immédiatement. Elle ne travaillait après-tout que depuis quelques jours. Et déjà je me perds dans les informations, pensa t'elle, sont-ce les jonquilles qui restent inactives la nuit ? Après une minute ses connaissances remontèrent à la surface de son esprit et elle pût formuler une réponse : "Les jonquilles sont en réalité très silencieuses tant qu'on ne les approche pas. Et elles ne font pas non plus de bruit quand leur propriétaire est présent, mais pour l'instant, hélas, je crains qu'elles ne me connaissent que depuis trop peu de temps pour me considérer comme leur maîtresse."

Elle en revint à ses champifleurs auxquels elle allait fournir quelques minéraux. Et trois d'entre eux poussaient en compagnie de mousses qu’elle devait surveiller attentivement, puisqu'elle espérait voir se former à force de vie commune une symbiose entre les deux plantes.