Donner cours est l'une des choses les plus fatigantes de mon métier. Maintenir toutes ces petites têtes attentives et silencieuses est plus compliqué que d'affronter une horde de tentacula vénéneuses. Les deuxièmes années ne sont pas les plus bavards heureusement. Ils sont à l'âge où la plupart sont encore mignons.

Le cours passe assez rapidement. Je n'avais pas prévu de travaux pratiques, simplement une démonstration pour illustrer mes propos. Je sais qu'ils n'aiment pas trop la théorie mais ça les tiens calme et c'est une étape indispensable de l’apprentissage. Avant de les laisser partir je remplace le devoir qu'ils avaient à faire par un nouveau. Je me permets de leur donner du travail toutes les semaines, ce qu'ils n'apprécient pas. Seulement sans ça nous n'avancerions pas puisque nous ne nous voyons qu'une fois par semaine. Je ne comprends pas que ma matière n'ai pas l'honneur d'avoir plus d'heure. La botanique est essentielle dans la vie !

J'attends que les élèves me rendent leurs devoirs quand soudain l'un d'entre eux m'annonce que l'encre a disparu de son devoir. Ah la bonne excuse ! Je le vois venir... Quoique, à bien y réfléchir celui-là est irréprochable. Un peu rêveur mais très intéressé par les cours et plutôt renseigné. J'hésite quant au ton à prendre. Même en le connaissant si bien j'ai peur qu'il me mente ; "Et qui aurait bien pu faire ça ?"

Mes sourcils se sont froncés d'eux-mêmes. Je suis non seulement curieuse mais aussi sceptique et cela s'entend à ma voix.

désolée pour le retard

aucun problème

Il n'a bien sûr aucune idée de la personne à l'origine de cette disparition. Et il jure. Ah je n'aime pas qu'on en dise trop. Plus vous proférez d'excuses et plus vous êtes potentiellement coupable. C'est ce que j'ai fini par conclure à force de voir des élèves m'inventer des excuses toujours plus longues et détaillées dans l'espoir de me faire gober des âneries.

Mais dans ce cas, j'ai peut-être une solution très simple pour vérifier les dires du jeune homme. J'ai déjà pratiqué souvent ce genre de sortilège, surtout depuis que je suis ici. Avec ces petits diablotins on est jamais sûr que l'objet qu'on s’apprête à toucher n'est pas une farce. J'en ai déjà largement fait les frais, ce jour où... Ah j'aime mieux ne pas y penser. Ma honte est encore trop grande et je ne saurais supporter de me remémorer ce triste souvenir. Tout ce dont je veux bien me souvenir c'est de mon chevalier blanc, celle qui m'avait alors sauvé et avait été la plus délicate qui soit.

"Donne-moi ton devoir s'il te plait. Même transparent, ce ne sera pas un problème."

S’il me dit qu'il ne l'a pas, c'est un idiot ou un menteur. Quand on est la victime de ce genre de blague on en parle à la professeure avant le cours et on lui donne l'objet pour qu'elle l'analyse. Il est très mignon mais j'ai vraiment beaucoup de mal à le croire pour cette fois.

Je prends la feuille et du bout de ma baguette lui lance le sort permettant de révéler l'encre invisible. Il y a de grandes chances qu'un élève ait tout simplement remplacé l'encre du jeune homme par une encre invisible. Il disait n'avoir aucun ennemi, mais on a pas besoin de détester quelqu'un pour lui faire une blague.

Malheureusement pour lui, rien n'apparut sur la feuille. Je lui jette un regard courroucé. Si il a menti je n'hésiterais pas à me montrer sévère. Mais pas de preuves signifie innocence présumée. Cette affaire m'intrigue de plus en plus. Il n'y a aucune raison qu'il ne me rende pas son devoir et en plus me mente.

Une rapide inspection de l'encrier et de la plume me confirme que ces objets non plus n'ont pas subit un quelconque enchantement : "Vos outils vont très bien. Et cette copie est bel et bien une copie vierge."

Je ne sais plus quoi faire pour lui éviter la punition. Quoi qu'il arrive il sera pénalisé puisque même en le laissant repartir sans rien je lui demanderais de refaire le devoir pour notre prochain cours et cela lui infligera un travail supplémentaire. Soudain une idée me vient. Je ne serais pas étonnée qu'un élève flemmard et suffisamment idiot ai volé son devoir et simplement changé le nom de l'auteur. "Aidez-moi à regarder dans les copies que j'ai reçues si l'une d'entre elles a votre écriture."

Il ne me mentira pas, s’il le fait la punition sera pire. Je pourrais très facilement vérifier l'écriture en lui demandant l'un de ses cahiers, et la manière dont est écrite l'en-tête du parchemin sera un bon indicateur aussi.

Malheureusement mon idée se trouve vaine puisque l'élève ne trouva pas une seule copie correspondante à la sienne. Je commençais à croire qu'il ne pouvait pas mentir, sans quoi il aurait sauté sur l'occasion pour pointer du doigt n'importe laquelle de ses copies. Cependant ce genre d'enquête ne relevait plus vraiment de ma fonction et si je ne trouvais pas rapidement une solution je me verrais obligée de le laisser partir avec comme devoir de refaire le travail.

Qu'il m'annonce ensuite que ses notes de sortilèges s’effaçaient était tout aussi étonnant. Je pris les notes en question et fixait le parchemin. Mon regard fit des aller-retour de l'élève à la feuille pendant quelques instants avant que je ne voie un mot s'effacer sous mes yeux. Impossible donc qu'il mente, c'était sur désormais. "Tiens, c'est vrai que le texte semble s'effacer..."


Si j'ai bien appris les fondamentales de la magie, je peux affirmer que rien ne disparaît réellement. Les choses se déplacent, ou deviennent invisible, mais jamais ne s'éteignent définitivement par la magie. Ainsi si je n'ai pas trouvé la supercherie, c'est que le contre sort ne dois pas être connu ou que je n'ai pas réussi mes précédentes incantations. Je ne savais pas trop quoi lui dire. Finalement lui allait être bien plus embêté que moi. Perdre son travail, c'était cauchemardesque. "Eh bien, vous avez raison, vos devoirs se sont bien effacés. J'ai un peu de temps devant moi si vous souhaitez que j'essaye de trouver un contre sort. Vous êtes bien sûr de n'avoir remarqué aucune différence en écrivant, dans la texture du parchemin, la couleur de l'encre ou encore la tenue de votre plume ? Connaitre l'objet d'où vient le problème m'aiderait beaucoup..."

Finalement la réponse au problème vint d'elle-même, le garçon pensait avoir repéré quelque chose d'étrange au niveau de son encre. Ce ne pouvait pas être un hasard. Je sais qu'on remarque facilement ce genre de petit changement, le moindre dysfonctionnement de notre matériel de travail ou même la moindre différence ne passe pas facilement inaperçu. Je suis presque certaine désormais que l'encre est le problème. Pour ce qui est du contresort, j'ai bien quelques idées, mais je ne suis pas sûre que son travail brûle dans la manœuvre.

Je le rassure rapidement : "Bien sûr que j'ai déjà vu ça. C'est un classique des farces et attrapes et même si ce genre d'objet est censé être interdit nous avons malheureusement affaire à eux à de nombreuses reprises."

Jeune je trouvais peut-être ce genre d'outils amusants, mais avec du recul ils n'étaient bons qu'à embêter les autres et se faire embêter soi-même. En revanche je suis toujours émerveillée par l'infinie créativité sorcière. Quand il s'agit de blaguer, la magie est une source intarissable de solutions. Maintenant quand il s'agit de réparer les blagues, il y a étrangement moins de possibilités. Aucun magasin n'a encore eu l'idée de se spécialiser dans les anti-farces et attrapes. Dommage, ça aurait pu être un commerce fluctuant auprès des professeurs...

Pour aider l'élève je ne voyais donc pas d'autre solution que de lui retirer l'objet ; "Je vais devoir garder cette encre pour l'étudier un peu si ça ne te dérange pas. En attendant garde précieusement tous tes devoirs... Ah et tu vas peut-être avoir besoin d'un autre encrier en attendant ?"