18 (?) Décembre 2044

Pure. Rassurante. Superbe. C’est ma Rose. Cette fleur rouge et majestueuse à laquelle je suis attachée depuis l’âge de 9 ans. Elle représente tant pour moi, l’Amour encore vivant de mes parents, l’espoir que ma famille redevienne une famille et ne se détruise pas et la Magie qui vit en moi, en mon père, en mon frère. Car si elle est encore en vie après toutes ces années c’est bien sûr grâce à la Magie, aucune rose ne peut survivre quatre ans en étant simplement arrosée. Ce qui fait d’elle un être magique, selon moi. On peut penser que j’en fait trop, je le comprendrais, que je suis un peu folle, que ce n’est qu’une rose. Mais elle est beaucoup pour moi et depuis que je l’ai, cette Rose est pour moi, comme un animal de compagnie peut être pour certain. C’est juste une fleur. Mais c’est plus que ça.
Aujourd’hui j’ai froid mais je ne suis pas la seule, ses pétales sont moins vives, elle est un peu penchée vers l’arrière, sa terre est toute sèche. Je crois qu’elle a froid. Papa lui, a toujours sut utilisé des sortilèges pour la raviver ce qui lui permet de rester éternelle. Et quand ce n’était pas Papa, c’est Arthur, mon frère, qui a apprit à le faire aussi. J’aimerais aussi apprendre mais je n’ai pas les compétences pour. Je m’inquiète sans cesse pour elle, j’ai peur qu’elle devienne de moins en moins résistante. Et qu’un beau jour...elle finisse comme les roses normales. Morte, tout simplement.
Ne pouvant rester à rien faire, je décida d’aller dans un endroit du château pour trouver de l’aide. Hésitant d’abord entre la Bibliothèque et les Serres. La première serait bien utile si j’y trouves un livre de Botanique qui indique comment s’occuper d’une plante à la base non-magique mais je perdrais peut-être trop de temps. Je me dirigea donc vers les Serres, ne sachant pas exactement ce que j’y trouverait mais priant pour trouver une solution. J’ai d’abord voulu prendre ma Rose mais j’ai vite compris que l’emmener avec moi en bas, serait beaucoup trop compliqué et potentiellement inutile.
Arrivée dans la Serre numéro 1, la seule dans laquelle j’ai le droit d’aller en tant que 2ème année. Je trouva Miss Bergsturm, ce qui me réjouit car c’était la meilleure personne à qui je pouvais demander conseil. J’espérais seulement qu’elle ai du temps à me consacrer. Je trouves que la Serre numéro 1 est un endroit agréable, les plantes offre une odeur et une atmosphère unique, je ne suis pas vraiment fan de Botanique mais j’adore être dans cet endroit. La professeur de Botanique est une bonne professeur même si elle est un peu sévère, mais elle n’est pas méchante juste très travailleuse. Elle boite beaucoup et marche avec une canne, sûrement à cause d’un problème médical, puisqu’elle semble plutôt jeune. Je lui donnes entre 30 et 40 ans.
Ne sachant pas trop comment commencer la discussion, je décida de l’interpeller poliment mais comprenant que toussoter ne serait pas une bonne idée. Je l’appela, un peu timidement.

- Miss Bergsturm ?..

J’ai toujours peur d’écorché les noms des professeurs ou des élèves qui ont des noms compliqués. Et celui de la professeur de Botanique n’est pas des plus simples. J’hésitais d’abord à directement lui parler de ma Rose mais préféras qu’elle me réponde, pour peut-être mieux trouver mes mots. Et éviter de dire une bêtise...

Ma routine bercée de problèmes ridicules me repose mais me rend mollassonne. Ma guerre contre les limaces est désormais close. Le froid a eu raison d'elles et il n'aura pas raison de mes plantes. Je protège mes chéries par divers procédés magiques, en les paillant et en veillant sur elle. L'amour réchauffe, c'est une réalité !

J'arrose distraitement les plans d'asphodèles et regarde dans mon carnet ce que j'ai de particulier à faire aujourd'hui. Je n'ai pas tant de tâches... Il y a bien sur la routine d'arrosage, mais les plantes carnivores ont mangé hier et la plupart de celles qui demandent un soin particulier en ont déjà reçu plus tôt dans la semaine. Je ne m'ennuie pas, mais je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir faire de mon temps libre... Maintenant que j'ai réussi à m'organiser et que je ne vis plus dans l'urgence il m'arrive d'avoir plusieurs heures de temps libre, et je ne sais pas quoi en faire...

Jouer avec mon boursouflet est une occupation intéressante, mais je crains de vite me lasser. De plus, sa présence me fait inévitablement penser à...à...d'autres choses. J'aimerais leur écrire, à ces autres choses, mais je n'ose pas. J'ai toujours ce vide en moi que rien ne vient combler et que je cache derrière des heures de travail supplémentaire. Comment chasser de mon cœur et de mes pensées ce qui y est ancré depuis tant de temps ? Peut-être devrais-je lui écrire. Oui, qu'y a t'il de mal à cela ?

Soudainement interrompue je sursaute ; "Oui c'est pour quoi ?" je demande précipitamment.

Timidité. Espoir. Embarras. A l’entente de ma voix, elle sursaute. Est-ce que je l’ai dérangé ? J’espère de tout mon cœur que ce n’est pas le cas. Je ne sais pas vraiment par quoi commencer. Expliquer la situation, peut-être serait le plus logique mais je ne sais pas de quelle manière. Sans oublier les formules de politesses, aussi. avances un peu et toussotes, mon état embarrassé devrait être apparent aux yeux de la professeur de Botanique et je m’en maudis.

- Bonjour. J’aurais besoin d’aide pour… soigner une plante.

Mes mots se coupent entre eux tout seul, et ne viennent pas naturellement. Je ne sais pas comment expliquer ce qu’est exactement ma Rose et comment elle est soignée d’habitude. J’hésite à m’arrêter de parler et à attendre une réaction de Miss Bergsturm mais décide de continuer, pour que la conversation ne soit pas trop lente et gênante.

- Hum… voilà, c’est une rose que mes parents m’ont offerts à un de mes anniversaires. Depuis toujours mon Papa et mon frère la soigne et m’aide à s’en occuper avec la Magie, pour qu’elle puisse vivre éternellement. Seulement voilà, ils ne sont plus là pour m’aider et je ne sais pas du tout quoi faire.

Relâchant un soupir, je relève les yeux de mes chaussures pour les poser sur la professeur de Botanique. Est-ce que j’avais trop parler ? J’ai comme l’impression que j’aurais dû abréger sur certains détails… J’espère vraiment qu’elle pourra et surtout voudra bien m’aider, j’ai très peur pour ma Rose et je n’ai pas envie qu’elle meurt pour la seule raison que je ne sais pas m’en occuper comme Papa. Peut-être aussi que ma professeur pourra m’apprendre quelques astuces, mais je ne vais pas trop en demander ce sera déjà très gentil à elle d’accepter de me donner de l’aide.

Ah, la petite requiert mon aide. Ce ne devrait pas être un souci, je suis un peu un médecin des plantes finalement. Et au fond même si je râle souvent, j'aime bien aider. Pas parce qu'après les gens m'en sont redevables, mais tout simplement parce qu'ils en sont reconnaissants. Et je sais que les aider me permet de montrer que la botanique n'est pas si compliquée, qu'elle est accessible à tous ceux qui veulent bien s'y investir un peu.

Oh, une rose éternelle, je vois... Je crains qu'elle ne soit trop jeune pour que je lui apprenne le sortilège qui permettrais de la garder en vie. C'est un sortilège que je n'aime vraiment pas parce qu'il me fait peur. Pour moi forcer une plante à vivre, empêcher une fleur de se faner cela relève de la magie noire. C'est vouloir rendre la jeunesse éternelle que d'empêcher une rose de se faner, mais l'éternité ne peut que rendre fou et je ne veux pas prendre le risque d'assumer la conséquence d'un tel sort.

Néanmoins si il ne s'agit pas d'un rosier banal et que c'est une plante magique je peux peut-être faire quelque chose. Les roses phénix par exemple sont connues pour leur faculté à repousser très rapidement après avoir fané. Elles tiennent d'ailleurs leur nom de cet atout qui fait leur succès. Il faudrait avant tout que je vois à quoi ressemble la plante et peut-être que je pourrais gruger en la faisant mourir puis repousser plutôt qu'en prolongeant sa durée de vie.

"Où est-elle cette rose ? Je crains de ne pouvoir l'aider sans l'avoir."

désolée pour le retard !

Confiante. Soucieuse. Inquiète. Miss Bergsturm me demande où est ma Rose. Forcément. Elle en a besoin pour la guérir. J’aurais du la prendre avec moi mais en même temps c’est dangereux et puis il peut arriver n’importe quoi. Je ne suis pas forcément très maladroite mais il a beaucoup de gens dans le château et un rien pourrait me déstabiliser. C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne voulais pas la prendre avec moi, maintenant je regrettes un peu, du coup.
Je suis contente que Miss Bergsturm accepte de m’aider ou du moins d’essayer de voir ce qu’elle peut faire. J’ai bien conscience que ce que je demandes n’est peut-être pas habituel mais je suis sûre que la professeure de Botanique pourra m’aider. Ou du moins je l’espère très fort.
En attendant, je ne sais pas quoi faire. Suis-je sensée aller chercher ma Rose dans mon dortoir et faire patienter Miss Bergsturm ici ? Ou peut-être dois-je l’emmener voir ma belle plante ? Même si je ne suis sûre que ce soit la meilleure des solutions.
Je toussotes avant de répondre. Pour masquer la honte de ma stupidité. Ou peut-être parce que ma satané timidité me rends embarrassée lorsque je parle à quelqu’un que je ne connais. Un professeur qui plus est.

- Eh bien... Elle est dans mon dortoir, je pensais que ce serait une mauvaise idée de la prendre.

Est-ce que la lenteur de la conversation et mon manque de sociabilité gêne Miss Bergsturm ? Je détesterais penser que je l’ennuies, surtout que je lui ais demandé un service et quelle a gentiment accepté de répondre.

- Voulez-vous que j’aille la chercher ?

J’essaye au mieux de m’investir dans ce que je fais et dans ce que je lui ai demandé mais je ne sais vraiment pas quoi faire et je n’ai pas envie de décevoir Miss Bergsturm ou la décourager à m’aider.

Je ne comprends pas qu'elle ne m'ai pas apporté sa plante. Je ne peux pas m'occuper d'elle par télépathie... Et même si elle ne veut que des conseils je ne peux pas diagnostiquer un malade que je ne vois pas.

Le problème est plutôt clair, et dans la manière dont elle me l'a expliqué-je comprend qu'elle n'ai pas ressenti le besoin de me l’amener. En soi elle aimerait juste un sort pour permettre à la fleur de continuer à vivre, mais je n'aime pas du tout ce genre de sortilèges. Je crois qu'avant tout de chose il faut que je lui explique que je ne peux rien faire pour elle ; "Ce n'est pas la peine, pas tout de suite. Je ne peux pas la forcer à ne pas se faner, ce n'est pas dans ma façon de faire les choses. Vous savez, les plantes suivent un cycle de vie, et renaissent toujours. Je n'aime pas perturber ce cycle, cela va à l'encontre de ma morale." je lui explique calmement.

Je sais que pour l'élève il ne s'agit pas de grand-chose, et que mon refus peut-être surprenant. Un simple sort, je dois paraître bien pénible de le lui refuser. Mais c'est comme ça, je ne peux rien faire de plus. En revanche je peux m'assurer que la plante renaisse l'an prochain ; "Il me faudra quand même votre plante pour vérifier qu'elle est en bonne santé. Si vous souhaitez toujours la garder bien sûr."

désolée pour le retard

Comprendre. Accepter. Remercier. Miss Bergsturm m’explique qu’elle ne peut pas forcer ma Rose à ne pas faner mais qu’elle renaîtra. Bien sûr, mais moi j’ai surtout peur qu’elle ne renaisse pas. Qu’elle soit vraiment vraiment trop en mauvais état. Qu’elle soit morte ou presque.
Je comprends que Miss Bergsturm ne veule pas empêcher ma Rose de ne pas faner, ce serait sûrement contre le procédé habituel de la Botanique. Je ne connaît quasiment rien en Botanique donc je ne peut pas avancer grande chose sur l’état de ma Rose. Mais ce dont je suis sûre c’est qu’elle n’a pas l’air d’aller bien mais peut-être est-ce un état normal juste avant qu’elle fane ?
Dans tous les cas, je ne peux pas écarter cette possibilités de mes pensées et après tout, je suis ici pour ça, alors autant en parler avec la Professeur de Botanique. Elle rajoute ensuite qu’elle pourras vérifier l’état de ma Rose. Au moins, je pourrais savoir si elle va ou non mourir.
Mais je ne veux pas que ce soit le cas, je suis beaucoup trop attachée à elle, à ce qu’elle représente. Les mots sortent, malgré moi, d’une voix un peu naïve, un peu mal à l’aise, un peu mélancolique.

- Et si elle meurt ? Est-ce que vous pourrez...

Faire quelque chose ? Je laisses ma phrase en suspens, ne pouvant en dire plus et en espérant qu’elle comprendras. Je me doutes déjà de la réponse et je regrettes un peu d’avoir dit ça, si elle ne voulait pas l’empêcher de faner, elle ne voudras encore moins l’empêcher de mourir. Je me rattrapes aussitôt.

- Non, rien. Ce n’est pas grave.

Et j’essaie de m'en convaincre.

Maintenir quelque chose en vie n'est pas forcément plus terrible que de le ramener à la vie. Il faut savoir se battre tant qu'il en est encore temps, et abandonner quand il n'y a plus rien à faire. Ressusciter se rapproche trop grandement de la magie noire pour que je le fasse. D'ailleurs je ne l'ai jamais fait ni jamais vu faire, et je ne compte pas commencer aujourd'hui.

"Si elle meurt tout ce que je pourrais en faire c'est du fumier."

Finir dans le compost c'est comme une seconde vie. De toute manière le cycle c'est ça, une longue suite de transformations. Une plante qui meurt servira à en nourrir une autre et ne mourra donc jamais vraiment. C'est un peu différent pour nous autres humains dont la conscience est irremplaçable. Une fois morts, on est plus, et ça ça peut en effrayer certains. Moi-même je n'ai pas forcément envie de servir de compost après mon décès. J'hésite à lui expliquer donc que ce n'est pas une mort en soi mais j'abandonne l'idée aussitôt, elle ne comprendrait pas.

"Mais reviens donc avec ta plante, demain, et nous verrons." je lui réexplique.
Sans le malade, je ne peux rien soigner. Je ne suis pas botaniste par télépathie, d'autant que les plantes sont des patients peu bavards. Les élèves sont gentils mais parfois ils ne se rendent pas compte que nous sommes aussi humains qu'eux, et n'avons guère plus de pouvoirs.

Incertitude. Attente. Confusion. Aux mots de la professeur de Botanique, mon corps se met à trembler furtivement. Mais rapidement. Peut-être que ma plante va mourir. Comme ce qu’elle représente, finalement. L’Amour de mes parents. Mort lui aussi.
Je n’ai pas envie de penser qu’elle peut mourir. Alors je m’accroche au fait qu’elle peut et non qu’elle va. Miss Bergsturm me dit de revenir demain. Avec ma Rose, cette fois. Peut-être que cela veut dire que l’espoir n’est pas perdu. Nous verrons, dit-elle.
En attendant, il faut que je retournes dans mon dortoir et que je patientes. Jusqu’à demain. Si mes jambes arrivent à me porter. Mais il faut la remercier avant tout pour le temps qu’elle m’a offert. Et pour l’aide qu’elle m’a porté même si mes demandes ne sont pas réalisables, d’après ce que j’ai compris.

- Merci beaucoup de m’accorder ce temps, professeur. Je reviendrais demain,si cela vous convient.

Je souris en m’inclinant légèrement. Et commença à faire demi-tour en espérant n’avoir rien oublié. En partant, j’essaye de faire le point sur la différence entre le moment où je suis entré dans la serre et maintenant, pendant que j’en sors. J’ai compris, je le crois, que mes demandes était trop ambitieuses. Je sais maintenant que si ma Rose doit mourir elle mourras. Mais peut-être qu’elle fanera simplement et dans ce cas elle renaîtra. Je préfères la deuxième option naturellement, mais comme l’a si bien la professeur de Botanique, nous verrons. Nous verrons.