Cela faisait désormais plus d’un an qu’Eileen n’était pas retournée chez elle, à Cork, auprès de sa mère et de ses frères ; et la brune commençait à se faire à la triste réalité qu’elle ne pourrait pas rentrer chez elle avant un bon bout de temps. Du mois, pas tant que le « gouvernement » actuel est toujours au pouvoir, enfin, si elle pouvait appeler ça un gouvernement… Un groupe de personne ayant pris le pouvoir par la force en commettant des actes d’une violence inouïe, ce n’était pas l’idée que se faisait Eileen d’un gouvernement.

Car oui, ils avaient commis des actes d’une telle violence que la brune ne pouvait s’empêcher d’avoir la nausée rien qu’en y pensait ; elle pouvait citer l’attaque du siège du Premier ministre moldu, les attaques contre les commissariats moldus. Et ça, ce n’était que quelqu’une des attaques du Conseil des Sorciers relatés dans les journaux, Eileen était certaines que beaucoup d’autres étaient non reportés. Et pour toutes leurs actions, Eileen les méprisait au plus haut point. Cependant, son mépris prit une toute autre allure le jour où l’Irlandaise apprit pourquoi son père avait, à nouveau quitté la maison familiale pour s’installer en Angleterre et plus précisément à Godric’s Hollow, le jour où elle apprit que son père travaillait désormais pour le Conseil des Sorciers. Le mépris de la jeune fille se vit alors être entaché de honte, d’une forte colère, mais surtout de culpabilité. Une colère et une culpabilité toutes deux enfouies au plus profond d’Eileen, bouillonnantes comme le magma qui cherchait la moindre faille de la croûte terrestre qui lui permettrait de s’échapper de sa chambre et d’exploser. Alors, l’Irlandaise avait endossé la mission de colmater ses brèches, de garder ses émotions là où elles étaient, et pour cela, elle essayait de rester occupée le plus possible.

Cela expliquait donc pourquoi la jeune fille se dirigeait, en ce début d’après-midi, vers les serres de botanique avec un carnet, son livre de botanique, sa plume et son encrier dans son sac. Elle avait l’intention d’y passer une bonne partie de la fin de sa journée pour faire le tour des plantes résidant dans la serre afin de se créer des petites fiches et pourquoi pas les agrémenter de dessins. La jeune Irlandaise n’était pas des plus brillantes en botanique, et possédait quelques lacunes qu’elle aimerait bien effacer en vue des examens de fin d’année. Des lacunes en botanique… Un comble pour une Poufsouffle, non ? Eh bien, peut-être, mais depuis son altercation avec un Pissenlit Diabolique lors de sa première année, elle rechignait un peu cette matière, plus concentrée lors des cours à faire attention à ce qu'il ne lui arrive rien que sur les cours de la professeure.

Mais la voilà maintenant, devant un plan d’Aconit, son livre ouvert sur la page correspondante, à prendre des notes sur la plante qu’elle avait en face d’elle. Mais sa tranquillité et sa concentration furent perturbées lorsque l’Irlandaise entendit la porte de la serre s’ouvrir, puis se fermer. Si bien, qu’elle en sursauta et que sa tête se tourna immédiatement vers la source du bruit, tentant de chercher le coupable de sa déconcentration. Mais rien, alors elle se replongea dans son travail, bien qu’elle mit sa baguette à portée de main devant elle, au cas où, on ne savait jamais par ces temps-ci. Quelques temps après le premier bruit, Eileen entendit des bruits de pas qui semblait se rapprocher d’elle avant d’apercevoir dans son champ périphérique que quelqu’un se rapprochait d’elle. Cette fois-ci, elle ne fut pas surprise lorsque la personne, un garçon, s’adressa à elle.

D’abord, elle tourna sa tête vers le garçon, curieuse de savoir ce qu’il lui voulait, mais, lorsqu’il lui demanda si c’était bien elle Eileen.

« Salut. Oui, c’est bien moi, » répondit Eileen, perplexe.

Maintenant intriguée et dubitative, la brune, après avoir posé sa plume et son carnet, pivota pour faire entièrement face au garçon qui était également à Poufsouffle si elle en croyait ces dires. Et, maintenant qu’il le mentionnait, c’est vrai que son visage lui disait quelque chose ; elle avait sûrement déjà dû le croiser en salle commune.

« Eh non, pourquoi ? » Demanda la jeune fille dont les sourcils étaient, désormais, légèrement froncés.

Eileen attendait, toujours avec patience, bien que curieuse de savoir pourquoi le garçon, Ethan, était venu lui parler. Cela devait sûrement avoir un rapport avec les plantes, elle ne voyait pas d’autres raisons pour que quelqu’un qu’elle ne connaissait pas l’aborde ainsi. Après tout, les deux Poufsouffle étaient bien dans l’une des serres de botanique de Poudlard, non ? Elle ne fut donc pas surprise lorsqu’Ethan commença à lui parler du plant d’aconit qui se trouvait sur la table en bois devant elle, plant vers lequel elle abaissa d’ailleurs son regard gris bleuté.

Cependant, elle ne put cacher sa surprise aux paroles qui quittèrent ensuite la bouche d’Ethan. Sa tête immédiatement redirigée vers le garçon, les traits de son visage qu’elle venait à peine de détendre, se crispèrent à nouveau. Leur début de conversation qui semblait plutôt innocent, changea du tout au tout lorsqu’il aborda le sujet de leurs familles respectives. La question qu’il posa à Eileen était tout à fait innocente en soi, mais la déviation fut bien trop abrupte et sur un sujet bien assez personnel pour que la jeune fille ne puisse s’empêcher de croire qu’il n’y avait pas quelque chose qui se cachait sous tout ça. Que lui voulait-il vraiment ?

Eileen était de plus en plus curieuse, et bien qu’elle gardait une façade neutre, hormis sa surprise qu’elle avait montrée quelques secondes auparavant, elle répondit tout de même à Ethan, sans rentrer dans les détails ; déjà qu’elle avait du mal à parler de sa famille avec ses amis proches, alors n’était pas prêt de raconter sa vie à quelqu’un qu’elle ne connaissait que de vue et en qui elle ne savait pas si elle pouvait avoir confiance.

« Elle me manque, oui, » acquiesça l’Irlandaise, en essayant de bloquer toutes les émotions qui se cramponnait à sa gorge dans l’espoir de pouvoir se montrer au grand jour.

Et l’Irlandaise en resta à ça ; elle était bien trop occupée à étouffée sa tristesse et le manque qu’elle ressentait pour sa famille. Et puis, elle n’aurait, de toute façon, pas eu le temps de rajouter autre chose car Ethan avait déjà repris la parole. Et la question que posa ce dernier eu le don de concentrer l’Irlandaise sur autre chose que le manque de sa famille. C’était une très bonne question.

« C’est dommage oui, je pense que le partage entre les connaissances moldues et sorcières pourrait changer pleins de choses dans notre monde. J’aimerais beaucoup que la situation s’arrange entre nous et les moldus, parce qu’après tout, on est tous humain, » répondit Eileen alors que ses doigts jouaient avec les pages de son carnet.

Eileen acquiesce à la confirmation de ses propos par le Deuxième Année ; elle était contente de tomber sur quelqu’un qui partageait son point de vue. Non pas que c’était rare, mais avec les événements du bal d’Halloween, la brune avait un peu peur qu’un courant anti-moldu ne s’empare du château. Cependant, quelque chose turlupinait l’Irlandaise ; plus la conversation progressait, plus elle avait l’impression que cette rencontre, entre elle et Ethan, n’était -ce qui confirmait d’ailleurs les suspicions de la jeune fille- pas du hasard. Mais elle écouta avec attention et intérêt ce que lui exposait son cadet d’un an.

Au cours de la tirade d’Ethan, la brune vit se dessiner un petit sourire sur ses lèvres ; elle avait compris. Cet hypothétique groupe d’étudiants dont lui parlait le garçon ne l’était sûrement pas tant que ça, et cela rendait logiques plusieurs choses ; pourquoi il l’avait ainsi abordée, pourquoi sa question sur les moldus ne semblait pas anodine et qu’elle semblait, plus qu’autre chose, vouloir dégager l’avis de la jeune fille sur ces derniers. Mais alors, plusieurs questions se bousculèrent dans sa tête ; pourquoi elle ? Pourquoi c’était elle vers qui Ethan était allé ? Comment l’avait-il « choisi » pour intégrer ce groupe alors que les deux Poufsouffle se connaissaient à peine. Elle n’en savait rien, mais si elle devait savoir une chose, c’était que si le Poufsouffle était venu la voir c’était qu’il avait une bonne raison. Elle se doutait qu’il n’allait pas parler de ce groupe dit secret au premier venu.

Mais était-elle prête à rejoindre ce groupe, si c’est bien ce qu’Ethan voulait de la brune ? Était-elle prête à se lancer dans ce combat, dans cette lutte contre ceux qui était opposé à l’égalité entre sorciers et moldus, contre ceux qui étaient anti-moldus ? Était-ce vraiment le combat qu’elle voulait mener ? Car ce que voulait vraiment Eileen, c’était la chute du Conseil des Sorciers ; elle voulait qu’ils arrêtent de semer le mal, la tristesse, la douleur à travers chacune de leurs actions. Mais que pouvait-elle faire à quatorze ans ? Rien, elle était bien trop jeune, du moins c’est ce que diront les adultes.

En y réfléchissant bien, le combat que lui exposait Ethan rejoignait en quelque sorte le sien, et il valait tout autant qu’on se batte pour lui.

« Je dirais pas cool parce que c’est quand même triste qu’on en arrive là, je trouve. Mais oui, je suis d’accord. Enfin, je suppose que tu m’dis pas ça juste comme ça, il existe ce fameux groupe dont tu parles, je me trompe ? » Demanda finalement et sans détour la brune en plantant son regard gris dans celui d’Ethan.

Eh bien, il semblerait que la Troisième Année avait vu juste, ce groupe existait bien. N’allez cependant pas croire qu’Eileen avait posé sa question en bluff total, non, loin de là. Lorsqu’elle avait lâché presque rhétoriquement son interrogation, elle était presque sûre d’elle, mais il lui restait tout de même un petit doute quant à la réalité de ce rassemblement d’élèves. Au moins, maintenant, elle était sûre qu’il existait ; Ethan venait de le confirmer.

Il ne restait à la brune plus qu’à savoir si elle se sentait légitime de les rejoindre. Car bien qu’elle pouvait trouver un point commun entre ce qu’Eileen voulait et ce que le groupe voulait, ils divergeaient tout de même sur d’autres. L’Irlandaise avait peur, finalement, de ne pas se retrouver dans ce qu’elle souhaitait une fois qu’elle aurait rejoint les rangs de ce rassemblement.

Alors, après avoir écouté Ethan, elle se retourna, de manière à ce qu’elle soit désormais adossée contre l’arête de la table sur laquelle était posé le plan d’aconit. Les bras croisés sur sa poitrine, la brune prit quelques instants pour réfléchir. En se démenant pour faire face à la haine qui sévissait à Poudlard à l’encontre des moldus et né-moldus, ils pourraient peut-être faire comprendre aux élèves responsables qu’ils se trompaient dans leur vision, cela leur offrirait une minuscule victoire. Minuscule, certes, mais c’était déjà ça. Que pouvait-elle faire d’autre à son âge de toute façon ? Rien ? Rester les bras croisés et attendre que ça se passe ? C’était hors de question.

« Et vous pensez que vos actions peuvent avoir un impact dans le monde extérieur ? Que ce que vous faites sert vraiment à quelque chose ? »

Le « monde extérieur » était désormais le surnom qu’elle avait pour le monde en dehors de Poudlard ; cela faisait si longtemps qu’elle n’était pas sortie du château qu’elle était certaine que le monde lui serait complètement étranger lorsqu’elle pourrait enfin partir.

« Si c’est le cas, vous pouvez compter sur moi pour prendre part à ce combat, » conclut Eileen.

Quelqu’un aurait pu rentrer dans la serre qu’Eileen ne s’en serait pas rendu compte tellement elle était plongée dans sa conversation avec le garçon en face d’elle. Car les réponses qu’allaient lui donner Ethan détermineraient une partie de son avenir, à savoir si elle allait rejoindre ce petit groupe d’élèves secret. Enfin, petit… Elle ne savait pas trop, mais, peu importait, tout ça n’était qu’un détail qui n’était, pour l’instant, que très peu important.

La brune resta muette lorsque le Deuxième Année répondit à sa première question ; et il n’avait pas tort. Alors, elle hocha la tête pour répondre positivement à son interrogation. L’envie de l’Irlandaise de rendre le monde « meilleur », du moins, moins pire que l’état dans lequel il était maintenant ; son envie de faire en sorte que le Conseil des Sorciers cesse de rendre misérable la vie de beaucoup de gens était peut-être et sûrement irréalisable à son jeune âge. Et réaliser ça, faisait beaucoup de mal à la jeune fille. Mais par-delà tout ça, Eileen se rendit compte qu’il fallait qu’elle se concentre sur ce qu’elle pouvait faire à son échelle, et ce qu’Ethan lui proposait.

« D’accord, » répondit simplement et dans un premier temps la brune.

Maintenant qu’elle était en phase avec la réalité, Eileen savait qu’elle devait saisir la moindre opportunité qui se présentait à elle pour aider, pour lutter, pour protéger ses camarades.

« Du coup, comme je te l’ai dit, tu peux compter sur moi pour être l’une d’entre vous, » conclut Eileen, les bras croisés contre sa poitrine ; sa posture entière traduisait sa détermination.

L’Irlandaise n’eut pas longtemps à attendre avant d’avoir une réaction d’Ethan ; il allait la contacter dans les prochains jours afin de lui donner une réponse quant à son entrée ou non dans le groupe. Et c’est ce qu’il se passa trois jours plus tard lorsque le garçon vint la trouver alors qu’elle était seule dans la salle d’étude de sa salle commune. Elle était désormais une membre à part entière du Merlin.